jeudi 13 décembre 2007

Démons (5)



Moebius par Moebius (© Moebius)

J’entendais récemment Moebius dire dans un documentaire à lui consacré par Arte “je suis un pépé de 67 ans, j’ai une vie banale et j’aurai une mort banale, mais à un moment donné j’aurais bien aimé être un prophète ou un Saint, bien sûr ça ne me travaille plus, mais à une époque…” c’est un gars qui n’a plus l’air de rien, mais qui a montré son inconscient à tous les passants dans ses créations des années 70… souvenirs impérissables du bandard fou, de la déviation, du garage hermétique de Jerry Cornélius

“Bien sûr nos miroirs sont intègres / Ni le courage d’être juif / Ni l’élégance d’être nègre / on se croit mèche, on n’est que suif” nous rappelle le poète, qui s’est frotté aux mêmes écueils, et la vieillesse venant a ramené notre héros à plus d’humilité.
Dans le film, Jodorowsky dit ne connaitre que l’artiste et se méfier de l’individu Moebius, et de sa part il faut prendre l’avertissement très au sérieux… si un mec comme ça s’est pris à rêver d’être autre chose que ce qu’il était, alors que pour beaucoup de lecteurs c’était déjà un dieu vivant, et que seules ses erreurs et leurs conséquences l’ont ramené à la raison (il semble s’être fait un peu empapaouter par un gourou douteux dans les années 80 et a fini par être la risée de la profession avec ses dessins de cristaux babzamort), alors rien d’étonnant à ce que nous soyons squattés par de fantasques entités qui prétendent nous affubler de leurs prétentions et faire leur beurre sur notre dos…
Il m’est évident aujourd’hui que si j’étais fasciné par la création et la fantaisie, c’est parce que je m’en sentais légèrement tout à fait dépourvu moi-même, et ne pouvais que m’injecter celle des autres pour donner le change, et me donner ainsi une chance d’être accepté. Par qui ? ça, je cherche encore…
Engloutissant tout Jules Verne, le journal Spirou, puis Fluide Glacial, Métal hurlant, la SF, le rock… j’étais surtout un lecteur remarquable, n’aspirant qu’ensuite, les gonades dégoupillées, à me faire sauter remarquer… j’aurais voulu être un artiste parce que j’étais intoxiqué de ça, ivre de la création des autres dont je prenais des surdoses massives… ça s’est dégradé plus tard, avec la goinfrerie (celle qui est stigmatisée plus bas par Saint Murat ) qui dissout l’attention dans la multiplicité et la contingence de ses objets, ce qui fait qu’on finit quand même par se douter de quelque chose et que les ballonements intestinaux nous ramènent à la raison…
Seuls les besoins ne manquent pas, et la Beauté ne se mange pas en salade; incomplets axiomes, et une question à la Henri Michaux : lorsqu’il y a jouissance, QUI jouit ?
Le besoin de reconnaissance n’est pas incompatible avec le besoin de vérité, mais il est plus chronophage… et je suis animateur socio-cul sur un forum pornodep pour sans doute encore un bon moment.

lundi 10 décembre 2007

Démons (4)

Finalement j’ai pris cette option 8 méga à 29,90€/mois à france télécom : pour l’instant ce fournisseur me délivrait fourguait 1 méga pour le même prix. Je n’ai pas eu la patience d’attendre de leur demander ce qui se serait passé si je n’avais pas cliqué sur oui : sans doute auraient-ils continué à percevoir mon règlement mensuel en échange d’un débit brusquement obsolète. Alors que comme ça, quand mon fournisseur d’accès internet me dénoncera auprès du ministère de l’information pour télé*chargement illé*gal, je pourrai me retouner contre lui pour incitation, ce qui donnera lieu à un procès retentissant qui engloutira des sommes considérables, on assistera à des orgies de mauvaise foi de la part de milliers d’avocats attirés par l’odeur du sang, procès au terme duquel le jugement fera jurisprudence… non, là c’est l’égo qui se fait un film, l’hypothèse la plus vraisemblable est que les hackers vont trouver une nouvelle parade, mais j’ai la flemme d’aller lire les forums.

Un fournisseur d’accès plutôt affectueux (© Moebius )

C’est un peu la schizophrénie, cette histoire de dénonciation à la Kommandantur par les FAI des contrevenants au téléchargement : tous les constructeurs de DVD arborent fièrement l’étiquette “DivX” sur leurs lecteurs, et où peut-on acheter des films encodés dans ce format ? les industriels favorisent ainsi des formats de diffusion dont on ne trouve de catalogue que sous le manteau ! que les auteurs et les industriels aient des intérèts divergents, alors qu’ils étaient jusqu’à récemment complémentaires, c’est inquiétant; je songe aussi à la difficulté d’acquérir honnètement “Dream Theory in Malaya” du trompettiste Jon Hassell (accompagné au bouzouki de l’arabe dément Abdul Al-Hazred), les vieux Terje Rypdal, Bill Frisell, Bill Laswell, Steve Roach, ailleurs que sur tombésducamion.com… bien sûr, faudrait pouvoir leur envoyer des mandats postaux ou acheter leurs disques dès que l’occasion se présente pour ne pas se sentir en dette (et de fait, on l’est.) C’est un peu un cercle vicieux : les rapines se généralisent et se massifient, provoquant l’érosion des ventes, ce qui endommage les circuits de diffusion, et fragilise par capillarité les moyens de production… Sans parler de tous les comics de la mort qu’on trouve en VO sur le net alors que les éditeurs français lambinent à nous traduire la suite de Ex Machina. On trouve partout l’illisible et esthétisante merdouille de Grant Morrisson “Seven Soldiers”, mais personne pour traduire son chef d’oeuvre “les Invisibles”.

Un mélomane aux prises avec son manque d’éthique (© Moebius )

Il n’y a pas que le commerce culturel qui en souffre : après avoir formé Fredo (qui a inventé John Warsen sans faire exprès, un jour qu’il lui fallait emprunter la tronçonneuse de John, ou Arsène, ses voisins immédiats) à DVD Studio Pro, les ports Firewire 400 de mon disque externe sont brutalement décédés. J’ai fait le tour des revendeurs d’informatique nantais, mais pas moyen de trouver un câble FireWire 800/400 (mon pouvoir d’achat suivant l’érosion salariale de ma profession, mon ordinateur est de 2001, l’odyssées de mes spasmes, et n’a que des ports FW 400, alors que mon disque externe plus récent en possède à 800). Le facteur humain défectueux fait que, après l’avoir commandé deux fois par téléphone dans une officine nantaise sans résultats, j’ai fini par le commander sur le net, et je l’ai obtenu en 3 jours.

