mercredi 22 décembre 2021

# Balance ton Z€MM0UR

1/ Introduction
(qu’on peut sauter en allant directement au chapitre suivant sur la télécommande, parce que personne ne lit les préfaces dans les bouquins, alors sur ton blog on va pas se gêner)

c'est la fin du dernier James Bond

J'ai trouvé le dernier James Bond mieux moins pire que ce que je craignais, mais finalement ce que je préfère dans les films de James Bond, plus encore que les petites pépées bien délurées ou les grosses voitures qui ont tout plein d'accidents, ou le sous-texte en forme de chant d'amour à l'industrie du luxe qui tente de légitimer auprès des pauvres le capitalisme financier mondialisé pourtant à l'agonie, fouettant l'air de sa queue de reptile aux abois avec des soubresauts mortels entre lesquels nous cherchons une porte de sortie vers un monde décarboné pour éviter à la planète d'entrer dans l'irréparable et de ne plus pouvoir nous porter en ses flancs,
 
en tout cas le dernier avec Daniel Craig

nan mais moi ce que je préfère dans les James Bond, sans déconner, c'est les génériques, ces petits film-dans-le-film qui recèlent des trésors de créativité, quand le directeur artistique est inspiré et bien luné, avec des flingues et des seins animés redessinés en silhouette avec des éclairages psyché, toutes ces pépites confectionnées aux petits oignons par les créatifs du studio, directeurs de la photo, illustrateurs, musiciens, monteurs et truquistes, conjuguant leurs talents en une synergie proactive pour réaliser des œuvres certes fragiles et éphémères, et que tout le monde aura oublié quand le rideau sur l'écran sera tombé et que le film sera terminé, que je réveillerai mon voisin qui dort comme un nouveau-né bien qu'il ait comme moi payé sa place près de 15 balles pour voir "Pourrir peut t'attendre" au Forum des Halles le mois dernier, car James Bond est une entreprise industrielle transnationale qui perdure depuis 1962 - l'année de ma naissance ! et qui compte bien faire un retour sur investissement d'au moins 8 %, car les actionnaires ne s'en laisseront pas compter.

il a juré qu'il n'en tournerait plus, juste avant de partir
à l'Ehpad des anciens acteurs de James Bond

Une nuit où je me faisais suer à relire Schopenhauer parce que je n'avais pas réussi à remettre la main sur ma collection d'Arthur le Fantôme Justicier, je tombe sur ce passage, bien planqué dans Le monde comme volonté et comme représentation (I, IV, §57. Traduction A. Burdeau, PUF, (1966. 2008), p. 394) :
"Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l'effort, un effort continu, sans but, sans repos; mais chez la bête et chez l'homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être; c'est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur; c'est par nature, nécessairement, qu'ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d'objet, qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l'ennui; leur nature, leur existence leur pèse d'un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui."

la preuve : son élégie par Ralph Fiennes
(sans doute mordu par un Schopenhauer) dans No Time to die (2021)

Cette lecture est un choc : je comprends alors que moi aussi, avec mes insomnies dues en partie à une réaction bipolette à l'absorption de tablettes nutritives de lave-vaisselle à la corticoïne, cette substance anti-inflammatoire qui ne peut être qu'une lointaine cousine de la Kryptonite (qui déclenche des crises d'éternuements incoercibles chez Superman) que mon oncologue m'a prescrites pour venir à bout de cette affection pulmonaire résultant d'un truc bien plus grave dont j'ai tartiné l'article précédent, et sans doute aussi celui d'avant, tel que je me connais, je suis menacé d'osciller tel un pendule, de droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo), ballotté de la souffrance à l'ennui pire que dans un wagon de la RATP entre Créteil et Balard. 
Une fois de plus, je ne puis que me laisser faire par la médecine, dont je suis à la fois l'otage, le champ de bataille expérimental, l'espace convivial de R&D, le cobaye au grand coeur dans les espaces inviolés qui s'étendent autour de l'Institut de cancérologie de l'Ouest Sauvage qui se limitent à une pelouse maigrichonne et un espace fumeur surtout fréquenté par les ambulanciers pendant que leurs clients sont en chimio. A ce titre, ayant totalement lâché prise sur l'issue inprédictible de tous ces protocoles, je me sens soudain menacé que ma volonté vienne à manquer d'objet.

