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samedi 13 juin 2020

La recette du poulet aux larmes

>>>>>extraits de mails de blog de cuisine>>>>>
Un vieil ami lointain encore jeune
retrouvé sans facebook ni Copains Navrants
Iaorana !
J’ai fait un détour par le blog de Warsen,
...aah, c’était toi ! Savais-tu qu’il existe un second blog à Warsen ? et encore un autre, tellement hyper-secret, chut, qu’il m’arrive de douter de son existence ? Je t’invite à y télécharger la compile de ouf qui y est récemment parue, remarquable d’éclectisme musical. Nan, pas celle-là, l’autre.
http://jesuisunetombe.blogspot.com/2020/06/la-ballade-du-deconfit-ne-2020.html Je ne sais pas comment on dit télécharger en maori. « Y’aoranapas ! »  (pour toul'monde) Mes blogs j'y vais le moins possible, pour moi c'est des sacrées perches à selfies, et des miroirs à distorsion d'égo qui se font face et se larsènent dans le vide infini de ma vacuité ailleurs. J'aime bien clavarder avec toi, c’est vrai, mais le virtuel, c’est vraiment pas pour moi, dit l'homme aux 3 blogs. 



puis je suis allé voir dans la foulée sur gogol pour m’enquérir de la température de l’eau aux Sables doloneux faut pas être un peu neuneu pour se baigner dans de la flotte à 18° ? 
Une photo de poulet avec une photo de marilouise dessus
Je pense que tu connais la théorie des grenouilles progressivement ébouillantées sans s’en rendre compte, dit-il sans lui expliquer plus avant la théorie des grenouilles progressivement ébouillantées sans s’en rendre compte. Hé bien vois-tu, Pascal, le jour où le gouvernement aura rôti le cerveau de tous les électeurs LFI avec les nouvelles antennes 5G grâce aux puces RFID implantées sous leur peau permettant leur traçage encore plus optimisé que celui des poulets dans mon Super U, même qu’à chaque fois que j’en achète un je vois la photo de marilouise dessus et que ça me rappelle le temps où je faisais des vidéos institutionnelles pour la coopérative agricole qui achetait 6000 poulets par jour à marilouise et qu’on m’avait envoyé tourner un film promotionnel à la gloire des poulets chez marielouise alors que maintenant j’en suis réduit à chômer en attendant que le Covid lâche gentiment l'entrejambe de mon dernier employeur encore vivant pour gagner à nouveau ma maigre pitance au lieu de vivoter des Assedic Spectacle, putain marielouise regarde ce qu'on est devenus, notre relation était si bien partie et maintenant on n'a quasiment plus que des inconvénients sauf quand tu finis dans le rayon zéro gâchis à moins 30 % mais faut te manger vite pour cause de date limite, et là je commence à chialer dans le Super U et mes larmes s’écrasent à grosses gouttes sur le cellophane du poulet protégeant l’animal heureusement aussi mort que sous vide, et la photo de marilouise fraicheur garantie, et la Sécurité est contrainte par mes sanglots longs au rayon des violons de la volaille de me faire quitter le magasin par une porte dérobée, et donc le jour où le gouvernement aura rôti le cerveau de tous les électeurs LFI et obligé les autres à acheter du poulet Nouvelle Agriculture® d'un simple clic, et qu’ils se tourneront les pouces en se demandant qu’est-ce qu’ils pourraient bien encore inventer pour nous nuire, ils se diront peut-être « tiens, et si on ébouillantait progressivement les grenouilles sans s’en rendre compte » et ce jour-là, vu que t’es déjà trop habitué à l’eau tiède, ton destin sera scellé, alors que moi, comme à 18° je la trouve tiédasse, rapport à mon enfance dans les lagons bleus comme du obao gel douche de Perros-Guirec, je sentirai le coup fourré et ne me laisserai pas avoir comme un complotiste débutant, voilà. Et on verra bien qui est le neuneu, dans l’histoire.

La flotte, elle est tombée assez brusquement à 23° ici avec la bise de Tasmanie,
il y a trois jours, la Tasmanie ne m’a pas fait la bise mais je me suis retrouvé chez une fille de 35 ans ma cadette, non ça serait trop jeune, chez une fille de 35 ans tout court mais depuis le temps que je la connais elle doit bien en avoir 37, qui avait invité deux copines à déjeuner, dont une qui avait vécu quelques mois en Tasmanie mais ça je l’ignorais encore, ne mélangeons pas tout, je passais dans le coin à vélo parce que depuis les beaux jours dès que j’ai une course à faire à la ville j’y vais à vélo, 90 min A/R minimum par les bords de Sèvre, ça calme, mais j’étais pas énervé et ça me dézingue moins que le jogging et les marilouises Nouvelle Agriculture®, et je me suis fait inviter à boire un café, on a commencé à échanger assez facilement (je n’ai pas rebondi quand une des 2 filles que je ne connaissais pas a dit que la série Fleabag parlait de sa vie à elle, car c’était un vortex conversationnel en puissance), et comme M. exprimait ouvertement sa gène à avoir une expression orale ou écrite limitée par rapport à moi, j’ai fait hyper-gaffe pendant l’heure que j’ai passée avec elles à ne pas warseniser. C’eut été malvenu. C’est beaucoup plus facile In Real Life, en fait : il suffit d’écouter les autres, de les laisser dire ce qu’ils/elles ont à dire, et d’attendre son tour, si la conversation s’y prête. Au lieu d’essayer de bourrer tous les mots qui me tombent sous la main dans la phrase, des fois que ça rentre pas. Je me demande si le lithium ne marche pas trop bien, des fois.

Pas la moindre recette de poulet
dans ce fichu bouquin
J’ai adoré le moment où elles ont expliqué avec des anecdotes vécues qu’en Asie, se mettre en colère faisait rire les locaux parce qu’ils voyaient bien qu'alors, on perdait le contrôle. Et que Coréens et Taïwanais sourient tout le temps, y compris pour dire non, ce qui a le don de nous rendre fous.
De manière plus globale cette discussion fut très sympa parce que chacun(e) attendait vraiment que l’autre ait fini de s’exprimer pour énoncer son point de vue, un peu comme dans une réunion AA mais sans la contrainte implicite du modérateur, il régnait une grande qualité d’écoute. Un silence attentif impossible à simuler par écrit. J’y repense là parce que mon père insiste lourdement pour qu’on se fâche avec lui avec mon frère et ma soeur, et par écrit, encore, pour des bêtises rancies dans son coin, parce que son karma familial l’exige, depuis plusieurs générations il faut se fâcher dans les fratries au moment de la succession-partage et parce qu’il est si cultivé qu’il n'est même pas capable de savoir ce qu’il ressent, qu'il n’arriverait même pas à trouver son zizi dans sa culotte s’il apprenait en avoir un, alors c’est pour ça que j’ai dit à M. de pas se tracasser avec ce qu'elle prenait pour son inculture, que si ça se trouve j’arrivais à me la péter en donnant l’impression que non, que quand tu es face à quelqu’un qui te balance des références, demande-lui si possible de t’expliquer le fond de l’affaire, avec des mots simples, s’il n’y parvient pas, c’est pas bon signe, et que le vocabulaire, l’enrobage, ça s’acquiert, mais ce qui est important c’est de développer la sensibilité, surtout si le gouvernement décide d'ébouillanter progressivement les grenouilles sans s’en rendre compte. Le cas échéant, ça fournira un petit plus perceptif, et en tout cas pour papa c’est bien triste, je crois qu’on l’a perdu, comme y disent à la fin de Brazil quand Sam Lowry prend un air un peu distant suite à sa lobotomie préfrontale.
Papa, je lui ai mis un petit taquet ce matin, après 3 semaines de silence, du fait de ses relances constantes de pervers narcissique de ouf, et mon frère et ma soeur m’ont envoyé un discret « merci » comme si j’étais le syndic de la fratrie. Misère.
ben dis donc, heureusement que je suis pas inspiré parce que j’ai soi-disant trop tiré sur la corde ces derniers mois. Qu’est-ce que ça serait sinon. Par contre au niveau du style, pardon c’est sorti comme ça, mais peut mieux faire. Ou alors, je le mets sur mon blog.

