mercredi 25 juillet 2012

Ma dépression racontée aux enfants (5)

Un mois plus tard (février 2012) :
Nouveaux problèmes d'insomnie, mais dans l'autre sens : la béquille chimique est devenue une fusée dans le derrière, j'ai trop d'énergie, je me réveille à trois heures du matin et je commence à canarder de mails les amis qui m'ont aidé quand j'étais par terre, par des coups de fil, des suggestions d'actes à poser... J'ai soudain plus de réponses que de questions.
La créativité qui était en berne, même si tout n'est pas très élégant, ça coule à nouveau, c'est fluide, et je nettoie les coins sombres de ma vie, je range je trie.
Au boulot, je reprends confiance en moi, j'abats un travail kolossal, en tout cas par rapport à celui que je n'arrivais plus à faire, et je prends des responsabilités qui m'effrayaient il y a peu...
Ma carte de voeux visant à restaurer le gouvernement de la pastille Vichy me permet de retrouver la distance envers la maladie, salutaire.
Dans un mois, je montrerai cette photo au psy pour le convaincre d'arrêter le traitement.
Si je n'avais pas la chance d'être pourvu d'humour, je serais déjà mort il y a longtemps, du fait d'autres tendances en moi.
C'est pourquoi ça me fait un bien fou de me rappeler (et de m'en vanter à la cantonade dans le Bundestag) qu'il faut que j'accepte le Hitler qui sommeille en moi (et qui est parfois bien réveillé ! Ach !) si je veux que le Juif en moi ait une chance de lui échapper dans son joli pyjama rayé.
Extase froide d'avoir survécu à mon flinguage, sans présumer de la suite.
De joie devant tant de créativité narcissiquement retrouvée, j'en ai bombardé mon père, que ça n'a pas du tout fait rire.
Sur ce plan là, au moins, nous sommes dissemblables : comme Desproges, je considère qu'on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui.
Lui pense que les fours crématoires n'ont déridé personne.
Il n'a pas tort non plus.
La dérision, que je pratique parfois avec excès, n'est pas dénuée de vacuité égotiste (elle invite les autres à s'ébaubir du brillant esprit qui nous habite) et peut tendre à renforcer le pessimisme, le cynisme... elle doit donc être tempérée de vigoureux coups de pelle à la face de nos interlocuteurs, pour leur rappeller qu'on n'est quand même pas là pour faire que rigoler bêtement des travers (de porcs) de nos contemporains.
Coups de pelle ? J'ai envie d'en découdre, c'est sûr.
Mais avec qui ?

Les effets secondaires des antidépresseurs deviennent gênants, à moins que ça vienne de moi :
surexcitation sans composante émotionnelle, sentiment de triomphe irraisonné substitué à l'accablement précédent, envies d'envahir la Pologne... exaltation et jubilation (étymologiquement Joie-sans-cause) sans motif valable, ou devant des choses qui ne le méritent guère donc imputable au produit.
Overdose de sérotonine.
Réouverture des blogs en urgence, pour éviter d'envahir la Pologne de ma femme, qui dort du sommeil du travailleur social.
Je pense que cet état n'est pas stable (ça durera moins longtemps que les impôts), mais pour l'instant c'est très confortable.
En tout cas c'est mieux que la dope...
 (la dope, c'est comme visiter l'Egypte sans descendre du bus)
Avec le Seroplex, je m'aperçois qu'à l'illusion de puissance des paradis artificiels se substitue la Puissance Réelle et Agissante, et en plus remboursée par la sécu, ainsi que les consultations.
Quelle arnaque  !
Je comprends qu'on devienne accro... moi le premier.
Je me demande comment je vais faire quand il va falloir lâcher la béquille.
Je fais marrer mon psychiatre, et ma famille est soulagée de me voir exubérant, parfois trop, basculé dans l'effet inverse... On est peu de choses entre les mains des labos pharmaceutiques !


