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samedi 8 avril 2023

Estropiés se remettant en ordre de marche (2)

Dans l'église, pendant l'office en mémoire de la défunte, quelqu'un récite l’épître aux Corinthiens de Saint Paul, "et si je n'ai pas l'amour, je n'ai rien, et dans ce cas je ferais mieux d'aller jouer à la belote avec les copains", tu te rappelles de ce texte que tu voulais placer à l'enterrement de ta belle-mère le mois passé mais qui fut retoqué, tu n'avais pas le final cut, alors tu sanglotes convulsivement, parce que quand même, l'épitre aux Corinthiens, ça tient bien la route, depuis 2000 ans.
Et c'est vrai que si t'as pas l'amour, t'as que dalle, et tu passes un peu à côté de ta life. 
Et pourtant, maintenant que nous voici réunis sous la nef, recueillis mais un peu intimidés par le silence assourdissant devant une vie qui a atteint son terme, on s'entend penser qu'on rêve tous de vivre cet amour, si bien dépeint par l'apôtre que ça fait de lui un vrai pote, Paul, mais que beaucoup reçoivent et partagent en lieu et place un substitut bien moisi : un attachement toxique, dont on peut mesurer la nocivité à l'aide de cette règle d'or, comme si c'était un double décimètre en plastique jaune : si l'amour libère, l'attachement contraint. 
Ainsi équipés, on peut mesurer nos progrès, au centimètre près, et évaluer le succès de nos tentatives pour nous retenir aux rares touffes d'herbe et racines qui émergent du sol pendant l'interminable glissade le long du plan légèrement incliné qui mène au tombeau. 
Car, faut-il le rappeler, le lien de l'attachement pend dans le vide.


Ce dessin parle manifestement d'autre chose. Il a été détourné.
Encore que. Si ça vous scandalise, écrivez au journal, qui transmettra.
Alors ça n'interdit pas de se gargariser avec l’épître aux Corinthiens (vaut mieux que deux tuloras) de Saint Paul, ni de se le prescrire les uns les autres en suppositoires effervescents et pastilles anti-tussives, et pour les messes ça reste un must, et pour honorer les défunts en partance c'est la classe à Dallas, mais ça ne doit pas nous aveugler au point d'oublier que nous sommes peu enclins à vouloir nous libérer vraiment de nos attachements, car pour cela il faut avoir vu la nature de la prison et en avoir assez souffert pour employer des solutions radicales. 
Bien souvent, au lieu de cet effort soutenu de désenvasement de notre nature humaine, nous nous attachons à notre colère, à notre déception, notre chagrin, parce que nos émotions négatives nous tiennent compagnie quand les femmes nous la faussent, communes... et aussi parce que la sexualité est une grosse coquine qui ne tient jamais les promesses qu'on l'a entendue balbutier, un soir d'ivresse hormonale, et qu'on a failli croire sur parole, promesses d'amour, de bonheur, de partage... en réalité elle est aux ordres de la reproduction, elle roule pour la survie de l'espèce, le plaisir c'est juste le cadeau bonux, et la super-cacahouète pour le singe, la sexualité rigole en douce, quand on dort, et elle n'hésite pas à nous filouter, à nous leurrer pour parvenir à ses fins, qui transcendent franchement les nôtres. Alors que nous, enfin vous je sais pas, mais en tout cas moi, la transcendance c'était pas mon objectif premier, ce que je voulais, c'était le leurre, et l'argent du leurre... et léser la crémière. 
C'était quand même pas bien compliqué. 
A défaut d'être réaliste.

La rade de Perros, telle qu'on la voyait depuis la fenêtre de ma chambre, après qu'on ait quitté Louannec
pour s'installer dans la maison que nos parents avaient fait construire de l'autre côté de la baie.
On distingue sur la ligne d'horizon l'église romane de Louannec, avec son clocher carré.
Quand on la voit, c'est qu'il va pleuv
oir, quand on ne la voit plus, c'est qu'il pleut. 
Qu'est-ce que j'ai pu loucher sur ce putain de clocher quand j'étais petit !
Du plus loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours été amoureux de filles qui habitaient Louannec.  
Et pourquoi, Seigneur ? Tu aurais pu m'infliger les mêmes tourments avec des filles de Perros,
ça aurait quand même été plus pratique, et puis plus éco-responsable, aussi.

Après la cérémonie, tu es abordé par la maman de la disparue, et  une fois que tu lui as révélé ton identité secrète dans un lourd sanglot, elle se souvient très bien de toi, malgré tes quarante ans de silence radio, et elle t'accueille sans chichis avec ton petit tsunami de larmes, puis on te présente la fille de la défunte, qui a 22 au compteur, l'âge qu'avait sa maman quand vous viviez ensemble, et qui lui ressemble comme à une goutte d'eau. Tu me diras que les chats ne font pas des chiens, mais quand même, les bornes de la décence en sont un peu gondolées, et d'abord - Glarg ! pour être bipolaire, on n'en est pas moins homme, ça se bouscule un peu au portillon des émotions. Certaines sont si confuses qu'elles en retournent même prendre un ticket à l'accueil, en attente d'être inspectées.
Heureusement qu’aux enterrements, on peut pleurer comme vache qui pisse et conserver néanmoins une certaine dignité, voire y accéder un peu tard, comme dans la chanson de Brel sur les toros, quand il évoque les épiciers qui se prennent pour Montherlant au moment de la mise à mort, ou un truc du genre !
Lors de la collation qui suit, tu retrouves quelques forbans des sous-bois fréquentés dans cette vie antérieure, ex-conjoints et amis communs de la disparue, tu te choisis un tocard de bonne taille, et tu le coinces entre deux portes, tu prends un malin plaisir à évoquer son ex, celle qui avait le chic pour déstabiliser tout le monde en trois phrases, tes souvenirs sont précis et tes questions tranchantes, pour bien le mettre mal à l'aise avec ton hypermnésie, tu reprends le fil d'une conversation imaginaire, comme si 40 ans ne s'étaient pas écoulés depuis, il te lâche quelques infos déprimantes et fatales, et bat rapidement en retraite, un peu gêné, en marmonnant "à bientôt"... 
"A bientôt" ? alors qu'on s'est pas revus depuis 83, et qu'on n'est même pas certains de se recroiser vivants au prochain enterrement ? Tu sais désormais que cette formule, déclinée à l'envi autour des tombes fraîchement creusées, ne témoigne pas de l'intention de la personne de te recontacter sous peu, mais désigne plutôt (sans pouvoir le nommer) le fait qu'à votre tour, vous serez bientôt frappés du même sceau de la péremption, et finirez dans un même trou, dont on ne peut rien dire, puisqu'un trou, qu'est-ce ? sinon une absence, entourée de présence.  

Une seule réponse, toujours, à nos interrogations :
T'as qu'à croire. Ben voyons. C'est tout vu.

