jeudi 21 décembre 2006

Trou de Mémoire

Je fais ma visite annuelle aux Assedic-Spectacle pour rouvrir de nouveaux droits à partir de mes certificats d’emploi de l’année écoulée. On m’y demande un justificatif sur deux jours fin novembre, qui n’est pas dans ma pile, et je n’ai aucun souvenir des affaires traitées lors de ces deux dates, ni même de m’être rendu dans certaine société de prestations de services à cette période. J’ai juste noté dans mon agenda avoir travaillé ces jours-là. De plus, il semble que mon employeur ait oublié de me faire un contrat de travail pour ces deux journées, et que son rétro-planning ne soit guère mieux tenu que mon cerveau. Quand vous vous acquittez de tâches répétitives pour subvenir à vos besoins matériels sans prendre la peine de conscientiser aucun des actes qui se déroulent pendant des journées qui se déroulent selon des processus optimisés pour que votre cerveau y dépense un minimum d’énergie, en fait vous dormez, puisque quand vous tentez de vous repasser la bande en accéléré, vous ne trouvez dessus que des parasites et des fragments d’impressions dont le puzzle refuse de se reformer. J’ai un copain qui vient de passer 15 ans à plein temps dans l’antenne régionale d’une chaîne privée avec suffisamment de femmes, d’enfants et de chichon pour ne pas remettre en cause les tropismes qui l’animaient, et il se réveille brusquement chômeur de 45 ans avec un savoir-faire obsolète dont personne n’a besoin - la chaîne n’avait consenti à investir dans aucun des bonds technologiques qui secouent périodiquement le milieu hautement technicisé de l’audiovisuel - et il est hébété comme ces Japonais mythiques qui ignoraient que la guerre était finie et qu’on les avait laissé moisir sur un îlot du Pacifique après la reddition de l’Empire nippon. S’il me fait mal aux miches, c’est surtout parce que demain ou après demain mon sort pourrait ressembler au sien. Souhaitons-lui de se ressaisir rapidement.
Je commence par m’en remettre à des procédures obliques du genre aller mater dans l’historique du forum des dépendants pour voir si j’ai été actif sur le forum ce jour-là, ce qui indiquerait plutôt une journée maisoning. Puis je regarde l’historique de mes mails. Rien de probant. Puis je songe enfin à regarder mes débits CB, qui indiquent bien un trajet autoroutier à la somme habituelle, ainsi qu’un pantagruélique repas à 8,15 à la Cafète du Leclerc. Je commence à me sentir comme Bob Arctor dans Substance mort , qui mate au bureau les kilomètres de bandes tournées at home par les caméras qu’il y a lui-même dissimulées, pour finir par se suspecter d’être le dealer local parce qu’il s’est cramé la tronche avec une dope qui favorise la dissociation des hémisphères cérébraux pour infiltrer le milieu des stupéfiés et qu’il devient progressivement incapable de se reconnaitre sur les vidéos. Muni de ces indices, je rédige un mèl ironique à mon employeur, avec qui j’entretiens des rapports tendus (j’ai récemment demandé et obtenu à l’arraché des frais de mission qui “l’assassinent” mais me permettent de ne pas me sentir volé) mais cordiaux (respect mutuel entre professionnels de la profession, performances et réactivité décentes de ma part). Dans le privé, c’est paraît-il un fervent catholique et pilier de sa paroisse vendéenne. Dans le boulot, c’est un affable requin fan de Louis De Funès dont on sent la queue frétiller dans le bénard quand il peut réduire ses frais généraux de trois francs six sous sur le dos de ses salariés, parce que le profil du job qu’il a dans la boite le prédestine à cette tâche ingrate et qu’on le sent soumis à une pression patronale kolossale dans ce sens. Il s’agit de rester concurrentiel et d’éponger la dette toujours croissante du fait des investissements dans la technologie de pointe, et il n’est pas question de délocaliser, il faut donc marger sur la bête. La cloison en parpaings de 12 qu’il a dû dresser entre ces deux pôles de son activité cérébrale ne regarde que lui, j’ai déjà fort à faire avec les miennes.
Ma bonne foi et mes notes de frais auront raison de ma mauvaise mémoire, mais ça donne une idée des gouffres abyssaux que prétend franchir chaque jour notre conscience diurne - en fait elle les zappe. Ne parlons même pas des cas où l’émotionnel viendrait rajouter ses voiles aux obscurcissements de la pénombre cognitive ainsi mise à jour. Mon blog basculerait alors tout entier dans “l’exhibitionnisme narcissique” du désastre, avec lequel il surfe parfois dangeureusement, mais qu’il évite pour l’instant à un poil de cul près.