6 mois plus tard (maintenant, quoi)
Fin février, j'ai opté pour un sevrage radical, en deux semaines j'ai tout arrêté.
J'ai senti que maintenant que j'étais à nouveau en état de me mouvoir, il fallait pousser mon avantage. J'ai mis quelques mois à évacuer le produit, et j'ai récupéré grosso modo mon état d'avant.
La redescente n'a pas été aussi spectaculaire que dans "Des Fleurs pour Algernon".
La société induit des maladies comme celle qui m'a visité, puis invente les produits qui permettent de redevenir efficient. Trop fort.
Dit comme ça, ça fait un peu victimisation, mais s'il ya un moment où il aurait fallu me sentir victime dans ma vie, c'est bien pendant cet affreux novembre. Trop tard.
Temps de mettre un terme - provisoire ? - à ce nouvel accès de cyber-confidences : j'ai beau essayer de définir les contours de ma pensée, je vois que le résultat consiste à accréditer, solidifier et consolider l'idée d'un moi permanent et omnichiant qui se nourrit de sa propre légende auto-colportée (Fallait évidemment pas se prendre comme sujet de blog et en ouvrir un sur les chatons ou les vieux disques, comme tout le monde) et qui pense sans doute qu'en barbouiller les parois de la caverne va le faire aller vers la lumière.
Dans la dépression il n'y avait plus qu'un enfant brisé et apeuré. Dans le traitement de cheval qui a suivi, un vieil ado y retrouvait en enthousiasme à la faveur d'un embrasement chimique "comme dans le temps" (rien ne revient jamais, faudra s'y faire si ce n'est fait)
Match nul.
J'ai eu l'occasion de méditer sur cette appétence du mental à générer de l'auto-fiction, et je n'ai fait que redécouvrir expérimentalement ce que susurrent les seconds couteaux de la mafia de la non-dualité (cf la vidéo plus bas) donc une fois de plus redécouvert le fil à couper le beurre, j'ai plus qu'à reprendre ma quête du beurre... sachant mes idées de "je", de "beurre" et de "quête" sont les obstacles principaux à tout "dénouement heureux" (concept qui surpasse les précédents en termes de catastrophisme éclairé.)




lundi 23 juillet 2012

Ma dépression racontée aux enfants (4)