"A bientôt", donc, oké, moi comprendre la blague, mais le plus tard possible, alors. 
Un cyberpote abonde, quelques jours plus tard, quand tu deviens volubile autour de la disparue, auprès de personnes qui ignoraient jusqu'à son existence avant qu'elle fut soustraite aux yeux de tous sur ce plan d'existence  : Elle avait l'air cool comme meuf. L'avantage avec la mort c'est qu'on y passe tous. Du coup impossible d'être tristes trop longtemps.
Tu n'ai jamais pris le risque de renouer avec la morte de son vivantsentant que dans ton cas le désir de renouer c'était sans doute pour te rependre, tu l'ai déjà expliqué, mais t'aimes bien la formule, alors tu la repasses discrètement. Tu découvres simplement, en même temps que la partie de l'histoire que tu n'as pas captée en temps réel et que tu assimiles en accéléré en léger différé, qu'elle n'est pas aussi triste que la version que tu en avais déduite sur comment elle avait géré sa vie post-toi. Ou alors elle l'est beaucoup plus, mais au moins elle dit quelque chose d'authentique sur ceux qui l'ont vécue.
Bref, vive le réel 😁 tantpistanmieux, c'est pour ça que tu es venu, non ? pour réaffirmer après bien des années d'errance le primat du réel, et désamorcer ton imaginaire, feu d'artifice à mèche longue.
L'amie qui t'a accompagné te tient la main tout du long, même si tu l'inquiètes un peu, avec ton expérience en cours de micro-dosage de psychédéliques et ton imitation du brâme du veuf inconsolable, alors que tu tu es juste... quoi, inconsolable ? Après 40 ans de silence, mimant une indifférence, au mieux polie ? Qui va te croire ? Et tu ne lâches ni sa main, ni la tienne, sinon adieu Berthe, tu prends même un moment privilégié pour lui faire découvrir les splendeurs de la côte de granit rose, sous un crépuscule un peu éteint et tourmenté de nuages bas, mais quand même ça a de la gueule, il faudra revenir par beau temps...
La transe hypomaniaque te porte encore à errer sur le rivage un mois de plus. Tu testes le donormyl, somnifère sans ordonnance qui ne marche qu'un soir sur deux. Tu commences à écrire sur l'aventure de l'homme qui tombe à pic juste un poil trop tard, ce qui entretient ton état, voire l'aggrave un peu, sans ostentation bien sûr. 
Tu sais que si tu ne peux maitriser la réaction en chaine dont tu es le siège, tu peux cesser de l'alimenter en combustible, ça finira bien par l'éteindre ; mais tu veux d'abord tirer les leçons de l'expérience. Il est encore tôt.

(à suivre...)

mardi 4 avril 2023

Estropiés se remettant dans le sens de la marche (1)

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Louis Aragon , "Est-ce ainsi que les hommes vivent"

Dans la Légende des Siècles rapportée plus tard par vos deux familles, on raconte que dans votre enfance vous viviez dans le même lotissement de la banlieue de Perros, cette petite voisine avait deux ans de plus que toi, et elle t'apprit à marcher dans le quartier. Presque soixante ans plus tard, tu tangues un peu en prenant appui sur ta béquille, mais enfin, tu marches à nouveau, et tu apprécies ce début d'autonomie retrouvée, en te dirigeant à l'estime vers le cimetière inondé d'un soleil printanier et équanime, qui prodigue lumière et chaleur aux morts comme aux vivants endeuillés. 
C'est pas le moment d'en jubiler sous cape, ça foutrait par terre ta couverture de VRP du chagrin qui revient de loin, du haut des décennies qui te séparent de la dernière fois où tu crois l'avoir vue vivante. La disparue. Qui n'a jamais été aussi présente dans ton esprit, depuis bien longtemps.
Dans ton dernier souvenir de votre interaction, elle n'était pas de très bonne humeur. 
La rupture n'était pas sereine. 
La relation non plus. 
Sinon, vous ne vous seriez pas séparés.
Et tu te dis qu'à nouveau, elle guide tes premiers pas, après cette nouvelle naissance, cet accident bête dont tu te relèves, après une maladie plus grave et plus sérieuse, il t'a fallu apprendre sa mort pour te remettre debout pour de bon, tu aurais bien aimé savoir ce qu'elle était devenue, tu caressais l’idée de reprendre contact, pas de te rendre à son enterrement après en avoir appris la bien triste nouvelle, comme on dit dans ta famille. 
Des fois ça part en live, des fois ça part en death. On choisit pas toujours.
D'ailleurs, sur ce coup-là, si j'avais le choix, il ne serait pas funéraire.
Tu reconnais que tu ne maitrises pas grand-chose, tu peux seulement moduler un peu tes réactions face à ce que la vie te propose, y compris quand c'est l'option dernier hommage, non négociable.
Tu sentais que tes motivations étaient troubles, tu n’avais pas encore trouvé de prétexte crédible pour l'appeler, alors tu n’as jamais vraiment tenté de renouer, une fois votre histoire finie, sachant que pour toi, dépendant affectif de classe IV, renouer c'était prendre le risque de te rependre, et qu'il te semble aujourd'hui préférable de défaire les noeuds émotionnels, énergétiques, existentiels, tous ces noeuds générés en t’agrippant aux autres pour assouvir tes besoins contradictoires d’intensité, de paix, de sécurité, de folie, d'harmonie, de sagesse et de souffrance. Et comme le disait une amie, rien de tel pour dénouer les nœuds que de le faire sur la corde où ils ont été faits. T'es là pour ça, en fait. Alors merci qui ?
Parti à l'heure où blêmit ta compagne, tu es arrivé au bled en fin de matinée, et comme le rendez-vous pour la sépulture est à 14 heures à l'église, tu passes à la plage, celle avec laquelle tu as un lien fort, que tu ne t'expliques pas, tu t'allonges sur le banc blanc qui claque sous le soleil de Mars, et tu toques à sa portes, et tu talkes à la morte. 

Trestrignel pour moi tout seul, et toi en direct live, ou c'est tout comme.
Que demander de plus ? ah si, que la température de l'eau s'élève au-dessus de 15°.
Sans vouloir abuser de Votre Bienveillance, ni du réchauffement climatique.

Comme elle n'est plus géolocalisée dans son corps, elle est un peu partout, et tu n’as plus besoin d’intermédiaire pour échanger avec elle. En principe. Et surtout pas d'une relation médiatisée par les pingouins sacerdotaux qui t'attendent tout à l'heure avec leurs rituels et leurs fumigènes.
Fais gaffe, quand même : Quand un homme parle à Dieu, on dit qu'il prie. Mais si Dieu lui répond, on pose le diagnostic de schizophrène. Thomas Szasz a dit ça dans Ouest-France, entre deux horaires de marée d'équinoxe. Mais parler à une humaine, morte ? Tu feras quoi si elle te répond ? tu reprendras du lithium ? tu pondras un article sur ton blog de gros tocard ?

nature morte : 
la disparue
Je suis venu te laisser partir // avec mes regrets // De n'avoir pas su t'aimer mieux // on est tous passagers de l'A320 de Germanwings // que le copilote dépressif va écraser sur la montagne // Merci pour ton amour // tu n'y es pas allée de main morte // c'était y'a longtemps mais ça sent avant-hier // ma période sex and drugs and rock'n'roll // suivie en toute logique de ma période "porno partout, désir nulle part", Fraternités de 12 étapes et dark ambiant // tanpistanmieux // Sans déconner, ce coup-ci, je suis vraiment venu te dire adieu // Dans mon bureau de la pièce du fond, où je m'enivre encore à la fumée noire de ta combustion lente // en brûlant des quartiers de chêne humide // dans cette cheminée qui contrairement à nous // n'a jamais bien tiré même quand elle était jeune // j'ai ton photomaton de 82 qui m'accroche l'oeil, mais sur la cheminée y'a aussi une photo de ma femme et de mon fils // ils m'attendent à l'étage // peut-être ont-ils l'oeil moins vif que sur les agrandissement que j'ai fait retirer en grand pour tes parents // mais ils sont vivants // et s'inquiètent pour ma santé.//


nature morte :
femme au foyer
avec enfant
Et que viens-tu faire à son enterrement ? De ce que tu en sais, elle n'a pas eu par la suite une existence très facile, mais elle laisse le souvenir d'une battante. Même si tu traines la pénible impression de chialer sur toi-même et sur ta jeunesse qui va être inhumée là, sans préavis, que tu te sens englué comme un cormoran mazouté dans ce retour vers le passé, auquel nul ne te demandait de participer, ça va sans doute te passer, dès que tu iras au-devant des vivants, des survivants, tu es venu rendre un dernier hommage à la défunte, et tu en profites pour faire u
n peu de rééducation fonctionnelle, et émotionnelle. 
Respire, puisque ça t'est encore possible.
Au départ, une sœur de la disparue s'est exclamée "on a oublié de prévenir John", son propos t'a été rapporté, ça t'a un peu mis le feu aux poutres : si tu le voulais, tu avais une place dans l'histoire, et une lente alchimie s'est amorcée en toi, comme une levure (de bière !) qui fermente et qui gonfle, tu aimerais qu'elle finisse par ranimer la morte, en même temps ça serait un peu flippant, tout le monde affiche un petit air de sépulcre et y va de sa larme, une résurrection miraculeuse ferait foirer la cérémonie...
Tu reconnais que le risque est minime.

