mercredi 22 décembre 2021

# Balance ton Z€MM0UR

1/ Introduction
(qu’on peut sauter en allant directement au chapitre suivant sur la télécommande, parce que personne ne lit les préfaces dans les bouquins, alors sur ton blog on va pas se gêner)

c'est la fin du dernier James Bond

J'ai trouvé le dernier James Bond mieux moins pire que ce que je craignais, mais finalement ce que je préfère dans les films de James Bond, plus encore que les petites pépées bien délurées ou les grosses voitures qui ont tout plein d'accidents, ou le sous-texte en forme de chant d'amour à l'industrie du luxe qui tente de légitimer auprès des pauvres le capitalisme financier mondialisé pourtant à l'agonie, fouettant l'air de sa queue de reptile aux abois avec des soubresauts mortels entre lesquels nous cherchons une porte de sortie vers un monde décarboné pour éviter à la planète d'entrer dans l'irréparable et de ne plus pouvoir nous porter en ses flancs,
 
en tout cas le dernier avec Daniel Craig

nan mais moi ce que je préfère dans les James Bond, sans déconner, c'est les génériques, ces petits film-dans-le-film qui recèlent des trésors de créativité, quand le directeur artistique est inspiré et bien luné, avec des flingues et des seins animés redessinés en silhouette avec des éclairages psyché, toutes ces pépites confectionnées aux petits oignons par les créatifs du studio, directeurs de la photo, illustrateurs, musiciens, monteurs et truquistes, conjuguant leurs talents en une synergie proactive pour réaliser des œuvres certes fragiles et éphémères, et que tout le monde aura oublié quand le rideau sur l'écran sera tombé et que le film sera terminé, que je réveillerai mon voisin qui dort comme un nouveau-né bien qu'il ait comme moi payé sa place près de 15 balles pour voir "Pourrir peut t'attendre" au Forum des Halles le mois dernier, car James Bond est une entreprise industrielle transnationale qui perdure depuis 1962 - l'année de ma naissance ! et qui compte bien faire un retour sur investissement d'au moins 8 %, car les actionnaires ne s'en laisseront pas compter.

il a juré qu'il n'en tournerait plus, juste avant de partir
à l'Ehpad des anciens acteurs de James Bond

Une nuit où je me faisais suer à relire Schopenhauer parce que je n'avais pas réussi à remettre la main sur ma collection d'Arthur le Fantôme Justicier, je tombe sur ce passage, bien planqué dans Le monde comme volonté et comme représentation (I, IV, §57. Traduction A. Burdeau, PUF, (1966. 2008), p. 394) :
"Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l'effort, un effort continu, sans but, sans repos; mais chez la bête et chez l'homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être; c'est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur; c'est par nature, nécessairement, qu'ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d'objet, qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l'ennui; leur nature, leur existence leur pèse d'un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui."

la preuve : son élégie par Ralph Fiennes
(sans doute mordu par un Schopenhauer) dans No Time to die (2021)

Cette lecture est un choc : je comprends alors que moi aussi, avec mes insomnies dues en partie à une réaction bipolette à l'absorption de tablettes nutritives de lave-vaisselle à la corticoïne, cette substance anti-inflammatoire qui ne peut être qu'une lointaine cousine de la Kryptonite (qui déclenche des crises d'éternuements incoercibles chez Superman) que mon oncologue m'a prescrites pour venir à bout de cette affection pulmonaire résultant d'un truc bien plus grave dont j'ai tartiné l'article précédent, et sans doute aussi celui d'avant, tel que je me connais, je suis menacé d'osciller tel un pendule, de droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo), ballotté de la souffrance à l'ennui pire que dans un wagon de la RATP entre Créteil et Balard. 
Une fois de plus, je ne puis que me laisser faire par la médecine, dont je suis à la fois l'otage, le champ de bataille expérimental, l'espace convivial de R&D, le cobaye au grand coeur dans les espaces inviolés qui s'étendent autour de l'Institut de cancérologie de l'Ouest Sauvage qui se limitent à une pelouse maigrichonne et un espace fumeur surtout fréquenté par les ambulanciers pendant que leurs clients sont en chimio. A ce titre, ayant totalement lâché prise sur l'issue inprédictible de tous ces protocoles, je me sens soudain menacé que ma volonté vienne à manquer d'objet.

D'autres victimes anonymes du soudain manque d'objet de la volonté.
Je sais, ça fait peur.
Pour éviter ça, pendant ces longues sessions de fièvre insomniaque, de passage dans votre cerveau dès 3 heures du matin tous les jours que Dieu fait, je me dis que  ça serait chouette de réunir tous ces génériques de James Bond au sein d'un film rétrospectif et testimonial, au prix de légères entorses au droit international de l'image. En incluant les prégénériques, qui sont souvent de petits teasers du film, ayant pour objectif de donner envie de voir la suite de façon plus ou moins énigmatique, innocentes saynètes où tout le monde s’entretue avec ce fair-play typiquement britannique, et dont le sens sera dévoilé plus tard, et en y insérant des blagues par le truchement de sous-titres parodiques, et puis on y verrait les moeurs du temps progresser de film en film, au tout début de la saga, l’ennemi étranger, qu’il soit jaune, bronzé, peau-rouge ou même caucasien ou encore issu d'une minorité visible de Bételgeuse, est fourbe et manichéen, mais devient plus complexe avec le temps.
Ah tiens non, dans le dernier James Bond, Rami Malek est aussi ravagé que les précédents déments super-malfaisants des films de James Bond. Je le trouve meilleur en geek ayant bac + 14 en schizophrènie dans Mister Robot.
 
John Warsen a eu la flemme de réindexer sa nouvelle bibliothèque,
et a bien du mal à localiser sa collection d'Arthur le Fantôme Justicier,
pourtant l'objet de la volonté. Sauras-tu l'aider à la retrouver ?
Bon mais alors on y verrait la femme passer du statut d’objet (celui-là même dont ma volonté vient à manquer) purement décoratif dans sa version potiche, à celui plus enviable d'allié de l'ennemi, puis d’ami.e retourné par subjugation sexuelle, devenant presque aussi fidèle que le chien ou le cheval quand elle survit à l'épisode en cours.
60 ans d’évolution de la société occidentale, quand même ça se perçoit dans la dimension historique de l’épopée,  même si James Bond ne devient pas trop gender fluid en vieillissant, (blabla sociologique à développeren plus ça me prendrait un temps fou, je ne penserais plus à ma maladie, et elle en profiterait pour guérir, à l'ombre de moi-même.
Je récupère l'ensemble des films, déjà ça me prend quelques nuits sans lune, et mon premier bout-à-bout des 25 prégénériques + génériques de James Bond fait 5h30… alors que mes nuits n’en font que 3 ou 4 (comme celles de PrésidentMacron®)
Le plus long, c’est de trouver des blagues, et de refaire les sous-titres. Puis je teste quelques effets, je substitue ma tronche à celle du lion de la MGM, et je diffuse à droite (Zemmour) et à gauche (Hidalgo)Pour voir si c'est drôle. Zut, ça ressemble à un clip mollasson de Mozinor, auquel je commençais d'ailleurs à songer, sans pouvoir encore le nommer.