extrait de mail sous Seroplex®- janvier 2012-

Ah mais dis donc, je t'ai pas raconté ma "dépression" de cet hiver, puisque les spécialistes lui ont donné ce nom, enfin j'ai regardé sur Internet, on peut aussi parler de burn-out.
Mais il y a une collusion évidente entre les psychiatres, les labos pharmaceutiques et les cliniques privées pour trouver des nouveaux noms, de nouveaux concepts et de nouveaux médicaments pour traiter l'effondrement momentané du psychisme humain, innacceptable au plan sociétal et inconfortable au plan individue,, qui au final ne s'explique pas plus qu'une étoile ne sait pourquoi elle s'effondre sous le poids de sa propre gravité, bien qu'il y ait sans doute des règles et des lois qui régissent astres et désastres.
Quand on est pris dans la mousson dépressive, on se fout bien du nom qu'elle porte, parce qu'elle arrache tous les panneaux de signalisation intime, on est dévasté, fukushimé... 
Il est malaisé, voire ridicule de vouloir faire oeuvre de prévention, mais on peut quand même dire "attention aux signes avant-coureurs, si des idées noires commencent à te trainer dans la cafetière, faut pas hésiter à consulter"... même si on n'a pas du tout suivi cette voie.
Le problème étant que on ne fait plus attention aux signes tant on est épuisé, suffoqué, épouvanté, submergé... sinon on ne se serait pas laissé faire.
J'ai rien vu venir, et pourtant ça faisait des années que je trainais des trucs pas joyeux dans ma besace.
Mais je vivais avec.
Les signes, négligés, se sont mués en cauchemars, en montagnes, les angoisses sont devenues phobies, les petites contrariétés sont devenues des naufrages irréparables...et quand la vague passe par-dessus nos défenses, y'a rien d'autre à faire que d'attendre qu'elle se retire, en se bourrant de médicaments et en se confiant aux professionnels de la profession.
Enfin, moi je vois pas comment j'aurais pu le gérer autrement, parce que je ne gérais plus rien du tout.
Voici donc racontée à peu près dans le bon sens Ma Petite Baisse de Régime en fin d'année 2011.
Décompensation du deuil de ma mère un an après sa mort, difficultés professionnelles accumulées... les causes ne manquaient pas, mais ça ca c'est du a postériori... de l'intérieur on constate juste que les effets décrochent complètement de leurs causes, connues de la conscience et tenues à distance par elle, comme des moutons dans un pré qui se muent en dragons carnivores arrachant les clotûres et ravageant la région.
 D'abord, je me disais qu'un truc comme ça, ça n'arrivait qu'aux profs d'anglais de basse-Bretagne, le jour où ils se rendent compte qu'ils sont impuissants à endiguer la dégradation du système éducatif...
Mais que j'avais trouvé un mode de vie à base de compromis entre complaisances et aspirations qui me prémunissait contre ce genre de mildiou psychologique et surtout spirituel.
...et puis justement ce jour là j'étais prof, dans une école de communication, j'animais un stage auprès d'étudiants de 22/23 ans et je venais de finir la partie "production" de la formation (leur faire écrire un reportage, caler un planning de tournage avec des interviewés...) et j'allais attaquer le montage, qui reste mon coeur de métier, quand je me suis rendu compte que les caméras de l'école avaient changé en mon absence, et que j'avais besoin d'une sérieuse remise à niveau technique (nouvelle technologie sans cassettes, on enregistre sur des puces...) sans laquelle j'allais dans le mur : un formateur pas formé, au prix qu'on lui paye sa journée, ça fait désordre. Et j'ai eu l'impression que je ne parviendrais pas à obtenir ces informations à temps. Et l'écriture des sujets, c'était très compliqué. Il fallait avoir des idées, prendre des initiatives, et je m'apercevais que je n'en étais plus capable ( ce vieux déficit d'auto-perception...)
Et puis j'avais toujours mon premier boulot, quasi-à plein temps...dans lequel j'avais l'impression d'être confronté à des difficultés que je ne saurais résoudre voire d'essuyer des revers, ce qui est une façon beaucoup plus pernicieuse de voir les problèmes en les personnalisant.
Je pensais que mes problèmes de victimisation avaient cessé d'exister.