Dans ton beau pyjama froissé de fantôme sorti trop tard du placard, tu ne te sens pas très légitime, mais pas vraiment déplacé non plus, tu reconnais certains visages, même artificiellement vieillis par le logiciel du Temps manipulé par Chat_GPT3 ou une autre entité démente à l'humour un peu noir, d'autres sont méconnaissables, et toi tu es juste surnuméraire. 
Les jeunes sexagénaires arborent les stigmates des expériences qu'ils se sont infligées pendant des décennies, tentant de se soigner par l'auto-médication et par des produits aux effets secondaires parfois pires que la mélancolie qu'ils prétendaient combattre. Pas la peine de t'être préparé d'arrache-pied une mine d'enterrement, comme on dit au Cambodge : pour renouer avec tes fantômes, pas de doute, tu es en terrain connu.
Le beau temps se maintient tout l'après-midi. C'est important, car si des funérailles pluvieuses ou venteuses semblent convenir au chagrin funéraire, le soleil persistant nous suggère que la vie peut, et doit, continuer; que parfois la vie doit s'arrêter avant de pouvoir repartir. Tu sembles mûr pour inventer de nouveaux proverbes frappés au coin du bon sens, qui fleuriront le calendrier des marées dans l'almanach du marin breton.

l'église de Saint-Juéry-le Haut
n'est pas très engageante.
Elle est pourtant chaleureuse,
une fois qu'on a poussé la porte.
C'est toujours pareil, 
c'est le premier pas qui coûte.
Tu te dis que quand même, tu progresses : le mois dernier, tu étais en fauteuil roulant dans l'église glaciale de Saint-Juéry (81) pour la messe de funérailles de ta belle-mère, et tu n'en es même pas ressorti avec des pneus neufs. Le seul miracle fut le burn-out poignant du curé, qui prit les vivants à partie par dessus le cercueil de mamie d'Albi, témoignant qu'il était désormais le dernier curé du Tarn, le dernier de son espèce, en chaire et en os, plus que déçu par le refus implicite des participants de partager avec lui le miracle de la transsubstantiation. Seules deux ou trois grenouilles de bénitier s'avancent dans l'allée pour communier par le pain et le vin, alors que cinq minutes plus tôt, tout le monde a chanté les psaumes de bon coeur. 
Enfin, ceux qui s'en rappelaient encore les paroles. 
Il propose alors un amendement à la règle ancestrale jamais dépoussiérée par Vatican II, celle qui stipulait qu'on ne pouvait communier sans s'être confessé avant. Pas d'effet notable. Tu ne te sens pas concerné, tu n'es pas baptisé, t'aimes bien le Christ, tu souhaites ardemment son avènement 2.0, mais tu n'appartiens pas à cette confession. 

l'église de Saint-Juéry-le Bas,
par contre, est passée du côté obscur :
on y célèbre un culte hideux
à des entités cosmiques oubliées.
Ça te donne juste envie de revoir Fleabag, la série anglaise dépressive et si émouvante, avec sa folle perdue et son curé en chaleur, et sa galerie de monstres existentiels, qu'elle apprivoise avec une empathie peu commune dans la fiction contemporaine. 
C'est quand même autre chose que mon curé chez les Thaïlandaises Albigeoises, qui se dit maintenant prêt à endosser les erreurs récentes de l'Eglise, si les paroissiens voulaient bien retrouver le chemin de la messe. Nul ne peut qualifier le silence attentif qui s'ensuit, mais personne ne se précipite non plus pour s'étouffer sur le champ avec des hosties consacrées.
Heureusement que Jankélévitch n'était pas là, sinon il aurait sorti sa blague sur le pardon qui est mort dans les camps de la mort, et ça aurait un peu cassé l'ambiance.

la blague sur le pardon de Jankélévitch
(nombre minimum de joueurs : 2)


Ensuite, le curé revient aux figures imposées par la liturgie : « le Seigneur nous l’a donnée, le Seigneur nous l’a reprise. » ...aah ça, pour se mettre une grosse tôle à base d’un bouquet fané d’émotions tristouilles et branchées regrets, pertes et deuils, on est là. Faut pas nous en promettre. Ton fils, qui est venu spontanément aux funérailles de sa grand-mère, malgré la distance et une logistique compliquée par des grèves récurrentes à la SNCF, t'avait jadis déclaré, fier de sa trouvaille : "je sais ce que t'es, papa, t'es un regretteur." Il t'avait bien capté, ce jour-là. Aujourd'hui, tu ne regrettes rien. Pourvu que ça dure. Et on sort en rangs, pour aller au funérarium, et l'église redevient une coquille vide et froide. 

nous réconcilier ? on n'était pas fâchés.
C'est inutile de se fâcher avec la mort, 
elle a toujours le dernier mot.
En principe.
Presque un mois plus tard, dans les jours qui précédent l'inhumation annoncée de ton ancienne compagne, avec qui tu partageas une vie littéralement antérieure tellement ça te semble ailleurs et concerner d'autres personnes, une fois é-mu au point que s'impose à toi l'inquiétante évidence d'aller rendre un dernier hommage à la disparue, tu as trouvé au dernier moment un CDD disponible pour te remplacer au bureau le jour où tu devais reprendre pied vers le plein emploi, après deux mois et demi de convalescence dans ton canapé, à parler à tes télécommandes, à ton ordinateur plein d'amis imaginaires et bourré ras la gueule d'images de choses qui ne sont pas ces choses, quand l'inspiration te contraignait à descendre l'escalier qui mène à ton bureau sur les fesses, parce que tu as testé les béquilles dans les escaliers, et c'était pas concluant. Sauf à vouloir en finir, en faisant peur au chat et un barouf du diable, mais pas au point de réveiller les morts, qui le sont pour la vie. 
Maintenant, tu parviens à n'écrire que quand tu t'y trouves contraint, pour abréagir la douleur, et c'est tant mieux. Même si au passage tu ne peux sans doute t'empêcher d'en remettre une petite dose. Le chagrin, c'est ta came, quand même, tu l'admets, à force de remuer ton doigt dans ton oeil à propos de cette femme qui fut tienne, même si c'était dans une autre galaxie, fort lointaine, tu te rends compte à quel point la tristesse, c'est ton carburant de base, et même si c'est la seule promesse que la vie tient toujourscomme c'est toi le dealer, la peur du manque te pousse à la surproduction. Et quand un dealer ne produit sa came que pour pouvoir la consommer, c'est pas bon pour le commerce...
Seul un producteur de porno t'avait jadis placé un argument aussi faible sur le plan logique, prétendant tourner ses films pour maitriser sa conso, et éviter ainsi de devenir accro... 
C'était n'importe quoi, et ça l'est resté. Pauvre John B.Root, et pauvre de toi. Mais pas de pitié pour les camés : au fond, tu sais bien que dans ton effort malsain pour tutoyer la mort, instaurer avec elle une certaine familiarité, tenter de l'amadouer par une morbidité joyeuse, et t'en faire une copine, tu ne vises qu'à dévaloriser les craintes que tu en éprouves, depuis qu'on t'a alerté, bébé, sur ta finitude. C'est de cette angoisse que te vient tout le mal.
Alors tu vas prêchant que la mort n’est qu'un passage, et non un état. Blah-blah blah.
Tu serines à ta cousine Séverine qu'à ta conne essence, la vie n’a pas de contraire, et qu'il s'agit de bien voir comment ça marche, et qui coulisse dans quoi. Que pour l'instant, aucun mort n'est venu infirmer ta théorie. Tu replaces dès que tu peux le fragment de Saint Francis qui t'est comme un mantra secret, et qui selon toi révèle la nature égotiste de ta crainte devant la chose, crainte qui n'est pas non plus la chose mais qui la recouvre d'un voile d'inconnaissance, comme le ferait une bâche goudronnée sur le piano du salon. Ça serait dommage : par beau temps, on peut y jouer du Chopin, amer remède à la mélancolie. 
le fragment de Saint Francis : « être conscient, c'est être conscient de ce qui est maintenant, et pas être à l'affut de ce qui était hier ou sera demain ou dans cinq minutes ou quand on va mourir (snif, je me manque déjà). »