D'autres victimes anonymes du soudain manque d'objet de la volonté.
Je sais, ça fait peur.
Pour éviter ça, pendant ces longues sessions de fièvre insomniaque, de passage dans votre cerveau dès 3 heures du matin tous les jours que Dieu fait, je me dis que  ça serait chouette de réunir tous ces génériques de James Bond au sein d'un film rétrospectif et testimonial, au prix de légères entorses au droit international de l'image. En incluant les prégénériques, qui sont souvent de petits teasers du film, ayant pour objectif de donner envie de voir la suite de façon plus ou moins énigmatique, innocentes saynètes où tout le monde s’entretue avec ce fair-play typiquement britannique, et dont le sens sera dévoilé plus tard, et en y insérant des blagues par le truchement de sous-titres parodiques, et puis on y verrait les moeurs du temps progresser de film en film, au tout début de la saga, l’ennemi étranger, qu’il soit jaune, bronzé, peau-rouge ou même caucasien ou encore issu d'une minorité visible de Bételgeuse, est fourbe et manichéen, mais devient plus complexe avec le temps.
Ah tiens non, dans le dernier James Bond, Rami Malek est aussi ravagé que les précédents déments super-malfaisants des films de James Bond. Je le trouve meilleur en geek ayant bac + 14 en schizophrènie dans Mister Robot.
 
John Warsen a eu la flemme de réindexer sa nouvelle bibliothèque,
et a bien du mal à localiser sa collection d'Arthur le Fantôme Justicier,
pourtant l'objet de la volonté. Sauras-tu l'aider à la retrouver ?
Bon mais alors on y verrait la femme passer du statut d’objet (celui-là même dont ma volonté vient à manquer) purement décoratif dans sa version potiche, à celui plus enviable d'allié de l'ennemi, puis d’ami.e retourné par subjugation sexuelle, devenant presque aussi fidèle que le chien ou le cheval quand elle survit à l'épisode en cours.
60 ans d’évolution de la société occidentale, quand même ça se perçoit dans la dimension historique de l’épopée,  même si James Bond ne devient pas trop gender fluid en vieillissant, (blabla sociologique à développeren plus ça me prendrait un temps fou, je ne penserais plus à ma maladie, et elle en profiterait pour guérir, à l'ombre de moi-même.
Je récupère l'ensemble des films, déjà ça me prend quelques nuits sans lune, et mon premier bout-à-bout des 25 prégénériques + génériques de James Bond fait 5h30… alors que mes nuits n’en font que 3 ou 4 (comme celles de PrésidentMacron®)
Le plus long, c’est de trouver des blagues, et de refaire les sous-titres. Puis je teste quelques effets, je substitue ma tronche à celle du lion de la MGM, et je diffuse à droite (Zemmour) et à gauche (Hidalgo)Pour voir si c'est drôle. Zut, ça ressemble à un clip mollasson de Mozinor, auquel je commençais d'ailleurs à songer, sans pouvoir encore le nommer.

Goldfinger (1964)

Sur ces entrefaites, mon frère me met carrément minable, en un clic, en m'envoyant une vidéo hilarante de ce foutu Mozinor, datant de 2006 :


En voyant le boulot que ce monsieur Mozinor a fait sur James Bond, je vois bien que je ne suis qu'une petite bite / un gros geek.
Goossens a pourtant prouvé que tu peux pas
être petit et gros à la fois

Car en plus d'imaginer et d'interpréter une réécriture de scènes dialoguées, comme l'équipe de "le grand détournement", qui étaient les enfants naturels des situationnistes, qui pervertissaient de leur sens premier des BD ou des films de karaté dans les années 60, comme dans "la dialectique peut-elle casser des briques ?", histoire de se moquer à peu de frais du capitalisme, et qui ont bien failli le fiche par terre, d'ailleurs on se demande encore comment il s'en est relevé, Mozinor il a réalisé des modifications sur l'image, alors c'est quand même du boulot. Avec un mauvais goût assumé, à tous les stades de la conception de ses canulars. Par contre, il a foiré le format de sa vidéo, sa vidéo est hideusement anamorphe, peut-être exprès, pour pas se faire choper par Youtube, ou alors à l'époque y'avait pas le matos qu'on trouve maintenant. Je vais lui envoyer mon tuto.


Moi, c'est fichu d'avance, la pauvreté de mes prémisses me condamne à la misère spirituelle et au naufrage filmique. Je n'atteindrai jamais le niveau de gravité dans la  connerie de chez Mozinor. Mes quelques inserts les plus réussis se hissent avec peine au niveau d'OSS 117, qui était déjà plus faiblard que la série "Au service de la France", pourtant écrite par le même auteur (Jean-François Halin, un ancien des Guignols de l'info.)