Prions donc pour que les démons de la prétention & vacuité grognonnesque de mon blog m’en détournent. De toute façon je vais pas me réveiller fondamentalement différent pendant les 5 prochaines années, alors autant mettre les bouchés doubles si je veux sortir de mes obscurités.

mercredi 5 décembre 2007

Démons (3)

J’ai trop recopié de conneries sur mon blog hier, et c’est pas parti pour s’arranger aujourd’hui, du coup je ne me souviens pas de mon rève de cette nuit, juste de son sens global, comme si j’en lisais la critique dans Télérama : j’y obtenais la preuve irréfutable que les Fatals Picards étaient bien un groupe de connards de droite, alors qu’ils font tout pour passer pour des connards de gauche; c’est ma femme qui m’a mis la puce à l’oreille en les taxant de réactionnaires à la première écoute (faut dire qu’elle dispose de La Vue ) et en les prenant immédiatement en grippe. Si je fais des rèves qui accréditent son opinion, est-ce que ça signifie que je suis plus amoureux qu’il n’y parait ? Pourtant, leur chanson sur Bernard Lavilliers est rudement bath dans le genre méchanceté gratuite à bout portant sur une ambulance. Font et Val avaient eu la décence de taquiner Nanard quand il était encore en état de se défendre, avant que son côté Corto Maltese subisse tous ces glissements de terrain… Inextricabilité des opinions, proliférant sur le terreau des “impressions” sédimentées (mais pas assez longtemps pour qu‘elles soient transformées en hydrocarbures.)
Trouvé sans chercher hier soir une mignonnette de 3cc de whisky Clan Campbell (“bienvenue sur les terres du”) dans le placard de la chambre de mon fils, qui accomplit actuellement son stage de 3eme en entreprise à remplir les minibars des clients d’un Novotel. Le pauvre, il ne peut rien transgresser sans qu’on soit tout de suite au courant, n’ayant aucune aptitude à la dissimulation. Sans colère, je lui ai interdit de boire de l’alcool dans sa chambre et de boire tout seul, m’avisant ensuite qu’il pouvait prendre cela pour une invitation à picoler au collège avec ses potes; ce matin, en amenant ma femme à la gare, j’entendais à la radio les pouvoirs publics s’émouvoir d’une alcoolisation de plus en plus précoce des jeunes, au lycée voire au collège, ils citaient le cas d’un gamin qui s’était descendu un litre de vin blanc avant d’aller tout dégueuler en cours de français et concluaient au “cri d’alarme” de ce jeune. C’est vrai qu’avec des trublions comme ça, la viticulture est mal barrée. Le proviseur du lycée estimait que si l’Education Nationale était ainsi empéchée de remplir sa mission, du fait que les élèves n’étaient pas en état d’apprendre, il était urgent de botter en touche vers les parents. Et un psychiatre sortait son “addiction”, le gros mot qui dit tout et qui ne résoud rien, que je me garde évidemment d’employer face à ce qui n’est pour l’instant que des conneries d’ado et qui ne demande qu’à le rester, en tout cas l‘avenir nous le dira.
Ensuite j’ai amené mon chat se faire castrer chez le véto, parce qu’il met de telles branlées à sa mère que c’est pas pensable. Solidarité masculine oblige, c’est une décision que j’ai actée avec difficulté (j’ai fait grief à un journaliste la semaine dernière d’utiliser ce verbe affreux, mais c’est vrai qu’il est bien pratique) on verra si ça lui dégage les bronches. L’assistante du vétérinaire m’a dit que je n’étais pas seul dans ce cas, et a manifesté tant d’empathie que je me suis senti obligé de la faire sourire vu qu’il n’était que 7 heures du matin, et que me revenait mal à propos cette blague de paysan « bon ben maintenant que j’ai amené ma vache au taureau, je vais amener ma femme au Mammouth ».
Hier soir je me suis arrêté sur ça, toujours dans Le Monde : « Les nouvelles bornes de la pudeur »
“Site phare de partage de vidéos en ligne, YouTube a jusqu’à présent résisté à la tentation d’offrir à son réseau des images à caractère pornographique. « YouTube n’est pas destiné à la pornographie ni au contenu sexuellement explicite », précise le site dans ses « conditions d’utilisation ».
Autre site « participatif » en vogue, Dailymotion prévient que « par respect pour les sensibilités de chacun, il appartient à l’utilisateur de conserver une certaine éthique quant aux vidéos et/ou commentaires mis en ligne et, notamment, de s’abstenir de diffuser tout contenu à caractère violent ou pornographique ». Une « chaîne sexy » y est cependant proposée, où les vidéos peuvent être censurées (pour lutter notamment contre la pornographie enfantine) ou étiquetées « contenu explicite ».
Néanmoins, l’industrie pornographique générant un chiffre d’affaires conséquent sur le Net, les sites X de partage de vidéos se sont multipliés, depuis un an, sur ce créneau du « monde adultes » en surfant sur des noms au marketing bien calibré (youporn, pornotube, etc.) entraînant une fréquentation exponentielle. Dernier en date, Mypornmotion devait s’ouvrir au public samedi 1er décembre.
Fortement squattés par les professionnels du porno qui y trouvent un débouché promotionnel à leurs clips (souvent tournés dans les conditions d’un pseudo amateurisme), ces sites permettent à tous, aux internautes, à vous et moi, un exhibitionnisme (ou un voyeurisme) total, une plongée sans limite dans leur intimité. L’étape ultime de la télé-réalité.
Dans le cyberespace, tout devient possible. Le zoom prononcé sur le coït d’autrui, la mise en ligne de la fellation sur soi-même, le téléchargement des orgasmes feints ou très réels. Tout se vaut, tout se côtoie. Il suffisait de deux clics (deux liens), jeudi 29 novembre, pour passer, sans avertissement, des annonces du président de la République sur les 35 heures à une masturbation filmée par webcam : c’est-à-dire de la « une » du Monde.fr proposant un lien vers une notule présente sur LePost.fr (appartenant au groupe Le Monde) relatant les pratiques sexuelles d’un jeune footballeur argentin. Une page qui renvoyait elle-même à la vidéo en question.
« Il existe dans la culture moderne une préoccupation générale concernant la sexualité », énonce le sociologue britannique Anthony Giddens, observateur de la transformation de l’intimité. Pour avoir été longuement séquestrée, privatisée (notamment par la religion), la sexualité a envahi l’espace public, inondé la communication sociale. L’émergence des sites de partage de vidéos à « contenu explicite » achève cette quête de sexualité hyper-exposée dans un monde où le désir de consommation, à bien des égards, s’apparente au désir sexuel.
Le cyberexhibitionnisme serait-il cependant la marque ultime de la destruction de l’espace public par l’individualisme triomphant ? Pas si sûr. Le passage d’une intimité hier du secret à une intimité aujourd’hui du dévoilement, de la révélation (sur les blogs, les forums, MySpace), témoigne plutôt d’une évolution des frontières.
Jadis, la pudeur, la discrétion, l’intime, étaient collectivement définis par la morale. La séparation entre ce qui relevait du public et ce qui restait cantonné au privé était acceptée volens nolens par le plus grand nombre - même si elle pouvait varier selon les époques. Aujourd’hui, les confidences sont médiatisées, les émotions exprimées au grand jour. Résultat : « Chacun place les bornes de la pudeur là où sa propre histoire et ses propres valeurs le suggèrent, explique Dominique Mehl, sociologue («Confessions sur petit écran», in L’Individu contemporain, Editions Sciences humaines). La distinction entre vie privée et vie publique n’est pas abolie, elle est devenue subjective et individuelle. »
Coïts, fellations, cunnilingus, sodomies, sont à portée de clic, en permanence. Chacun devant faire avec sa conscience, construisant sa propre morale. »