Goldfinger (1964)

Sur ces entrefaites, mon frère me met carrément minable, en un clic, en m'envoyant une vidéo hilarante de ce foutu Mozinor, datant de 2006 :


En voyant le boulot que ce monsieur Mozinor a fait sur James Bond, je vois bien que je ne suis qu'une petite bite / un gros geek.
Goossens a pourtant prouvé que tu peux pas
être petit et gros à la fois

Car en plus d'imaginer et d'interpréter une réécriture de scènes dialoguées, comme l'équipe de "le grand détournement", qui étaient les enfants naturels des situationnistes, qui pervertissaient de leur sens premier des BD ou des films de karaté dans les années 60, comme dans "la dialectique peut-elle casser des briques ?", histoire de se moquer à peu de frais du capitalisme, et qui ont bien failli le fiche par terre, d'ailleurs on se demande encore comment il s'en est relevé, Mozinor il a réalisé des modifications sur l'image, alors c'est quand même du boulot. Avec un mauvais goût assumé, à tous les stades de la conception de ses canulars. Par contre, il a foiré le format de sa vidéo, sa vidéo est hideusement anamorphe, peut-être exprès, pour pas se faire choper par Youtube, ou alors à l'époque y'avait pas le matos qu'on trouve maintenant. Je vais lui envoyer mon tuto.


Moi, c'est fichu d'avance, la pauvreté de mes prémisses me condamne à la misère spirituelle et au naufrage filmique. Je n'atteindrai jamais le niveau de gravité dans la  connerie de chez Mozinor. Mes quelques inserts les plus réussis se hissent avec peine au niveau d'OSS 117, qui était déjà plus faiblard que la série "Au service de la France", pourtant écrite par le même auteur (Jean-François Halin, un ancien des Guignols de l'info.)

"On ne vit que deux fois" (1967)

Est-ce que ce qui me plairait pas, plutôt, dans les James Bond, c'est sa toute-puissance, sa résistance aux bourre-pifs, son impunité, et son absence de conscience morale au service de la raison d'Etat, qui ne lui enjoint jamais que de soutenir et préserver l'ordre établi en éliminant les ennemis de la démocratie parlementaire ? Jamais on va lui demander d'aller dessouder le président syrien, ou celui d'Arabie Saoudite, ou d'aller embêter le brésilien, ou le chinois, et pourtant y'a des jours où ils mériteraient. Et les intrigues sont faciles à suivre, et il couche à droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo) en envoyant paitre sa hiérarchie quand ça le chante, et sauve quand même le Monde Libre, Civilisé et Blanc à chaque fois.
Je monte quarante-cinq minutes de mon film-qui-marche-pas et qui alterne prégénériques détournés et génériques clinquants et pop, puis je me décourage un peu, parce que je me rends bien compte que ce que je déteste, dans les films de James Bond, c'est que ça me plaise, pour les raisons suscitées, alors je me demande pour détourner mon attention, qu'est-ce qu'il devient, au fait, Mozinor ?

(fin de l'Introduction)

2/ La réponse en images



Là, en cette fin année, dans ma période de débordements webinaires qui ne me laisse pas fermer l'oeil de la nouille, je me disais que j'allais faire plutôt de l’image que du texte, parce que après je m’en sortais plus,du fait que je sois obsédé textuel qui génère sa propre glu. Mais je crois que je vais laisser le démon vidéo-parodique à Mozinor, bien que ses petits clips aient sans doute du mal à dérider les Zemmouristes, pourtant moins nombreux que les Mozinoriens. C'est trop de boulot.

merci à Julien pour la vidéo de Schopenhauer.

vendredi 17 décembre 2021

Le petit Noël de Mélanie Mélanome (6)

« Qui tapote, vivote. »

Albert Dupontel, Adieu les cons 


Résumé 
:
Pour le petit Noël des blogueurs nécessiteux, les épisodes précédents des aventures de Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome, la mystérieuse Oncle Olog masquée qui était en fait sa tante, comme aurait dit le regretté Dédé (de chez Dédé et Mireille, qui raffolait du gender fluid longtemps avant que ça existe) ont été rassemblés là, sous le sapin, emballés à la hâte dans du papier cadeau recyclé par les orphelins apprentis d'Auteuil, et n'attendant que votre relecture bienveillante ou consternée, car je viens de créer le #hashtag qui permet de les afficher tous, et dans les ténèbres les lier, au pays de Mozinor où s'étreignent les sombres.

Collectionne les épisodes déjà parus dans le commerce
de Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome,

au bout de 12 épisodes tamponnés sur ton appli carte de fidélité,
tu gagnes une pizza mélanome/pembrolizumab® gratoche !

Pour le reste, je ne prends plus de commandes, et n'assure plus le SAV, que je sous-traite désormais avec de fiefféz filous en télémarketing recrutés en Corée du Sud. De toutes façons, comme l'économie mondialisée fonctionnait à flux tendu avant la pandémie, à l'approche des "fêtes de faim damnée" (sic) tout le monde est déjà en rupture de stock de tout. J'aurais dû commander au Père Noël un bon gros voeu de silence, et m'y tenir, le temps que mon inflammation pumonaire et langagière s'estompent. 

Allah vérité, je pensais bien cesser d'alimenter ce blog à l'article précédant le précédent, celui qui mettait en scène mon voisin pyromane, ayant ainsi quasiment bouclé la boucle en y dénouant le noeud noué précédemment lors de mes débuts enthousiastes dans le débloggage de fond, sans que ça ait changé grand-chose au problème, 15 ans plus tard on prend les mêmes et on reconfine; mais pour l'instant, comme je me suis mis à blablater ici sur mon cancer réel en plus du virtuel, et bien que Mélanie Mélanome m'ait déclaré en rémission complète, je ne puis quitter l’identité de malade aussi aisément que je me suis laissé glisser dedans; et puis c'est pas vraiment fini, c’est même un peu comme la blague de la copine de la mère de Sam Lowry dans Brazil : « ma petite complication a eu une petite complication… »  et du coup j'ai encore attrapé une petite crise de graphomanie bien de chez nous, chez moi c'est de saison, la faim damnée c'est vraiment mon truc en plumes. 