Commentaires

on a le cerveau qui fuit …

en ce moment je met tout par écrit. J’ai un logiciel ou je peux dicter et ça crache du texte tout bien. Et comme ça je peux relire ma vie. Je le fais pour les enseignements, pour les phénomènes de la pratique, pour les rêves (pas pour le boulot, parce que ça ça me trouerai vraiment trop le cul) Et ben dès fois je me relie, et non seulement je ne m’en souviens pas, mais en plus c’est comme si c’était quelqu’un d’autres qui l’avait écrit.

Depuis, j’ai moins le cerveau qui fuit, ne serait-ce que pour me rappeler ce que j’ai fait dans la journée.

La vie comme dans un rêve, sans souvenir, sans impression …

on est des zombies … rien qu’un gros tas de zombie tout moue …

moi je dis, tous à Dragon naturally speaking … ce truc là ça change ma vie autant que mon lama …..

tiens d’ailleurs je vais en parler sur mon blog ….

Merci John ….

mercredi 20 décembre 2006

Prospection



Je suis démarché au téléphone par une femme qui se prétend comme d’habitude mandatée par un institut de sondage à l’acronyme nébuleux , qui veut deux minutes de mon temps pour parler impôts, patrimoine… d’habitude je coupe court, là je suis un peu dans le pâté, elle a l’accent arabe et débite son questionnaire d’une voix hachée, et je me prends les pieds dans une pensée pseudo-compassionnelle pour les gens qui font ces boulots de merde qui sont souvent occupés par des maghrébins ou des africains à condition qu’ils aient une bonne maitrise de la langue, ils y sont mieux tolérés par les français parce qu’on ne les voit pas les occuper, ils doivent être payés au lance-pierre et à la commission, et bon prince je lui accorde ses deux minutes. Le questionnaire devient très vite intrusif, elle me demande si je suis au dessus de 300 €/d’impots par an (et je me sens comme un disque dur investi par une souche Troyenne), si je suis au courant des 33 nouvelles mesures fiscales décidées par le gouvernement, (et je me sens une burne autiste), si la faillite probable des systèmes de retraite ne me donne pas envie de souscrire une assurance privée (et je me sens coupable par incurie du sabotage prochain des systèmes de retraite par répartition )… oké là je vois où elle veut en venir, (et je me sens maintenant honteux de lui faire perdre son temps et de perdre le mien), et je lui dis que je descends là, parce qu’en plus j’ai les boules d’avoir réagi comme papa quand il croisait quelqu’un en difficulté dans ses relations et qu’il disait “je vais m’en occuper person-nel-le-ment” en détachant bien les syllabes, ce qui dénotait l’étendue de sa mansuétude et de sa miséricorde, et que je me retrouve à couiner avec les intonations de mon frère quand il est dépassé par les évènements dans mon téléphone pourri qui grésille que je suis content de ma situation et que j’espère bien transmettre mon patrimoine à mes enfants et que je n’ai besoin de rien, et que je suis furieux d’avoir à proférer des inepties pareilles, que j’ai joué le faux naïf et que je me retouve donc faussement scandalisé… ce match de ping-pong entre des pensées prémâchées se joue dans une arrière-cour en terre battue de mon mental en moins de 5 secondes, elle me remercie de mon accueil et au revoir.
Tout cela ne me dit pas comment j’aurais réagi person-nel-le-ment si je n’avais été submergé de pensées adventices, enfin pas submergé, parce que j’ai déroulé l’écheveau jusqu’à un certain point, assaillants nombreux, défense faible, inexistence de programme propre au lieu du cruel “formidable, ça ne m’intéresse pas du tout!” que je leur assène d’habitude au bout de deux phrases de leur petit boniment, mais globalement je pense que je n’étais pas mûr pour souscrire une retraite complémentaire aujourd’hui.


