jeudi 14 septembre 2006

de l’inconvénient des lésions cérébrales permanentes engendrées par l’abus de caca

L’acteur Keanu Reeves dans le film américain de Richard Linklater, "A Scanner Darkly"

Comme flo semblait m’y inviter, j’ai fait mes poubelles au lieu de tripatouiller fébrilement les siennes, pour constater avec une satisfaction mêlée d’une amertume prometteuse que si j’avais bien gagné deux centimètres sous plafond en l’espace-temps de quelques mois, qu’à la laborieuse et pénible dissertation ruminescente voire auto-fascinatoire® de mes débuts s’étaient substitués à force de taper sur le même clou une relative fluidité de style et d’inspiration, comme il arrive par le simple jeu des causes et des effets qu’à force de faire ses gammes sur quelque clavier quotidien que ce soit on finisse par les savoir jouer correctement, mais ça ne change rien au problème de base, malgré l’évident soulagement humoral et ses retombées intrafamiliales positives.
Flo, c’est pas la peine de m’indiquer que c’est pas du tout ça que t’as voulu dire et que je ferais bien mieux de retourner à mes pratiques, je leu sais-heu.
D’un autre côté, ce qui semble préserver mes articles de la péremption bi-annuelle, c’est
le fait qu’il n’y est fait état d’aucune pratique, dont les éventuels
progrès y sont logiquement passés sous silence. C’est un inconvénient auquel
j’envisage de remédier, car moi aussi j’aspire aux bienfaits du yaourt, surtout si ce qu’il fait à l’intérieur se voit à l’extérieur. Et j’ai bien conscience des dangers qu’il y a à se regazéifier avec son propre gaz, qui s’étendent au-delà des dangers de la dyspepsie, qui n’est pas une allergie à une boisson impérialiste yankee à bulles. Un jour, pfiouttt !!! comme m’en avertit un jeune lecteur thonophile qui m’affuble du pertinent sobriquet de "John Larsen".
Heureusement que les lecteurs s’y entendent pour me mettre le nez dans mon caca et me pointer mes contradictions.
Je cours donc acheter un patch anti-chiasse à l’officine du coin, et vous laisse méditer sur l’opportunité d’aller s’enfermer dans une salle obscure y subir des tourments mérités sur les conséquences des ravages de la drogue, la synchronicité chère à Jung voulant que je travaille actuellement sur un scénario de film de prévention à l’usage des djeunz’s dont certains auraient tendance à mélanger alcool et cannabis avant de prendre le volant, ce qui semble accréditer l’idée que non content d’écrire des conneries il m’arrive aussi d’en filmer.