Le premier scanner thoracique ne révéla rien d'anormal,
et dissipa toutes nos inquiétudes, à Mélanie et moi.
Certes, Mélanie m’a récemment déclaré officiellement guéri du cancer de la peau à l’origine de ce feuilleton virtuel, elle a même précisé que depuis le début j’avais suivi un traitement « adjuvant », c’est à dire administré en plus du traitement de première intention (ablation par chirurgie) pour aider à réduire le risque de récidive de la maladie (mais je ne suis pas inapte à attraper autre chose entre-temps, comme tout le monde, quand la rémission du cancer aura cessé de me rendre immortel) comme si elle cherchait à minimiser après-coup la gravité de mon affection longue durée trente-trois tours haute fidélité. 
A notre premier rendez-vous, elle avait pourtant évoqué le risque d'en mourir, je l'avais prise au sérieux, 18 mois plus tard, ma guérison me fait me demander si c'était pas plutôt un cancer de pédé, hormis le fait que c'est des expressions de boomer qu'on ne peut plus guère employer, comme "sale pédé", et pourtant, les sales pédés n’ont pas disparu, bien au contraire, le bannissement du mot n'a eu aucun effet sur le fait.
En tout cas, bonjour mon adjuvant : pendant un an, les effets cumulatifs des perfusions d'anticorps anti-PD1, je n'invente rien, m'ont fait vivre un affaiblissement progressif et généralisé, comme une baisse de tension électrique sur tout le réseau, jusqu'au stade où j'avais l'impression de porter une enclume sur le dos en permanence, en fait les trois derniers mois je faisais sans y croire une infection pulmonaire carabinée, qui me vit passer un été difficile, car je venais d'obtenir un CDI à mi-temps par la grâce des Prud'hommes, mais je ne respirais plus beaucoup, et je me rendais au travail en haletant comme une petite vieille qui fume 3 paquets par jour; rien que le fait de rester en vie m'épuisait, sans compter que je devais masquer mon état à mon employeur car j'avais continué à travailler en CDD avant d'obtenir cet emploi en CDI par le biais d'un recours aux Prud'hommes, et un CDD cancéreux c'est quand même moins sexy sur un marché assez concurrentiel qu'un CDD sain, et après, c'est pas une fois que j'ai été intégré dans la boite que j'allais faire mon coming out métastatique, ou alors ça aurait été encore plus compliqué à gérer que raconté comme ça.
Et l'immunothérapie dût être interrompue avant son terme échu, après avoir été identifiée comme fauteur de ces troubles pulmonaires. 
Mélanie et ses copines oncologues
aiment bien faire des blagues aux patients
dans les couloirs de l'hôpital.
illustration : caligrama.tumblr.com
Mélanie me dit alors que si mon traitement s'attaquait avec autant d'enthousiasme à mes poumons, comme les scanners thoraciques en témoignaient, c’était bon signe : après s’être goinfré de cellules cancéreuses, mon système immunitaire boosté à mort par le pembrolizumab® n’avait plus rien à se mettre sous la dent, il se faisait un peu suer, et s’attaquait alors à un organe sain, malgré l’arrêt du traitement. Ca s’appelle les effets secondaires indésirables. En aoûtre, Mélanie m'orienta en urgence vers un pneumologue, qui après m'avoir fait passer quelques tests me trouva au bord de l'extinction, et me bourra de corticoïdes (80 mg de prednisone la première semaine, puis diminution progressive jusqu'à l'arrêt total au bout d’un mois)
Tout cela a déjà culminé dans le cliffhanger de la saison 1 de mon feuilleton de longue durée produit à 100% par la Sécu :

Grâce à ces foutus anti-inflammatoires, j'observe un soulagement immédiat, et même le retour en force de la joie de vivre, qui n’a pourtant jamais été vraiment mon truc. Je l'ignore encore, mais les corticoïdes vont progressivement me faire grimper aux rideaux, un peu comme l'avaient fait les antidépresseurs à base d'inhibiteurs de recapture de la sérotonine en leur temps. Comme quoi les médocs, des fois ça dépanne, et des fois c'est vraiment de la merde.

Le problème, c'est que les corticos m'excitent, et dès que j'essaye de suivre le proverbe en usage chez les toxicos "en septembre, cesse d'en prendre" qui accompagne l'arrêt de mon traitement, l'infection pulmonaire ressurgit et ma respiration s'affaiblit à nouveau. Je m'en aperçois en tentant de rallier Saint-Fiacre à vélo mi-Septembre, puisque depuis que la fatigue induite par les séances d'immuno à l'hosto m'a été ôtée, je rends grâces de ma guérison en faisant une à deux heures d'activité physique par jour, souvent au jardin, où je communie avec les tubercules, les feuilles mortes à ramasser, les gallinacés à nourrir, la clotûre du ranch à réparer, le compost à brasser, tout ce que je peux trouver à améliorer et à bricoler en extérieur et qui m'éloigne de la femme à tête carrée (l'écran d'ordinateur), parce que je me sens vivant, je sais pas si ça va durer, mais je suis bien décidé à en profiter un maximum, et j'éprouve moins d'appétence pour le virtuel, et bien plus pour le réel. 

Oui, Bernard, je suis vivant.
45 ans après que tu me l'aies posée,
je peux enfin répondre à ta question.
Par contre, par ces frimas, et avec mon mélanome, 
j'évite de sortir torse nu, pour atteindre la double durée.
Mais tu fais ce que tu veux, après tout,
le plus Lavilliers de nous deux,
c'est quand même toi. 

N'empêche que la côte de Saint-Fiacre, j'arrive pas à la grimper à vélo, je suis obligé de mettre pied à terre, à l'aller comme au retour, ça ne m'est jamais arrivé, les jambes ça va, ça pédale, mais je respire comme une chaudière pas révisée, flûtalors. Et moi qui me croyais guéri. Quel nigaud je fais. 

Je me retourne alors vers mes praticiens favoris, qui me re-prescrivent des corticos pour deux semaines, jusqu'à mon prochain rendez-vous avec Mélanie la Mystérieuse, dont je n'ai jamais vu le bas du visage puisque notre relation a commencé pendant la pandémie et qu'on portait déjà tous le voile, ce qui ne nous empêche pas d'avoir des relations intimes, donc peut-être qu'il y a quelque chose de sensé dans cette prescription islamique de masquer le visage des femmes pour éviter aux hommes d'être perturbés par leur désir pour elles, et quand je revois le haut de son visage Mélanie me prescrit une nouvelle cure de plusieurs mois de prednisone, 35 mg /jour puis légère dégressivité sur 3 mois, jusqu'à notre prochain rendez-vous masqué, et alors on verra bien au scanner où c'est qu'on en est, et si mon système immunitaire me regardera encore de travers et prendra mes poumons pour un cancer à soigner, vu que son code source a été tellement bidouillé par mon traitement anti-cancer que ça lui engendre ce biais cognitif et moi une inflammation chronique des bronches, Mélanie me prévient qu'il y en a sans doute pour quelques mois avant que ça se tasse. Sur le moment, ça me fait rien. Je ne puis évaluer la gravité, même ressentie, de ce qui m'est arrivé, je n’ai pas d’autre terme de comparaison. C’est quand même moins violent que les 17 mètres de chute dans un ravin en Mercedes quand j’avais 20 ans. Et l’été que j’avais ensuite passé à l’hosto. 

