La suffocante promiscuité des blogs fait que je peux bien coller sa bonne tronche sur le mien, c'est pas ça qui nous le rendra. |
Pièce à conviction n° 3 |
Cyberdépendance virtuelle, auto-addiction, rédemption de l’objet fascinatoire, progrès dans l’intention de pratiquer le bouddhisme.
La suffocante promiscuité des blogs fait que je peux bien coller sa bonne tronche sur le mien, c'est pas ça qui nous le rendra. |
Pièce à conviction n° 3 |
La colonisation de Mars : la version préférée de Poutine |
c’est Jean-Pierre Filiu, le célèbre chercheur islamo-gauchiste, qui s’est prêté de bonne grâce à la fantaisie du déguisement. Arrête, Jean-Pierre, tu fais le jeu du Hamas. |
Voici les 17 principaux programmes spatiaux sur lesquels l'Europe va travailler dans les cinq années à venir. Nous lui souhaitons bon courage, et de bien s'organiser, aussi. |
Le premier Spoutnik : une dégaine à répandre la Covid-19 sur l'Occident Chrétien par le biais des antennes 5G. |
Putin absorbing life force of an innocent child (source: Russia Today, 2015) |
Dans l'espace, personne ne vous entend copier un film impérialiste. |
Xavier Gorce, "Sans titre", in Le Monde, 2006 |
Objet: Projet de discours pour le rapatriement des cendres de Jean-Patrick Capdevielle au Panthéon (pour avis)
La nature a doté John Warsen de tous les appendices nécessaires à l’accomplissement des fonctions les plus courantes : locomotion, nutrition, reproduction, expression. Et puis, dans un accès de générosité à faire pâlir d’envie un french-doctor embourbé dans les sables du désert avec son ONG caritative, la nature a doté John Warsen d’un sens critique énooorme ! Tellement énorme, que John Warsen est condamné à ne jamais coïncider avec lui-même. Trop de distance critique. Un fossé impossible à combler.
C’est là la source de son talent, qui irrigue son humour caustique, parfois à la limite du cynisme, mais toujours fin et souvent très drôle. C’est aussi l’origine de ce doute indissoluble, de son incapacité à croire en son propre talent, de sa méfiance envers les critiques positives. Ce trait de caractère le rend incontestablement plus fréquentable que la grande masse des vidéastes. Je pense bien sur aux obscurs qui se vengent de leur anonymat en vous infligeant à la première occasion, avec une cruauté sans faiblesse, toute la séance de leurs dernières vacances, sans aucun échappatoire. Mais je pense aussi à ces vedettes de l’art contemporain de maintenant, qui étirent sur 24 heures une boucle de 3 mn, déjà parfaitement insipide dans son format original et qui exposent à grand frais ces déjections de sens dans les plus grandes institutions ou tout un parterre d’obligés, usurpant le titre de critique, se confondent en louanges et roucoulement apologétiques.
Xavier Gorce, "Sans titre", in Le Monde, 2006 Rien de tel donc, dans le monde de John Warsen. Car cette fichue distance critique ne le quitte jamais. Un temps il essaya de la noyer au fond de la bouteille. Grande découverte : ça ne marche pas. Lui, maintenant, en a fait l’expérience, utile sans doute, douloureuse surement, et le voilà revenu à des méthodes plus douces : quête de la sérénité, recherche du sens, responsabilité assumée. Pour moins que ça, d’autres ont versé dans l’amertume.
Cioran écrit dans ses syllogismes “Toutes nos rancunes viennent de ce que, resté en dessous de nous mêmes, nous n’avons pu nous rejoindre. Cela, nous ne le pardonnerons jamais aux autres”. John Warsen lui, fait des vidéos et des bonnes. Mais chut, ne lui en dites rien, il pourrait mal le prendre. Enfin une bonne nouvelle en ce dimanche de merde : je suis nommé officiellement Président du Fan Club de John Warsen ! J’en conçois sincèrement une certaine fierté. Peut-être vais-je faire figurer ce titre sur ma carte de visite juste au dessus de ma qualité de Membre du Comité pour le Rapatriement des Cendres de Jean-Patrick Capdevielle au Panthéon. (Je prépare déjà le discours : “Entre ici, Jean-Patrick, avec ton funeste cortège ...”)
