mercredi 18 octobre 2006

Peur de la mort, mon cul




Toujours dans les films pour marchands de pizzas jusqu’au cou, mais il ne faudrait pas se laisser noyer sous des flots de sauce tomate sans réagir.
Quelqu’un sur le forum des dépendus notait l’autre jour que le cyberX lui semblait "lié à une sorte de comportement suicidaire dû paradoxalement à une peur de la mort."
Pour moi cette peur de la mort traduit en fait une peur de la vie, ou plutôt un obscurcissement ou ignorance sur ce qu’elle est et ce qu’on est venus y faire.
Dimanche soir en bossant un peu l’allemand avec mon fils, j’ai une fois de plus constaté son incapacité à manier les rudiments de la langue de Goethe, qui se présente comme un jeu de légos sans grande fantaisie quant à la structuration grammaticale des propositions interro-négatives, pour ne rien dire de la rugosité lexicale ou de la soumission de son professeur à des diktats issus d’un autre âge; d’accord, c’était sans doute une connerie de lui faire prendre allemand première langue, alors qu’avec l’initiation Pink Floyd que je lui ai fait suivre, il est tiré d’affaire en anglais, puisque son intérèt est suscité. Mais l’allemand, avec sa dyslexie dysorthographique - quels mots savants ils ont inventé pour décrire des gamins déficients à l’écrit - c’est un peu trop schwer pour lui, et bien qu’il engloutisse le PNB d’un petit état africain en cours du soir, c’est pas avec ça qu’il va remonter sa moyenne générale.
Est-ce que je vais pour autant me lamenter d’avoir été absent pendant les 24 heures de souffrance foetale qui ont précédé sa naissance et qui l’ont peut-être prédisposé à subir cette affection pas trop rare - du fait d’avoir fêté un peu trop fort et en avance sa venue au monde, ne réintégrant la clinique qu’à l’heure fatidique où il me fallut sectionner le cordon ombilical quasiment avec les dents tellement ma main tremblait en tenant les ciseaux du fait d’une gueule de bois carabinée ?
Regretter d’avoir choisi de le mettre dans une classe de germanistes où j’espérais qu’il serait tiré vers le haut s’il s’y faisait des potes ?
Flipper sur son avenir ?
Rêvasser sur sa scolarité dans le primaire, qui fut bienheureuse, à tel point qu’on ne détecta sa dysorthographie - putain, rien que le mot c’est un test pour savoir si tu en souffres - qu’au cours de sa sixième ?
Allons donc.
La nostalgie est une fuite moins voyante que la culpabilité, mais non moins réelle.

Elle gît là, la peur de la vie, tapie dans les plis d’un repli -une retraite pas du tout spirituelle- sur des gravats dans une maison vide. Embusquée dans sa toile, la peur nous attend, tel le perroquet lové dans son sac de couchage qui tente d’engourdir le client par ses billevesées pour l’enrôler ensuite dans ses casernes tantriques. Il suffit pour lui céder de se sentir fatigué, par une nuit sombre, le long d’une route solitaire de l’information, alors qu’il cherche une citation qu’il ne retrouve pas. Il suffit d’un site web abandonné, et d’un homme que le manque de sommeil a rendu trop las pour continuer son googlage. (merci dado !)
La compulsion pornoïque, comme le dit une revenante plus fantomette que fantomatique sur le forum suce-cité, c’est "1 - j’essaie de me retenir, 2 - je craque, 3 - porno porno porno, 4 - je vais me coucher en me sentant comme une merde. Pour moi, un jour il y a une petite phrase qui m’est venue en tête : mais enfin, QUI t’oblige à faire ça ? Tu es libre ou pas ? Tout de même, y a personne qui te FORCE à faire ça ??"
Une autre amie me dit :"Dépendance aux autres, toujours le même terrain miné."
Et pourtant, très peu d’espoir de s’y faire sauter, parce que c’est nous qui avons placé les mines et qu’on sait les désamorcer quand c’est vraiment important.
Un autre, qui a essayé au moins aussi longtemps que moi de faire le malin avec ses déficiences, en récolte des fruits existentiels si âcres qu’il s’interdit de m’en décrire le goût, dont je me doute néanmoins et m’inspire pour seule réponse : tant que nous attribuons aux circonstances extérieures le pouvoir de nous faire tomber du coté de la confiture, on l’a dans le cul. (enfin je lui ai benné un camion de flo pour faire bonne mesure, mais je réserve ma gentillesse pour ceux qui en ont vraiment besoin)
Et pour chacun de nos scénarios-catastrophes, il y a un antidote, qui s’ancre avec la pratique, et que personne ne peut faire découvrir à ses camarades, mais dont l’existence se propage par la rumeur que certains l’ont trouvé pour eux.
Un fameux poème du XIIIème siècle en fait déjà état :
"Une joie, une déprime, une bassesse,
une prise de conscience momentanée arrive,
Tel un visiteur inattendu.
Accueille-les, divertis-les tous
Même s’il s’agit d’une foule de regrets
Qui d’un seul coup balaye ta maison
et la vide de tous ses biens.
Chaque hôte, quel qu’il soit, traite-le avec respect,
Peut-être te prépare-t-il
A de nouveaux ravissements.
Les noires pensées, la honte, la malveillance,
Rencontre-les à ta porte en riant
et invite-les à entrer.
Sois reconnaissant envers celui qui arrive
Quel qu’il soit.
Car chacun est envoyé comme un guide de l’au-delà."