Commentaires

C’est réconfortant de trouver quelqu’un qui se donne la peine de s’indigner par écrit de prospections téléphoniques.
Je viens de faire l’objet d’une telle sollicitation, ce soir même, assez “originale” : l’appelant prétend me joindre dans le cadre d’une enquête commanditée par le ministère des impôts. Elle veut m’aider à économiser sur mon imposition (jusqu’à 40% de diminution) grâce aux nouvelles mesures gouvernementales.
Je finis par l’éconduire poliment, mais je n’arrive à avoir comme information que le nom de société : phonétiquement “thésaurus”. Je cherche sur Internet à ce nom : rien.
Je fais le 3131 (dernier appelant), et j’obtiens le numéro du … pénultième - et non pas dernier - appel, le portable d’une amie.
Tiens, l’appelant qui me veut du bien masque son numéro…

J’hésite sur le diagnostic du profil du commanditaire : spam politique sarkosien (il a déjà fait des bavures en la matière, soulignées par la CNIL) ou simple “accroche” commerciale pour vendre des assurances vie ?

Quelqu’un a-t-il récemment fait l’objet cet appel type ?
Etes-vous parvenus à “retracer” l’entreprise prospectrice ?

Merci pour tout info.

Pirlouit d’Euskadi

Rédigé par: Pirlouit d'Euskadi - Recherche spammeur politique désespéramment | le 22 janvier

mardi 19 décembre 2006

Un peu raide à 14 ans

Comme je me sentais nigaud d’avoir reproché à mon fils d’avoir fait des choix qui me rappelaient mon âge, je lui ai proposé le soir même de regarder un moyen métrage de la série Masters of Horror - je pensais que celui de Joe Dante serait assez cool. Mais dès le générique de début, je vois “Dario Argento” et je le préviens : tu sais, Argento, c’est plutôt hard, on en essaye un autre ? - non, c’est oké, on s’arrête si j’ai peur” - et on s’est tapés “Jenifer ” sans pouvoir s’arréter en route, récit éprouvant d’une Lolita des temps modernes, qui avec ses pouvoirs de sirène (elle est défigurée et incapable de parler mais elle a un beau cul et sait s’en servir), finit par détruire le corps et l’âme de tout homme malchanceux croisant son chemin.
L’occasion de se rappeler qu’un bon film d’horreur laisse épouvanté ou au moins nauséeux. Ici le seul argument fantastique est celui de la nature chimérique (mi-femme mi-bête) de Jenifer, grâce à quoi elle réduit les hommes en esclavage par son animalité, en leur inspirant d’abord de la pitié puis du désir - pour le reste c’est une farce noire et cruelle sur les liaisons dangereuses avec en toile de fond “l’enfer est pavé de bonnes intentions”.
A ce sujet, je peux voir cette soirée télé comme encore une transmission inutile à partir du besoin d’être revalorisé auprès de mon fils, bien que ça ait été l’occasion de discuter ensuite des relations funestes, et de revoir quelques Futuramas pour se nettoyer la tête. Une autre bouffée d’adolescence transgressive : sa mère était au lit, sinon elle ne nous aurait pas laissés mater l’inscrutable. Je peux le regretter, je peux surtout redérouler le truc en essayant de l’intégrer pour ne pas recommencer avant ses 16 ans, âge auquel on n’a plus besoin de son père pour se faire peur.