Ca c’est la conclusion qui tue, comme hier avec le journaliste embarqué en compagnie de « l’intellectuel postmoderne, l’état du monde et le désespoir » : s’il y a un domaine dans lequel la morale a foiré, c’est bien par rapport à la sexualité.
L’appétence au porno met plutôt en évidence chez l’homme ce que dans l’industrie automobile on appelle un défaut constructeur. Si la moitié des véhicules mis en circulation quitte la route au premier virage, on peut incriminer la DDE, mais il est aussi intéressant de se retourner - sans animosité - vers le concepteur de l’auto. Avec humilité, patience, honnêteté et course à pied.
Quant à vouloir triompher des démons de l’égoïsme, mwa ha ha…

Commentaires

  1. Comme le dit Amma, on est en train de basculer dans l’abîme. Quoique… 1) je crois qu’on a déjà basculé 2) les chaînes nous reliant les uns aux autres sont moins solides qu’elles en ont l’air, ou du moins si on met un polochon à sa propre place et qu’on se tire personne ne verra la différence.

  2. d’abord j’ai ri, ensuite je me suis demandé pourquoi… si c’est une métaphore, tu peux développer ? parce que si c’est au sens littéral, j’ai essayé, ça marche pas :-(

  3. En fait c’est un peu ce que dit Castaneda, si tu files à l’Aigle ce qu’il demande, tu n’es pas obligé d’y aller toi-même. Ici c’est la même image. Les gens, la société etc (l’égrégore) semble s’accrocher à nous, mais en fait si on leur laisse un fake, une copie, un double, ça marche, et ils nous foutent la paix. Cela suppose qu’on a identifié ce qu’ils veulent. Par exemple, JP que tu as rencontré, n’a pas identifié la chose, il a essayé de se barrer sans laisser de fake, autrement dit il est poursuivi par la vindicte populaire, qui sent qu’il essaie de se tirer dans une terre pure en les laissant dans la merde.
    En fait, la vraie analogie de Castaneda, c’est l’histoire du masque. Chepa en parle aussi. Avoir l’air totalement normal, donc ne pas se sentir supérieur, et ne pas vouloir laisser les autres dans la merde en se sauvant soi-même. Etrangement, c’est le résultat inverse qui est obtenu. On peut se barrer et personne ne voit rien.

  4. ça semble paradoxal, mais nombre de tes suggestions le sont aussi à première vue puis se révèlent “marcher” à l’usage. Je note néanmoins que pour tester celle-ci, il faut s’être désidentifié de pas mal de choses, (à commencer par le polochon) ce qui est loin d’être mon cas.

  5. et traduit dans un langage que je puisse pratiquer, ça voudrait dire quelque chose comme faire semblant d’être vivant au lieu de faire semblant d’être mort. Je me demande, si de tels moyens m’échoyaient, si ça ne serait pas plus simple de ne plus faire semblant.

  6. Non, le plus simple est de faire semblant. Tu n’as qu’à regarder tous ces apprentis gourous qui se la pètent en prenant l’air inspiré, ou méditatif, ou que sais-je encore quand ils sont à table. Tout ce qu’ils arrivent à faire, c’est à se faire remarquer, et pas dans le bon sens, ce qui j’en suis maintenant certaine pourrit leurs pratiques à un certain niveau. C’est normal, ils affirment qu’ils sont supérieurs à tout le monde, le monde leur fait payer, et c’est normal. Il est bien plus simple de respecter la bienséance en répondant normalement aux gens qui nous parlent et en ayant l’air normal plutôt qu’en prenant une mine de yogi sévère et auto-conscient. La vacuité n’est pas différente de la forme, se la jouer en société prouve simplement qu’on est tombé dans cette hérésie. Ne pas se la jouer revient de facto à assumer l’image d’un polochon, bien que paradoxalement, il n’y ait pas quelqu’un d’autre derrière qui puisse se dire libre. Comme qui dirait, notre nature est la toile de fond dans laquelle évolue le polochon. Le polochon est enchaîné, mais l’espace dans lequel il apparaît est forcément libre, avec quoi donc pourrait-on l’enchaîner ? En tous cas, il n’est pas correct d’affirmer qu’on est l’espace en supprimant le polochon pour que tout le monde voie bien l’espace qu’on prétend être… car ça veut dire qu’il y a un fantôme là au milieu, et les gens vont trouver le moyen de le coincer c’est sûr…