Côté méduses on en a pas mal ici surtout à température maxi, je me suis retrouvé plusieurs fois à nager dans une soupe visqueuse de petites méduses de 10 cm de diamètre maxi, 
je ne bois jamais d’eau, les méduses baisent dedans, aurait dit W.C. Fields. Mais il faudrait vérifier sur internet, quand même, parce que je crois que les méduses n’ont pas de reproduction sexuée, tiens, regarde, on aura quand même appris un truc ce matin
« Les méduses se reproduisent alternativement de façon sexuée, entre mâles et femelles, et de façon asexuée, par bourgeonnement »

elles ne sont pas trop dangereuses, surtout avec la combi, il suffit de garder la tête hors de l’eau ou de brasser /couler avec une très bonne visibilité. Mais du coup, j’y vais seul, mon compagnon refusant absolument le port du néoprène, très nature le garçon. 
Je suis tout à fait comme lui. Enfin, pas physiquement, hélas, mais dans l’esprit. C’est comme ça que je me suis lancé à l’assaut de Landscape Arch, curiosité géologique située dans le parc natural de Arches (Utah) en me vantant d’être avec pas d’casque auprès des touristes asiatiques qui ne comprenaient que dalle à mon verbiage, en refusant d’emprunter les ânes excursionnels sur la photo de la pochette, surtout qu’elle est prise à Grand Canyon (Arizona) mais surtout de partir avec « no hat, no shirt, no shoes » car j’étais déjà plus qu’un peu ivre de ma propre débonnarité et trouvais que le contact du grès sous ma plante de pieds était profondément tellurique et émouvant, comme dirait ma voisine de 81 ans, et me procurait d’étranges zigouigouis tout le long du rachis lombaire.

une autre sorte de marilouise, observée
en allant en ville à vélo
Bien entendu, au bout de 2 heures en plein cagnard et sans la moindre bouteille d'eau, ma plante de pieds sentait le caoutchouc brûlé et j’étais plus proche de l’insolation et d’être rapatrié par Le Choix Funéraire, que de toucher une pension d’imbécillité, et je me suis fait gronder pour mon imprudence car je n’étais plus du tout aussi frais que la photo de marilouise dans son rayon réfrigéré en rejoignant ma famille qui s’inquiétait beaucoup de mon absence prolongée. 
N’empêche que le mec qui va inventer le drone aquatique à broyer les méduses, il va se faire un max de blé, en plus qu’on lui érige une statue de bienfaiteur de l’humanité médusée.

j’ai vu que les intermittents du pestacle toucheraient leurs indemnités 
oui enfin je préfèrerais toucher du salaire mais finalement je m’accomode assez bien au quotidien de ne pas avoir d’emploi salarié. J’aurais pas cru, mais finalement on s’habitue vite. Mais n’oublions pas que nous voilà déjà à J-8 de Jeannette Warsen chef de service en retraite, date à laquelle il me faudra trouver un hébergement d’urgence, avec ou sans combi néoprène, elle n'est pas fan de ma recette du poulet aux larmes, je vais plutôt obliquer vers un gratin de patates douces au gingembre.

mercredi 23 mai 2018

Mon nombril, ma bataille (5)

L'alcoolique à l'abstinence difficile qui avait brocardé le petit Jésus (post antépénultième) en le dessinant crucifié sur un tire-bouchon dans le bulletin paroissial du mouvement AA était très perturbé par les conséquences pourtant prévisibles de son blasphème, et émargeait sans doute aussi aux Narcotiques Anonymes puisqu'il leur avait emprunté la sacro-sainte formule auto-introductive en réunion "je m'appelle Jean-Luc, je suis abstinent de tout produit modifiant le comportement..." à laquelle il ajoutait d'un air entendu "et j'essaye aussi d'être abstinent de tout comportement modifiant le comportement, mais c'est difficile en ce moment "; le pauvre se définissait quasi-exclusivement par ses addictions passées et l'historique de ses efforts visant à l'en débarrasser.
On se doute bien que l'individu qui se présente spontanément comme fortement attaché à son identité de dépendant aura sans doute du mal à passer à autre chose, une fois le sevrage achevé. J'admirais les fulgurances éventuellement hors-sujet de ses partages en réunion ("J’ai été éduqué “façon amour” et “réalité attachement”, comme il y a des blousons en skaï “façon cuir”, ça ne pouvait que me plaire), mais il était très instable, au bout de quatre ans on aurait dit qu'il venait de démarrer l'abstinence la semaine dernière, on murmurait qu'il avait tâté de la magie noire, et que ça lui avait bien niqué les canaux. Avait-il réellement flirté avec des forces qui le dépassaient et en avait-il gardé un trouble du sens commun, ce qui lui permettait de peindre des moustaches à la Joconde, puis de fondre en larmes parce que Mona Lisa avait du poil au menton ?
Je l'ignore, c'était il y a 25 ans au groupe AA de Belleville-Amandiers que j'ai cessé de fréquenter en quittant Paris  en 1996.