"On ne vit que deux fois" (1967)

Est-ce que ce qui me plairait pas, plutôt, dans les James Bond, c'est sa toute-puissance, sa résistance aux bourre-pifs, son impunité, et son absence de conscience morale au service de la raison d'Etat, qui ne lui enjoint jamais que de soutenir et préserver l'ordre établi en éliminant les ennemis de la démocratie parlementaire ? Jamais on va lui demander d'aller dessouder le président syrien, ou celui d'Arabie Saoudite, ou d'aller embêter le brésilien, ou le chinois, et pourtant y'a des jours où ils mériteraient. Et les intrigues sont faciles à suivre, et il couche à droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo) en envoyant paitre sa hiérarchie quand ça le chante, et sauve quand même le Monde Libre, Civilisé et Blanc à chaque fois.
Je monte quarante-cinq minutes de mon film-qui-marche-pas et qui alterne prégénériques détournés et génériques clinquants et pop, puis je me décourage un peu, parce que je me rends bien compte que ce que je déteste, dans les films de James Bond, c'est que ça me plaise, pour les raisons suscitées, alors je me demande pour détourner mon attention, qu'est-ce qu'il devient, au fait, Mozinor ?

(fin de l'Introduction)

2/ La réponse en images



Là, en cette fin année, dans ma période de débordements webinaires qui ne me laisse pas fermer l'oeil de la nouille, je me disais que j'allais faire plutôt de l’image que du texte, parce que après je m’en sortais plus,du fait que je sois obsédé textuel qui génère sa propre glu. Mais je crois que je vais laisser le démon vidéo-parodique à Mozinor, bien que ses petits clips aient sans doute du mal à dérider les Zemmouristes, pourtant moins nombreux que les Mozinoriens. C'est trop de boulot.

merci à Julien pour la vidéo de Schopenhauer.

8 commentaires:

  1. Ce passage est l'un des plus célèbres de Schopenhauer, mais généralement cité décontexté. (Ici non, merci!)

    Bond est l'homme d'action par excellence, l'antithèse de l'inertie, le dynamisme permanent!

    Pas beaoin de se flageller, c'est cela qui attire le besoin se soetie de l'inertie en toi.

    Ne me remerciez pas.
    Mon mom est Yung. Carl Gustav Yung.

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  2. Je me flagelle pas. Je découvre comment je fonctionne. Daniel Craig, par contre, me semble en pilote automatique depuis quelques films, il était temps qu'il arrête. Il simulait.

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  3. Pourtant l'ennuie a aussi beaucoup de vertu.

    « Quand vous êtes frappé par l’ennui, laissez-vous écraser par lui ; plongez, touchez le fond. En général, avec des choses déplaisantes, plus vite vous touchez le fond, plus vite vous remontez à la surface », a dit ainsi le nobel de littérature de 1987, Joseph Brodsky, lors d’une conférence universitaire.
    https://www.caminteresse.fr/psychologie/les-bienfaits-insoupconnes-de-lennui-11115282/

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  4. La première moitié de mon anthologie de James Bond est bientôt prête. Elle dure 1h50. J'ai enlevé les sous-titres qui ne faisaient rire que moi, surtout qu'il n'y a que moi pour regarder un truc pareil. C'est à mourir d'ennui. Une fois mes cadeaux déballés, je réattaque la suite, demain dès l'aube. Je ne suis pas prêt de toucher le fond.

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  5. "Demain, dès l’aube...
    ...à l’heure où blanchit la campagne,
    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
    J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps."
    ViH

    https://www.youtube.com/watch?v=SQadcm_dwEM

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  6. "à l'heure où blêmit ma compagne", plutôt.
    ViH me paraît un acronyme malheureux pour désigner Hugo.
    Et je laisse à tes chérubins la responsabilité de leurs propos sur Noël.

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  7. Sans doute, mais Z€mmour aussi était une néo-paronomase d'une rare élégance .... transmettant un virus tout aussi sympathique.

    J'irai au Panthéon (de mon vivant)
    pour m'excuser auprès du Saint homme, merci pour ta remarque ça me fera une sortie.










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  8. C’est vrai que ce détournement est drôle et bien fait. Je ne me suis pas ennuyé.

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