  7. Je n’ai jamais dîné aux côtés de Eckart Tolle, ou D’Orval, Harding, Jourdain ou tous les auto-libérés® (par contre je me rappelle que le bassiste de Tuxedomoon qui m’avait pris en affection après que je lui aie posé une question de geek sur la sonorité de son instrument qui ne pouvait d’après moi être dû qu’à l’utilisation d’un médiator en métal, se mettait des langoustines dans le nez, en contradiction totale avec la lancinante tristesse de sa musique) mais je suppose qu’ils rotent et pêtent comme tout le monde, encore qu’il faudrait faire des sous-classes avec les Renz, les Parsons… un peu comme tu en as établi une récemment sur ton blog dans “le Gange passe aussi à Paris” après, je pense qu’on est tous pris dans des couches de pétage, y compris avec le fait de ne pas se la péter… moi c’est avec l’auto-addiction, toi avec la dénonciation des faux gourous…parce que tant qu’on n’est pas à la nième terre, nous avons besoin de compensations, de consolations. Je voulais faire un couplet sur Baker Street sur le fait que ces gens-là promettent le royaume des cieux pour pas cher, c’est certain, mais qu’ils parlent un langage qui peut être profitable (générer un mieux-être, moins de souffrance) à certaines personnes qui feraient tout de suite des blocages ou des vues erronées sur d’autres discours, en particulier les traditions spirituelles. Comme une maternelle où on pourrait choper quelques outils de base pour s’élever de quelques centimètres par rapport à sa propre merde (par rapport à quoi d’autre s’élever ?) Eckart Tolle en particulier cultive cette voie “pratique” en proposant des choses très simples, accessibles sans background et qu’il est difficile de rejeter, même au titre de leur inocuité, tout ce qui tourne autour de la PP.
    Je n’ai pas pondu ce couplet sur le forum parce que ça aurait mis un peu trop d’animation dans l’escalier de l’immeuble, mais là, bien au tiède dans mon cocon, je tente ;-) mais je crois que ce que tu veux me pointer, c’est la monnaie de la pièce qu’ils se chopent en retour, sous forme de tous les tarés de la terre qui viennent leur pourrir leurs réunions avec leurs mines de polochons dépressifs…

mardi 4 décembre 2007

Notre-Dame des Motherfuckers



J’ai enfin compris la notion de traces karmiques à force d’observer l’étrange éclosion de champignons en forme de bite et pleins d’une poussière brunâtre tout cet automne sous la fenètre de mon bureau, que l’hygrométrie anormalement élevée n’expliquait pas de façon probante.
Heureusement que je suis pas en état de me sentir “humilié” par le rappel des désordres passés (bien que je n’y sois pas inapte, on va dire que c’est le rappel de ma misère passée qui vient me conforter dans mes choix actuels, qui contribue à me maintenir dans une bonne forme spirituelle)
Un dépendant sexuel observe : “quand on se masturbe devant des photos de femmes nues, on ne sort pas d’une exacerbation infinie du désir (…) l’objet du désir restant indéfiniment - du moins fantasmatiquement - à portée de la main, mais sans que rien s’accomplisse. Tout ça rappelle diablement le supplice de Tantale, mais conçu ici comme une source de jouissance. L’absence de jouissance comme source de jouissance, on a vu plus simple comme rapport au réel, non ?” C’est une façon pittoresque mais exténuante de mesurer combien le lien de l’attachement pend dans le vide, comme je le rappelais dans le post précédent avant d’aller pendouiller mollement au-dessus de la Grande Frugalité Floconneuse sur un télésiège pyrénéen.
Et quoi de mieux pour combattre l’obscénité sinistre des voeux de nouvel an que notre imp(r)udence à revendiquer l’aspiration au bonheur comme légitime, après nous être vautrés dans des océans de fange qui ne reflétaient dans leurs remous opaques que notre propre opacité, dévisagés par l’abyme que nous scrutions inquiets sans y découvrir guère plus que le mélange de fascination/répulsion, l’attachement à notre propre néant et l’impuissance à l’accepter ? dit comme ça, on dirait les épîtres du maire de Champignac-en-Cambrousse à Notre-Dame des Motherfuckers, mais on est tellement nombreux à bramer pour la délivrance que même si elle n’existe pas, ça va finir par la faire naître.
Donc, Bonne Année à Tou(te)s.

les dessins sont ©Xavier Gorce/Le Monde.fr

Commentaires

Warf ! super le dessin ! Mort de rire ! les affres des prises de tête (de noeud?) de l’ego face à la triste réalité quotidienne : il arrive un moment où on fait chier son monde et il ne reste plus qu’à éteindre la lumière…
Bonne année John !

Démons (2)

En continuant prudemment mes travaux d’archéologie autour des fondations de la table basse du salon, j’ai exhumé un autre penseur du postmodernisme1 qui ne le cède en rien à Jean-Louis Murat : Fredric Jameson. Imaginez un gars qui combine les démarches de Deleuze, de Barthes et de Foucault, dont il s’inspire, ainsi que de Sartre et d’Adorno, aussi à l’aise dans l’interprétation de Hegel que dans le commentaire du Blade Runner de Ridley Scott, ou d’une installation de Nam-June Paik… j’espère qu’il en a une toute petite, sinon c’est trop injuste pour les pauvres en esprits, et du reste je sens que vous l’aimez déjà. Condensons l’article trouvé dans Le Monde des Livres : “Contre les néo-positivistes pour qui le développement de la société de l’information et la mondialisation faisaient accroire que notre époque avait atteint une phase «postindustrielle», et que le capitalisme était désormais dépassé, pour Jameson, au contraire, nous nous situons au coeur d’un capitalisme plus puissant que jamais. Un capitalisme du «troisième stade» ou «tardif», qui se caractérise par une nouvelle division du travail mondial, «l’émergence des yuppies», de nouveaux types d’interrelations médiatiques, le triomphe de la «société du spectacle», etc… Cette configuration, qui se met en place au début des années 1970, demeure pour Jameson un «paysage» de cauchemar. Toute la culture postmoderne dans laquelle nous sommes embarqués exprime en effet une nouvelle vague de «domination américaine» qui a pour envers «le sang, la torture, la mort et la terreur». Alors que l’état du «mode de production» en est à la mise en réseau et à la saturation du monde humain par le marché, notre intuition de ce phénomène demeure confuse. Cela explique que ce règne soit de plus en plus perçu sur le mode de la conspiration mystérieuse, et c’est le thème central de “La totalité comme complot”. On aimerait y lire ce qu’il écrit sur le Vidéodrome de David Cronenberg (1983), à l’heure de la colonisation (Cronenberg aurait parlé de contamination) définitive de la vie sociale par la marchandise, mais ici c’est le Raideur’s Digest et cette chronique littéraire vivote déjà sur un tout petit crédit.

