The Authority volume 4
© Semic Editions
Franchement, qu’est-ce que j’irais me faire secouer les vertèbres au Congo à Noël dans l’espoir de dragouiller la blackette avec l’ami qui me propose de l’accompagner à moto, alors qu’une simple ballade à la déchetterie de V. me plonge au coeur du Tiers-Monde ?
La municipalité a installé sur un terrain jouxtant la voie rapide la communauté rom (chaque agglomération est tenue de proposer un terrain d’accueil temporaire aux nomades.)
Ceux-ci ont naturellement investi la déchetterie toute proche comme terrain de jeux et pôle essentiel d’activités économiques, y récupérant prioritairement le cuivre et la fonte, mais ne dédaignant pas non plus désosser les téléviseurs et les ordinateurs pour en revendre les circuits imprimés au kilo…
L’honnète citoyen qui vient s’y défaire de son obsolète mobilier y est sollicité sans ambages pour un premier tri avant la benne.
Les fruits de leur chapardage toléré faute de pouvoir s’y soustraire (la seule façon de l’éviter serait d’implanter des miradors et des nids de mitrailleuses tout autour de la déchetterie et de jouer de la musique militaire 24h/24, et encore; l’an dernier on leur a interdit provisoirement l’accès du site, une gamine qui fouillait à l’intérieur d’une benne s’étant pris une plaque de placoplatre sur la tête) deviendront support de fructueux échanges commerciaux, passant sans nul doute entre les mains graisseuses d’obscurs trafiquants moldoslovaques avant d’être recyclés dans quelque atelier clandestin; tout cela au nez et à la barbe des employés municipaux aussi impuissants à se défaire de cette horde d’enfants dépenaillés (par ailleurs scolarisés dans les établissements publics de la ville où ils subissent l’ostracisme des enfants "normaux" bourrés par leurs parents de préjugés à leur égard, j’ai entendu ma propre fille de 6 ans dire que untel avait "volé un vélo rouillé à la déchetterie") qu’un troupeau de vaches à se soustraire aux mouches, et d’adultes tout droit sortis d’un film de Kusturica, avec leur parler franc et leur rubiconde trogne.
Aussi indésirables en Roumanie qu’ici, les mâles alpha en âge de travailler sont parfois raccompagnés dans leur pays, et on leur confisque leurs papiers pendant quelques mois. Ils y vivotent dans des maisons de torchis et touchent 18 euros par mois. Je l’sais parce que j’ai monté un documentaire sur eux l’hiver dernier. C’est une malédiction ancestrale dont l’origine se perd dans la nuit des temps, enfin on pourrait faire une recherche sur wikipédia mais c’est dimanche. Dès qu’on leur rend leurs papiers, ils reviennent ici où ils peuvent prétendre à une allocation de 400 €/mois et à un soutien sans faille de la part d’une armada de travailleurs sociaux et d’associations caritatives, et ont l’impression d’être les rois du pétrole dans leurs caravanes généralement bien entretenues.
En ce sens ils sont quand même plus chanceux que les Africains, qui en connaissent pourtant un rayon de vélo rouillé en termes de malédiction ancestrale.
Publié dans rions un peu
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