L'inscription au mur :
"Salle de réunion / Dispersion des cendres"
(en français et en flamand)
devant un funérarium en Belgique.
Don anonyme de ma belle-soeur
réalisé lors de la dispersion de sa maman.
Un membre des AA me terrifiait pour d'autres raisons : il semblait à jamais dérivant entre deux eaux, c'est à dire qu'il n'était ni perdu ni sauvé, pour toujours et à jamais, son visage le prouvait en retournant doucement vers Cro-Magnon, visage perpétuellement défait et aux traits à demi-effacés pour avoir mariné trop longtemps dans un mélange d'eau de vaisselle et de "spiritueux à base de whisky" comme on en trouvait des flasques très bon marché chez Ed l'épicier discount, mais son assiduité aux réunions le préservait de sombrer totalement. Alors les autres membres du groupe de la rue Rambuteau, qui tenaient réunion dans cette salle en sous-sol des Halles dont les murs suintaient le manque et la souffrance humaine, avaient dérogé à la règle de l'anniversaire de sobriété continue, pour offrir  au noyé une petite cérémonie pour ses 3 mois d'abstinence, parce que déjà ça c'était incroyable.
Ses cheveux en broussaille, son éternel walkman vissé aux oreilles, son anorak bleu passé à l'orange, il nous souriait de toute sa gratitude à travers ce nuage d'hébétude qui sourdait de lui. C'était mignon, mais j'étais épouvanté par "la possibilité du nul", pour paraphraser un Houellebecq en biais(1), je trouvais atroce pour lui qu'il puisse voir la lumière mais se révèle incapable de vivre dedans comme le faisaient les autres membres en se faisant mutuellement la courte échelle vers le Dieu des AA, peu exigeant sur les conditions d'entrée. J'aurais préféré la mort à un sort si funeste. Je n'étais plus du tout hanté par l'idée de ne pas être à la hauteur (post précédent), parce que je sentais bien que le pronostic vital était engagé, et que je ne voulais pas mourir de ça. J'avais peu d'espoir sur le long terme mais j'appliquais donc scolairement ce qu'on me suggérait, et comme ils le suggéraient, c'est à dire 24 heures à la fois. C'est dans l'adversité et les circonstances difficiles que je me révèle apte à dépasser mes limites, alors que dans le confort, j'ai tendance à piquer du nez, comme beaucoup de gens.
Bref.
Pour cesser de boire j'ai été aidé par le fait que la toxicité du produit se paye cash, sur l'état général, le boulot, les relations personnelles.
Mais pour ne plus fumer, je mégote et tergiverse depuis 25 ans, comme notre ami noyé plus ou moins volontaire; il faut dire que le tabac, on paye à crédit. On paye quand c'est trop tard, quand le généraliste vous envoie chez le pneumologue qui demande à Piccoli dans ce vieux film de Bunuel s'il peut "l'ouvrir dans la semaine" pour vérifier un truc. Je connais plein de gens dans la même situation que moi, qui marchandent au jour le jour entre leur vital, leurs pulsions et la distance qui les sépare du premier buraliste, et ce n'est pas parce que nous sommes plus nombreux que nous avons plus raison.
J'ai donc tout intérêt à me rappeler que l'échec est total, la cabane sur le chien etc... sinon je vais me croire guéri et tout sera à recommencer après la première cigarette dite "récréative", ou le premier joint éponyme.

(1)quand j'étais petit on m'appelait "bec en biais", ce qui à tout prendre est plus élégant que "gueule de travers". Ca ne s'est guère arrangé quand je me suis fracturé la mâchoire au fond d'un canyon espingouin, mais c'est une autre histoire.

samedi 23 janvier 2016

Le mal par le mal

Le meilleur moyen de me consoler de la perte de ma poule, c'est d'en acheter une autre, et de songer qu'elle a eu une existence plus longue et plus intense que beaucoup de ses consoeurs/confrères.



Mangeons des oeufs et des légumes.

jeudi 17 décembre 2015

En survolant le Royaume d'Emmanuel Carrère à pied

Pour M.W, qui n'ignore pas pourquoi (si elle a un peu du mal avec le comment, c'est parce qu'elle a le compas dans l'oeil et que ça picote un peu)

1/
Extrait de :
Emmanuel Carrère. « Le Royaume (FICTION) (French Edition). » iBooks. 

« […] Au cours de ces années, j’ai commenté chaque jour quelques versets de l’Évangile selon saint Jean. Ces commentaires occupent une vingtaine de cahiers, jamais rouverts depuis. Je n’ai pas de très bons souvenirs de cette époque, j’ai fait de mon mieux pour l’oublier. Miracle de l’inconscient : j’y ai si bien réussi que j’ai pu commencer à écrire sur les origines du christianisme sans faire le rapprochement. Sans me rappeler que cette histoire à laquelle je m’intéresse tant aujourd’hui, il y a eu un moment de ma vie où j’y ai cru.
Maintenant ça y est, je me le rappelle. Et même si cela me fait peur, je sais que le moment est venu de relire ces cahiers.
Mais où sont-ils ?

La dernière fois que je les ai vus, c’était en 2005 et j’allais mal, très mal. C’est, à ce jour, la dernière des grandes crises que j’ai traversées, et l’une des plus sévères. On peut, par commodité, parler de dépression mais je ne pense pas qu’il s’agissait de cela. Le psychiatre que je consultais à l’époque ne le pensait pas non plus, ni que les antidépresseurs pourraient m’être d’aucun secours. Il avait raison, j’en ai essayé plusieurs « qui n’ont eu d’autre effet que les effets secondaires indésirables. Le seul traitement qui m’ait apporté un peu de soulagement est un médicament pour psychotiques qui, d’après la notice, remédiait aux « croyances erronées ». Peu de choses à cette époque me faisaient rire, mais ces « croyances erronées », si, d’un rire pas vraiment gai.
J’ai raconté, dans D’autres vies que la mienne, la visite que j’ai alors rendue au vieux psychanalyste François Roustang, mais je n’en ai raconté que la fin. Je raconte ici le début – cette séance unique a été dense. Je lui ai déballé mon affaire : la douleur incessante au creux du ventre, que je comparais au renard dévorant les entrailles du petit Spartiate dans les contes et légendes de la Grèce antique ; le sentiment ou plutôt la certitude d’être échec et mat, de ne pouvoir ni aimer ni travailler, de ne faire que du mal autour de moi. J’ai dit que je pensais au suicide et comme, malgré tout, j’étais venu dans l’espoir que Roustang me propose une autre solution, comme à ma grande surprise il ne semblait disposé à rien me proposer, je lui ai demandé s’il accepterait, à titre de dernière chance, de me prendre en analyse.



J’avais déjà passé dix ans sur les divans de deux de ses confrères, sans résultats notables – c’est du moins ce que je pensais à ce moment. Roustang a répondu que non, il ne me prendrait pas. D’abord parce qu’il était trop vieux, ensuite parce qu’à son avis la seule chose qui m’intéressait dans l’analyse était de mettre l’analyste en échec, que j’étais visiblement passé maître dans cet art et que si je voulais démontrer pour la troisième fois ma maîtrise il ne m’en empêcherait pas, mais, a-t-il ajouté, « pas avec moi. Et si j’étais vous, je passerais à autre chose. – À quoi ? », ai-je demandé, fort de la supériorité de l’incurable. « Eh bien, a répondu Roustang, vous avez parlé du suicide. Il n’a pas bonne presse de nos jours, mais quelquefois c’est une solution. »
Ayant dit cela, il est resté silencieux. Moi aussi. Puis il a repris : « Sinon, vous pouvez vivre. »