Avec “L’Archéologie du futur”, paru en 2005, Jameson s’interroge sur l’avenir de l’«élan utopique» dans une époque marquée par l’abolition de toute distance entre culture et marché, mais aussi de toute distance critique propre à forger un autre monde possible - ce dont l’anti-intellectualisme contemporain est selon lui la traduction. Cette fois, c’est l’évolution de la science-fiction qui lui sert de terrain. Jameson se demande pourquoi ce genre ancien porteur d’utopie, florissant dans les années 1960, a été peu à peu remplacé soit par un imaginaire dominé par la magie et la nostalgie médiévale (qui culmine avec le succès de Harry Potter), soit par le Cyberpunk. Il y voit le symptôme d’une idéologie qui évacue toutes les alternatives au capitalisme et par là même mine notre «puissance d’agir». C’est à la préserver que tend cette oeuvre, dont la richesse montre que le désespoir n’est pas encore à l’ordre du jour. Aussi postmoderne soit-il, l’intellectuel peut toujours l’interpréter. Mais aussi rêver de le transformer.”

C’est ce que je kiffe dans ce genre d’articles : une débauche de mots et d’effets spécieux plus sombrissimes les uns que les autres, faisant appel aux mânes des Grandes Lignées d’Intellos du Pléiostène pour justifier et mettre en garde contre le Crépuscule T’amer des Consciences qui s’Annonce, ambiance “la fin du monde a commencé avant-hier et j’y étais”, puis abruptement une phrase de conclusion toute platounette comme même France 3 n’ose plus en pondre à la fin de ses reportages, ” mais tout cela n’est pas grave, avec un peu d’entrain et deux doigts d’huile de coude, on s’en sortira” ou, comme le psalmodiait rageusement l’autre soir dans les couloirs d’une rédaction régionale un reporter saisi par le virus du cynisme, “devant l’ampleur de la catastrophe, une cellule psychologique a été mise en place !”

Ca donnerait presque envie de jouer les Cassandre anti-Cassandre, mais avec qui et dans quel but ? Serais-je en train de succomber aux sirènes de l’anti-intellectualisme décriées dans l’article ? Quand on coupe la tête d’un intellectuel, il meurt, la cause est entendue. Et ceux qui le lisent ne sont pas à l’abri d’une migraine persistante, pour ne rien dire de ceux qui se le cognent en pension. D’un autre côté, nous sommes tous construits par des croyances inconscientes pas plus retorses mais pas moins faciles à déboyauter (verbe inventé par ma fille pour décrire ce que le chat de la maison fait subir aux souris du quartier) que celles énoncées ici. Hier, il m’a fallu plus d’une heure et demie de course à pied pour réaliser à quel point j’étais persuadé que rien ne pouvait se faire par le corps. Sans cortex, j’aurais été bien embété pour en prendre conscience. Zblwux.

Ceci dit, le journaliste, peut-être dans un sursaut d’humour désacralisant, a écrit “l’intellectuel postmoderne peut l’interpréter, et rêver de transformer le monde” et non “peut transformer le monde”. Tiens, non, je croyais qu’il parlait du monde, et en relisant mieux, il ne parle que du désespoir, qui étant une posture à priori ne dit rien du monde, le journalisme postural répondant alors à la littérature éponyme.

Dans un monde où la productivité a pris le mors aux dents, Tintin et Milou se soulagent comme ils peuvent sur le monsieur de France Télécom qui venait leur proposer une connection 8 Mo (allégorie)

1le philosophe Jean-François Lyotard, prenant acte de la disparition des « grands récits » de la modernité (progrès, nation, sujet, oeuvre…) estimait en 1979 que nous étions entrés dans un univers « postmoderne ».

Démons

A un camarade qui évoquait hier notre liberté de choix entre la Vie ou la Mort, la Création ou le Malin, j’ai demandé s’il parlait du petit ou du gros. Uh uh, comme disait Henri Michaux, ça ne plaisante pas trop de ce côté-là, et du coup, cette nuit j’ai rêvé de démons. Plus j’essayais de les compter, plus ils se multipliaient, et encore, je ne les ai vus que de dos et malades (grosses pustules de fièvre acnéique) comme s’ils voulaient répondre à cette charitable définition de flopinette : “n’oublions pas que la plupart des petits démons que nous croisons sont de pauvres bougres qui souffrent parce qu’il ont manqué.” De face et en bonne santé, je ne sais pas ce que la confrontation aurait donné.

Hier toujours, j’ai reçu un mail de France Télécom qui m’annonce que ma ligne téléphonique, malgré sa vétusté campagnarde, est désormais éligible à un flux de 8 Mo, dans un terrifiant fichier gif animé de 10 images, digne de John Carpenter : la porte de ma maison (comment ont-ils su qu’elle était en bois ?) est fermée, puis s’ouvre toute seule, la Chose arrive du fond du jardin, entre, et la porte se referme, me laissant seul face à la Chose.

Franchement, rien que le visuel de la Chose, ça fait plus Armées du Démon que n’importe quel film de trouille, sans même parler du slogan : “s’invite chez vous” ça fait intrusif et malpoli, tout à fait à l’image de la politique commerciale de France Télécom et de ses concurrents/partenaires. On touche à l’ultime mystification sans fausse pudeur, et les masques tombent messieurs les Censeurs : désormais, le progrès, c’est le tuyau, et si nous ne pouvons parvenir à vous l’imposer malgré que vous n’en vouliez peut-être pas, vous serez vraiment le dernier des trous de balle de l’univers connu. Et vous passerez pour le vieux râleur passéiste que vous avez certainement mérité d’être au cours d’une existence antérieure karmiquement chargée.

Pourtant, tout ce que j’ai lu récemment dans la presse spécialisée média donne les créateurs et éditeurs traditionnels de contenu comme les grands perdants de la nouvelle net-économie, et l’on connait déjà en presse écrite les choix éditoriaux courageux que l’exigence de gratuité induit sur le contenu. C’est un euphémisme de parler d’intérèts antagonistes.

Pourtant, des tas de journaux papier se mettent à offrir leurs archives à disposition on-line, gratoche, simplement pour ne pas être en reste sur la concurrence. Scions la branche, mes frères, ou nous risquons de ne point choir de concert avec nos collègues.