une blague un peu éculée sur le sujet

Et justement, pendant ce temps, dans le réel, à la maison, à force d'évoquer ton amour de jeunesse à table, devant ta légitime dont tu partages la vie depuis bientôt 35 annuités non remboursables, celle-ci a fini par déclencher une grève surprise du ramassage des poubelles émotionnelles, tu l'as bien cherché, et tu as été prié d'aller bricoler ton unfinished business ailleurs.  Du travail pas fini, tu ne sais pas vraiment s'il y en a, peut-être que tu te prends juste les pieds du cœur pas lavés dans ton passé troubleu. 

ma belle-mère m'a toujours caché
que quand elle était jeune, sa soeur
n'était pas mal non plus.
Il a fallu que je trouve sa photo
au fond d'un placard
pour m'en apercevoir.
Elle craignait peut-être que je remonte
dans le passé pour épouser Elvire.
Comment lui en vouloir ?
Anyway tu peux bien mimer l'affliction, puisqu'elle est en partie réelle, ce que tu ne peux pas faire c'est recoudre l’irrémédiable, et c'est pas non plus la peine d'envenimer une situation familiale déjà tendue par tes prises de risques en cours, ta tentative de reconnexion à ton émotionnel, l'arrêt du lithium suivi d'un test grandeur nature de microdosage de psychédéliques, et qui t'a mené à ce qui commence à ressembler à une bonne grosse murge émotionnelle, bien que tu ne sois pas vu franchir la ligne rouge que tu t'étais fixée comme garde-fou, mais avec tous ces dépôts d'ordures sauvages en train de cramer doucement aux quatre coins de la baraque, alourdissant l'atmosphère déjà accablée du deuil précédent, cette belle-maman qui était en fin de vie depuis si longtemps qu'on ne croyait plus vraiment à son départ imminent, va savoir si tu y vois encore quelque chose à travers la fumée noire. 
Tu as donc pris ton unfinished business et ta béquille sous le bras, et ta voiture de l'autre main, et tu as roulé 300 km vers le nord, jusqu’à ce petit village d'Armorique peuplé d’irréductibles Gaulois qui résistent encore à l'envahisseur romain et aux fraternités de rétablissement en 12 étapes. Ce village dont tu es aussi issu, tu t'en souviens maintenant que tu arrives sur le port, ça te fait des zigouigouis partout, comme un retour chez soi, alors que tu l'as quitté en 1979. 
Au début du voyage, voulant t’extirper des embouteillages qui paralysaient le périphérique nantais, et qui te faisaient rouler au pas vers l'Armor, tu as pris un projectile inconnu dans ton aile avant gauche, tu as perçu un bruit avant coureur tugudunn tugudunn Schpofffhh !! un missile anonyme tiré d'un angle mort t’a atteint, sans doute un caillou tombé d’un camion. T'arrêtant sur la première aire pour constater les dégâts, ton aile est toute pétée, n’empêche même que, l’aile avant gauche, sans déconner, ça t’a fait sourire, la symbolique du corps, les organes moteurs n’étaient pas touchés, simplement tu partais le coeur à nu…

T'en auras bien pour 700 € de carrosserie, mais quand on aime on ne compte pas...

Tu repenses à ce que tu as manqué avec l'amie défunte, comme avec d'autres, et qui est suggéré dans cet aparté de Flo, qui te revient hanter à marée haute quand la manie de faire des phrases s'empare des marins restés trop longtemps à quai regarder les enseignes des troquets se décrocher du mur par vent fort...
"C’est très simple d'ouvrir le cœur, pas besoin du kamasutra. Il suffit de regarder l’autre comme une fin en soi, et non comme un moyen (pour reprendre l’expression de Kant). De le voir comme un individu, comme une totalité, au lieu de le voir comme le moyen d’obtenir quelque chose pour soi (de la reconnaissance, des sous, du plaisir…). C’est d’ailleurs pour cette raison que les nanas sont frustrées. Elle sont là comme des huîtres et c’est les mecs qui doivent les ouvrir. Dès ce moment, le mec est considéré comme un moyen (le couteau qui va ouvrir l’huître), donc ça ne risque pas de marcher. D’où la frustration. On a juste pété le bord de la coquille, mais l’huître est toujours fermée. Si l’huître pouvait voir qu’elle a en face d’elle un individu, un vrai, ça irait beaucoup mieux. Et vice-versa. Si les mecs arrêtaient de voir les nanas comme des poubelles où déverser leur frustration, ça irait mieux aussi.


rédigé, raclé & repeint en mars / avril 2023
en écoutant à donf tomber la neige 
sur les lunettes de Jan Bang et Eivind Aarset, 
jusqu'à en pleurer des phalanges,
transi dans mon K-Way.
Grâces leur soient rendues.

(à suivre...)

vendredi 10 juin 2022

Comment utiliser des toilettes en gravité zéro

Dans The Expanse, un feuilleton télévisé de science-fiction qui a récemment raté ses adieux au music-hall, ils expliquent bien comment faire l'amour avec un Mormon dans l'espace, mais ils passent sous silence les problèmes qui surviennent quand on tente d'assouvir d'autres besoins naturels (tout aussi légitimes et parfois plus impérieux) en gravité zéro. 
Et pourtant ils passent leur temps à se tirer la bourre entre la Lune, Mars, et la ceinture d'hémorroïdes astéroïdes de Jupiter, donc ça doit bien leur arriver d'aller au petit coin, c'est pas des surhommes. Alors, à force de rechercher obsessionnellement, compulsivement et désespérément un vieux dessin de Daniel Goossens sur une exposition d'art nazi (dans un cimetière) dans mes vieux Fluide Glacial, j’ai retrouvé ce mode d'emploi d'un mini-wc portatif, que j’avais punaisé dans les cabinets d'aisance jouxtant alors la salle de bain dite "des Arabes" que nous appelions ainsi car nous entassions plein de bazar dedans, dans le vaste appartement de la rue Roudil où j'habitai jadis au sein d'une famille unie par de très nombreux goûts communs, dont celui de la scatologie. 
Cette gravure ancienne peut être considérée comme une sorte d'ancêtre à la science des toilettes en gravité zéro.