Commentaires

  1. bah …
    moi je trouve ça bien …

    que ce soit à tuer des pigeons, ou a tué des poissons, ou à mater des horreurs, les gamins aiment bien passer des moments privilégier avec leur Popa …

    C’est toujours les popa qui apprennent la transgression … avant c’était le popa qui emmenait le fiston au bordel, qui lui faisait fumé sa première taffe à la chasse, qui l’emmenait tué son première homme …

    que des trucs cool entre hom que les gonzesses elles peuvent pas comprendre.

    Je trouve ça très sain au contraire….

    Après quand il sera popa lui aussi, il ressortira la cassete pour son fiston, avec respect et tout et tout, et il dira que c’est une tradition familliale, qu’ainsi tu sera un homme mon fils etc ……

  2. Le problème c’est que cette série est complètement nulle. Tu aurais mieux fait de regarder 1 ou 2 épisodes de Rome avec lui. C’est instructif (on voit comment les gens vivaient il y a 2000 ans) et édifiant (on voit que le système italien a toujours été mafieux). Toutes ces conneries, ça pourrit la tête des gosses. On peut éventuellement en faire quelque chose si on n’est pas un trop mauvais pratiquant des tantras mais sinon ça dérègle les vents et ça ajoute une couche de karma pour rien. Ah il est bien vrai l’article qui disait que les parents modernes pourrissent leurs enfants pour s’en faire aimer. C’est comme moi qui dis que j’aime bien mes perroks. Chepa dirait que c’est complètement faux, sinon ils ne seraient pas dans une cage.

  3. Hugo dit que ça lui donne envie d’étudier la psychologie pour comprendre pourquoi le mec se fait bouffer vivant par Jenifer. Moi je me dis qu’il faut protéger les gamins contre Internet, mais aussi contre la complaisance de leurs parents. Ce qui est certain c’est qu’on passe de meilleures soirées quand on sauve le soldat Ryan ou des vieux Mel Brooks.

lundi 18 décembre 2006

Gode is all you need 1 : mon bambin Motorho



Samedi, j’ai rendu les 30 € que je devais depuis quelques temps à mon fils, et je l’ai accompagné chez un ami. Ils devaient aller se ballader à Nantes. Quelques heures plus tard, je suis allé le récupérer. Il arborait un nouveau sweat-shirt orné du subtil logo de Motorhead reproduit plus haut. Coup de sang, devant son copain : “t’as acheté ça avec mon pognon ? n’espère pas aller au collège avec ce truc, déjà que là-bas tu passes pour un branleur, t’aurais pu en choisir de meilleur goût”. Sur le trajet du retour, dans la voiture, il me reproche de l’avoir humilié devant son pote. J’en discute avec ma femme, mais j’ai déjà mon idée : c’est moi qui l’ai branché sur le groupe métal, et je supporte mal de le voir arborer l’effigie que j’ai ostensiblement revendiquée il y a 25 ans pour emmerder mes vieux, car ça veut dire que maintenant c’est lui le jeune, et qu’il n’y a pas de place pour deux jeunes dans la famille. Il me renvoie dans mes 25 mêtres tout en revendiquant la connivence père-fils puisque j’ai commis l’erreur pédagogique de lui transmettre avec succès mes préférences par identification, ce qui le contraindra à trouver d’autres modes de transgression. Cette explication des origines de ma colère me vient dans un insight très rapide et sans fioritures, après m’être posé sincèrement la question. Une autre réponse arrive dans la foulée : si je suis blessé par cette évidence que je n’ai plus 20 ans, c’est parce que je n’ai pas vu le temps passer, ne sortant d’une intoxication que pour en aggripper une autre, entre mes rapports passionnels avec l’alcool, la sexualité, le cyber, la vidéo et la littérature spéculative. L’addiction, c’est la négation du temps, c’est la tentative vouée à l’échec dans son essence de pisser à la raie de l’impermanence des phénomènes, dont on ne sort que par de vigoureux et constants efforts qui ne peuvent se borner à une étude intellectuelle du pourquoi et du comment, que l’égo aura tôt fait de se réapproprier en se foutant de notre gueule au passage. Comme dit Orroz, pour dépasser cela, une seule solution: piéger l’ego, lui faire plier les genoux, le faire revenir à sa seule fonction positive : la dignité. Voilà pour mes mauvaises & bonnes raisons de me tourner vers le bouddhisme et de remettre le nez dans les 12 étapes et 12 traditions du programme de rétablissement des AA, qui est difficile à pratiquer parce que c’est un programme simple pour des gens compliqués, qui se sont beaucoup mentis et qui ont du mal à cesser.