Le cancer, je ne l’ai pas senti passer. L’ablation du mélanome d'origine, qu’on m’a faite dans le gras du bas du dos, même si on m'a ôté un bon bifteck, y’avait de la marge pour que ça se voie. Le traitement, par contre, c’est fatiguant, oui. Epuisant, même. Et la suite du programme, la pneumopathie, cette extinction à petit feu, insidieuse et flippante à postériori, et l’obligation de m’allonger 3 heures par jour vers la fin tellement j’avais la pêche, franchement, par rapport aux gens que j'ai vus au centre de cancérologie, j'ai quand même pas à me plaindre.

Mélanie m'a proposé de faire monter
mon mélanome sur un petit socle décoratif,
pour en faire un bibelot pour cheminée.
Je suis très partagé.
illustration : caligrama.tumblr.com
Et pourtant, si vous interviewez des proches, genre ceux qui vivent sous mon toit, ils vont vous dire que j’ai fait que couiner, tout le temps. Ils ne me méritent pas. De toute façon, je suis rompu aux astuces qui consistent à faire le malin avec ses déficiences (si j’avais eu l’idée de me mettre de la crème solaire, je n’en serais peut-être pas là; mais penses-tu, j’étais immortel, le soleil était mon dieu secret que je pouvais adorer torse nu dans mon jardin jusqu’à ressembler à une merguez trop cuite en deux après-midi d’avril, et le cancer c’était bon pour les autres)

Aucun regret, c’est fait c’est fait. J'ai été guéri du cancer, j'ai chopé autre chose à la place du fait du traitement, ce qu'on gagne d'un coté on le perd de l'autre, je me dis que c'est comme ça avec les nouvelles thérapies, qui sont encore toutes jeunes et qui ont peu d'expérience. Les malades essuient les plâtres et permettent à la science médicale d'avancer, comme les béta-testeurs qui débuggent les applications nouvellement mises sur le marché.

Ce qui m'importait, en cette fin d'été où je donnais des signes d'extinction (sans rébellion) comme une bougie en manque d'oxygène, c'était que l’oncologue finisse par admettre que son remède était devenu poison, et négocier l'arrêt définitif du traitement, puisque j'avais été prévenu par un ami lointain des risques inhérents et des effets secondaires possibles de l'immunothérapie, et donc je comprenais tout à fait ce qui m'arrivait, je savais que parfois le produit s'attaquait au coeur plutôt qu'aux poumons ou aux reins, et alors là j'aurais pas eu le temps de venir m'en vanter ici et de jouer les Survivors de blog, l'issue était fatale et sans sommations. Couic.


Pompidou, sur la fin on lui a mis une housse, 
parce qu'il était pas beau à voir.
illustration : caligrama.tumblr.com
Depuis le début de l'infection, je peux pas m'empêcher de ricaner comme un débile maniaco-dépressif de ma prescription du fameux prednisone qui a occasionné une septicémie à Pompidou sur la fin. "J’ai hâte." prétends-je dans d'absurdes et interminables correspondances privées. "Dans cette attente pour l’instant déçue, j’ai failli mourir mais l’infection décroît, alors j’éprouve le sentiment imbécile de revivre, et on dirait pas comme ça mais ça m’a rendu plus humble. Si, si. L’emmerdant c’est que j’avais perdu 8 kilos comme qui rigole, alors que là j’ai à nouveau la dalle." Heureusement que mes correspondants me connaissent et ne s’inquiètent pas pour autant de mon état mental. Je savoure énormément ma convalescence, depuis l’invention des corticoïdes. Tout comme je m'étais mis à savourer la liberté de pouvoir à nouveau choisir mes pensées lors de l'invention du lithium, cinq ans après l'invention de mes tendances bipolaires par un psychiatre conventionné, mais il est bien quand même. Je ne vais donc pas la ramener plus longtemps avec mon année de traitement contre le cancer, où j’ai eu beau temps, pas de mauvaises surprises aux scanners, pas de quoi couiner : malgré ces complications pulmonaires, je vis quand même bien mieux que pendant l’année où j’avais une enclume sur le dos. Par contre, faut reconnaitre que je ne dors plus beaucoup depuis début novembre, je recommence à tomber du lit vers 5 heures.

un livre à lire pour passer
les fêtes dans la bonne humeur
Alors que les virus congelés depuis des millions d’années dans le permafrost vont bientôt être libérés de leur confinement glaciaire, et sortir dans les boites de nuit de Sibérie sans pass sanitaire, avant de se grimper dessus sauvagement dans les toilettes pour hommes et y engendrer de nouveaux variants comme je l’ai lu dans « la fabrique des pandémies », un essai magistral sur l’érosion de la biodiversité comme cause déterminante de l’invasion des zoonoses, parce que évidemment, quand on est occupé à avoir toujours raison sur son blog, on n’a pas le temps de se documenter sur l’état du monde, jusqu’au jour où il faut un QR Code pour manger un kebab en terrasse, mais à part ça, je voulais vous dire que je vais mieux. Tant que je vais pas dans une boite de nuit en Sibérie, où l’happy hour dure plusieurs mois, et où du coup, fatalement, après avoir éclusé quelques gorgeons de limonade aromatisée à l'herbe de mammouth décongelé, j'éprouverais le besoin de me soulager, je rejoindrais les toilettes pour hommes, et là, crac, un nouveau virus totalement hilare devant ma triple et obsolète vaccination. Merci bien.
Enfin, je n'en suis pas là : pour l'instant, je subis de plein fouet les effets secondaires du traitement que je prends pour me remettre du traitement anti-cancer que j'ai pris pendant 9 mois. Je dors 3 heures par nuit. C'est à dire que ma fichue traditionnelle et folklorique insomnie de faim d'amnée, qui trouve toujours un prétexte pour me faire péter les plombs dans mes addictions favorites entre novembre et décembre, avec prolongations en janvier si affinités, est de retour. 
Faut dire que j'ai pris ma première semaines de congés payés par la boite depuis mon embauche début juin, qu'on est partis à Paris voir quelques expos et on est même allés au cinéma et au restaurant, ça nous a un peu trop irrigué le cerveau, parce que ça faisait presque deux ans qu'on était fossilisés dans notre cambrousse entre confinements, chômage de masse et consultations d'oncologie, que des copains sont venus faire de la vidéo artistique à la maison et qu'il a fallu se montrer créatif, un certain nombre de facteurs qu'on est bien obligé de voir comme causes contributives à un frémissement d'excitation, surtout après un 18 mois sans rapports sociaux sauf avec le chat, le facteur et le voisin d'en face qui a Alzheimer, même moi ça commençait à me manquer. 