Par ces deux phrases, il a fait exploser le système qui m’avait permis de tenir en échec mes deux précédents analystes. C’était audacieux de sa part, c’est le genre d’audace que devait s’autoriser Lacan, sur la base d’une semblable clairvoyance clinique. Roustang avait compris que, contrairement à ce que je pensais, je n’allais pas me suicider et, petit à petit, sans que je l’aie jamais revu, les choses ont commencé à aller mieux. Je suis néanmoins rentré chez moi dans les mêmes dispositions que j’en étais sorti pour le voir, c’est-à-dire pas vraiment décidé à me suicider mais convaincu que j’allais le faire. Il y avait au plafond, juste au-dessus du lit sur lequel je restais prostré toute la journée, un crochet dont j’ai testé la résistance en montant sur un escabeau. J’ai écrit une lettre à Hélène, une autre à mes fils, une troisième à mes parents. J’ai fait le ménage de mon ordinateur, effacé sans hésiter quelques fichiers dont je ne voulais pas qu’on les trouve après ma mort. J’ai hésité, par contre, devant un carton qui m’avait suivi sans que je l’ouvre dans plusieurs déménagements. Ce carton, c’est celui où j’avais rangé les cahiers datant de ma période chrétienne : ceux où j’écrivais, chaque matin, mes commentaires sur l’Évangile selon saint Jean.


Je m’étais toujours dit qu’un jour je les relirais, et peut-être que j’en tirerais quelque chose. Il n’est pas si fréquent, après tout, de disposer de documents de première main sur une période de sa vie où on était totalement différent de celui qu’on est devenu, où on croyait dur comme fer quelque chose qu’à présent on trouve aberrant. D’un côté je n’avais aucune envie de laisser ces documents derrière moi si je mourais. De l’autre, si je ne me suicidais pas, je regretterais certainement de les avoir détruits. « Miracles de l’inconscient, suite : je ne me rappelle pas ce que j’ai fait. Enfin, si : j’ai quelques mois encore traîné ma dépression, puis je me suis mis à écrire ce qui est devenu Un roman russe et m’a tiré du gouffre. Mais pour ce qui concerne ce carton, la dernière image que j’en ai, c’est qu’il est devant moi, sur le tapis de mon bureau, que je ne l’ai pas ouvert et que je me demande quoi en faire.
Sept ans plus tard, je suis dans le même bureau, dans le même appartement, et je me demande ce que j’en ai fait. Si je l’avais détruit, il me semble que je m’en souviendrais. Surtout si je l’avais détruit théâtralement, par le feu, mais il est possible que j’aie procédé de façon plus prosaïque, en le descendant à la poubelle. Et si je l’ai gardé, où l’ai-je mis ? Dans un coffre à la banque, c’est comme le feu : je m’en souviendrais. Non, il a dû rester dans l’appartement, et s’il est resté dans l’appartement…
Je sens que je brûle.[…] »


2/
J’ignore totalement comment je suis tombé sur cette vidéo.


Mais à part un gros coup de pouce de ma Puissance Supérieure à 12°5, franchement, je ne vois pas.
C’est la meilleure vidéo sur la dépression que j’aie jamais vu.
Elle m’aurait bien été utile, en des temps plus difficiles.
Mais même aujourd’hui, je suis plein de gratitude pour l’avoir matée.
Faisez gaffe, il faut avoir installé la dernière version d’Adobe Flash Player pour voir Ted.


Solomon Akbar !
Bonnes 24 !

dans la même collection :

http://johnwarsen.blogspot.fr/2012/07/ma-depression-racontee-aux-enfants-4.html

jeudi 10 décembre 2015

la course contre la honte (4/4)

Il m'écrit (lui) : 
»Salut mon vieux sage,
C'est idiot, et étrange ... je continue la dérive lente, faite de ressacs.
Je crois que fondamentalement, l'idée de l'abstinence ne passe pas dans ma tête.
Je ne me sens pas de taille. J'espère me lasser, sans y croire. Je tiens, dans une vie qui tient un peu par miracle, aux limites, avec une bonne dose de mensonge par omission. Tout ça est bien fragile. Néanmoins, je m'intéresse aussi à autre chose niveau loisir, ça c'est mon vieux côté passionné. Je ne suis donc pas dépressif aigu, bien que malheureux.
C'est idiot, et étrange ... j'attends surement un événement, en actionnant les manettes à ma disposition : changement de vie, ... c'est déjà énorme ! J'aurai déménagé 2 fois et changé 4 fois de statut en 1 an 1/2 (boulot 1, chômeur, boulot 3, boulot 4 à venir). Peut être faut-il s'exiler loin, mais loin de toute connectique ? et alors, pourquoi ne pas l'envisager ? sinon, des médicaments. Je commence à me poser sérieusement la question ...
Bien à toi, la warsenure !


Je lui réponds :
"t'as vraiment décidé de mourir la bite à la main et les bottes aux pieds comme un vrai cowboy ?
ton truc, c'est comme visiter le salon de l'auto sans pouvoir jamais acheter une seule voiture.
Se condamner au lèche-vitrines perpétuel, c'est de la cruauté mentale envers soi-même.
C'est un truc de smicard, pas d'ingénieur. (il va décrocher ce nouveau job, mais comme il s'est interdit internet à la maison, il ne surfe qu'au boulot et est un peu inquiet de se rendre compte que demain, il n'aura pas "droit à l'erreur" qu'il s'accorde aujourd'hui)
anyway, l'abstinence, c'est que pour aujourd'hui : hier c'est trop tard, et demain est hors de portée.
"J'espère me lasser, sans y croire." là franchement, j'ai trouvé mon maître dans le sophisme.
Je m'incline. Mais pas devant ma bécane.

Enfin, pas aujourd’hui.





L’addiction est n’importe quelle activité humaine, utilisée pour sa valeur hédonique, 
sur un mode plus ou moins déséquilibré. 

"Le grand secret, c'est d'accepter sa fragilité, dans le sens de cesser d'alimenter en vain cette partie de soi qui refuse la faiblesse, et qui se montre faible justement par sa dépendance vis-à-vis d'une image idéalisée de soi. Dans ce cas, accepter sa fragilité, c'est alors couper le problème en plus petits morceaux, pour pouvoir le digérer: car tant qu'on porte en soi une partie qui refuse l'autre et qui réclame à son profit toute l'énergie pour poursuivre contre soi-même un combat sans fin, on n'est pas prêt d'arriver. Alors qu'en cessant ce combat-là, on récupère son énergie pour réellement avancer.
Il n'y a pas d'autre solution pour sortir d'une dépendance, que de cesser de vouloir se croire plus fort que le produit. Il faut accepter son impuissance, accepter que le produit est le plus fort. On peut alors commencer à être vraiment fort, aussitôt qu'on n'est plus dépendant d'une victoire sur le produit. Entendons-nous bien: vouloir être plus fort que le produit, c'est vouloir en consommer de manière maîtrisée, c'est vouloir se prouver qu'on est capable de le contrôler, alors qu'accepter que c'est lui le plus fort, c'est cesser de le fréquenter, c'est ne plus rechercher dans l'impossible victoire sur lui l'image d'un moi fort que seule cette victoire pourrait fournir, c'est sortir de cette quête illusoire qui entretient le cercle infernal de la dépendance."