John Constantine - Hellblazer 003 (2020)
Simon Spurrier/ Aaron Campbell
Ce Dimanche donc, je me levai de bonne heure (plagiat minable de Proust). Je voulais voir une bande de frappés exilés pour des motifs injustifiables au fin fond de la Malaisie tourner en rond pendant des heures sur un circuit avec des motos inconduisibles qui ressemblent a des suppositoires géants. Tout avait bien commencé. Je m’assoupissais gentiment devant la dernière course quand un des frappés tombe, s’accroche à sa moto comme Noé à son arche, traverse toute la piste, le suppositoire fiché entre les fesses et se fait rouler dessus jusqu’à ce que mort s’en suive. Belle entrée en matière pour un dimanche matin.
Xavier Gorce, "Sans titre", in Le Monde, 2006 Après, je suis allé manger chez mes parents. Je voulais faire une bonne action. Tiens, comment résister à la tentation de citer encore Cioran : “Quand vous subissez la tentation du Bien, allez au marché, choisissez une vieille, la plus déshéritée et marchez-lui sur les pieds. Sa verve excitée, vous la regarderez sans lui répondre, pour qu’elle puisse, grâce au frisson que donne l’abus de l’adjectif, connaitre enfin un moment d’auréole”. Evidemment, la soupe sauce Alzheimer passe mal. Alors tu penses bien qu’en rentrant, j’ai regardé ta vidéo avec la reconnaissance de la victime pour l’antidote qui va la soustraire aux conséquences du venin. Encore un dimanche ou les scorpions n’auront pas eu ma peau.
Les changeurs de compteurs (formerly known as les voleurs de couleurs) prêts à commettre un de leurs odieux forfaits |
« Croire à la science ou pas est devenu une question éminemment politique, sans doute celle qui va décider de l’avenir du monde »
Tribune. Un habitant de l’Etat du Montana récemment interviewé par National Public Radio (NPR), réseau américain de radiodiffusion de service public, s’exprimait ainsi : « Ce sont des mensonges. Il y a beaucoup de preuves que la “pandémie” due au coronavirus est liée à la Chine communiste. Ils sont en train d’essayer d’imposer le marxisme communiste dans notre pays. »
Dans ces quelques phrases se trouvent résumées presque toutes les caractéristiques de la pensée complotiste : déni de la réalité telle qu’elle est établie par le consensus scientifique ou politique ; perception de la présence malfaisante d’une entité étrangère au sein du pays (ici, la Chine) ; affirmation que cette entité manipule la réalité, répand des mensonges et a pour but ultime le contrôle de la nation ; conviction que cette entité est d’autant plus puissante qu’elle est secrète et invisible.
Chimère cohérente et argumentée
La théorie du complot a donc ici une vocation justicière : elle se propose de dénoncer les manipulations et les mensonges proférés par des autorités (sanitaires, médiatiques, économiques, politiques) et de dévoiler une réalité cachée, celle du vrai pouvoir. Ce récit vise à mettre au jour le pouvoir mondial d’un groupe (les juifs ; la finance internationale) ou d’une personne (les Clinton ; George Soros ; Bill Gates) qui menace la nation ou le peuple : le complotisme se veut donc un contre-pouvoir. Dans ce sens, il a une affinité à la fois avec l’extrême gauche, qui dénonce le pouvoir insidieux des élites, et l’extrême droite, qui défend la nation assiégée.
Même si le complotisme est une forme de pensée magique ou d’hallucination collective, il ne ressort pas du mensonge : il est au contraire une parole de conviction et relève de l’ignorance. L’historien des sciences Robert Proctor et le linguiste Iain Boal ont proposé, sous le nom d’« agnotologie », d’étudier l’ignorance comme fait social. Le complotisme en fait partie, mais avec une nuance importante. Si l’ignorance se définit par l’absence d’un savoir (par exemple 62 % d’Américains interrogés ne pouvaient pas nommer les trois branches du gouvernement de leur pays), le complotisme se présente au contraire comme un savoir privilégié, une chimère cohérente et argumentée.
Plus réservée aux religions
En tant que telle, la pensée complotiste n’est pas nouvelle. L’antijudaïsme médiéval prenait lui aussi la forme de grands délires complotistes, imaginant par exemple que les juifs buvaient le sang des enfants chrétiens pour préparer la matza, le pain azyme consommé à Pâques (le mot « cabale » est un exemple de cet imaginaire à la fois complotiste et antijuif). Mais la pensée complotiste moderne n’est plus réservée aux religions ; elle est en passe de devenir un des discours centraux de notre espace public. En 2014, NPR révélait que la moitié des Américains croyaient au moins en une théorie complotiste. Plus récemment, il est apparu que 70 % de l’électorat républicain pense que les élections ont été frauduleuses. Le groupe QAnon, qui n’a pas été désavoué par Donald Trump et compte même parmi ses plus fidèles adhérents, diffuse l’idée qu’un culte satanique de pédophiles contrôle le monde. L’annonce finale de la victoire de Joe Biden a été vue par le président et son équipe comme un vaste complot fomenté par les démocrates, les industries pharmaceutiques, la Fondation Clinton et le milliardaire George Soros. Cela aura des incidences graves sur la perception de la légitimité du président élu.