Etre créatif : un challenge toujours renouvelé

Avant de partir à Paris, j’ai sécurisé plusieurs téraoctets de données perso (travaux vidéos, bases de données, fruits de mes rapines multimedia sur le net) sur un disque dur externe, que j’ai caché dans une pile de linge à l’étage, histoire de récupérer une sauvegarde des fois que des cambrioleurs viendraient embarquer mon Imac 27 pendant notre absence, mais au retour, pas le moindre disque dur dans mon armoire à fringues. Du coup, dans un accès de franche démence, je trie tout mon placard à vêtements, des kilos de pantalons dans lesquels je ne rentre plus, parce que les corticoïdes en plus de faire perdre le sommeil ça fait pas maigrir, des flopées de pulls défraichis, de polos usés, que j’emballe soigneusement et dépose à la recyclerie, ce dont ma femme avait renoncé à me croire capable depuis une bonne décennie. 
En plus ça la fait bien rire, que j’aie planqué un disque dur pour parer au vol de données, et que je ne le retrouve plus. Mon état des stocks vestimentaires me contraint à aller acheter quelques pantalons, j’ai vraiment plus rien à me mettre. Allez, c’est le black Friday chez Darty, j’en profite pour racheter un disque dur de 5 To, c’est la fête, de toute façon je dépense jamais rien, faut dire aussi que mes revenus ont fondu avec mon mi-temps, j’ai un demi-salaire. Mais j’apprécie ce mi-temps. Je l’ai dit, je me sens à nouveau en vie, après plus d’un an dans les limbes. 

quand mon agenda ressemble à ça,
c'est pas très bon signe.
Appelle le docteur !
Le lendemain, je passe faire ma visite trimestrielle au psychiatre, pour qu’il me renouvelle mon ordonnance de lithium. Je lui confie mes soucis d’insomnie et mon agitation hypomaniaque, car me voilà bien installé dans un rythme cassé, debout vers 3 heures, toutes les nuits, écriture, bidouille informatique, je me recouche une heure ou deux, après je suis bien nazebroque toute la journée, et le soir à 22 heures je suis cuit. Il me propose un anxiolytique, je suis pas fan, ça me rappelle des mauvais souvenirs de dépressions passées, il me convainc d’acheter un peu de Xanax, si j’en éprouve le besoin je peux toujours essayer de me détendre avec ça. Un anxiolytique ? Pourtant, si y’a un truc que je suis pas en ce moment, c’est anxieux. La posture du Prince de l’Inquiétude m’a bien quitté ces dernières années. J'ai pas du tout envie de prendre un médoc pour me soigner du traitement que je prends contre les effets secondaires de mon traitement. 
Dans la foulée de la consultation, je rejoins la Fnac, en quête de cadeaux de Noël. Un chantier d'allégresse et de générosité devenu calvaire et corvée de merde. En entrant dans le magasin, je bippe en passant le portique, une grande black bien costaude en uniforme de vigile du magasin me demande si j’ai pas quelque chose de neuf sur moi, qui aurait pu déclencher le biniou, franchement avec 3 heures de sommeil par nuit je ne vois pas ce que j'ai de neuf, je me sens plus qu'usé, et puis soudain, la lumière, « mais si, bien sûr, c’est mon nouveau pantalon, j’ai pas enlevé l’étiquette antivol » elle me dit très sérieusement «  bon ben on va voir ça, vous allez l’enlever et me montrer ça », je regarde alentour, cherchant un recoin dans lequel je pourrais baisser mon fute pour trouver cette putain d’étiquette à la con et lui prouver que c'est ça qui fait tût, en plus je l’ai vue hier, cette étiquette, pourquoi je l’ai pas coupée aux ciseaux, et l’entrée de la Fnac recèle peu d’endroits discrets pour un tel déshabillage, et puis surtout au bout de quelques secondes je comprends qu’elle se fout très sérieusement de moi, qu’il n’a jamais été question que je baisse ma culotte devant tout le monde dans l'entrée du magasin (je suis tellement naze de manque de sommeil que plus rien ne me surprend à priori) et elle me dit « c’est bon vous pouvez y aller » avec un demi-sourire de sphynx femelle, putain j’ai réussi à faire sourire une black, le rêve de toute une vie qui se réalise, sans parler d’avoir failli baisser mon froc, et me voilà parti à l’étage à chercher une intégrale de Souchon en 16 CD pour un être cher, évidemment ils l’ont pas, et puis attends dis donc c’est dingue, dans les rayons il y a beaucoup plus de vinyles que de CD, qu’est-ce que c’est que cette frime de marketing vintage analogique ? 

Malgré les 2 Téraoctets de films archivés mais toujours pas visionnés sur mon disque externe mis à l’abri de moi-même quelque part dans la maison, je ne puis m’empêcher de mater au passage le rayon DVD, qui réduit comme peau de chagrin d’année en année, mais je vois un coffret Mizoguchi, que je shoote avec mon smartphone pour pouvoir le télécharger ensuite, et ne jamais le regarder non plus, c’est ça le fin fond de l’abjection dûe à l’aliénation numérique pour moi, faudrait vraiment que j’écrive ce précis de psychopathologie du téléchargement illégal que j’avais en projet au lieu de raconter ma vie, ce qui n’a de sens que si je lui en donne, et c'est du boulot, alors je fuis Mizoguchi pour me réfugier dans les allées de la librairie, mais là je tombe sur quelques nouveautés de SF que je flashe au smartphone tout aussi derechef, et dégotte finalement le Köln Concert de Keith Jarrett pour 7 €, et puis je passe en caisse, ces caisses modernes que tu ne peux atteindre sans avoir zigzagué dans des allées délimitées par des plots mobiles reliés par des bandes de tissu, prétexte à te faire passer devant des présentoirs dans lesquels ils ont encore entassé des produits culturels avec l’énergie de petits commerçants acculés à la promotion par amazon, à rendre malade le geek le plus en manque de culture, je commence un petit laïus sur le fait que non, je n’ai pas de carte Fnac mais que par contre je venais quand acheter à la Fnac relevait d’un acte politique, je me retiens de citer le parcours d’André Essel, fondateur de l’établissement, un ancien maoïste, du calme John, paye et bouge, en passant le portique ça refait tûût avec mon fute, alors la grosse black qui n’est pas grosse mais juste vachement costaud et devant qui pour tout dire je n’en mène pas large se dirige à nouveau vers moi, « bon alors là, on va l’enlever, hein, ce pantalon » je me tiens coi, j’ignore si elle blague ou pas « et puis comme ça je me nourrirai par les yeux » alors là c’est tellement gros que j’ai les fils qui se touchent, je réfléchis à ce que je ne peux pas lui dire plutôt qu’à ce que je pourrais lui répondre dans le même style, à savoir qu’elle serait déçue, que je ne suis pas très en forme, que je suis loin d’être une poutre de Bamako, fais attention elle peut te trouver raciste et/ou sexiste et dégainer un tazer comme qui rigole, et elle aurait raison. 