Mon parcours, je peux le résumer fastoche :
Une liste variée de subterfuges pour échapper à cette vérité apparemment insoutenable : 
de la naissance à la mort, nous sommes indiciblement seul (c'est pourquoi je retranche le s) dans notre pyjama en peau. Quand j'ai fini par accepter cette solitude comme une donnée de base plutôt que de la craindre comme une malédiction, et de vouloir la fuir à coups de compulsions paniques, l'équation a été plus facile à résoudre.

Evidemment que la dépendance de base, elle est affective et sexuelle :
Tout plutôt que la solitude, tout plutôt que la liberté et la responsabilité de donner un sens à sa vie.
Une fois ce gros morceau bien indigeste avalé, reste la question des outils.
La réponse que je me suis donnée, c'est de les essayer tous, jusqu'à trouver ceux qui me convenaient.
Un psychiatre, le sevrage, la rencontre d'Orroz, le costume de chevalier blanc sur les forums, une thérapeute, du bouddhisme, des blogs, le travail, le jogging, le rebirth, les rencontres avec des dépendants, les comics en VO… 
je mesure bien la chance que j'ai, et je comprends que je reste fragile, et puis redevenir la proie du tigre de l'addiction, prêt à me sauter dessus si je bouge, disons si je lève le coude ou si je commence à dégrafer mon ceinturon devant mon ordinateur, comme un vrai cow-boy fraichement arrivé en ville et qui se dit qu'il va se taper une cyberpute au saloon parce que ça fait 3 mois qu'il est dans le désert depuis trop longtemps, et que les vaches ça va bien un moment mais qu'elles ont une conversation somme toute limitée...
Bref. Un jour à la fois.

Le plus dur à trouver, c'est l'équilibre entre prudence et névrose. Je retrouve une note où une amie me rappelle que "L'addiction est plus ou moins le sort de chacun, bien que certains comportements compulsifs reçoivent des compliments, ce qui les fait passer pour autre chose. Il y a en effet des addictions à son travail, ou à la propreté dans la maison, p.ex. qu'on peut facilement observer autour de soi. 
Un autre point qui m'est venu à l'esprit, c'est que le simple fait de vouloir en finir avec l'addiction provoque une tension qu'il va forcément falloir relâcher, et comme la manière habituelle de décompresser est justement l'addiction, il est parfaitement normal que ça reprenne de plus belle.
C'est pourquoi je pense que le conseil de *** proposant de remplacer l'addiction par une autre moins gênante est un excellent conseil. Reste à le mettre en pratique, et là l'obstacle peut paraître insurmontable, vu qu'on n'a pas l'impression que le nouveau jouet vaille l'ancien, impression qui se confirme aux premiers essais.
Bref, en pratique, après avoir soigneusement noté tous les détails possibles sur le sujet, (…) l'obstacle ici est fait de prendre les choses au sérieux. En effet ce comportement compulsif qu'on a bâti à partir de rien, a l'air d'une montagne, et c'est là que les observations glanées aux trois niveaux peuvent nous venir en aide, pour décider de ce qu'il en est réellement.
Comme dit Castaneda, les gens ne savent pas à quel point il est facile de laisser tomber une habitude; et s'ils ne le savent pas, ils savent autre chose au sujet de ce qui nous occupe, à savoir p.ex. que c'est difficile, long, qu'il y a des échecs fréquents, bref toutes sortes de choses très sérieuses. 
Ce sérieux, c'est le fait de prendre nos idées pour une réalité de solide et immuable. Elles sont solides, en effet, ces pensées, pour peu qu'on leur prête vie, et immuables, si on les entretient, mais on peut parfaitement jouer à en inventer d'autres, qui seront non moins solides, et je suppose que c'est ce que font les bouddhistes tantriques qui en arrivent à prendre le thé avec leur yidam. 
Jouer avec les pensées, ça permet de faire un petit peu bouger les noeuds qui nous lient à cette réalité bien précise qui est la nôtre, car nos prisons commencent avec une pensée.
Après cette prise en mains des pensées, il convient de choisir une autre "addiction pour jouer", et là il suffit de choisir parmi nos penchants naturels, quelque chose de non gênant. Si on a l'impression que ça ne marche pas, il faut se rappeler que c'est un jeu; on fait semblant en attendant de voir qu'on a fait semblant beaucoup auparavant, pour en arriver à créer cette réalité qui nous embête. "



 "Tant qu'un homme n'a pas réalisé qu'il ne PEUT PAS s'arrêter, il continue de croire qu'il n'a pas de problème. Pourquoi? Parce qu'il est tellement fier qu'il ne supporterait pas de passer pour un drogué. Et pourtant... le reconnaître, c'est faire le premier pas vers la délivrance.
Vous avez tous remarqué que ce Forum s'intitulait ORROZ & Dépendances. Cela signifie bien que toutes les dépendances sont liées. Mais elles ont leur origine quelque part dans la psyché. Dans votre prime enfance ou lors de votre adolescence, ou plus tard quand vous avez commencé à devenir adulte mais que vous avez eu du mal à l'accepter. En fait, tous les dépendants sont des bébés qui ne veulent pas devenir adultes, cad s'assumer. Alors, ils conservent la tétine le plus longtemps possible (la clope au bec, le verre d'alcool, le pétard ou la dose de sexe virtuel). Une fois que vous avez compris ça, il faut se faire aider. Je le répète encore une fois: SEUL vous n'y arriverez pas aussi rapidement ! Alors, préférez-vous passer trois ans à vous sevrer, ou une seule année ?
Quand j'étais encore dépendant, je vivais une véritable dépression.


Moi aussi je suis passé par les "sites de célébrités (chanteuses, actrices...)" et "au bout de quelques minutes de navigation je me retrouvais à télécharger des trucs pornos..." Moi aussi, je me retrouve quand il dit qu'il serait capable de se "provoquer une maladie incurable pour que les gens viennent me consoler, me soutenir, me plaindre..."
Et comme j'étais psy, cela me fit alors prendre conscience que je n'avais pas résolu un problème majeur : celui de cet enfant intérieur qui avait souffert dans son enfance d'un abandon. Je me suis fait aider par un collègue et j'ai commencé à me sevrer car j'ai compris que je devais GRANDIR ! que me lamenter ne servait à rien, parce que si quelqu'un m'avait pris dans ses bras en me disant "oh le pauvre petit comme il a bien du chagrin", cela n'aurait rien changé à mon mal-être et je serais inévitablement retombé dans l'addiction. Ce n'est pas d'un câlin dont a besoin l'enfant blessé, mais de quelqu'un qui lui explique que la vie n'est pas un long fleuve tranquille et qu'il doit GRANDIR afin de se guérir lui-même de ses blessures.
a+
Orroz


"Nous nous percevons comme des réservoirs vides ne demandant qu’à être comblés, et l’autre devient alors cette source à laquelle nous aimerions nous abreuver. Qu’il s’agisse d’une rencontre avec un maître spirituel ou avec une maîtresse ou un amant, nous devons réaliser que cette manière de rencontrer l’autre comme s’il était source de notre plénitude est une erreur fondamentale.
Je ne dis pas que les relations doivent être évitées mais qu’elles doivent être vues pour ce qu’elles sont : des lieux possibles d’expression de l’amour mais pas des échoppes où l’on viendrait s’achalander."