Et à force de trop bosser, d'être flippé, perfectionniste, de me dire que j'étais largué techniquement (mon associé a le tort d'être brillant et plus jeune que moi, et j'ai eu le tort de vouloir rivaliser de compétences avec lui, parce que je voulais lui faire plaisir et me montrer compétent, parce que j'avais l'impression qu'il m'avait recueilli comme un oiseau blessé, bref un festival de jugements de valeurs, de supposés émotionnels et de mélasse cognitive qui n'avaient pas la moindre chance de coller à la réalité) et de m'être pris si souvent dans le passé pour un minable (mon péché pas mignon du tout), la conjonction de difficultés professionnelles, d'un affaiblissement général et du retour des sentiments auto-dépréciatifs m'ont entrainé vers une bonne petite dépression, parce que j'avais pas le temps d'en faire une grosse, qui s'est quand même conclue par une quasi - tentative de suicide, une hospitalisation en psychiatrie, puis anxiolytiques, antidépresseurs et somnifères, comme dans une vieille chanson de Thiéfaine (sans la bière ni le mezcal, mais j'ai trouvé un vieux mexicain aux AA qui jouerait bien mon nouveau père spirituel dans le biopic qui ne manquera pas de m'être consacré un jour où les scénaristes hollywoodiens seront en manque d'inspiration).
C'était il y a un mois et demi.
Après une semaine d'hospitalisation au CHU avec des dépressifs profonds auprès desquels je ne suis qu'un aimable plaisantin bricoleur de l'auto-apitoiement, avec le suivi très distancié qu'offre la psychiatrie publique, dont j'ignorais tout, j'ai passé une très sale semaine à la maison, à regarder les feuilles tomber par la fenêtre alors que tout le monde était parti au travail, même pas en état d'amener les gosses au lycée, complètement ensuqué par le malêtre, espérant un effet des médicaments qui tardait à venir, à passer des heures à pleurer dans mon lit, déchiré par des vagues d'angoisse, de culpabilité, à me dire que je ne pourrais plus jamais retravailler ou fonctionner normalement, à essayer de faire de la respiration apaisante qui n'apaisait rien du tout et surtout pas la douleur de me prendre pour un tas de merde sanguinolente, un de ces matins épouvantablement crépusculaires donc, s'est imposé cette question à mon esprit dans sa désarmante simplicité : 
- Tu es par terre. Est-ce que tu es mieux par terre, ou est-ce que tu as envie de te relever ?
A partir de là, je me suis entendu répondre que j'avais envie de me relever, et j'ai commencé à poser des actes dans ce sens.
Parce qu'il ne faut jamais perdre de vue ses objectifs, même si c'est la première chose qui survient quand ton psychisme s'effondre, il est bon de le rappeler. 
Depuis, j'ai relu quelques notes manuscrites de ces dernières années. 
 Comment ai-je pu oublier cette prière auto-concoctée comme une ordonnance : "mon Dieu, préservez-moi de me prendre pour un minable ?" que j'y ai trouvée à plusieurs reprises ?
Aujourd'hui ça va mieux, et je m'aperçois que je jouis à nouveau du droit finalement imprescriptible d'être petit sans être minable.
Comme j'ai fait ma crise des 50 ans avec un an d'avance, c'est cool je vais pouvoir passer à autre chose.
Une semaine avant mon hospitalisation (ah oui parce que c'est un récit éclaté pour répondre aux canons de la narration en vogue actuellement qui correspondent grosso modo aux impératifs de cerveaux habitués à zapper de page en page sur internet) je m'étais quand même  précipité chez mon généraliste, parce que ça faisait 15 jours que je ne dormais plus du tout, que j'avais perdu 8 kilos et que je regardais la hauteur des immeubles en calculant mes chances de me rater, mais il était déjà bien tard.
Ca s'était manifesté par le corps et dans les rythmes biologiques, et la tête était aux abonnés absents.
Je lui ai décrit mes humeurs et mon parcours avec tant de précision qu'elle m'a immédiatement  prescrit des anxiolytiques et antidepresseurs, mais le dimanche suivant je suis quand même allé au bord de la falaise parce que je ne voyais plus comment m'en sortir (je m'étais mis dans des situations que je pensais indémerdables au boulot, alors que je m'étais clairement fait une montagne à partir de pas grand chose, et ça m'avait décidé à en finir pour ne plus souffrir du ressassement des échecs passés et des désastres futurs... bonjour la lucidité !)