Commentaires

  1. Peut-être aussi que ce qui t’a mis en colère, c’est de constater que l’expression “jeune et con” se vérifie tellement bien. Ils veulent être originaux, résultat c’est des clones idiots, nous l’étions aussi à leur âge… Avoir des enfants si peu créatifs, ça ne donne pas une super image de soi, ni de l’humanité d’ailleurs. Et pire, ça prouve qu’il y a du boulot.

  2. Dans le passé tu as fait ça pour énerver tes parents, pour faire un truc qu’il ne ferai jamais.

    La c’est TRES différent.

    je pense qu’il a fait pour te plaire, pour se revendiquer de la même essence que toi …

    En gros il vient de te dire “papa, t’es vraiment un mec extra, ta culture je l’accepte et je la revendique, parce que c’est pas un truc de vieux crouton”.

    Enfin, bon, tout ça pour te dire que c’est vraiment une réaction de vieux con que ta eu ….

    me remercie pas, ça vient du coeur ….

  3. Du temps où l’on trouvait des mots dans le lexique français pour indiquer la propension d’un individu à trouver sa survie dans la monomanie, le mot addict n’existait qu’aux states. Notons que l’addiction est pour les sciences darwiniennes la raison de notre existance sur terre. Cette accroche sensitive à un objet positif permet en effet de répéter à l’infini une attitide bonne à notre santé. Je mange un fruit, il est bon, j’en mange un autre, il est bon. Sans analyser je distingue ce qui est bon par répétition de l’acte primordial, au bout d’un certain temps le fruit m’est indispensable.. Tant mieux puisqu’il est bon! Je ne risque donc pas de m’empoisonner en tentant un autre fruit. Les autres fruits meurent parce que nous ne plantons plus les noyaux et le fameux tropisme naturel de la fleur et de l’insecte, du fruit et de l’homme qui aime les fruits est né. Yep!Idem pour le sexe! Idem pour la sublimation! Sans alcolique, pas d’alcool, sans paraphile du bon Dieu, pas de curé. Le problème n’est jamais l’addiction mais toujours l’objet de l’addiction. Et encore, n’est ce un problème que pour celui qui en est l’acteur. Dans les années 80, tous les thérapeutes savaient sans l’avouer que les sectes restaient le meilleur moyen d’échapper à la dope. On savait tous que le taux d’addiction sublimatoire pour la poudre et les Dieux divers et variés était identique mais ça faisait sérieusement chier les psy généralement gauchisants et agnostiques. So long John.. Etienne Liebig

  4. Le problème n’est jamais l’addiction mais toujours l’objet de l’addiction

    ah ben non …

    l’objet on s’en fout puisqu’il est interchangeable, c’est bien à l’addiction et à sa racine à laquelle il faut s’attaquer…

