« Qui tapote, vivote. »
Albert Dupontel, Adieu les cons
Pour le reste, je ne prends plus de commandes, et n'assure plus le SAV, que je sous-traite désormais avec de fiefféz filous en télémarketing recrutés en Corée du Sud. De toutes façons, comme l'économie mondialisée fonctionnait à flux tendu avant la pandémie, à l'approche des "fêtes de faim damnée" (sic) tout le monde est déjà en rupture de stock de tout. J'aurais dû commander au Père Noël un bon gros voeu de silence, et m'y tenir, le temps que mon inflammation pumonaire et langagière s'estompent.
Allah vérité, je pensais bien cesser d'alimenter ce blog à l'article précédant le précédent, celui qui mettait en scène mon voisin pyromane, ayant ainsi quasiment bouclé la boucle en y dénouant le noeud noué précédemment lors de mes débuts enthousiastes dans le débloggage de fond, sans que ça ait changé grand-chose au problème, 15 ans plus tard on prend les mêmes et on reconfine; mais pour l'instant, comme je me suis mis à blablater ici sur mon cancer réel en plus du virtuel, et bien que Mélanie Mélanome m'ait déclaré en rémission complète, je ne puis quitter l’identité de malade aussi aisément que je me suis laissé glisser dedans; et puis c'est pas vraiment fini, c’est même un peu comme la blague de la copine de la mère de Sam Lowry dans Brazil : « ma petite complication a eu une petite complication… » et du coup j'ai encore attrapé une petite crise de graphomanie bien de chez nous, chez moi c'est de saison, la faim damnée c'est vraiment mon truc en plumes.
Le premier scanner thoracique ne révéla rien d'anormal, et dissipa toutes nos inquiétudes, à Mélanie et moi. |
Mélanie et ses copines oncologues aiment bien faire des blagues aux patients dans les couloirs de l'hôpital. illustration : caligrama.tumblr.com |
Grâce à ces foutus anti-inflammatoires, j'observe un soulagement immédiat, et même le retour en force de la joie de vivre, qui n’a pourtant jamais été vraiment mon truc. Je l'ignore encore, mais les corticoïdes vont progressivement me faire grimper aux rideaux, un peu comme l'avaient fait les antidépresseurs à base d'inhibiteurs de recapture de la sérotonine en leur temps. Comme quoi les médocs, des fois ça dépanne, et des fois c'est vraiment de la merde.
Le problème, c'est que les corticos m'excitent, et dès que j'essaye de suivre le proverbe en usage chez les toxicos "en septembre, cesse d'en prendre" qui accompagne l'arrêt de mon traitement, l'infection pulmonaire ressurgit et ma respiration s'affaiblit à nouveau. Je m'en aperçois en tentant de rallier Saint-Fiacre à vélo mi-Septembre, puisque depuis que la fatigue induite par les séances d'immuno à l'hosto m'a été ôtée, je rends grâces de ma guérison en faisant une à deux heures d'activité physique par jour, souvent au jardin, où je communie avec les tubercules, les feuilles mortes à ramasser, les gallinacés à nourrir, la clotûre du ranch à réparer, le compost à brasser, tout ce que je peux trouver à améliorer et à bricoler en extérieur et qui m'éloigne de la femme à tête carrée (l'écran d'ordinateur), parce que je me sens vivant, je sais pas si ça va durer, mais je suis bien décidé à en profiter un maximum, et j'éprouve moins d'appétence pour le virtuel, et bien plus pour le réel.
N'empêche que la côte de Saint-Fiacre, j'arrive pas à la grimper à vélo, je suis obligé de mettre pied à terre, à l'aller comme au retour, ça ne m'est jamais arrivé, les jambes ça va, ça pédale, mais je respire comme une chaudière pas révisée, flûtalors. Et moi qui me croyais guéri. Quel nigaud je fais.