J'étais terrorisé par ma propre peur, et attiré par le vide...et la promesse illusoire d'un repos que je souhaitais éternel.
Résurgence et inondation du mantra "tout est vain", vérité intime auto-révélée sous acide avant Jesus-Christ, enfin j'exagère c'était à Montpellier en 1982. Et l'acide était malheureusement coupé au speed.
Finalement, au bout du compte et au bout du quai je n'ai pas sauté de la falaise, en me disant que j'avais quand même une femme et des gosses épatants et que je serais damné de leur faire un tel chagrin, et le lendemain je suis allé voir le psychiatre qui me suivait pour ou plutôt contre la porno-addiction entre 2002 et 2006, qui voyant mon état a cru bon de me proposer un séjour en hôpital de semaine, du lundi au vendredi, en psychiatrie légère. C'était assez dur, surtout pour mon orgueil, mais ça m'a fait du bien d'être enfermé avec des dépressifs profonds, qui n'avaient même pas de mots pour décrire leur souffrance, dans cet hôpital où l'on voyait un interne en psychiatrie 10 minutes par jour.
Un mois plus tard, je ne prends plus d'anxio, ni de somnifères, les antideps j'en ai pour 6 mois (c'est un traitement de fond) et j'ai un suivi avec un psychiatre plutôt freudien, mais sympa quand même.
Je me demande si j'entreprends quelque chose avec un thérapeute gestalt comme me le suggèrent des amis, et dans cette attente j'ai repris à bosser et j'ai fait de gros progrès dans le lâcher prise de mon autominabilité et de mon autoapitoiement. 
C'est cela qui nous empêche de commettre l'irréparable, ce désir qui est la Vie même en nous, et qui s'insurge contre notre capacité à nous nuire, cette appétence à la liberté qui contrecarre nos plans méthodiques ou désordonnés d'autodestruction, cette aspiration à la fluidité, à la légèreté, même prostré alors qu'on vient de tenter de se trancher les veines psychiques avec un tesson de bouteille d'amertume et de dépit, ou de se chier dans les bottes ou de foutre en l'air 5 mois ou 5 ans d'abstinence de désespoir, pour lequel on se sent des affinités honteuses et programmées à une époque où l'on n'avait pas notre mot à dire.
La petite voix qui te suggère, au fond de ton désespoir le plus organique, que l'univers n'est pas une mauvaise blague, et que tu t'es peut-être gourré quelque part dans l'évaluation des dangers qui te menaçaient.
Grâce à ma béquille chimique, qui m'a remis debout, on vient de passer la semaine à Paris pour apprécier notre bonheur d'être nantais, avec ma femme et ma fille, je me suis attaché à combler leurs désirs les plus secrets, qui consistaient essentiellement à claquer tout notre pognon dans des boutiques de fringues du quartier Montparnasse et à faire la queue devant le centre Beaubourg pour y contempler brièvement des oeuvres d'artistes bourgeois décadents, pour leur faire oublier le mauvais quart d'heure que je leur avais fait passer le mois précédent. Je me suis rendu compte aussi que claquer 153 euros de comics en vo en 10 minutes dans une librairie spécialisée de  Saint Michel avait des effets positifs et durables sur la dépression.
Tout Finit Donc Par Rentrer dans l'Ordre et le Happy End n'Est Pas du Tout Tiré par les Cheveux, la France Respire !
J'ai rajeuni de 20 ans et j'ai retrouvé mon équilibre, il est 5h30 du matin et je monte un gros film institutionnel à la maison pour avant-hier sans faute, bref c'est la patate !
Une bise à ta compagne, que je méconnais, et d'affectueuses pensées après ce grand déballage que tu auras su endurer avec l'élégance et la dignité qui te caractérisent.
N'aie pas peur, cher lecteur, je n'ai pas écrit tout ça pour tes beaux yeux, c'est ma lettre type de voeux de début d'année, parce que pour faire pire que l'an dernier faudra se lever tôt ;-))))
Et puis, un bonheur n'arrivant jamais seul, j'ai été opéré mardi dernier sous anesthésie générale, me voilà débarrassé de 3 dents et d'un kyste dans l'os de la mâchoire pour alléger ma traversée de 2012, l'année de la Tarlouze. Quand le chirurgien m'a annoncé qu'il voulait m'opérer, en novembre, j'ai pris ça très mal et j'ai failli m'évanouir dans son bureau. C'était encore une injustice cosmique qui m'était faite. Dans les faits, c'est juste d'être exposé aux lointaines conséquences d'un accident de voiture en 1983, dont tous mes fans se souviennent avec émotion.