  5. Liebig, je ne pense pas que le bouddhisme puisse être assimilé à un programme méthadone. En tout cas s’il en est un pour moi, comme mon résumé de parcours peut le suggérer, je doute qu’il le soit pour les tibétains à l’origine du truc. Et un des premiers trucs qu’ils disent, c’est que le samsara (l’univers phénoménal) est un océan de souffrance. C’est très moyen comme objet d’addiction. La théorie du “bon” objet d’addiction était aussi celle du regretté Dado (http://impossibilia.blogspot.com/2006_10_01_archive.html

    premier post en partant du bas de la page)

    mais renvoie à la notion d’addiction saine, nonsensique aux toxs - et après tout, ce qu’on demande à une théorie ce n’est pas d’être juste mais utile.

dimanche 17 décembre 2006

Névroses et spiritualité


les dessins sont©Xavier Gorce/LeMonde.fr

Comment faire pour avoir une balance commerciale affective excédentaire ? Pour celui qui a déjà tâté des psys à poil dur ou long et des mouvements en 12 étapes, la question se pose. Car ça semble finalement le seul moyen d’agir juste, hormis la voie qui suppose de se passer de l’affect, et qui ne peut être réservée qu’à des privilégiés de la souffrance, afin de n’être plus tenu par les couilles ou écrasé de rancoeur par les attentes insatisfaites, pris en otage par ce que nous croyons être l’univers mais qui n’est que nos propres réactions infantiles à son incapacité ontologique à nous satisfaire.
Nous sommes toujours débiteurs de l’univers. On lui doit tout, c’est clair. D’ailleurs on rend nos emprunts à la sortie, pas forcément dans l’état où on les avait trouvés en entrant : tout dépend des graines karmiques qui ont germé dans cette existence-ci, et de celles qui sont restées en terre sans se développer, et qu’une incarnation future favorisera peut-être. La spéculation s’arrète là où elle ne porte plus de fruits.
J’en parlais la semaine dernière avec un ami, qui a autrefois vécu auprès d’un swâmi, pour la proximité duquel il était prêt à rester dans l’ashram et à abandonner la vie civile si ce swamî n’était décédé au bout de 11 mois (peut-être mon ami puait-il trop fort de l’âme trop près du swâmi; trente ans plus tard il travaille dans une savonnerie et dit avoir constaté le fossé culturel qui nous interdirait la voie dévotionnelle; pour les Orientaux l’existence serait une malédiction et le but de cesser de renaître, ils viseraient l’extinction, alors que chez nous on est attaché à une certaine joie de vivre (malgré ou à cause de la crucifixion ?) ce qui fait que le plus souvent, quand on se met à mouliner des prières comme des bourrins, on arrive péniblement à se hisser au rang d’honnètes pratiquants.
Il y aurait donc comme un malentendu fondamental. Nous commençons à pratiquer pour de mauvaises raisons : nous en espérons un mieux-être et des accomodements. Une amie qui pratique beaucoup dit quelque part que “dans le bouddhisme, la compassion est censée venir par l’empathie. Ce n’est pas spécialement qu’on devient gentil, mais si on se prend toutes les baffes qu’on donne aux autres, on commence à réfléchir quant à celles qu’il convient de donner vraiment, et celles qui ne sont pas nécessaires.”
Vu comment on est gaulés par chez nous, il vaut mieux demander tout de suite à être libérés de l’ignorance et de l’égo, d’apprendre voir la nécessité de nos névroses et ainsi de suite. Le lama l’a dit comme ça en passant cet été : L’enseignement doit être pris dans son contexte, et non au pied de la lettre, ce que j’ai traduit par “décodez ce qui peut vous toucher au plus intime derrière les rituels et ce que vous pouvez appeler notre folklore.”
Je relie donc cela avec le “plus j’en apprends, moins j’en sais - ce qui me rend humble, mais je désire sincèrement continuer à progresser” trouvé en commentaire au “nous avons demandé Sa protection et son aide, et nous nous sommes abandonnés à Lui complètement” d’un livre de réflexions de membres des Alcooliques Anonymes : du coup, les AA semblent tibétains et les tibétains d’aiguisés discursifs.