Je me retourne alors vers mes praticiens favoris, qui me re-prescrivent des corticos pour deux semaines, jusqu'à mon prochain rendez-vous avec Mélanie la Mystérieuse, dont je n'ai jamais vu le bas du visage puisque notre relation a commencé pendant la pandémie et qu'on portait déjà tous le voile, ce qui ne nous empêche pas d'avoir des relations intimes, donc peut-être qu'il y a quelque chose de sensé dans cette prescription islamique de masquer le visage des femmes pour éviter aux hommes d'être perturbés par leur désir pour elles, et quand je revois le haut de son visage Mélanie me prescrit une nouvelle cure de plusieurs mois de prednisone, 35 mg /jour puis légère dégressivité sur 3 mois, jusqu'à notre prochain rendez-vous masqué, et alors on verra bien au scanner où c'est qu'on en est, et si mon système immunitaire me regardera encore de travers et prendra mes poumons pour un cancer à soigner, vu que son code source a été tellement bidouillé par mon traitement anti-cancer que ça lui engendre ce biais cognitif et moi une inflammation chronique des bronches, Mélanie me prévient qu'il y en a sans doute pour quelques mois avant que ça se tasse. Sur le moment, ça me fait rien. Je ne puis évaluer la gravité, même ressentie, de ce qui m'est arrivé, je n’ai pas d’autre terme de comparaison. C’est quand même moins violent que les 17 mètres de chute dans un ravin en Mercedes quand j’avais 20 ans. Et l’été que j’avais ensuite passé à l’hosto.
Le cancer, je ne l’ai pas senti passer. L’ablation du mélanome d'origine, qu’on m’a faite dans le gras du bas du dos, même si on m'a ôté un bon bifteck, y’avait de la marge pour que ça se voie. Le traitement, par contre, c’est fatiguant, oui. Epuisant, même. Et la suite du programme, la pneumopathie, cette extinction à petit feu, insidieuse et flippante à postériori, et l’obligation de m’allonger 3 heures par jour vers la fin tellement j’avais la pêche, franchement, par rapport aux gens que j'ai vus au centre de cancérologie, j'ai quand même pas à me plaindre.
Mélanie m'a proposé de faire monter mon mélanome sur un petit socle décoratif, pour en faire un bibelot pour cheminée. Je suis très partagé. illustration : caligrama.tumblr.com |
Aucun regret, c’est fait c’est fait. J'ai été guéri du cancer, j'ai chopé autre chose à la place du fait du traitement, ce qu'on gagne d'un coté on le perd de l'autre, je me dis que c'est comme ça avec les nouvelles thérapies, qui sont encore toutes jeunes et qui ont peu d'expérience. Les malades essuient les plâtres et permettent à la science médicale d'avancer, comme les béta-testeurs qui débuggent les applications nouvellement mises sur le marché.
Ce qui m'importait, en cette fin d'été où je donnais des signes d'extinction (sans rébellion) comme une bougie en manque d'oxygène, c'était que l’oncologue finisse par admettre que son remède était devenu poison, et négocier l'arrêt définitif du traitement, puisque j'avais été prévenu par un ami lointain des risques inhérents et des effets secondaires possibles de l'immunothérapie, et donc je comprenais tout à fait ce qui m'arrivait, je savais que parfois le produit s'attaquait au coeur plutôt qu'aux poumons ou aux reins, et alors là j'aurais pas eu le temps de venir m'en vanter ici et de jouer les Survivors de blog, l'issue était fatale et sans sommations. Couic.
Pompidou, sur la fin on lui a mis une housse, parce qu'il était pas beau à voir. illustration : caligrama.tumblr.com |
un livre à lire pour passer les fêtes dans la bonne humeur |
Enfin, je n'en suis pas là : pour l'instant, je subis de plein fouet les effets secondaires du traitement que je prends pour me remettre du traitement anti-cancer que j'ai pris pendant 9 mois. Je dors 3 heures par nuit. C'est à dire que ma fichue traditionnelle et folklorique insomnie de faim d'amnée, qui trouve toujours un prétexte pour me faire péter les plombs dans mes addictions favorites entre novembre et décembre, avec prolongations en janvier si affinités, est de retour.
quand mon agenda ressemble à ça, c'est pas très bon signe. Appelle le docteur ! |
j'ai acheté la version sans images pour pas que ça me monte à la tête |
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En 2022, Loukoum et Tagada reviendront dans de nouvelles aventures, lutter contre Doliprane,Xanax et Cortisone.
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