Our sins cast long shadows, disent les Anglais.
Our karma got big bollocks, ajoutent les tibétains.
Je n'étais même pas sinner à l'époque, sinon par inadvertance, poil à la repentance.
Tous les détails en pages intérieures.
... ah non, ça suffit pour aujourd'hui ! Gardes-en pour demain ! Yo !
Je n'ai pas besoin d'ajouter (mais je le fais quand même) qu'évidemment, si j'étais un anorexique social, le témoignage que je viens de faire aurait quelque chose d'inquiétant.
Mais j'ai la chance d'être entouré de gens positifs, qui me serinent qu'il n'y a pas de dépressifs en temps de guerre, et que comme disait Coluche, Si un jour tu te sens inutile et déprimé, souviens-toi : un jour tu étais le spermatozoïde le plus rapide de tous.
C'est reparti comme en 14 (d'ailleurs, plus que 2 ans !)
Un vieux copain à qui j'ai envoyé ce récit circonstancié et apocalyptique de "MA" dépression me répond simplement :
Et sinon, à part ça, ça va?
c'est bon d'avoir des amis.
Il a raison, évidemment.
L'essentiel est ailleurs.
Ou alors je lui réponds un truc du genre :
Non.
Bien sûr que non, ça ne va pas.
Et là je me recentre et me renferme dans mon petit mythe mytho de la frustration et de la souffrance auto-infligée, à l'âge où l'on commence à décompter toutes les choses qu'on n'a pas faites, et qu'on ne fera probablement jamais :
- coucher avec une noire (je crois toujours quelque part que ça serait une rencontre avec le divin, ne riez pas... et bonjour l'objectif de vie) en tout cas je suis en train d'en faire mon deuil, si, si, malgré toutes les jeunettes croisées rue Rambuteau entre Noël et le jour de l'an. J'en fais mon deuil essentiellement parce que je vois bien dans leur regard que elles, elles ont fait leur deuil de moi. Etre invisible aux yeux des jolies femmes dans le bus, c'est mon nouveau super-pouvoir qui s'amplifie avec l'âge et à force de lire des comics.
- (progresser dans l'intention de) pratiquer le bouddhisme
- être chef de rayon végétal au Gamm Vert de Pornic
- demander avec bienveillance dess nouvelles de l'Autre, quel qu'il soit, plutôt que l'abasourdir avec les miennes, dont on se demande toujours si c'est de l'art ou du cochon...
-jouer de la guitare correctement
- renoncer à la jeunesse...
Henri Michaux disait que l'enfance, c'est le temps des premières fois : plus ça va, moins on fait de choses pour la première fois. Ce n'est qu'à moitié vrai (bien que j'aime beaucoup ce qu'il écrit par ailleurs)
Car je peux tout aussi bien commencer à compter les choses que j'ai faites très récemment pour la première fois :
-m'épiler les sourcils pour enlever ceux qui blanchissent
-nourrir les poules au toutaliment (elles n'aiment que le maïs et laissent les granulés de côté, mais quand j'oublie de les nourrir pendant 2 jours du fait de mes allées et venues tardives, elles n'en laissent pas un atome… à méditer)
-faire 1000 km en conduite accompagnée avec Hugo
-Lire un livre sans lunettes (quand il y a assez de soleil)
-Avoir des rapports sexuels satisfaisants pour chacune des parties en présence
-Lire une bande dessinée de Super-Héros dans la langue de Shakespeare et la trouver chouette
-Réussir des galettes au sarrasin
-Aller passer 8 jours à Paris et trouver ça agréable de faire la queue à Beaubourg pour voir une expo moche sur Munch
-Entamer 8 fois d'affilée un bouquin de SF et n'y rien comprendre, et me dire "c'est pas grave"
-M'amuser deux heures sur un logiciel de création musicale et être content du résultat
-M'asseoir 10 minutes dans le jardin et ne penser à rien
...
Toi aussi, tu peux créer ta propre liste !
D'ailleurs, je l'attends avec impatience.
Putain, la tartine que je t'ai chiée !
Faut dire que je suis dans la jubilation (non-exaltée) de la retrouvaille avec mes facultés intellectuelles dont j'essaye de ne pas attribuer entièrement les mérites aux vertus résilientogènes du Seroplex® 10 mg, ce héros des temps modernes.