La question qui devrait hanter le dépendant ado ou adulte, c'est "combien de temps faut-il pour être sevré et pouvoir laisser trainer un regard amusé à la devanture du rayon hot du marchand de journaux à l'idée de ce que la frustration peut faire vendre ?"

Les dépendances sont liées. Mais elles ont leur origine quelque part dans la psyché. Dans votre prime enfance ou lors de votre adolescence, ou plus tard quand vous avez commencé à devenir adulte mais que vous avez eu du mal à l'accepter. En fait, tous les dépendants sont des bébés qui ne veulent pas devenir adultes, cad s'assumer. Alors, ils conservent la tétine le plus longtemps possible (la clope au bec, le verre d'alcool, le pétard ou la dose de sexe virtuel). Une fois que vous avez compris ça, il faut se faire aider. Je le répète encore une fois: SEUL vous n'y arriverez pas aussi rapidement ! Alors, préférez-vous passer trois ans à vous sevrer, ou une seule année ?

Il y a pour l'instant un commentaire client.

http://abonnes.lemonde.fr/pixels/article/2015/08/04/une-breve-histoire-de-la-censure-des-sites-pornographiques_4711451_4408996.html

Edit : 

Objet : Blasphémator® matin et son supplément paroissial





La pensée du suicide est une puissante consolation : elle nous aide à passer maintes mauvaises nuits. (Nietzsche)

vendredi 13 novembre 2015

Anhédonisme, le retour

Je relis ça, parce que c’était pas mal.

http://johnwarsen.blogspot.fr/2008/08/les-mots-vols.html

Depuis, mon fils a heureusement fait mentir mes prophéties auto-réalisatrices : au sortir du collège, l'envoyer au lycée aurait été pire que de l'envoyer au front en 1914. Après un BEP Sanitaire et Social, il a pu rattraper une passerelle vers un bac éponyme (la passerelle a été depuis retirée par l'Education Nationale), et malgré le handicap de la dyslexie, s'est engagée dans des études longues. Il est actuellement en Master 1 de psychologie et ses centres d'intérêt professionnel se portent vers l'addictologie et la gérontologie. L'été, il fait aide-soignant dans des mouroirs à Alzheimer au lieu d'aller fumer des pétards sur la plage de Pornic avec ses condisciples.
Il nous quitte samedi, on lui paye une piaule pour l’aider à s’autonomiser, sinon on va l’avoir à la maison jusqu’à 40 ans.
On serait pas contre, mais ça ne va pas l’aider quand on ne sera plus là. La mère le prend bien, et le père s'en remettra.

Je reste scotché par la pertinence à travers les âges successifs de ma vie du texte cité par Dick dans Substance Mort, mais mon traitement actuel m'aide à voir au travers de ma croyance qu'au fond, je ne me sortirai jamais de ce fonds de commerce que j'affectionne pour les addictions malheureuses et les mauvaises affaires psychologiques.


http://johnwarsen.blogspot.fr/2008/12/thophobie-et-matrialisme-affectif.html

Assurément, je progresse dans mon intention de quitter les rivages stériles et nauséabonds de la théophobie, plus par la grâce des rencontres de hasard-qui-n'existe-pas et par mon récent retour aux A.A. pour y accompagner une amie en souffrance que par volonté propre, quant à l'amour, comment te dire ça, je pense qu'il se manifestera quand les conditions de son émergence seront actualisées.

http://johnwarsen.blogspot.fr/2009/05/gloutonnerie-apocalyptique.html

Dans ce domaine, je connais des hauts et des bas, mais ça fait le sel de la vie. 
J'ai renoué avec Flo, qui porte désormais un autre nom et mène une autre vie, et ça ne vous regarde pas (jusqu'à ce que je déballe dans un moment de pure folie notre correspondance privée ici, mwa ha ha). Il me semble aujourd'hui mieux comprendre ce dont elle parle, et elle m'a encore été cette année un précieux secours dans certaines circonstances difficiles, ce dont je ne pourrais à nouveau trop la remercier.




Un paparazzi vraiment malin quoiqu'indélicat 
a réussi à nous surprendre en fâcheuse posture.
C'est embarrassant.
Je préfère pousser la photo moi-même 
avant qu'il la punaise sur mon wall Facebook.

jeudi 19 juin 2014

Kestechian

C'est la seconde fois en quelques mois que je tombe sur un dépressif profond qui écoute religieusement Charles Aznavour en cachette. La coïncidence est frappante, car les deux victimes partagent d'autres points communs très particuliers :
-une dépression liée à la perte de la mère ou de son substitut symbolique.
-une identité psycho-morphologique troublante (forme du crâne, pli tombant des paupières supérieures, regard éteint, hébétude générale, atonie de la voix et fragilité émotionnelle).
L'écoute innocente des chansons du vieux chanteur d'avariétés est-elle l'origine ou la conséquence de l'effondrement psychologique ?
Rappelons qu'en français Aznavourian signifie Kestechian, et que si je ne lui ai jamais vraiment prété attention, c'est parce qu'il m'arrive de retélécharger en loucedé les vieux Gérard Manset qu'il avait lui-même envoyés au pilon, et on le comprend.
Mais que fait la police ?

vendredi 25 janvier 2013

Onfray mieux d's'abstenir quand on a mauvais Allen


En décembre, j'ai eu cet échange avec un ami, que je croyais savoir en relation avec une femme deux fois moins âgée que lui.
Quand j'étais jeune, franchement je ne voyais pas ce que les vieux nous trouvaient.
Maintenant, je vois mieux, et c'est loin d'être fini.
En fait, j'avais mis en garde un autre ami contre les jeunettes, bonnes à épuiser les quinquas, ce dont il n'avait apparemment cure, et qui avait déclenché l'amusement de mon premier ami, qui m'avait alors révélé sa relation naissante avec une jeunette.
Ce qui prouve (je parle pour moi, bien que j'aie l'air de parler pour lui : comme je l'explique plus bas, ce gars je crois qu'il a gardé assez de bonté pour mériter le bonheur, ce qui est loin d'être mon K. ) qu'on peut être moraliste de haut vol et complètement demeuré dès lors qu'il s'agit de recueillir les fruits nés de son propre esprit.
Poil aux fruits qu'on fit.
Bref, fin décembre, je reçois ça :




LJ : "Salut à tous,
voici une proposition originale pour ceux qui n'ont rien de prévu  pour le vendredi 28 12. Pouvez-vous faire circuler l'info autour de vous? Merci.
En espérant vous y retrouver,
Bonnes fêtes.