Le complotisme est en passe de dissoudre l’une des dimensions constitutives de la démocratie, à savoir la tension entre croyances fausses et croyances vraies, entre opinion du peuple et opinion des élites expertes. La liberté d’expression avancée par la doctrine libérale de John Stuart Mill envisageait une telle friction mais considérait avec confiance que la vérité saurait prévaloir. Le pari que les démocraties ont fait sur la liberté d’expression et sur la force de la vérité est désormais remis en question.
La riposte au complotisme est particulièrement difficile parce que ce dernier s’appuie sur des éléments légitimes de la pensée actuelle et s’engouffre dans les brèches des épistémologies contemporaines. La pandémie due au Covid-19 a montré de façon éclatante que la fragilité de la démocratie commence par son épistémologie.
Le complotisme contemporain prend la forme du doute critique, remettant en question le pouvoir politique et l’autorité des experts. Douter de l’autorité était l’injonction glorieuse des Lumières, mais celle-ci se voit dévoyée dans les théories qui construisent le monde comme une vaste toile d’intérêts cachés. Dans une lettre à Arnold Ruge écrite en 1843, Marx appelait à « la critique impitoyable de tout ce qui existe, impitoyable en ce sens qu’elle n’a ni peur des résultats auxquels elle aboutit ni de conflit avec les pouvoirs en place ». Douter de toute autorité établie, voir le monde comme une vaste toile d’intérêts cachés est en effet une constante de la pensée complotiste contemporaine, qui ne croit ni aux procédures de comptage de voix, ni aux principes de virologie, ni aux méthodes scientifiques de certification des médicaments ou au réchauffement climatique. La seule vérité est celle de l’intérêt de ceux à qui le savoir profite.
Comme l’a écrit Luc Boltanski dans une étude remarquable (Enigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Gallimard, 2012), le complotisme s’intensifie avec la naissance de l’Etat moderne et avec l’incertitude qui l’accompagne sur la nature du pouvoir politique : qui au juste nous gouverne est la question posée par le complotisme. Est-ce l’Etat, les compagnies de pétrole, les industries pharmaceutiques, les milliardaires ou bien une coalition secrète entre tous ces acteurs ? Comme le sociologue, le complotiste cherche à révéler la réalité des intérêts cachés et se veut donc être une intelligence critique. « A une réalité de surface, apparente mais sans doute illusoire, bien qu’elle ait un statut officiel, s’oppose une réalité profonde, cachée, menaçante, officieuse, mais bien plus réelle », nous dit Luc Boltanski.
« Imagination paranoïaque »
Cette façon critique d’interroger le monde aboutit à ce que l’historien de la littérature John Farrell appelle une « imagination paranoïaque », qui est, selon lui, une des grandes figures de la modernité. Pour Farrell, l’individu moderne perd progressivement de son pouvoir sur son environnement et perçoit le monde comme indifférent ou même hostile à ses besoins, d’où l’émergence du doute systématique. Le résultat, nous dit-il, est qu’il n’est plus possible de trouver une autorité épistémique ou morale.
C’est d’autant plus le cas qu’un pan entier de la pensée philosophique du XXe siècle a eu pour but de remettre en question la notion de vérité et le bien-fondé – moral et épistémique – de la recherche de la vérité. Des générations entières formées au foucaldisme ont appris que le savoir était une technique de pouvoir et sont devenues des virtuoses de la suspicion – malgré le désaveu de Michel Foucault pour toute méthodologie de la suspicion. Il avait éludé la question de l’intérêt, mais sa philosophie eut pour effet de faire de la science, au sein même de la communauté scientifique, une question de croyance, position intellectuelle qui ne pouvait que légitimer en retour le camp des non-croyants. Cette remise en question du savoir officiel s’est manifestée avec acuité pendant la crise sanitaire qui a exposé le spectacle des désaccords scientifiques, de la fragilité du consensus scientifique et du caractère construit de ses vérités.