j'ai acheté la version sans images
pour pas que ça me monte à la tête 
J’ai beau avoir acheté « Sexe, race & colonies » pour déconstruire en kit ma domination post-coloniale sexuelle inconsciente vis-à-vis des blacks, en fait c’est la première fois que je discute avec une femme noire depuis mon voyage en Afrique qui remonte à 2002, en plus elle se fout gentiment de la gueule du p'tit gros boomer blanc qu’a l’air un peu flapi, elle s'amuse à peu de frais dans l'exercice de son métier de Vigilante aussi chiant que Deauville sans Trintignant, si j’avais eu la chance d’échanger des blagues comme ça avec des blackettes quand j’ai commencé à les trouver très plaisantes dans mon imaginaire à moi que j'ai, ça m’aurait sans doute évité de m’ériger un palais à fantasmes sur les Africaines, plus encombrant que fréquenté.
Je quitte la Fnac avec le sentiment d’être passé à côté d’une occasion avec cette vivace vigilante vigile, ma Joséphine Baker d'occasion qui vient d'entrer dans mon Panthéon des blacks qui savent faire des blagues que j'arrive à comprendre, mais franchement, j'ai pas su rebondir, quand on n’est pas en état d’interagir normalement, mieux vaut encore s’abstenir. Faut que je trouve quelqu'un à qui offrir l'intégrale de Brel, et que je revienne plus en forme. Et voilà, mon petit Noël est passé : trois minutes d'imprévu et de poésie pure, vécues dans la vraie vie, plutôt que le radotage d'ordi, qui ne me vaut rien.

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En 2022, Loukoum et Tagada reviendront dans de nouvelles aventures, lutter contre Doliprane,Xanax et Cortisone.


ma preuve d'achat comme quoi c'est pas du flan.
je me demande si ce Keith Jarrett n'est pas un peu noir lui-même.
Il faudra que je demande à Joséphine si elle aime le piano.

(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

mardi 14 décembre 2021

Les fils qui se touchent (2) : la réalité historique du fait religieux

« Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse »
(1 Corinthiens 1:22-24)


Cette histoire de fils de Marie qui se laisse toucher trouvée dans une petite église de Mayenne la semaine dernière, ça m'a intrigué, quand même. Est-ce que c'était un curé bien intentionné qui avait voulu dire que si on priait, on était entendu par Jésus ? Ou autre chose ? J'ai rentré la phrase ambigüe dans un moteur de recherche; bingo.
En plein dans l'apparition de la Vierge Marie survenue le 17 janvier 1871 dans le petit village de Pontmain, en Mayenne. A la suite de quoi le culte de Notre-Dame de Pontmain se répand, et en 1920, l'évêché obtient du Vatican la création d'un office et d'une messe spécifique. 
Lors de l'évènement surnaturel, le pays était alors envahi par les Boches. 
Les apparitions mariales, c'est souvent dans des périodes de grande difficulté pour le pays, donc on ne devrait plus tarder à la voir se radiner à nouveau face à la menace zemmouro-pandémique, sans parler de la diabolisation du foie gras de canard vegan pour Noël.
"Sept enfants au total déclarent voir « une belle dame », mais seuls les trois plus âgés seront reconnus officiellement par l’Église lors de la reconnaissance officielle de l'apparition. L'apparition débute vers 18 h, et va durer environ 3h. Elle regroupe progressivement les habitants du village, qui ne voient rien, sauf quelques enfants qui décrivent les évolutions de la vision au cours du temps, au rythme des prières de l'assemblée. Dès le lendemain le curé du village interroge les enfants et note un premier récit avant d'en informer l'évêque. Très vite une enquête canonique est ouverte, et un an plus tard, le 2 février 1872, Mgr Casimir Wicart reconnaît officiellement l'apparition de la Vierge de Pontmain, et autorise sa dévotion."
Cette grosse pute laïque et mécréante de wikipédale occulte l'essentiel :
La Vierge Marie est apparue dans le Ciel, puis des mots se sont "affichés" par la suite au dessous d'elle:
MAIS PRIEZ MES ENFANTS
DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS
MON FILS SE LAISSE TOUCHER

Heureusement qu'il existe d'autres sources d'info, moins sujettes à controverse :


Et voilà. C'est quand même pratique, internet, pour éviter de blasphémer à tort et à travers. Rappelons que les apparitions mariales n'engagent que ceux qui y assistent, et ceux qui les croient. Et ceux qui croient y avoir assisté à partir du récit qu'on leur en a fait.
Sur le sujet, j 'aimerais bien voir le film "L'apparition" de Xavier Giannoli, mais je suis un peu au taquet.

mercredi 8 décembre 2021

Les fils qui se touchent

Ca se voit, que Satan l'habite pas.
Finalement, si les intégristes pseudo-catholiques n'avaient pas débarqué pour interdire son concert hier soir à Nantes, je n'aurais jamais entendu parler de Anna von Hausswolff. Bénis soient-ils ! ça ne peut que lui faire de la publicité gratuite.
Anna von Hausswolff est une chanteuse, pianiste, organiste et autrice-compositrice de post-métal et de rock expérimental. Dans l’une de ses chansons, Pills, elle évoque l’addiction à la drogue et dit métaphoriquement avoir « fait l’amour avec le diable »« Elle s’est déjà produite dans une quarantaine d’églises ou de cathédrales et il n’y a jamais eu de problème », a expliqué à Ouest-France Eli Commins, le directeur du Lieu unique, la scène nationale de Nantes, qui organisait ce concert hors les murs. « Il n’y a aucune inspiration religieuse, aucune violence ! Simplement, elle joue de l’orgue et les orgues se trouvent dans les églises. C’est une musique d’influence post-métal. Il n’y avait même pas de paroles dans la représentation prévue », a-t-il ajouté. (Le Monde)