JW : Au vu des photos des bretteurs, je mets $10 sur le Lee Van Cleef de l'existentialisme, à droite sur votre écran, qui ne peut que ratatiner ontologiquement le Luc Chatel de l'hédonisme neu-neu qui s'est laissé faire un brushing cata sous exstasy (à gauche sur votre écran)
de plus, la question du jour n'appelle qu'une réponse : oui, au prix d'une ascèse, on peut se libérer des affects, mais après on se fait bien chier en attendant l'amor.
Pas de quoi passer une soirée entre les 2 réveillons !
C'est dommage que je n'habite pas C**, hein ?
J'aurais proposé un cabaret philo travaux pratiques " Kalachnikov et libre arbitre".
C'est marrant, hier j'ai réécouté Béranger, et ce soir paf ! ton mail.
Alors que quand j'écoute Lavilliers, paf ! ma femme me cogne (pas fort, mais quand même…).
Précisions sur le café philo : 
Va surtout pas inviter michel onfray, plus personne peut parler et il laisse des ardoises énormes... ah oui, et puis j'ai l'air de me gausser, mais j'ai récemment découvert philosophie magazine, et c'est très correct comme revue, si tu le vois trainer en salle des profs, n'hésite pas à le tchourer.

LJ : je ne commenterai pas les jugements perfides sur le physique des orateurs: la véritable beauté est intérieure, surtout en hiver...
Rassure toi, on vient de casser avec mon amie. Tout rentre donc dans l'ordre ou plutôt dans le désordre. En vieux guerrier de l'amour je suis partagé entre l'inquiétude sur mes capacités une fois encore à me relever et le constat que ça fait de moins en moins mal de heurter le sol. Mais devrais-je m'en réjouir?
Mais, t'inquiète 2012 c'était l'année de la louse, alors que 2013 sera l'année de la b.....
Biz,
LJ


JW : Courage, mon jaune ami : cinquante ans, c’est le bel âge pour un homme : quand une femme lui dit oui, il est flatté, et quand elle lui dit non, il est soulagé. (David Lodge)
Uh uh uh.
A propos d'être flatté, c'est toi mon maitre étalon en matière d'humour, donc ça me fait tout drôle et pour tout dire (pied de) bicher que mon humour te fasse marrer, il faut croire que tu m'inspires le meilleur de moi-même.
On aurait dû monter un duo comique, je l'ai toujours pensé. 
Maintenant que nous sommes dans notre bel âge, j'y entre moi-même dans 5 jours, et que nous sommes  visiblement dans la pleine maturité de nos talents, peut-être un premier contrat pour se tour-de-chauffer au café de C*** ?
Sinon, pour abonder dans ton sens, le plus dur quand l'être aimé se barre avec les clés du camion de l'Enthousiasme, c'est de regarder ce qui se passe en soi à la levée du jour suivant : le sentiment survit-il à la disparition de la personne qui l'a suscité ?
Si oui, alors c'était pas une hallu.
Cet enthousiasme.
Sinon, y'a plus qu'à se jeter au premier café-philo venu et payer une tournée générale rien qu'à l'idée d'être guéri d'une infection psychique sans lendemains ...
Parce que si c'est pour se prendre pour le Lavilliers de la rupture amoureuse et finir par se dire que les efforts & salamalecs à fournir pour se mettre de temps en temps une princesse au bout du gland n'en valent pas forcément la chandelle,...
Bref, je crois que nous tenons là un thème qui peut nous permettre de pousser notre avantage au café philo de C**, à condition de ne pas trop forcer sur la limonade.
Tu remarqueras que j'ai totalement éludé le sujet du jour, l'amour, avantages et inconvénients, mais tu n'avais pas commandé non plus mon catalogue d'effets de manche de la Déroute à Roubaixtte...
Si la vie affective et sexuelle des zumins était une méritocratie, je pense que tu serais mieux Loti que Pierre, et que j'irais me tordre dans les flammes de l'enfer égotiste...
mais théories du chaos, hasard des rencontres et blagues pourries du karma en ont décidé autrement.
a+
JW. 

Que ne suis-pas berger au fond de l'Ethiopie ?
Que ne suis-je un Autre ?
Ca fera certainenement l'objet d'un prochain café-philo.


dimanche 20 janvier 2013

Vieillir

On en a tous soupé de la fin du monde, sauf moi.
J'ai eu 50 ans.
Je ne me suis pas vu vieillir, mais quand je regarde la photo, je ne peux que constater l'accumulation des rides, et pas forcément celles de la rigolade.
50 ans, pour un nombrillidé comme moi, c'est un peu la fin du monde. D'autant plus que je n'ai même pas réussi à concrétiser mes rêves les plus secrets, et qu'il devient malaisé de me faire accroire que j'en ai 30 de moins, car des rêves de cette ampleur, c'est à 20 ans qu'il faut les planifier puis mettre patiemment en oeuvre les moyens habiles qui amèneront à leur satisfaction : devenir un écrivain raté, coucher avec une femme noire.

Je pense même que dans cette vie-là, c'est un peu baisé, bien que je continue à me dire que n'est pas pauvre qui désire beaucoup.
Tout a une fin, même ce qui n'a pas toujours eu de début discernable à l'oeil nu.
Pourquoi l'écrivain raté ?
Ecrivain parce qu'en créant des mondes, on jouit de l'illusion d'échapper à la condition de mortel.
Raté parce que ça ne peut que foirer, et pas que vers la fin, quand plus personne ne vous lit.
Et pourquoi vouloir cesser d'être mortel ? Heureusement qu'on meurt, putain de moine, et qu'une fois le vase brisé, tout l'air contenu dedans regagne l'atmosphère.
Enfin je peux toujours essayer me refaire ici, mais je n'ai plus guère le temps d'entrer en littérature autrement qu'en attentif lecteur.
La lecture, cette geekerie préhistorique, c'est a dire datant d'avant la télé et l'ordinateur.
D'ailleurs, pourquoi jalouserais-je cette aptitude à créer des mondes par la plume ?
Au moins, j'ai cessé de vivre dans un roman de Houellebecq, c'est déjà pas mal.

Pour ce qui est des femmes noires, je peux me l'accrocher.
Ou plutôt la laisser partir, en lui souhaitant bon voyage.
Et alors ?
Dans les faits, vu les démons auxquels je me suis frotté, je crois que je ne mesure pas la chance que j'ai eue, et que je continue d'avoir dans mon parcours de vie. Merci qui ? Si je fais encore de l'oeil à certains précipices thiéfainesques et simule le vertige au bord du trou fumant, il s'agit plus des vestiges d'une complicité contrainte du fait des années de captivité en leur compagnie que d'une réelle sympathy for the debvils, et il s'en faut pour l'heure que je trébuchasse devant et choyiasse dedans.
Nonobstant, j'ai eu droit fin décembre à un clin d'oeil du destin. Papa nous envoie alors un message enthousiaste : sa nouvelle amie, soi-disant rencontrée après la mort de maman, vient d'être grand-mère. 
Il nous communique même son numéro pour qu'on lui envoie des SMS de félicitations. Ca me surprend, mais pas tant que ça. 
Cette femme que nous n'avons rencontrée qu'une fois et qui garde une distance prudente avec la famille, que papa ne nous présente d'ailleurs que très parcimonieusement, au demeurant charmante & classieuse au point qu'on peut se demander ce qu'elle lui trouve, s'attendrait à ce que nous la congratulassions comme si nous étions de vagues neveux ou beaux-fils d'occasion ? Papa a dû paumer un joint d'étanchéité émotionnelle, il a souvent connu des bouffées de positivisme délirant, rarement  suivies d'effets.
Renseignements pris, le fils de la dame en question a 40 ans, vit en Afrique, et vient bien d'avoir un enfant avec une blackette de 20 ans, et la grand-mère trouve ça moyen-moyen au niveau de la différence d'âge, oui
J'ignore ce qu'elle pense de la couleur. Les métis sont vraiment des enfants de l'amour : selon la société dans laquelle ils vivent, leurs parents prennent quand même le risque que leur enfant soit ostracisé des deux côtés : trop blanc pour les noirs, trop noir pour les blancs.