Jean-Louis Murat, qu’on n’attendait pourtant pas plus là qu’ailleurs, s’insurge dans l’entretien Internet ou la liberté de se goinfrer publié dans le Monde : “A chaque rachat ou fermeture d’une maison de disques, des gens brillants sont broyés. Et les internautes crient hourra ! J’affirme que la crise du disque est un leurre, elle n’existe pas : l’offre est intacte, la demande croissante. Mais, chaque nuit, dans les hangars de la musique, la moitié du stock est volé. Imaginez la réaction de Renault face à des délinquants qui forceraient la porte quotidiennement pour dérober les voitures ! Des gamins stockent 10 000 chansons sur l’ordinateur familial, après les avoir piquées sur le Net. La société, des députés, des sénateurs trouvent cela vertueux ! Or, c’est un problème moral : tu ne voleras point, apprend-on à nos enfants. En outre, ces rapines via le Net s’effectuent dans l’anonymat. L’écrivain américain Brett Easton Ellis a dit : «Depuis la nuit des temps, l’Antéchrist cherche un moyen de prendre le pouvoir sur les consciences de l’homme, enfin il y est arrivé avec Internet.» (…) Les Arctic Monkeys, en Grande-Bretagne, ont eu recours à des shérifs du Net après s’être fait connaître sur le Web, et les internautes britanniques sont en train de leur faire la peau, au nom de la liberté. Mais quelle liberté veut-on ? Celle de se goinfrer ? Avec des gens qui ont 20 000 titres sur leur disque dur et ne les écoutent jamais ?” Cette conception ultralibéraliste, qui est au-delà de tout système politique, se résume à peu : la goinfrerie. Internet favorise cela : toujours plus de sensations, toujours plus de voyages, de pénis rallongés, toujours plus de ceci, de cela…
-Vous avez été pourtant l’un des premiers artistes français à ouvrir un site Internet en 1998 et à y proposer des chansons, des échanges, des liens, des images. N’est-ce pas contradictoire ?
Baudelaire appelait le progrès le paganisme des imbéciles. Tous les acteurs de la musique sont tombés dans le fantasme de la modernité à ce moment-là. Les patrons de maison de disques ne juraient que par le Net sans pour autant comprendre de quoi il s’agissait. Au début, je mettais environ une chanson inédite par semaine à disposition sur mon site, gratuitement. Puis j’ai arrêté. Ces titres étaient téléchargés sans un merci, sans un bonjour, et éventuellement revendus sous forme de compilations payantes dans des conventions de disques. J’ai fait partie des imbéciles qui ont cru aux mirages de l’Internet, et de ce fait à la bonté naturelle de l’homme, à l’échange communautaire. L’homme a travaillé le fer pas seulement pour les charrues, mais aussi pour les épées, idem avec les atomes et le Net.
-La gratuité sur Internet est-elle la seule cause de l’effondrement des ventes de disques ? Le déficit d’image d’une industrie habituée au court terme y est-elle pour quelque chose ?
Evidemment, 90 % de notre métier est fait par des gens formidables, des musiciens, des tourneurs, des ingénieurs du son, des attachés de presse, des artistes, des passionnés ! Mais l’image qui est passée dans le public est celle de ses patrons, arrivés là à cause de l’argent facile, de l’épate, du look. Le triomphe du petit bourgeois snobinard et de la fanfaronnade ! Nicolas Sarkozy ressemble tout à fait à un patron de maison de disques. J’ai toujours été sidéré de voir comment l’industrie musicale attirait les médiocres à sa tête. Des médiocres qui dirigent des sociétés de taille modeste, sur le plan de l’économie mondiale, mais dont les émoluments s’alignent sur ceux des groupes multinationaux et consomment 80 % de la masse salariale dans les petites structures. Et les parachutes dorés ! Quand on licencie une centaine de salariés dans une maison de disques, comme chez EMI France par exemple, c’est en grande partie pour payer les indemnités du patron, c’est scandaleux.
La gratuité n’est-elle pas le meilleur moyen de démocratiser la culture ?
C’est une blague ! Cela nous tue. La démocratisation, c’est à l’école maternelle qu’elle doit être ancrée. Une fois les bases et l’envie acquises, chacun peut faire son choix. Par ailleurs, je ne suis pas démocrate, je suis happy few. La culture est le fait d’une minorité, d’une élite qui fait des efforts. Attention, pas une élite sociale ! La femme de ménage ou le facteur sont absolument capables de sentiment artistique. Mais la démocratisation, pour moi c’est le concours de l’Eurovision : chaque pays envoie son artiste fétiche. Et là, comme disait Baudelaire, la démocratie, c’est la tyrannie des imbéciles. Sur MySpace, vous allez voir 45 000 nigauds, les 45 000 artistes ratés qui ont ouvert leur page - j’y suis aussi, parce que sinon on me vole mon nom.”

Je ne peux pas donner tort à Jean-Louis, parce que la goinfrerie est passée par moi, et seule l’indigestion m’en a éloigné. Les grands gagnants, tout le monde le voit, c’est donc les vendeurs de tuyaux numériques. Comme ce sont des hommes comme nous qu’il serait inutile de diaboliser parce qu’ils ont simplement oublié que leur estomac est plus petit que leurs appétits et/ou qu’ils ne veulent pas le savoir, va-t-on finir par accuser une conspiration des tuyaux eux-mêmes ?

Peut-être aussi devrais-je rendre mon blog payant pour voir si en plus de m’éditer, je m’abonne et si j’m'entends quand j’braille.

Commentaires

  1. >> “Sur MySpace, vous allez voir 45 000 nigauds, les 45 000 artistes ratés qui ont ouvert leur page - j’y suis aussi, parce que sinon on me vole mon nom.”

    Rien que cette phrase me console d’avoir pris le temps de lire cette interview. Ca me rappelle l’humour de je-sais-plus-qui, soit Desproges, soit les émissions Strip Tease, soit le nonsense des Monty Python, ou encore un mélange des trois ; et c’est encore plus drôle quand c’est involontaire.

  2. Il se contredit d’une ligne sur l’autre. La culture est le fait d’une élite, mais quand même il aimerait bien vendre aux millions de connards qui n’ont pas de goût mais de l’argent. Sauf que ces millions de connards, moins cons que ça, préfèrent se goinfrer de musique gratuite (distribuée par tous les artistes ratés) que de musique payante. Et pourquoi pas ? Ils ne feraient pas la différence de toutes manières. Il y a des sites qui proposent en toute légalité des milliers d’albums gratuits, pourquoi acheter de la qualité si on n’est pas capable de faire la différence ?
    Les artistes vont rester entre happy few, comme c’était déjà le cas avant, et d’ailleurs je ne sais pas où il a vu dans l’histoire de l’humanité que les artistes devaient gagner plein de pognon, c’est contraire aux lois de la nature.