Frédéric Mitterrand s'est déguisé en Nick Cave
pour faire rire Anna, et ça marche.
Y'en a, toutes les audaces leur réussissent.
A l'écoute d'Anna sur son bandcamp, c'est vrai qu'on est quand même assez loin des outrances supposées des professionnels du Blasphème, comme le Nazaréen Empalé.
Je vois bien moins de malice perverse dans les musiques d'Anna que dans n'importe quelle prestation scénique des Devil's Daughters, ou même du concert virtuel de Mama Saturn's, car rien qu'à regarder se trémousser ces gourgandines, j'ai le palpitant qui tambourine, alors que j'avais juré de fermer l'aorte aux étrangères, surtout si bien dotées par Dame Nature. Ca ne mérite donc pas le retour de Blasphémator. Pas tant qu'ils ne la crucifient pas sur la porte de l'église, au minimum.
De toute façon, même s'ils ne se font pas sauter le caisson par désespoir spirituel devant les écoles laïques, les cathos intégristes ont un pouvoir d'auto-nuisance qui ne cesse de me réjouir. Hier soir, le rapport de farce était inégal, car 370 personnes avaient payé leur place, alors que entre 50 et 100 imbéciles voulaient leur gâcher la soirée pour « satanisme » en braillant dans la rue des mantras éculés comme « Sainte-Marie mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs »

Anna répète un mauvais coup pour mettre le feu à la cathédrale
de Nantes, ignorant que le créneau est déjà pris
par un rwandais multirécidiviste. 
Ce qui ramènera de l'eau (comme s'il en manquait)
au moulin de vous-savez-qui.
Si on avait voté à main levée, les mélomanes auraient gagné contre les culs bénits confits dans leur névrose. Mais on ne vote plus, mon bon monsieur, on se fout sur la gueule, ça va plus vite et c'est plus efficace que la démocratie parlementaire. Dans le même ordre d'idées, si une brigade de kamikazes de SOS Racisme n'étaient pas allés foutre la merde au meeting de Zemmour à Villepinte, je n'aurais pas pris conscience de la violence qui ravage le pays et émeut tous les éditorialistes, pendant que je me remets de l'extraction de deux incisives sans faire chier personne en allant hurler dans la rue que les chirurgiens dentistes sont des bourreaux.
De toute façon, quand j'essaye de hurler avec mes deux incisives en moins ça fait des bruits bizarres. C'est pas très crédible.

https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2021/12/07/presidentielle-2022-le-debut-de-la-campagne-de-zemmour-marque-par-la-violence_6104970_6059010.html

Y'en a qui se laissent toucher, d'autres ont les fils qui se touchent.
Dieu reconnaitra les siens. En principe.

Encore sous le coup de l'émotion, j'ai failli oublier de vous parler de la mère de Jésus découverte la semaine dernière au cours d'un reportage dans une petite église de Sacé, en Mayenne. Les collègues à l'esprit mal tourné ont cru que j'avais fait un trucage sur photoshop. C'est mal me connaitre. Le mec qui a pondu le slogan voulait juste dire que Dieu était joignable, si on faisait l'effort de lui parler sincèrement (et poliment). Il y juste une maladresse dans la formulation, plutôt ambigüe. 
Renseignements pris auprès de la journaliste qui a filmé la chose sur le terrain, il s'agit de Notre-Dame-de-Pontmain, la vierge qui serait apparue en Mayenne une nuit au milieu de étoiles (d’où sa tenue). Comment veux-tu que les curés s’en sortent, avec des slogans pareils ???

Ou pas.

mardi 7 décembre 2021

L'espoir n'est pas un steak (2006)

"Au revoir"
(Valéry Giscard d'Estaing, 1981)
Le mois dernier, vers la fin de mon homélie d'auto-addict, j'ai fait une allusion voilée et truffée d'hyperliens planqués sous l'icône de l'éléphant trempant sa petite trompe dans son petit bol, elle-même empruntée à un remarquable ouvrage pour la jeunesse, aux débuts enthousiastes de ce blog, vers 2005, sous l'égide de la lutte contre la cyberdépendance sexuelle. Dure lutte, en vérité, puisque je suis encore là, et apparemment vous aussi. Ca m'a rappelé qu'à l'époque, je n'écrivais pas encore dans l'espoir (qui n'est pas un steak) de pouvoir ensuite lire les articles que je ne trouvais nulle part sur le net. Au contraire, je baignais dans un flot de blogs spiritualistes, au milieu de personnes dont l'expression écrite me stupéfiait d'intelligence et de sensibilité, car j'étais un peu branché auto-dévalorisation. Au moins, ça, ça m'a un peu passé. Ces personnes se sont depuis toutes mises en retrait(e) du virtuel, et j'aurais mieux fait de suivre leur exemple, au lieu de jouer les prolongations. Mais enfin, les paroles s'envolent, alors que les écrits restent. Voici deux petits billets qui m'ont bien profité. Si l'auteur passe devant, je le salue chaleureusement.


L'espoir n'est pas un steak

Par curiosité, je suis allée voir où en était Spirit de sa lutte contre la cyberdépendance, et j’ai vu qu’il avait ouvert un nouveau nouveau blog après sa nouvelle nouvelle rechute. Apparemment, il y a une chose qu’il n’a pas comprise : on ne se nourrit pas d’espoir. L’espoir c’est comme la barbapapa, c’est rose, c’est sucré, ça a l’air bon, mais ça colle et c’est surtout du vent. Si on se nourrit de barbapapa, au bout de quelques jours, on commence à avoir très faim.
Tout le monde a essayé de se nourrir d’espoir un jour ou l’autre. Par exemple, quand j’ai commencé le Tchan, en 1996, je me disais « Allez, aujourd’hui je prends une bonne résolution, je deviens consciente. Et dans 48 jours ou peu s’en faut, je serai éveillée. Voilà. On y croit. Tout va changer. Je peux le faire. ». Quand je lis Spirit, j’ai l’impression de me voir il y a 10 ans. Mais il y avait là une erreur d’analyse fondamentale. C’est que l’espoir est une pensée, contrairement à un steak, ou à un plat de pâtes, par exemple. Et, au bout de 10 jours, on peut bien penser ce qu’on veut, le corps, lui, regarde ce qu’il a mangé entre temps. Et s’il n’a rien mangé, il n’est pas content, et il retourne là où il y a à manger. Donc tout se casse la gueule.
Le problème de nos compulsions, c’est qu’elles nous nourrissent. Si on ne trouve pas de nourriture alternative, il est normal qu’on y retourne, à moins qu’entre temps on se soit habitué à crever la dalle, comme les moines trappistes. Mais alors on vit mal, on est dépressif. Dans les monastères, on appelle ça l’acédie. Bien sûr, on ne cède plus aux compulsions, mais ça ne nous remplit pas pour autant. On est vide, et on ne peut pas se remplir avec de l’auto-satisfaction. Surtout pas, en fait. Car l’auto-contemplation est précisément ce qui empêche Dieu (l’état naturel) d’être présent. On essaie de se remplir de la pensée de soi, ce qui est impossible puisque la pensée est vide, comme le soi, mais le problème c’est qu’en attendant la place est prise, même si c’est par un fantôme.
L’espoir est au fond la même chose que le doute. J’y arriverai, ou je n’y arriverai pas, c’est la même chanson, déclinée sous deux modes différents. Une façon de penser à soi. C’est pour cette raison que les maîtres sont assez peu complaisants envers l’un comme envers l’autre. Qu’on ait l’air tout exalté ou tout malheureux, qu’on s’auto-convainque de ses mérites ou qu’on s’auto-apitoie, il s’agit toujours d’auto-contemplation, de mensonge. Le moi n’a pas d’existence intrinsèque.