Commentaires

  1. Je ne sais pas ce que tu appelles un honnête pratiquant. Pour moi c’est qqn qui n’a pas besoin d’avoir une balance affective excédentaire. Donc c’est possible…

  2. arf oui ça c’est sûr on devient bouddhiste pour les mauvaises raisons. Mais ce qui est fort, c’est qu’on finit par s’en apercevoir, de grès ou de force … et c’est là qu’on se dit, ah oui, en fait je suis même pas débutant, je suis qu’un apprenti débutant ….

    et ça fait regarder les autres pratiquants et le maître d’un autre oeil … avec plus de respect en fait ….

  3. Intéresant ton texte, John. L’attachement à la joie de vivre cela peut-être aussi se détacher de ce qui nous éloigne de l’essentiel, et notamment ce qui nous fait fuir dans les dépendances.

    Il y a aussi cette notion de “décréation” dont parle Simone Weil, qui peut-être mise en relation avec cette confiance suggérée par les AA dans une puissance supérieure.

mardi 5 décembre 2006

le secret le moins bien gardé de l’univers connu

“Le risque du métier en faisant de soi un spectacle qui n’en finit pas, c’est qu’à un moment donné, on achète soi-même un billet”

Thomas McGuane, Panama.

trouvé en exergue du roman “Lunar Park” de Bret Easton Ellis (merci Jérôme)

Commentaires

  1. Et bien moi j’attends que l’artiste revienne sur scène mais bon, je suis pas pressé!

  2. moi non plus.

  3. Et ces placards de cuisine ? Sont-ils montés ?

    A bientôt, l’artiste, Nicolas.

  4. on voit la fin des travaux, mais la finition des finitions c’est long, surtout que je m’y étais mal pris au départ, j’ai traîné un peu des pieds dans la coordination des différents corps de métier intervenant sur le chantier, et on ne fait rien de bon en traînant des pieds. Je prie Saint-Electricien pour qu’il se manifeste la semaine prochaine.

dimanche 3 décembre 2006

Petites offrandes propitiatoires















03 décembre 2006



Une sélection subjective des strips que Xavier Gorce publie chaque jour dans LeMonde.fr (édition abonnés, 6€/mois)

il y en a d’autres ici et on peut acquérir son recueil .

Grace aux évolutions de Word Press, je peux aussi offrir à mes cyber-poteaux une petite compile virtuelle de pré-Noël. Que vous le croyiez ou non, je suis né un 25 décembre, et les mauvaises langues diront que c’est parce que j’avais les bras en croix que ma mère a eu droit à une césarienne et qu’elle m’a prénommé Christophe dans le moment d’égarement subséquent alors que j’étais destiné à m’appeler Stéphane.

Donc, une pour Flo à fredonner à l’occasion de la fermeture de son club pour ceux qui se prennent pour des happy few à l’idée d’être enfermés dedans -Holden, La colère des imbéciles.

Une pour Dado, à la fois corpusculaire et ondulatoire -Frame by frame, King Crimson.

Une pour Fabie, heureux accident d’un fond en dissonance cognitive avec la forme (ou d’un signifié veuf du signifiant, comme aurait dit Lacan) -Eloge de la tristesse, une reprise de Thiéfaine par Sanseverino.

Respire, Fabie, respire, même si tu culpabilises de souffrir de cette incoercible addiction à l’air.

Une pour Roul, en souvenir de Capdevielle : -Johnny-pas-grand-chose, par Odeurs.

Une pour moi -The Hell of it, par Paul Williams, dans la B.O. de Phantom of the Paradise.

et une pour la légèreté de l’être, qu’elle soit soutenable ou pas. -Emily Loizeau, je ne sais pas choisir.

Commentaires

Muchas gracias pote JohnKris !
Soucieuse de ne plus importuner les membres de la fraternité AA plus que de raison, j’ai fait appel à un médecin de l’âme pour me sortir de mon apnée. On va essayer de respirer par la méthode du “rêve éveillé”. Yeaaaaaaah ! nouvelle addiction en vue ? -;)