  3. Dado, rien que pour toi, pour contribuer à te dédommager de perdre ton temps à lire tout ça, un autre extrait :
    “Vous vivez et travaillez dans le Puy-de-Dôme, dans une ancienne ferme des environs de Clermont-Ferrand. Qu’y trouvez-vous ?
    -J’y ai mon studio d’enregistrement, et des conditions de travail idéales. Je vois très peu de gens… le facteur… Là-haut, la vie est frugale, on finit tout, on n’achète presque rien. Le pain dur est gardé pour la soupe du soir. Dans la nature, l’oubli de soi est plus facile, on va le matin aux champignons, on s’assied pour casser la croûte, on a ramassé un kilo de cèpes, voilà. On refait une clôture, on est dans le présent. Or, être dans le présent est la condition de la paix intérieure. Moi, j’aime aussi les activités qui ne laissent pas de place à la réflexion. Jouer des instruments, faire des prises de son. S’aménager une vie de travail. Car, à part aimer, travailler est la chose la plus belle à faire dans la vie.”
    Quand on a vu Jean-Louis Murat tenter d’expliquer à Pascale Clarke ce qu’est une “meuf qui est bonne” au cours d’une émission de télé qui s’appelait “la route” et qui consistait à enfermer deux personnalités fort dissemblables dans une voiture bourrée de caméras pendant 800 kilomètres, (c’était avant qu’il soit mal vu de brûler du combustible fossile dans des véhicules) on sait qu’il n’est plus étanche, et on a presque envie de foncer à la pharmacie lui offrir des couches senior.
    Toi, tu es trop malin pour te faire voler ton pseudo, mais imagine, toi aussi tu aurais le bourrichon tout remonté !
    Flo, il faudrait que tu voies la tête de Jean-Louis pour un diagnostic énergétique plus incisif, maisy a effectivement un beugue dans son mépris : les artistes ratés font de bons mélomanes, et sont prèts à rétribuer les artistes qui les émeuvent, sauf quand on les insulte.

  4. En plus ce bug est encore plus évident dans la dernière citation. Ce type est un misanthrope qui voudrait la gloire. Il me fait penser à tous ces commerçants qui méprisent leur clientèle et qui s’étonnent que leur commerce ne marche pas. En fait son rêve c’est un château doré avec quelques happy few aux frais d’un prolétariat qui resterait dans le no man’s land, au-delà des barrières et des miradors. C’est le genre de mec qui me donnerait envie de le télécharger rien que pour augmenter ses stats de piratage et lui donner des sueurs froides bien méritées, sauf que comme ce qu’il fait c’est sûrement de la merde, je ne veux pas encombrer mes disques avec ça.

dimanche 2 décembre 2007

Martine sniffe de la coke avec son didgeridoo, mais la transgression reste impossible


Une contribution tardive au buzz du mois passé. Toute ressemblance avec une Martine existante serait suspecte.
De loin, par temps de brouillard, ça ressemblerait presque aux détournements - autrement dérangeants en leur temps - du situationnisme, bien qu’on soit plus ici proche de la régression que de la transgression. Il ne s’agirait pas de pisser sur son enfance pour venir ensuite se plaindre que son enfance sent l’urine. Par association de couleurs, j’ai trouvé un numéro du Monde tout jauni sous la table basse, dans lequel François George, qui dans les années 1970 était « le jeune homme » de la famille sartrienne, n’en revient pas que Guy Debord, qui avait si peu d’idées, soit devenu un maître à penser. « L’époque était surréalisée, alcoolisée, révolutionnaire. Il lui fallait un André Breton alcoolique, révolutionnaire et tout à fait barjot. » C’est là qu’on voit la différence avec La Vie des Maitres : qu’un inconnu dont les lettres de créance semblent valides - sa jeune gloire était d’avoir écrit, à dix-sept ans, un livre situationniste contre Dieu et d’avoir rompu avec Guy Debord - taille un costard aux startelettes de l’intelligentsia qu’il a cotoyé de près dans sa jeunesse - et le brouillard doré qui nimbait l’intransigeant intello se dissipe, laissant voir l’os du menton sous la sciure.
Le fameux détournement situationniste que Debord a eu tort de voir comme “le langage fluide de l’anti-idéologie” est devenu l’opération la plus convenue et la plus rassurante qui soit puisque c’est la technique même du discours publicitaire. Son lointain rejeton Mozinor promeut encore l’original mais tous les effets de l’emploi du détournement que les situationnistes avaient anticipé ont été retournés, neutralisés par l’adversaire. Il leur est arrivé ce qu’ils avaient reproché aux surréalistes : après Mai 1968, le détournement comme technique a été intégré aux pratiques publicitaires. Damned, encore raté ! ce qui ne dispense pas de vitupérer avec François Georges contre la société contemporaine: « Les services, les services, ils n’ont que ce mot à la bouche. Le travail, le travail, alors qu’il en faut moitié moins qu’avant pour produire des objets de consommation d’ailleurs inutiles. Au lieu d’inventer la société du temps libre, du temps créatif. » Sans oublier que s’ils ne sont peuplés de rêves, les loisirs anéantissent ceux qui les consacrent à des futilités, à s’imaginer des frustrations, à s’aigrir en cultivant des revendications incongrues etc… Ah là là c’est compliqué la vie.


Commentaires

  1. J’allais te dire qu’il paraissait nécessaire de mentionner : “toute ressemblance avec une Martine existante est purement forfuite” mais je vois que tu l’as déjà fait… en plus sinueux. :)

  2. c’est d’autant plus sinueux que ma femme porte le même prénom… et que quand je lui prends la quiche, je prends bien garde de ne pas mentionner le bouddhisme, pour lequel il est inutile de rappeler que je ne suis pas toujours une publicité vivante, parce qu’elle me répondrait que ça ne me sert manifestement à rien de fréquenter des gens dans mon genre… d’ailleurs, j’ai évité de poster ça sur Baker Street, j’ai la décence de me trolliser moi-même, môssieur Astérix ;-)

  3. Comme un nerf de ressemblance…
    “Vampirisée des passages souterrains”!!

    En vide parler te laisse te lier ou pas à pas..