Plus près de nous, il y a les vieilles vidéos de John Warsen.


Commentaires

  1. Je suis tombé par terre,
    C’est la faute à Warsen,
    Le nez dans le ruisseau,
    C’est la faute à…

    nan jdeconne…

    le camion de flo est difficilement saisisable… ;-)

    quand je lit
    “lié à une sorte de comportement suicidaire dû paradoxalement à une peur de la mort.”

    et
    “Car chacun est envoyé comme un guide de l’au-delà”

    je peux m’empecher de penser qu’un a peur de mourir, et ce shoot pour masquer cet peur l’autre
    na plus peur et s’occupe de ce qui l’entoure…

    Rédigé par: roul | le 20 octobre 2006 à 12:04| Alerter
  2. Peur de la vie, on se retrouve devant elle, quand elle se pointe avec “une joie, une déprime, une bassesse”, comme une poule avec un couteau, et on cherche ailleurs, en oubliant qu’ailleurs de la vie, ben y’a que la mort. C’est pour ça que le flirt avec le virtuel est dangereux.
    Se coltiner le concret, en sachant que dans le noir, ya toujours du blanc, voilà la seule piste possible.

    Rédigé par: Bruno | le 20 octobre 2006 à 17:32|
  3. roul, j’ai toujours du mal à te lire sans décodeur. Un petit effort sur la syntaxe et l’orthographe, s’il te plait.
    Je suppose que plein de gens ont du mal à biter ce que j’excave, mais c’est pas parce qu’on est plus nombreux qu’on a plus raison.
    Le camion de flo est garé là :
    http://blog.france3.fr/blogchen/index.php/2006/01/04/16048-le-choc-des-pensees
    Bruno, je crois qu’il s’agit de se jeter sur le couteau, mais sans se blesser.

    Rédigé par: john | le 21 octobre 2006 à 00:18|
  4. La recette de la digivolvation sur trouve dans “La machine” de R. Belletto (Folio). Petit extrait : “(…) ce que Marc ait pris l’habitude d’entendre par substance psychique : quelque chose qui n’était pas la matière, qui n’était pas non plus l’âme, mais qui aurait manqué à un esprit pur, à une quelconque déité – quelque chose qui n’était pas sans rapport avec cette « corporéité positive » que le théologien allemand Jakob Böhme nommait précisément Wesen, « substance », et qui définit l’homme, l’être véritable. Or cette substance, même si elle conservait en tant qu’influx nerveux une force qui permettait à Marc d’en apprivoiser une partie suffisante, perdrait ses caractéristiques spécifiques hors du cerveau qui la produisant, l’émettait, l’exhalait. Elle n’était pas plus qu’une force sans contenu, un influx vide, elle devenait inutilisable. D’où la nécessité d’une combinaison originale, nouvelle (…)”

    Rédigé par: Vincent | le 31 janvier 2007 à 01:25| Alerter

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