Lectures d'été : Enfers et paradis fiscaux

Ah là là, mes pauvres enfants...
Pourquoi ceux qui savent ne sont-ils pas ceux qui font ?
Et pourquoi une telle lecture laisse-t'elle un goût de cendre, de rage et de dégoût ?
Faudrait-il plutôt se réjouir de l'intelligence déployée par les apprentis artificiers de la Finance, bien qu'ils jouent avec des allumettes dans la soute à explosifs et qu'ils aient déjà fait sauter la moitié de la boutique en 2008 ?
Il ne s'agit pas ici d'intelligence, ce n'est que de la ruse, au service d’intérêts particuliers de gars qui n'ont point encore compris qu'ils jouent contre leur camp, parce qu'ils ne veulent pas voir à quel point appétits personnels et intérêt collectif s'opposent.

jeudi 12 juillet 2012

Climatique

J'ai des amis qui viennent faire un peu de musique à la maison à la fin du mois, je voulais leur faire faire un peu de tourisme, mais vu la météo, je vais plutôt leur montrer la vidéo de ce qui se passe sur l'estuaire en ce moment.

Estuaire. Dialogue fertile avec la Loire par paysdelaloire

mardi 10 juillet 2012

La Pure Expression du Spleen

The Bug - Catch A Fire (Official Video) from Ninja Tune on Vimeo.


Kids killing children outside my door step
Gun shot, gun’s hot, knife rules, knifes cruel
Blue lights are haunting me everyday and every night
Police shoot, police loot, police lies, police spy
Catch a fire, catch a fire
Start a fire, start a fire
Light a fire, light a fire
Burn a fire, burn a fire
White collar vampires sucking blood from London streets
Black money, stealing honey, blood money, not funny
Let’s clean this city with burning flames of fire
Crack heads, piss heads, hood rats, undead
Catch a fire, catch a fire
Start a fire, start a fire
Light a fire, light a fire
Burn a fire, burn a fire
Everybody knows that violence grows
This city drives me crazy and skitzoid
Let’s clean this city with burning flames of fire
Crack heads, piss heads, hood rats, undead.

Je l'ai réécouté ce soir en faisant mon repassage, c'est vraiment l'expression musicale la plus pure du spleen contemporain. En Angleterre, il fait un temps à poser des bombes, mais comme ils ont vus leurs ainés trébucher sur l'écueil de la violence, les jeunes préfèrent se languir et se ruiner la santé sur des musiques tristounettes.
Comme ça le gouvernement a les mains libres pour sabrer les programmes sociaux.
Cool !