  4. ça me fait penser à un ami qui pratique beaucoup, récemment il parlait de bouddhisme à sa femme, elle lui a répondu qu’elle savait parfaitement tout ça, mais que lui manifestement, ça ne lui servait à rien puisqu’il ne le mettait pas en application. Le pauvre… (tout ça pour rassurer john que s’il passait ses journées à pratiquer, sa femme continuerait sans doute à lui tenir le même discours).

  5. non, ça serait pire : j’aurais alors une obligation de résultats…. et gare alors si mon humeur reste égotique après les prosternes !
    …heu… c’était pour déconner, chérie, lâche ce couteau à huitres !!!

    sur l’obligation de résultats, l’orthophoniste de mon fils vient de lâcher à sa mère, non pas un couteau à huitres, mais l’idée que s’il ne travaille pas au collège, c’est parce qu’ayant perdu toute confiance en lui (suite à une rencontre épouvantable avec un instituteur de CM2 très pervers qui l’a massacré parce qu’il ne rentrait pas dans les cases de l’Educ.Nat.) il a peur que s’il se mettait à bosser il puisse échouer (alors que pour l’instant le résultat est identique mais subjectivement il se sent libéré de cette responsabilité en n’essayant même pas de s’y mettre)

mardi 27 novembre 2007

Attention ! (2) Black et Mortifère, le retour ?

Je disais ici qu’un héros pouvait combattre les forces du Mal, c’est même le minimum syndical qu’on puisse en attendre, et c’est peut-être ce qui explique pourquoi les comics américains rencontrent un si grand succès auprès des quadras brouillés avec eux-mêmes en ces temps incertains. Mais les vaincre ? Soyons réalistes, on ne terrasse pas les forces du mal. Dans le meilleur des cas, on se soustrait à leur influence. Dans Morbus Gravis, saga BD qui démarre en 1986 avec d’alléchants arguments SF, on suit les aventures de la sensuelle Druuna dans un monde futuriste post-apocalyptique où existe un dangereux virus qui transforme les êtres humains en monstrueux mutants assoiffés de sang ayant perdu tout sens moral. Au fil des épisodes, dont la parution s’étale sur une quinzaine d’années et représente un beau succès de librairie puisqu’il s’en serait écoulé plus d’un million d’albums, l’intrigue de plus en plus complexe perd tout intérèt pour son auteur, et le lecteur dont l’esprit s’épaissit sous l’effet d’une torpeur obscure est de plus en plus sollicité dans la Voie de la Main Gauche; la série se réduit progressivement à une enfilade de scènes plus ou moins explicitement pornos mettant en scène Druuna. La pauvrette, séduisant mélange d’ingénuité et de rouerie, tente de survivre dans un univers impitoyable et délabré qui la contraint à user de ses charmes pour s’acquitter des plus menues tâches de la vie quotidienne : obtenir du sérum anti-entropie auprès du docteur pour soigner son chéri qui a été mordu par une bestiole atteinte du virus, discuter le bout de gras avec l’IA confinée dans les soutes du vaisseau spatial qui dérive dangeureusement vers un Trou Noir Sans Poils Autour, etc…
L’Innocence Incarnée par Druuna s’y fait ramoner la turbine à chocolat sans trève ni répit par le Mal, représenté par une sarabande d’aliens lubriques pourris de métastases, auparavant humains très peu portés sur la chose. C’est l’occasion d’une truculente galerie de portraits de personnages hauts en couleurs On se demande si l’auteur n’a pas succombé en cours de route au “mal” qu’il décrit confusément comme la victoire inéluctable du Temps Corrupteur de Toute Chose, celle du Bruit sur le Signal (dans l’éternel rapport dialectique Signal/Bruit.) Et nous, empètrés dans nos bondieuseries revanchardes, on aimerait bien - mais on imagine mal - voir le Bien faire subir le même sort au Mal; le Bien serait-il encore ontologiquement le Bien s’il se vengeait ? et comment s’y prendrait-il pour ramoner la turbine à chocolat du Mal, pour autant que celui-ci en ait une ? Et cet article n’aurait-il pas plutôt sa place dans la Désencyclopédie ? Bref, en septembre, en déplacement professionnel, je suis tombé sur toute la collèque des aventures de Druuna, qui à l’époque m’était tombée des mains au second volume. D’ailleurs, Dargaud, éditeur catho, avait renoncé à publier la suite, et face à la vindicte populaire, il avait fallu créer un éditeur rien que pour l’occasion. Je me suis dit “bah c’est que des bédés, ça va pas me tuer”, et j’ai quand même pris un bon coup de chaud, heureusement que j’étais bien réveillé et j’ai mis rapidement le truc à distance. Pour ceux qui ont vu ce qui n’est pas destiné à être vu par de simples mortels, et que même parfois les dieux ils ont besoin de desserrer leur noeud de cravate quand ils en voient des comme ça, un regard de trop suffit pour être à nouveau changé en statue de sel ! Je pense que le plus dur c’est de conserver à l’esprit l’idée de notre fragilité sans la cultiver. Et que, comme dit un pote, nous soyons tirés vers la pratique et pas déviés vers l’apitoiement. C’est pourquoi mon expérience d’abstinent m’empèche de désespérer : j’ai trop vu le désespoir-alibi du “remettez-nous ça”. Je me suis rasséréné en farfouillant dans mes archives de théologie appliquée : ” Les hommes animés du besoin de servir sont cent fois moins nombreux que ceux qui préfèrent se servir. Cent fois, mille fois, supérieurs en nombre, les singes l’ont emporté toujours et partout – sauf sur le terrain spirituel, où c’est le contraire : les hommes plus humains que leurs contemporains sont invincibles. L’histoire est toute faite de la lutte – désespérément inégale – de sinistres hordes de singes liguées contre l’Homme, contre l’Homme invincible, quoique toujours vaincu, contre l’Homme toujours voué à la défaite : il ne peut l’emporter sur les singes que dans la défaite parce que la victoire est simiesque !”
Vaste programme, qui promet de nombreuses réjouissances futures, comme dirait PlineJunior.




Commentaires

  1. J’avais parcouru cette BD il y a quelques temps. Sacré mélange d’Eros et Thanatos en effet.

  2. oui, avec Thanatos qui finit par prendre tout le lit : il y a une montée en puissance des pulsions sadiques dans la série, comme un croisement de Jodorowsky, de freudisme à trois balles, de Star Wars filmé par les nazis, et de films de boules. Mon Dieu, il ne faut pas que j’écrive ça, y’en a à qui ça pourrait donner envie.