clique sur l'image, sauve un jipègue, imprime-le et punaise-le dans les cabinets.
Des heures de rire en perspective.
Les amateurs de figuration narrative reconne étron sans pen le style pipi cafka d'Edika, le frère maudit de Carali. Si on avait archivé les œuvres de ces deux scribes égyptiens aux profils pas très grecs dans la bibliothèque d'Alexandrie, les Chrétiens n'y auraient jamais foutu le feu, comme ils le font avec une noire allégresse dans Agora, Mists of Time, le péplum philosophique hispano-maltais réalisé par Alejandro Amenábar en 2009, qui érige une stèle filmique à Hypatie d'Alexandrie, la célèbre philosophe et mathématicienne héllène (célèbre depuis hier soir, quand j'ai regardé le film) qui s'apprête à faire une avancée majeure dans la compréhension du cosmos (en réhabilitant le modèle héliocentrique d'Aristarque et en ayant l'intuition de l'orbite elliptique des planètes) lorsque la situation politique prend un tour dramatique avec la conversion de l'empereur au monothéisme, et elle finit massacrée en l'an 415 de notre ère par un groupe de moines enivrés de christianisme.
la tache sur la conscience de l'Eglise
n'est pas plus Hypatie au lavage
que celle sur la robe de Rachel Weisz,
qui pourtant lave plus blanc.
En principe.
Elle incarnait tout ce qu'ils exécraient : elle était femme, elle était libre, elle était belle et côtoyait les hommes de pouvoir tout en étant femme d'influence, son monde n'était pas peuplé de dogmes édictés par un dieu jaloux à partir de "vérités" préétablies, elle allait aux cabinets quand ça lui chantait. 
Et si ça se trouve, elle avait pressenti les Mystères des Toilettes en gravité zéro, irrémédiablement perdus dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie.
Le film est courageux, mais un peu chelou, et prend beaucoup de libertés avec la vérité historique. Oncle Wiki rappelle en tirant sur sa cyber-pipe que Hypatie a été massacrée de façon bien plus cruelle que ne le montre le film. On peut retrouver le récit de sa mort dans le livre septième de l'Histoire de l’Église écrite par Socrate le Scolastique. Jean de Nikiou au viie siècle apr. J.-C. écrit : « Et ils (les chrétiens menés par Pierre le Lecteur) déchirèrent ses vêtements et la firent traîner dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'elle mourût. » Le film ne dit pas que ce lynchage est resté une tache sur la conscience de l'Église, comme l'ont écrit des théologiens chrétiens dès cette époque.
C'est bien triste. Et beaucoup plus tard, dans mes cabinets du boulevard de Belleville, j’ai longtemps affiché le dessin de Charb "Non à la légalisation du cannabis" paru dans Charlie Hebdo au début des années 90. C'était de mon âge. D'autant plus que j'étais en train de devenir malade alcoolique, et qu'à chaque fois que je fumais un pétard, je prenais cosmiquement conscience de ma dépendance croissante à l'alcool, alors j'avais cru prendre une décision d'adulte en m'interdisant tout à fait les cigarettes mal roulées.

clique sur l'image, sauve un jipègue, imprime-le et punaise-le dans les cabinets.
Et va plutôt t'acheter un pied de peyotl chez Zamnesia.
Evidemment, Edi(pipica)ka, le chantre de l'obscénité politiquement correcte, est toujours vivant, alors que Charb, qui aimait bien mettre de l'huile sur le feu, voire transformer les bouteilles d'huile de Rachid en cocktails molotov, couic. Ou plutôt Vrououf. Victime des fondamentalistes monothéistes, comme Hypathie.
Alors maintenant, dans les cabinets, j’ai une pile des derniers numéros de Téléramadan, comme papi et malou, et je gagne un temps précieux en lisant toutes les critiques des films et des séries télé dont je pourrais ainsi parler sans les avoir vus si j’avais des amis.

"Sans mentir, l'ange Gabriel il en avait une grosse comme ça"
J'essaye de provoquer les fondamentalistes de Télérama,
pour déclencher une guerre sainte en reprenant les recettes les plus éculées de Hara-Kiri,
mais ils me voient venir, et ne réagissent pas.
Mon style parodique est définitivement has been.
Et tout cela ne nous dit pas quelles précautions prendre pour utiliser des toilettes en gravité zéro. Mais au fait, ça me revient maintenant, c'était là, sous nos yeux, en évidence dès le début, ce truc qui manque dans The Expanse et qu'il y avait sous forme de gag très sérieux dissimulé en plein écran à la vue de tous par Stankey Lubrik dans 2001, l'Odyssée de l’espace.

dans une séquence de 2001, l'Odyssée de l'espace, le Dr Haywood Floyd lit très attentivement
les instructions affichées avant d'utiliser des toilettes à gravité zéro.
C'est vraiment de la science-fiction, car les humains ne lisent jamais les avertissements
ou les modes d'emploi avant utilisation. Surtout dans des toilettes.
Ce commentaire est insultant (les geeks lisent tout ce qui leur tombe sous les yeux), et erroné : je me souviens très bien avoir lu il y a bien longtemps, dans une autre galaxie et dans les toilettes en gravité 1 de la Rockfabrik de Stuttgart un truc en allemand qui disait sur le côté de la chasse d'eau "appuyez ici, et si possible avec la main". On pouvait y jouer de l'air guitar en bois, et pisser partout dans les toilettes, à condition d'appuyer ensuite avec la main. On se serait alors cru dans une bédé d'Edika.

La Rockfabrik de Stuttgart était en fait à Ludwigsburg, mais elle a fermé ses portes en 2019.

Concernant le tutoriel (qui peut s'avérer si précieux dans le futur) pour se soulager en gravité zéro, une bande de geeks a bien sûr exhumé l'intégralité des instructions dissimulées à la vue de tous dans le photogramme du film de Kubrick.
https://boingboing.net/2021/08/17/instructions-for-the-zero-gravity-toilet-in-2001.html
En voici une traduction automatique assez fidèle :

Les toilettes sont du type standard à gravité zéro. Selon les besoins, il est possible d'utiliser le système A et/ou le système B, dont les détails sont clairement indiqués dans le cabinet de toilette. Lors de l'utilisation du système A, appuyez sur le levier et un éliminateur de dalkron en plastique sera distribué par la fente immédiatement en dessous. Lorsque vous avez fixé la lèvre adhésive, fixez le raccord marqué par le grand tuyau de sortie “X”. Tournez l'anneau argenté d'un pouce sous le point de connexion jusqu'à ce que vous sentiez qu'il se verrouille.
Les toilettes sont maintenant prêtes à l'emploi. Le nettoyant Sonovac est activé par le petit interrupteur sur la lèvre. Lors de la fixation, remettez l'anneau dans son état initial, de sorte que les deux lignes orange se rencontrent. Déconnectez-vous. Placer l'éliminateur de dalkron dans le réceptacle à vide à l'arrière. Activez en appuyant sur le bouton bleu.
Les commandes du système B sont situées sur le mur opposé. L'interrupteur de déverrouillage rouge place l'uroliminator en position ; il peut être ajusté manuellement vers le haut ou vers le bas en appuyant sur le bouton bleu de déverrouillage manuel. L'ouverture est autoréglable. Pour sécuriser après utilisation, appuyez sur le bouton vert qui active simultanément l'évaporateur et ramène l'uroliminator dans sa position de stockage.
Vous pouvez quitter les toilettes si le voyant de sortie vert est allumé au-dessus de la porte. Si le voyant rouge est allumé, l'une des installations sanitaires n'est pas correctement sécurisée. Appuyez sur le bouton d'appel « Hôtesse de l'air » à droite de la porte. Elle sécurisera toutes les installations depuis son panneau de contrôle à l'extérieur. Lorsque le voyant de sortie vert s'allume, vous pouvez ouvrir la porte et partir. Veuillez fermer la porte derrière vous.
Pour utiliser la Sonoshower, commencez par vous déshabiller et placez tous vos vêtements dans le portant. Mettez les pantoufles velcro situées dans l'armoire juste en dessous. Entrez dans la douche. Sur le panneau de commande en haut à droite en entrant, vous verrez un bouton “Joint de douche”. Appuyez pour activer. Un feu vert s'allumera alors juste en dessous. Sur le bouton d'intensité, sélectionnez le réglage souhaité. Appuyez maintenant sur le levier d'activation Sonovac. Baignez-vous normalement.
Le Sonovac s'éteindra automatiquement au bout de trois minutes, sauf si vous activez l'interrupteur de neutralisation "Arrêt manuel" en le retournant vers le haut. Lorsque vous êtes prêt à partir, appuyez sur le bouton de déverrouillage bleu “Joint de douche”. La porte s'ouvrira et vous pourrez partir. Veuillez retirer les chaussons velcro et les placer dans leur contenant.
Si le voyant rouge au-dessus de ce panneau est allumé, les toilettes sont en cours d'utilisation. Lorsque le feu vert est allumé, vous pouvez entrer. Cependant, vous devez suivre attentivement toutes les instructions lors de l'utilisation des installations lors d'un vol en roue libre (Zero G). À l'intérieur, il y a trois installations : (1) le Sonowasher, (2) le Sonoshower, (3) les toilettes. Tous les trois sont conçus pour être utilisés dans des conditions d'apesanteur. Veuillez respecter la séquence des opérations pour chaque installation individuelle.
Deux modes pour Sonowashing votre visage et vos mains sont disponibles, le mode « serviette humide » et le mode nettoyeur à ultrasons « Sonovac ». Vous pouvez sélectionner l'un ou l'autre mode en déplaçant le levier approprié sur la position “Activer”.
Si vous choisissez le mode “serviette humide”, appuyez sur le bouton jaune indiqué et retirez l'article. Lorsque vous avez terminé, jetez la serviette dans le distributeur sous vide, en maintenant le levier indiqué dans la position “active” jusqu'à ce que le voyant vert s'allume… indiquant que les rouleaux ont complètement passé la serviette dans le distributeur. Si vous désirez une serviette supplémentaire, appuyez sur le bouton jaune et répétez le cycle.
Si vous préférez le mode de nettoyage par ultrasons « Sonovac », appuyez sur le bouton bleu indiqué. Lorsque les panneaux jumeaux s'ouvrent, tirez vers l'avant par les anneaux A & B. Pour le nettoyage des mains, utilisez dans cette position. Réglez la minuterie sur les positions 10, 20, 30 ou 40… indiquant le nombre de secondes nécessaires. Le bouton à gauche, juste en dessous de la lumière bleue, a trois réglages, bas, moyen ou haut. Pour une utilisation normale, le réglage moyen est suggéré.
Une fois ces réglages effectués, vous pouvez activer l'appareil en basculant sur la position “ON” l'interrupteur rouge clairement marqué. Si pendant l'opération de lavage, vous souhaitez modifier les réglages, placez l'interrupteur de dérogation "arrêt manuel“ en position ”OFF". vous pouvez maintenant faire le changement et répéter le cycle.