samedi 7 juillet 2012

Se réconcilier avec la Science, mais avec la Fiction aussi

 Après Prométhéus, où Ridley Scott fait subir les outrages du soudard de passage ce soir dans votre ville à la Vieille Dame qu'est devenue la Science-Fiction, je reprends un livre de SF que j'ai déjà essayé de lire 3 ou 4 fois cette année, sans jamais dépasser la page 200.
Trop difficile, trop confus.
Même pour un Dickien dans mon genre, moi qui fus geek 30 ans avant les ordinateurs individuels, du temps où il n'y avait que les livres de Jules Verne pour se défoncer. A un âge où la seule survie véritable passe par les livres, parce qu'ils sont les preuves vivantes qu'il existe une multitude d'autres places dans le monde que celle qui nous a été assignée et qui nous fait souffrir, pour reprendre Nelly Kaprièlian.
Il faut dire que le narrateur a été amputé d'une moitié de cerveau, suite à une épilepsie handicapante.
Ca n'aide pas à écrire des histoires sur l'incommunicabilité, quand on est un autiste hyper-spécialisé enfermé dans un vaisseau spatial commandé par un Vampire parti à la rencontre d'Etrangers qui se révèlent avoir fait l'économie de la Conscience de soi au cours de leur évolution, et qui sont donc beaucoup plus adaptés à la survie, et qui sortent gagnants haut la main de la confrontation.
Et que je te ponde des pages indigestes mais vivaces de méditations philosophiques :
"Nous explorons des domaines au-delà de la simple compréhension humaine. Parfois ses contours sont tout simplement trop complexes pour nos cerveaux, à d'autres moments ses axes même s'étendent dans des dimensions que sont incapables de concevoir des esprits construits pour baiser et se battre sur des prairies préhistoriques. Tant de choses nous contraignent, dans tant de directions. Les philosophies les plus altruistes et les plus viables échouent face à l'intérêt personnel, cet impératif brutal du tronc cérébral."
C'est pas avec ça qu'on va en vendre des caisses.
L'heure est grave : d'un côté, la littérature d'anticipation est agonisante, au profit de l'héroic fantasy qui l'a détronée sur les stands des libraires (ceux qui ont survécu à la Grande Peste Amazon, qui a suivi la Pandémie Fnac)(1)
Les écrivains ne sont plus traduits, les éditeurs périclitent.
Le lectorat vieillit.
De l'autre, le cinéma de SF ne décolle pas, du fait de cette invasion de superhéros en slips.
La prospective, on la trouve maintenant dans les revues de décroissance.
Qu'est-il arrivé aux idées SF ?
Quand le genre triomphe, dans les années 60/70, c'est un formidable outil de futurologie et d'anticipation.
Peu d'utopies, beaucoup d'enfers.
Certains sont advenus, d'autres attendent dans les limbes.
On n'est pas pressés.
Après j'ai un peu décroché, avec l'irruption des romans hard science, cyberpunk, j'ai lu quelques auteurs mais j'avais cessé d'en tirer ma substance vitale.
Peter Watts tire un feu d'artifice de théories empruntées aux dernières trouvailles de la neurologie, des sciences cognitives, empruntant à la physique, aux idées trainant ici et là sur l'évolution de la Vie sur Terre et Ailleurs, et sa postface bourrée de références est plus instructive que le roman lui-même, qui ne sert que de plateforme de tir à ses petits jeux de l'esprit sur la nature de la conscience.
Au service d'une humeur asses sombre : comme l'auteur le rappelle dans la postface, "la sélection naturelle prend du temps, et le hasard y joue un rôle. Si nous sommes à ce point inaptes, pourquoi n'avons-nous pas disparu ? Pourquoi ? Parce que la partie n'est pas terminée. La partie n'est jamais terminée, aussi ne peut-il y avoir de gagnants. Il n'y a que ceux qui n'ont pas encore perdu."
Aah, au moins là on est en terrain connu.
Ouf.
Et il y a quand même de quoi faire pleurer une armée de scénaristes et de producteurs de blockbusters aromatisés SF.

(1) Après avoir survécu à la saison 2 du Trône de Fer sans bailler, moi je dis que l'héroic fantasy c'est jamais que la énième resucée des Rois Maudits, luttes de pouvoir, guerres fratricides, incestes royaux et alliances contre nature, félonies et corruption du clergé, avec un zeste de concubines, un brin de gore et éventuellement un saupoudrage de magie noire.
D'ailleurs Georges R.R. Martin écrivait de la SF quand j'étais petit, d'ailleurs assez bonne, et comme Brussolo en France il a dû trouver que ça ne mettait pas assez de beurre dans les épinards s'il voulait vivre de sa plume.