Commentaires

1. Le dimanche 12 février 2006 à 23:30, par john

La pensée n'est pas un steak, mais c'est de l'énergie. C'est pourquoi le plaignos qui cherche à changer de crèmerie préfèrera au mot mensonge celui de fiction : le mensonge, il va s'en accomoder à condition que ça soit de sa faute, et risque d'en faire un usage ambivalent, alors que la fiction, il peut l'explorer en étant moins polarisé affectivement, pour finir par découvrir qu'elle est auto-entretenue (il s'en doutait quand même un peu).
Merci du coin de zinc, plutôt bien famé pour une fin de semaine.


Légitimité du "mal"

De blog en blog, une autre évidence m’apparaît. Ce qui trompe les gens dans leur recherche de solution, c’est le fait de ne pas avoir la totalité du tableau. Comme le gars qui touche la queue de l’éléphant, qui croit que c’est un serpent, et qui fonde toute sa démarche sur le fait qu’il a affaire à un serpent. Sur le blog de Roujsend, par exemple, on y considère que le désir de puissance est une mauvaise chose et qu’il a dû apparaître à un certain moment pendant l’enfance. Dans les commentaires, la tendance ne fait que s’amplifier. Mais si l’on remonte le fil, on se rend compte que la réalité est toute autre. Le sentiment de toute-puissance est en réalité celui que l’on éprouve lorsque le corps énergétique est unifié, c’est-à-dire lorsqu’il devient omniprésent – on peut avoir un vague aperçu de ce que ça donne en rêve -. Autrement dit, le désir de puissance que nous exerçons sur nous ou les autres n’est que la dégradation de cet état originel non-séparé (d’avec nous-mêmes) que nous cherchons à retrouver. Mais il y a mieux. La béatitude que nous éprouvons dans ces états d’omniprésence n’est elle-même que le reflet de la béatitude qui est la 3è qualité de rigpa. Autrement dit, le désir de puissance n’est que la dégradation de la dégradation de la nature originelle. Qui s’étonnerait alors qu’il soit si bien accroché ?
Il en va de même pour le désir. Les cyberdépendants combattent leur désir. Pas de chance, le désir de la pétasse sur un écran n’est que la dégradation de quelque chose de plus haut, car la jouissance sexuelle n’est, de nouveau, qu’une version dégradée de la béatitude produite par l’union de la clarté et de la vacuité. Autrement dit, rejeter le désir, c’est jeter l’échelle qui nous permet de remonter à notre vraie nature. Et ça ne peut pas marcher.

Voilà pourquoi tout le monde tourne en rond. On rejette ce qui nous paraît mauvais. Alors que si nous comprenions que ce qui nous paraît mauvais n’est qu’une version déformée – mais pas tant qu’on le croit – de notre nature, ou de Dieu, tout irait bien mieux. De même, on va thérapiser le tueur qui a poignardé quelqu’un en lui faisant subir je ne sais quel traitement basé sur le fait que son geste est totalement mauvais, alors qu’en réalité, il n’est que l’expression d’un désir d’ouverture non compris, qui s’est vécu sur le plan physique au lieu de se vivre sur le plan énergétique. Si les gens pouvaient VOIR ce qu’il y a dans tout ce qui leur paraît mauvais… ils verraient que ce qui est mauvais, c’est leur vue. Mais que le geste, l’acte, ou la pensée, au fond, est parfaitement légitime. C’est toujours Dieu qui se cherche.


Commentaires

1. Le dimanche 12 février 2006 à 23:15, par roujsend

Quand je dis apparaître, je ne dis pas venu de nulle part. Je veux dire en prendre conscience, s'exprimer clairement (enfin clairement dans le langage commun). Le rejet, lui, ne viendra que plus tard, non pas parce que cette puissance me paraît "mauvaise" en elle même, mais parce qu'elle entrera en conflit avec d'autres voiles émotionnels (moraux entre autres)

2. Le lundi 13 février 2006 à 21:47, par joaquim

Salutaire recadrage sur l’ouverture de la porte. Enfoncer des portes ouvertes, c’est parfois utile, surtout quand tant se heurtent au cadre.

3. Le mardi 14 février 2006 à 08:12, par orroz

Je viens de lire et je suis d'accord avec toi : "rejeter le désir, c’est jeter l’échelle qui nous permet de remonter à notre vraie nature". C'est pourquoi je propose aux dépendants de transformer leurs désirs de pétasses en désir vrai d'amour pour leur partenaire car en réalité c'est cette omnipotence du désir qui permet d'atteindre la vraie jouissance.
En revanche, je ne suis pas totalement d'accord avec :
"Si les gens pouvaient VOIR ce qu’il y a dans tout ce qui leur paraît mauvais… ils verraient que ce qui est mauvais, c’est leur vue. Mais que le geste, l’acte, ou la pensée, au fond, est parfaitement légitime."
Car si l'on passe à l'acte "mauvais" c'est que la vue n'est pas la bonne !
Mais ta conclusion est juste :
C’est toujours Dieu qui se cherche.

4. Le mardi 14 février 2006 à 18:07, par Anargala

Tout à fait d'accord sur la métaphore de l'éléphant dans le noir. Tout désir dérive de l'amour du Soi, ou de la nature de Bouddha.
L'univers, c'est "god in the making".

5. Le mardi 14 février 2006 à 20:41, par flo

Waouh ! Les chenilles ne t'ont pas dévoré tout cru, tu as survécu !