C'est quand même d'une autre envergure que la blague d'Edika sur le mini-wc portatif; mais attention (lire attentive ce que ici-en bas) :

De toutes façons, quel que soit le degré de sophistication des blagues de cabinet en gravité zéro, c'est un peu l'ironie du désespoir, car je nous sens collectivement assez mal engagés pour aller essaimer, et donc déféquer, dans l'espace. Ou alors, une petite élite ultra-nantie, comme Elon Musk et ses happy few à la fin de Don't Look up
Tant qu'on reste le chainon manquant entre le Singe et l'Homme, on est une espèce assez nuisible, pour elle-même comme pour la planète, et on risque de suffoquer sous nos propres déjections d'ici peu, qu'elles flottent autour de nous en apesanteur ou qu'elles gisent au sol.

Sinon, pour se chier dessus en partant dans l'espace, y'a aussi les plantes enthéogènes.
Grâce à la mondialisation, j'ai planté Peyotl et San Pedro sur ma fenêtre,
mais tant qu'il ne fait pas 50° en permanence, la chair des dieux n'y pousse que très lentement.
Dans l'attente du réchauffement climatique, je suppose que cela fera l'objet d'un prochain épisode.

[EDIT] : quelques semaines plus tard, je m'aperçois qu'écrire sur ce blog, pendant 15 ans,
ça a vraiment été une expérience assez proche de la défécation en gravité zéro. 
No comment.

mardi 2 novembre 2021

Feu mon voisin pyromane (Pourrir peut attendre)

A l'issue de l'harcelante campagne d'automne de l'encyclopédie en ligne qui n'a toujours pas de publicité sur la figure, je viens d'envoyer 15 € à wikipédia. J'esmère que vous aussi. (je viens de retirer j'espère de mon vocabulaire, puisqu'il y a père dedans, et que je l'ai banni de ma vie autant que c'était possible sans lui nuire ni faire tort à d'autres). 
Sinon, vous pouvez me les envoyer à moi, je les transmettrai à Jimmy Wales (qui m'écrit à chaque fois un petit mot de remerciements plein de saveur, bien que je ne puisse pas défalquer mon don de mes impôts, et pourtant wikipedia c'est vraiment une oeuvre de salubrité publique pour ma tête et de manière plus générale pour la connaissance humaine.)
On s'y attend pas forcément, assis dans son salon,
mais quand c'est l'heure, c'est l'heure. Et couic !
Ou à la veuve de mon voisin d'à côté, mort subitement il y a quelques jours. Dans son fauteuil. Sa tête s'est inclinée, il est parti en avant, en saignant du nez. Terminé. Le jour de ses soixante-dix ans. Le cardiologue trouvait que tout allait bien, et il était soit-disant rétabli d'un cancer du foie, qui lui avait occasionné pendant quelques mois une jolie couleur jaune Homer Simpson, avant que les métastases diffusent un peu partout, mais l'oncologie a beaucoup progressé, j'en sais quelque chose, et l'a maintenu en vie et de mauvaise humeur pendant quelques années supplémentaires par rapport à son espérance de vie biologique attendue, vu comment il avait abusé de la boisson. Enfin, dans sa période jaune Simpson, on ne donnait quand même pas cher de sa peau, on avait bien cru le perdre dans la semaine où on l'avait croisé au bureau de vote, en 2019. Et puis non, il s'était remis. 
Nous étions loin d'être proches, dans tous les sens du terme, vu la taille des parcelles, nos maisons sont distantes d'une cinquantaine de mètres, on n'est pas les uns sur les autres, à l'époque où nous avons acheté les propriétés faisaient souvent plus de 1000 m2, c'était avant que les collectivités locales s'aperçoivent de l'hérésie du Plan d'Occupation des Sols, qui leur coûtait une blinde en assainissement, en voirie, en transports scolaires... cet "étalement urbain énergivore", comme je le lis aux cabinets dans le télérama de la semaine d'aujourd'hui en me demandant ce que je vais bien pouvoir télécharger.
Il y a dix ans, mon voisin avait tardivement vendu la moitié de son terrain, il avait besoin de sous après une longue période de chômage, acceptant qu'un primo-accédant bâtisse sa maison quasiment sur son seuil, la division parcellaire c'est une tendance de fond dans nos quartiers périurbains (en fait, la proche campagne, qui chez nous se résume au vignoble, mais on dit périurbain parce qu'on est sur le territoire de la commune et à trois kilomètres du bourg) où les permis de construire ne sont plus distribués comme qui rigole. Bien que la moindre bicoque en ruine se soit vendue comme des petits pains depuis la pandémie, et que les nouvelles constructions et rénovations sortent de terre plus vite que les champignons, parce qu'il n'est pas tombé d'eau en octobre, et que de toute façon comme on n'a pas eu d'été, l'automne aussi est en retard. 

Dans le temps, feu mon voisin
s'enflammait pour un rien.
Quand on a acheté la maison du ferrailleur, on a vite découvert que notre voisin était un enculé alcoolique qui à l'occasion tabassait sa compagne, alors on n'a pas cherché à copiner plus que ça, déjà qu'il était souvent là à l'heure de l'apéro, comme moi j'étais déjà abstinent d'alcool en arrivant dans la région, on n'avait pas grand-chose à se dire. Même si entre temps, il s'était racheté une conduite, et avait discrètement cessé de boire vu ses problèmes de santé, on n'en a pas profité pour mettre à jour notre relation, on se saluait de loin, sauf la fois où j'avais fait du feu dans le petit bois derrière chez moi un 15
août venteux où il faisait très sec, il était sorti de chez lui et m'avait engueulé comme si c'était moi l'enculé alcoolique, titubant et balbutiant comme s'il était encore ivre, j'avais eu toutes les peines du monde à le dissuader de me dénoncer aux flics, c'était déjà interdit de brûler ses déchets verts, j'avais fini par le calmer en lui montrant l'arrosoir plein, la prudence du chacal, le côté développement soutenable de mon incendie potentiel. 
En effet, je fais partie des vieux cons qui n'ont ni attache-remorque ni remorque pour transporter leurs déchets verts jusqu'à la déchetterie, et que le progrès a relégués au rang de pollueurs casse-couilles ennemis jurés de la planète, car je brûle derrière chez moi ce que je ne parviens pas à composter, avec beaucoup moins d'ardeur et beaucoup plus de discrétion qu'il y a vingt ans, uniquement quand le vent du nord charrie la fumée vers les hectares de vigne inhabitée sans incommoder aucun voisin, de préférence le soir, quand le risque de délation est moindre. 