"C’est un film de science-fiction dans lequel les machines les plus perfectionnées sont des voitures d’occasion, dont le décor futuriste est fait de pavillons de banlieue, version californienne. De fait, l’invention technologique la plus impressionnante que propose A Scanner Darkly n’est pas à l’écran. Ce sont les machines qui ont fabriqué les images de ce film étrange, adapté du roman de Philip K. Dick, Substance mort (Gallimard, "Folio SF").
L’écrivain américain, mort en 1982 à l’âge de 53 ans, a passé sa vie à explorer les frontières de la réalité en s’aidant de tous les moyens de locomotion possible : la religion, les psychotropes et une faculté d’invention si vigoureuse qu’elle était comme une malédiction. Ecrit à la fin de sa carrière, Substance mort n’est pas un récit de voyage, plutôt un mémorial consacré aux compagnons de route que les stupéfiants ont tués ou mutilés (le générique de fin du film reprend cette dédicace), la plainte d’un homme épuisé. Dick, qui n’avait jamais utilisé les outils de l’anticipation (le voyage spatial, le conflit entre humains et non-humains) que pour donner forme à ses terreurs et à ses illuminations, s’est alors dépouillé de cet arsenal pour proposer une vision presque conforme à la réalité contemporaine (le livre date de 1977).
On y suit les tribulations d’un agent chargé de lutter contre le trafic de stupéfiants. En ces années-là, la drogue d’élection est nommée Substance D (pour Death, mort). Seule trouvaille scientifique et fictive : pour infiltrer le milieu des toxicomanes, les agents sont dotés d’un costume qui brouille leur identité, changeant sans cesse leurs traits et leur mise, à l’insu de ceux qui rentrent en contact avec eux, qui ne gardent que le souvenir d’une silhouette anonyme.
Cette idée du scramble suit convenait parfaitement à la moderne version du rotoscope, que le cinéaste texan Richard Linklater avait déjà utilisé dans un précédent long métrage, Waking Life, toujours inédit en France. Le rotoscope classique permettait de redessiner une image à partir de prises de vues réelles. C’est cette technique qui a été utilisée par Ralph Bakshi pour son adaptation inachevée du Seigneur des anneaux.
A cet effet purement optique, Linklater et ses collaborateurs ont ajouté un traitement numérique de l’image qui conserve très fidèlement la physionomie et le jeu des comédiens tout en donnant à l’image une consistance incertaine qui l’éloigne de la réalité physique des choses sans l’en couper tout à fait. Au début de certains plans, le cinéaste semble revenu aux prises de vues réelles, et puis les objets prennent des contours à la fois nettement dessinés et mouvants, les couleurs perdent de leur stabilité, suscitant une sensation de désorientation à la fois plaisante et inquiétante.
De ce que l’on a compris de Waking Life, Linklater a d’abord utilisé cette technique à des fins euphorisantes. Cette fois, il en fait l’instrument d’un requiem qui n’aurait pour fonction que d’enregistrer la souffrance et la mort, sans offrir de consolation. Le héros, Bob Arctor (pour ses amis toxicomanes) ou Fred (pour ses supérieurs de la police) vit dans un no man’s land où les nécessités du service ont fait de lui un toxicomane. Il a les traits de Keanu Reeves.
On appréciera l’ironie de retrouver le comédien dans un rôle qui exige de lui de remettre perpétuellement en cause son identité. Mais le sort de Bob Arctor n’a rien à voir avec celui du Neo de la trilogie Matrix. Plus question d’assumer son destin messianique, seulement de se rendre à l’évidence : quelle que soit son identité, dissident drogué ou gardien de l’ordre, celle-ci l’a dépouillé de son humanité.
Autour de lui s’agitent des créatures étranges : un bouffon brillant atteint de logorrhée (Robert Downey Jr., dont le talent sans cesse croissant brille à travers le filtre de l’animation), un benêt qui a déjà fait don de plus de la moitié de ses neurones aux trafiquants de drogue (Woody Harrelson), une femme belle et mystérieuse (Winona Ryder) qui semble être la seule à vouloir un peu de bien à Fred/Bob.
A Scanner Darkly est traversé d’éclairs de drôlerie (dus presque exclusivement à Robert Downey Jr.), tendu par une colère impuissante qui cherche à donner un sens à l’expérience désastreuse que traversent ses personnages - l’idée selon laquelle les mêmes forces sociales encouragent la toxicomanie et la répriment était chère à Dick.
Ce n’est pas très gai, mais le rythme somnambulique, l’effet hypnotisant que confère la texture des images, la légère distorsion des mouvements, parviennent à retrouver en termes cinématographique le paradoxe de Substance mort tel que l’avait écrit Philip K. Dick : explorer sans ciller les terreurs d’une expérience tout en en faisant partager les troubles sensations."

Thomas Sotinel, Le Monde du 12.09.06

Commentaires

  1. John, spécialisée dans les films XYZ et un peu B, je n’ai jamais rien entravé aux SF, tout va trop vite et ma boîte à imagination se colle à la plus petite histoire de l’histoire sans sens. Mais je vais faire un effort en regardant 20000 lieues sous les mers pour m’adapter tout doucettement.
    Moi aussi, j’ai pleuré à la disparition de la première formule de l’Ercéfuryl 200 celle du Dr Sato bien sûr.
    A plus,
    Marie Claire pellas

  2. Aïe, c’est celui qui a fait “Waking Life” qui fait “A Scanner Darkly”? J’avais abandonné “Waking Life” au bout de trente minutes à cause de ce fichu effet de rotoscope, qui est sans autre intérêt que de faire mal à la tête. :(

  3. Muchas Gracias senor Dado : tu viens de me donner l’idée de mon prochain post :”de l’inconvénient et des séductions du mal de tête”

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