Subjectivation de la vérité
La critique du pouvoir, de l’autorité experte et de la science s’est adossée à un autre phénomène, lui aussi central à la culture du doute : le subjectivisme ou l’idée que chacun a le droit de définir sa vérité. Porter atteinte à la vision du réel tel que chacun le définit est devenu une atteinte à la personne elle-même. Cette subjectivation de la vérité a été le résultat conjugué du psychologisme, qui octroie à l’individu la légitimité de ses émotions et de ses interprétations du monde, et des valeurs du pluralisme et de la tolérance, apanage des démocraties qui se doivent de respecter les individus et leurs visions du monde, aussi idiosyncratiques soient-elles. Toutes ces perspectives – du doute, de la critique systématique, de la défiance des autorités, du respect de l’intériorité des individus — ont été centrales à la mise en place et au déploiement de la culture démocratique.
Mais il y a une raison finale, non moins importante, à la montée du complotisme : la démocratie s’est révélée être un régime politique profondément divisé entre sa propre théâtralisation, la mise en scène d’elle-même sous le regard incessant des médias, et une forme cachée, voire souterraine, d’actions politiques faites de compromis, de quid pro quo, d’intérêts financiers, d’ambitions personnelles et de pressions exercées sur l’appareil de l’Etat par des organisations qui veulent rester dans l’ombre.
Parce que le régime démocratique présuppose l’intérêt général et la transparence, tout écart de ces normes crée une méfiance profonde vis-à-vis du pouvoir. Jamais les représentants des institutions démocratiques n’ont été en crise et n’ont autant souffert du manque de confiance de la part des citoyens dans une grande partie du monde démocratique.
Par le biais des grands médias, la vie politique est désormais ponctuée par des scandales qui semblent révéler les rouages et machinations sordides du pouvoir : le Watergate a montré que Richard Nixon avait enfreint la Constitution en espionnant le parti rival et en tentant de faire disparaître les preuves de son crime ; le scandale de l’Iran-Contra avait mis au jour le fait que Ronald Reagan vendait en secret des armes à l’Iran de Khomeiny, malgré l’embargo officiel, pour reverser l’argent des ventes à ceux qui combattaient le régime sandiniste au Nicaragua. Les armes de destruction massive au nom desquelles la guerre en Irak avait été engagée se sont avérées inexistantes. Sous les feux de la rampe, la vie politique démocratique s’est révélée dans toute la splendeur de ses mensonges et ses intrigues. Le roman et les films d’espionnage, les séries télévisées à audience internationale comme House of Cards ou Borgen, sont venus s’ajouter à ce nouvel imaginaire, pointant vers une réalité cachée d’un monde politique essentiellement corrompu par l’argent et le pouvoir.
Image dégradée de la politique
Le conspirationniste représente une anomie épistémique qui reflète la perception de l’anomie du monde politique. Il se nourrit donc de la dégradation réelle de l’image de la politique et des politiciens, d’un climat intellectuel qui a attaqué sans relâche la notion d’autorité épistémique, et du subjectivisme qui donne à l’individu tout pouvoir de définir sa propre réalité.
Dans ce sens, le complotisme est un non-savoir – ou une forme organisée d’ignorance qui se veut être plus intelligente que le « système ». C’est la raison pour laquelle certains ont avancé que le complotisme est le fait d’individus aliénés qui ne se sentent pas représentés par les institutions.
Le complotisme de cette dernière décennie signale une transformation inédite de la démocratie : l’alignement des camps politiques autour des questions du savoir et de l’autorité épistémique. Pendant la crise sanitaire, les camps républicain et démocrate ont été profondément divisés, précisément sur le bien-fondé de l’autorité médicale. Les résultats des élections avaient commencé par donner une victoire à M. Trump mais ont changé quand on a commencé le comptage des voix par courrier, c’est-à-dire les voix de ceux qui ne se sont pas rendus aux urnes parce qu’ils croyaient dans l’autorité des experts sanitaires.
Historiquement, le complotisme a existé autant à droite qu’à gauche, mais récemment il est devenu essentiellement l’arme idéologique de l’extrême droite. Cela est dû au fait que pour les populistes, les autorités médicales et scientifiques sont désormais des élites tout court, des groupes dont la parole compte autant que la leur. C’est aussi dû aux énormes efforts de la classe industrielle alliée à la droite et de l’extrême droite pour nier le réchauffement climatique, efforts qui ont nécessité le rejet même de la science. Croire ou pas à la science est devenu une question éminemment politique, sans doute celle qui va décider de l’avenir du monde. L’épistémologie est désormais au cœur de notre démocratie et de son avenir.
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Eva Illouz est directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ses recherches portent notamment sur la sociologie des émotions et de la culture. Elle a rédigé plusieurs essais, parmi lesquels Les Sentiments du capitalisme (Seuil, 2006), Pourquoi l’amour fait mal (Seuil, 2012), Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, coécrit avec Edgar Cabanas (Premier Parallèle, 2018), et Les Marchandises émotionnelles (Premier Parallèle, 2019).