Aaah moi aussi quand j'avais 40 ans je suis été en Afrique et j'ai pété les plombs pour une jeune femme de couleur, et je lui aurais bien fait un enfant aussi si je n'avais été retenu par les liens du mariage et un certain réalisme, qui consistait essentiellement à me rendre compte que cette histoire de nouveau départ c'était juste une projection de ma part, simplement parce que je n'étais qu'un champignon de Paris qui avait pris un coup de soleil sur la cafetière, plus habitué à errer dans les caves du Destin en s'interrogeant sur l'embranchement à prendre qu'à faire le kéké en motard ravageur de l'Afrique subaustrale, circonstances assez radicales sur les joints d'étanchéité du carburateur émotionnel, et pas insensible aux charmes déployés par ces indigènes d'un naturel débonnaire, rieuses et manifestement moins inhibées que moi, avec qui le changement ça serait maintenant.

Et je ne peux même pas féliciter ce demi-frère d'occasion (le fils de l'amie de mon père) que je me suis vu octroyer par indiscrétion paternelle, d'avoir su aller au bout de son idée et de son engagement : se tremper la quéquette néocoloniale est une chose, fonder une famille à partir d'un couple mixte en est une autre.
A l'époque, je suis rentré d'Afrique avec tout dans la tête et rien dans les mains, me sentant coupable au-delà du dicible, n'ayant péché qu'en pensée mais c'était déjà trop : me constituant prisonnier d'un crime non encore commis, je n'ai réussi qu'à me faire interdire de nouveaux voyages en solitaire. 
Rions.

D'autant plus que selon notre envoyé spécial en Guinée, "L’économie libidinale n’est à Conakry qu’un lien social dégénéré bien que délibéré ; une sorte d’avatar hypocrite de la relation drague homme / femme en Afrique de l’ouest. S’il paraît si normal aux fifilles, (aux poupées à longues jambes et entrejambes prometteurs) de recevoir - comme un dû -, tant de présents, c’est que quelques imbéciles, qui s’étaient fait des sous de manière indécente aux bons temps de la dictature du Général Conté, avaient inondés ces demoiselles de téléphones portables, de minijupes, sous-vêtements et talons hauts, ainsi que des parfums de marque, quand , pour les plus belles, ce n’était pas des Rav4 Toyota, (très utiles pour se faire sucer par les plus prometteuses d’entre elles.) Ces pratiques, (couplées à des rituels de griots vieux de plusieurs siècles) se sont finalement vite propagées à Conakry et sont passées pour ainsi dire, dans le mode relationnel des relations de drague si ce n’est de couple.
Ce qui gênerait en occident, - tant il paraît évident que les rapports d’argent pour s’attirer les faveurs d’une femme dont on cherche la vertu d’une relation suivie, est vulgaire -, va ici quasiment de soi !
C’est une culture vraiment différente et prompte à se propager par la survie imposée en pays pauvre. Le premier des métiers c’est…
Comme tu en fais si bien la remarque, il semble que dans la dépendance il n’y ait pas de rencontre de «l’autre », rien qu’un rapport égoïste à Soi en instrumentalisant le « baisé » qui devient littéralement un
objet sexuel et rien de plus…mais oh ! c’est terrible ! Quel vide ! La dépendante est soumise aux même tracas que le dépendant mâle semble-t-il : leur séduction est le produit infantile d’émotions perpétuelles, tout est sexualisé, n’importe quel homme rencontré devient une proie potentielle avec envie « de se le faire » ; et cette séduction dont les règles sont imposées aux autres n’est que la somme de nœuds émotionnels de l’enfance jamais résolus. Il s’agit là de fuir la réalité, toujours la fuite comme point central des dépendances."

Et puis, la Beauté ne se mange pas en salade, à moins d'être un loup, un prédateur.
Et moué, je serais plutôt né l'année du Mouton de Métal (hurlant).
Bêêêêê.



Depuis quelques mois, souterrainement hanté à l'approche de mon demi-siècle qui allait enfin sonner le glas de l'adolescence et me contraindre à solder mon déficit d'aventures pour ne pas sombrer plus avant dans l'indignité morale, je me suis aperçu que je mimais une forme subtile de décrépitude intellectuelle, comme pour m'y préparer, encore de l'anhédonisme là dessous si vous voulez mon avis.
Je tentais d'anticiper l'inéluctable, ce dont il n'a franchement nul besoin, en tout cas pas comme ça, pas celui-là.
Là encore je n'ai réussi qu'à inquiéter mes proches, qui ont cru que je virais neu-neu.
Pas question de leur avouer que c'était à moitié expérimental, et complètement à côté.
J'ai jusqu'à présent été bien plus apte à me projeter dans le passé que dans l'avenir.
Depuis mes 18 ans et l'écoute trop attentive pour ne pas être désastreuse de la chanson "les Vieux" de Brel, je souffre de crainte 
1/ raisonnée : le temps finira par me transformer en viande froide, et là plus question de regretter ma jeunesse, donc j'avais bien raison de le faire de mon vivant, comme j'ai pu le comprendre en me gargarisant des plus affreuses chansons de Gérard Manset, mais nul réconfort n'est à attendre de cette compréhension qui m'a pris un peu jeune
2/ irraisonnée : y'a une fichue pyramide de névroses et de dépressions familiales avec son bout pointu s'enfonçant plus hardiment dans mes dorsales avec les années,  malgré des traitements divers et variés
et il me reste de moins en moins de temps et d'énergie pour y faire face.

Comme d'habitude dans ces cas-là, j'en conclus qu'il ne me reste plus qu'à chercher refuge sous les ailes poilues des archanges laïcs de la méditation Vipassana en gratouillant des accords toltèques sur ma guitare monocorde, pour évacuer ce radotage que je pensais avoir déjà laissé derrière moi.
Mais ne serait-ce là qu'un fantasme de plus que je caresse ?
La peur n'empêche pas le danger.
Bonne année à tous et à toutes.


Edit : suite à la parution synchrone de l'article "Rajeunir", je me vois contraint de retitrer cet article.
c'est un sale boulot, mais il fallait que quelkon le fisse.