Ma centrale à charbon / incinérateur de jardin, dans le petit bois derrière chez moi.
Quand j'ai bien laissé sécher les feuillages, mon feu ne dégage même pas de fumée.
On distingue mes deux assistantes à l'arrière-plan.

Quand j'étais gamin, j'allumais des petits feux d'herbe sèche derrière chez moi, ça avait fini par m'inquiéter, cette pyromanie rampante, et surtout l'excitation émotionnelle induite (les risques d'embrasement généralisé étant quand même faibles au vu de la pluviométrie dans les Côtes d'Armor dans les années 60/70), au point que j'avais fini par aller tout avouer à ma mère. 
La coutume d'avouer ses fautes à quelqu'un d'autre est fort ancienne, découvrirai-je bien des années plus tard dans le 12 étapes/12 traditions des Alcooliques Anonymes. Les psychiatres et les psychologues font valoir ce besoin profond qu'éprouve tout être humain de rentrer concrètement en lui-même, d'identifier les faiblesses de sa personnalité et d'en discuter avec une personne compréhensive et digne de confiance. 
Je ne me rappelle plus de ce qu'a dit ma mère, sur le moment je crois qu'elle était surtout gênée par mes aveux qui écornaient l'image du fils parfait qu'elle s'était forgée (alors que ma grand-mère, à la fin de sa vie, n'y allait pas par quatre chemins pour dire que mes parents auraient mieux fait de me montrer à un psychiatre) mais ma confession compulsive et lacrymale à maman sur le thème "je sais pas pourquoi je fais ça mais c'est plus fort que moi" a bien refroidi mes ardeurs de pyromane.
Mais puisqu'on vous dit que c'est interdit.
Après les dictatures numérique et sanitaire, voici l'environnementale.
Pour protester, on peut toujours cramer son ordi devant la déchetterie,
en méditant sur les 6 phases de la dictature mondiale.
https://bouddhanar.blogspot.com/2021/10/les-6-phases-de-la-dictature-mondiale.html
Quel dommage que ce monsieur bouddhanar (de droite)
soit un conspirationniste de la plus belle eau trouble, 
il a de l'énergie à revendre.

Ces dernières années, je brûle sans enthousiasme, presque sans flamme, et généralement dans un incinérateur de jardin plutôt qu'à même le sol, ce qui me vaudra peut-être un tarif dégressif en cas d'amende; qui se monte de base à 750 euros. 
J'ai beaucoup progressé en techniques de compostage, et parviens à recycler presque tous mes déchets verts, sauf les yuccas et les framboisiers. Je fais sécher des semaines tout ce que je ne peux recycler, de façon à ce que ça dégage le moins de fumée possible, et qu'on ne vienne pas me faire suer avec mon empreinte carbone, j'en dégage dix fois plus en brûlant du chêne dans la cheminée du salon d'hiver devenu mon bureau, et ça c'est toujours autorisé.
Mon voisin pyromane alcoolique a longtemps brûlé dans un bidon métallique tout ce qui lui tombait sous la main, même les feuilles et les branches tombées dans le petit bois derrière chez nous, en se foutant éperdument de la direction du vent quitte à nous enfumer, et sa dernière compagne appréciait moyennement que je benne dans le sous-bois déjà abondamment feuillu les brassées de feuilles mortes qui se déposent sur ma pelouse entre octobre et janvier, où mes dizaines de brouettes sont ratissées, absorbées, et lentement converties en humus, la feuille de chêne ne se décompose pas très vite, il faut bien deux ans. Pourrir peut attendre. Et en plus ça étouffe l'herbe naissante. C'est ça qui lui déplaisait. Mes brouettes de feuilles mortes, elle aurait aimé que je les brûle; voilà des gens auprès desquels il n'est pas difficile de se croire un écologiste sensible aux exigences de l'avenir, même sans envoyer 15 euros à wikipédia et sans acheter ni remorque ni broyeur de jardin.

Non seulement brûler émet des particules comme c'est pas permis,
mais en plus le mec s'y est vraiment mal pris,
il a complètement étouffé son feu en bourrant son bidon
avec des trucs pas secs. L'erreur du débutant.

Et les histoires sur Patrick. 
La fois où il était tellement saoul qu'il a fait un délit de fuite au rond-point, et où les flics sont venus le cueillir chez lui parce qu'ils savaient très bien à qui ils avaient affaire. 
Et celle où un soir, soit-disant en ratissant des glands dans son allée, glands dont les chênes très féconds nous bombardent généreusement à l'automne, il avait glissé, et s'était fait une fracture ouverte, et qu'il est resté des heures à brâmer dans le noir avant que quelq'un le secoure (ici c'est la campagne).
La fois où il avait attaché sa copine au radiateur (c'est elle qui nous l'a raconté après) et voulant lui mettre son poing dans la figure, elle l'a esquivé et il s'est juste pété la main en cognant le radiateur (quelques jours après, on l'a effectivement vu avec la main bandée, il nous a dit qu'il avait fait du bricolage qui avait mal tourné)
La fois où les flics sont venus sonner parce que quelqu'un avait appelé pour dénoncer des violences conjugales en cours, sous les yeux du brigadier je me suis tourné vers la cage d'escalier et j'ai demandé à Loukoum, à l'étage, "dis donc, chérie, c'est toi qui as appelé les flics parce que je te tapais ? - ah ben non, c'est pas moi ! - Ok c'est bien ce que je pensais, il y a une erreur, allez donc voir à la maison d'à côté, au 34... "

Les meilleures blagues de Mezzo
dans Picsou Magazine
La fois où... Malgré toutes ces blagues sur Patrick, qui rempliraient un supplément gratuit à Picsou Magazine, et qui maintenaient notre relation de voisinage au point mort du strict minimum d'une cordialité distante et respectueuse, en fait méprisante et vaguement narquoise, et parce que ces dernières années nous avions surtout affaire à sa compagne qui faisait quotidiennement admirer nos poules de jardin à son épagneul tibétain qui en restait muet d'admiration derrière le grillage, et qu'elle était plutôt inoffensive, lui on ne le voyait plus, entre ses séjours à l’hôpital, ses cures de chimio, ses retours fatigués, nos échanges forcément décalés sur le cancer, quand je le voyais devant chez lui sur ses béquilles et que j'allais échanger trois mots, à cause de toutes ces circonstances soudain atténuantes au décès qu'on n'attendait plus de l'infréquentable voisin malgré sa rédemption clandestine, nous nous sommes rendus à ses funérailles, dans un petit cimetière au nord de l'agglomération, un radieux samedi de début septembre. 
Nous sommes restés entre nous, je veux dire nous et les voisins d'en face, qui le tenaient aussi en piètre estime mais qu'on avait embarqués dans l'histoire, ça leur faisait une sortie, à 80 ans sans vaccin ni passe sanitaire on ne sort plus beaucoup, nous ne connaissions personne parmi ses proches, à part le viticulteur du coin, mais on entretient avec lui les mêmes rapports distants qu'avec Patrick, et ma femme ne boit pas de son muscadet, il est trop pas bon. 
Les employés des pompes funèbres ont un peu foiré les intros et outros des chansons d'Aznavour et de Pascal Obistro diffusées pendant la cérémonie, mais les éloges funèbres par sa fille, avec qui il avait été longtemps brouillé, et par sa dernière compagne, qui l'avait réconcilié avec sa fille, en tout cas c'est ce qu'elles ont dit dans leur petit discours, ont été sobres et émouvants, elles ont dressé avec des mots très simples un tableau du disparu qui rayonnait soudain de qualités humaines insoupçonnées, le courage, la probité, la ténacité, l'humour, toutes ces vertus que nous n'avions pas su capter de notre voisin en choisissant de vivre à distance autant que faire se pouvait, et maintenant, évidemment, c'était un peu tard. Au point de me troubler, et de lui consacrer ce billet.
Images d'archives D.R.
En pénitence d'avoir pensé du mal d'un chouette gars qui avait un peu trop picolé pour ne pas être rattrapé par ses excès passés, mais qui a quand même œuvré pour la réduction de mon empreinte carbone en me faisant vivre dans la terreur d'une dénonciation quand il m'arrive de brûler des déchets végétaux dans le bois, quelques jours plus tard je suis allé faire les vendanges bénévolement, pour un ancien collègue en cours de reconversion comme vigneron bio, mais qui démarre modestement, et n'a pas de quoi pour l'instant salarier ses vendangeurs. Je me suis d'abord dit "nan mais il est un peu chié de me solliciter, il sait bien que je ne bois plus" et puis quand même après j'ai réfléchi "nan mais en fait y s'en fout de ta problématique d'alcoolo, il a juste besoin d'un coup de main, et quel plus beau geste pour toi que de donner de ton temps pour un gars avec qui tu n'as pas vraiment d'attaches ? "

Merci Liberatore !
Dans le muscadet, cette année y’a eu le gel, la grêle, le mildiou, et les récoltes sont perdues à 80 %. Alors son raisin a été vite ramassé, j
'ai passé un week-end dans les vignes avec que des 
quadras, c’est là que tu vois dans leurs yeux que tu ne l’es plus. Comme avec mon voisin, il y a une certaine distance qui s'établit spontanément, mais au moins, t'es en contact avec le monde, un monde post-Covid où les programmateurs de spectacles de jazz et de world music se reconvertissent dans la menuiserie. On s'est retrouvés à discuter de cinéma coréen avec un gérant de label musical de la région qui m'a proposé d'assister à un concert de rock psyché la semaine suivante en laissant une place à mon nom à l'entrée de la salle, ça fait toujours plaisir. Mais je ne suis plus très branché rock psyché. J'esmère simplement récupérer quelques bouteilles de muscadet pour ma femme si Pierre réussit sa première vinification. Réponse dans quelques semaines. Faut qu'ça fermente. Sauf qu’à force de me justifier dans les vignes et au cours des repas de vendangeurs « nan mais moi je bois plus depuis 29 ans », j’avais l’impression de proclamer l’inverse de ce que je prétendais, à savoir de prouver mon attachement hors d'âge au produit, et que si j’avais vraiment envie de me la péter avec mon abstinence, les quadras du cru n’en avaient rien à battre, et j’avais qu’à retourner m’en vanter en réunion Alcooliques Anonymes, ce que j’ai aussitôt fait. 
Même après 10 ans d'absence, les AA t'accueillent toujours comme si t'étais venu la semaine précédente. Et leur chaleur n'est pas feinte. J'y retourne aussi parce que j'ai une collègue de bureau à qui j'aimerais bien transmettre un peu de ce que j'ai reçu quand j'ai poussé la porte du mouvement pour chercher une solution à mon problème avec la boisson, et que j'ai un peu oublié les rudiments d'une transmission efficace.
En relisant parallèlement mes comptes-rendus de séances de psychothérapie de l'époque, il m'apparaît que je picolais pour cause de narcissisme déficient, c’est à dire pour me consoler de n’être « que » ce que j’étais, pas vraiment à la hauteur de mes ambitions. Je me décevais beaucoup, quoi. Le recours au médicament liquide n'arrangeait rien, mais anesthésiait la douleur. Et malgré tout mon blabla, rien ne m'interdit de transférer le programme de rétablissement qui m'est suggéré dans d'autres domaines de ma vie. C'est même recommandé.

Selon ma femme,
je vais pas tarder
à être dans un beau Drap.
Epilogue

La vie continue.
2 Novembre. 
Fête des Trépassés. 
Bonne fête Patrick ! 
C'est ta première, je sais, ne t'inquiète pas, ça va bien se passer, on est là, comme des voisins redevenus vigilants depuis ton départ.
Je me renseigne, sans passer par Wikipedia sinon il va encore me taper 15 balles.
En Occident, la Fête des Morts ou la «Fête des trépassés » est une célébration d'origine celtique qui, étendue ensuite aux peuples européens, a été réaménagée par les Églises chrétiennes depuis le XI° siècle sous le nom de « jour des Morts » dont la célébration est fixée au 2 novembre de chaque année. 
Ça fait bizarre, chaque fois que je vais pisser dans le jardin, et à mon âge c'est souvent, d'observer tes volets qui restent obstinément fermés. Sauf quand ta fille vient de Marseille pour finir de vider la maison. Depuis que tu as quitté ton corps, nous la surveillons. Pas ta fille. La maison. Ta fille, nous ne la connaissions pas, mais elle est sympa. Sa mère aussi. L'autre jour, peu après ton décès, je suis allé l'engueuler parce qu'elle brûlait des papiers sans doute hyper-secrets dans un brasero et que toute la fumée venait sur moi qui étais en train de ramasser des framboises dans ma parcelle, alors avec mon infection pulmonaire je toussais beaucoup, et je trouvais ça scandaleux de me faire enfumer, et elle était désolée, mais il fallait vraiment faire disparaitre ces papiers sans pouvoir passer par la déchetterie, ma femme m'a engueulé que je sois allé lui râler dessus, moi qui il y a vingt ans empuantissais tout le quartier avec mes incendies raisonnés® sans que ça me pose de problème moral ni avec les flics, j'ai beaucoup changé mais apparemment le souvenir de mes méfaits perdure. 

A tous les coups, ma femme se rappelle
du temps où je trempais ma trompe dans le bol
mieux que je ne saurais le faire.
Ahlala Akbar. Ça nous rajeunit pas.
La semaine dernière, en rentrant d'une virée en vélo, on a vu que y'avait du monde, et ma femme s'est arrêtée devant chez toi pour lier la conversation avec ton ex-épouse et ta fille, moi j'ai pas osé vu que je les avais engueulées début septembre, et c'est comme ça qu'on a su que ta maison allait être vendue au beau-père du second fils du viticulteur du coin, dont j'enfume parfois les vignes, du coup ma femme me prédit des difficultés grandissantes à faire du feu dans le bois, je m'en fous, l'autre matin il y avait du brouillard et j'en ai bien profité, j'ai berné tout le monde, le voisin d'en face est sorti parce qu'il trouvait que le brouillard avait une odeur suspecte, mais il n'a rien pu prouver et il est rentré chez lui.  


[EDIT]

Une amie m'envoie ce commentaire et me remet sur la voie de la raison :
Pour les déchets verts, nous allions à la déchetterie avec nos remorques. Mais j'ai acheté un broyeur, et je répands sur le terrain, aux pieds des arbres, dans les haies, et même sur nos mini carrés de potager. Mes pieds de tomates, concombres etc, je les ai arrachés et tout simplement laissés dans le potager. Les vers de terre et autres bactéries recyclent tout, et cela nourrit la terre. donc même si tu déposes tous tes végétaux dans la forêt, ils se décomposent. Je fais de même avec les épluchures etc....tout revient à la terre ou au hérisson. Pour les feuilles, soit on fait un tas autour des plantes, ou sur le potager, et cela les protège un peu de l'hiver et se décomposent avant le printemps, soit on les laisse.... de même pour celles qui pourrissent dans les gouttières. Tout peut revenir à la terre, pas besoin de brûler.

J'étais en train de penser la même chose de la crémation. Quel gaspillage !