"Johnny, mon Dieu, qu’est-ce qui nous est arrivé ?" Sa voix n’était qu’un souffle, comme une brise désolée après une tempête qui aurait mis fin à tout espoir et à toute illusion.
Il connaissait la réponse : ce qui nous est arrivé, c’est moi. Mais il dit plutôt : "Ca va s’arranger."
Ses larmes l’avaient épuisée et il ne restait rien dans sa voix ou dans ses yeux qu’une mélancolie douce et désarmante.
"Qu’est-ce que tu veux, Johnny ? Qu’est-ce que tu veux ?
-Je te veux, toi. Je veux ce que nous avions. Je veux que nous soyons heureux."
C’était vrai. Il la voulait. Il voulait se perdre encore dans les vagues croissantes de son amour. Il voulait tout; le monde. Il la voulait elle toute - et la chair aussi de toutes les salopes qui attisaient son regard - sans offrir un brin de lui-même, de même qu’il avait soif de richesse sans daigner travailler, de même qu’il souhaitait attirer tout le bonheur et toute la joie du monde dans le vortex mort de son être sans donner rien en retour. Il voulait que Diane - et il voulait que le monde tout entier - soit l’objet et le vaisseau de son bien-être et de son salut. Il voulait ce qu’en elle ni en quiconque il n’aurait pu admettre, tolérer ou pardonner : la confiance en échange de la supercherie, la loyauté en échange de l’infidélité, l’amour en échange de la froideur, dévotion contre indifférence, honneur contre mépris, prospérité contre paresse, la bonté en retour de la cruauté proférée. Il voyait l’injustice et l’iniquité inhérentes en cela, et il persévérait pourtant, comme s’il croyait en l’existence intangible d’une dispense démoniaque et d’un droit acquis, un certain "droit du mal", qui lui revenait, à lui seul.
(…) Les médecins l’avaient convaincu d’aller aux Alcooliques Anonymes après sa sortie. Et il y était allé. Mais au bout d’un moment il avait commencé à voir que c’était une arnaque. La plupart de ceux qu’il y voyait, par comparaison, n’avaient jamais vraiment bu tant que ça. Ils allaient aux réunions, s’était-il dit, comme d’autres vont au bar ou font du bénévolat à l’église : c’était une façon d’avoir une vie sociale. Pour certains, les A.A. semblaient être un substitut à la vie, un microcosme qui avait sa propre mythologie, sa hiérarchie et son langage, un refuge où ceux qui n’étaient pas capables de trouver ailleurs l’attention, l’amour, le sentiment d’importance qu’ils recherchaient, pouvaient venir ici se faire bichonner. Pour d’autres, cela semblait être une contre-addiction qui créait un climat de faiblesse plutôt que de force. Elevés du statut d’ivrognes à celui d’alcooliques, de celui de paumés à celui d’âmes affligées, les serviteurs pas si anonymes des A.A. semblaient jouir de l’importance et de la compassion que leur accordait la prétention qu’ils étaient aux prises avec la maladie. C’étaient des snobs, à leur façon, des clodos élitistes qui octroyaient à l’ivresse une dignité illusoire en lui donnant le nom d’alcoolisme. Johnny avait regardé sa mère pourrir doucement et douloureusement d’un cancer. Pour lui, ça c’était une maladie. Quelle maladie pouvait être contrôlée par la volition ? c’est ce qu’il voulait savoir. Mais d’un autre côté, A.A. ne laissait pas trop de place au libre arbitre. Son credo d’impuissance et de soumission aveugle à une déité terne d’ivrognes garantissait l’étranglement de l’âme, l’étouffement de la volonté, une douche froide à ce que la sagesse antique nommait l’étincelle héroïque. (…) Avec son insistance dictatoriale à la participation de réunions sans fin, à l’endoctrinement et à la conversion, l’organisation niait qu’il y eut des hommes et des femmes dont le pouvoir soit limité, et non rehaussé, par les restrictions et l’influence de la conformité, qui ne trouvent pas de confort dans le groupe, qui sont diminués plutôt qu’augmentés par le fait de remettre leur destinée aux mains d’un autre. Comme toute religion ou tout culte, le message ultime est ceci : qu’il n’y a pas d’autre chemin. Et ce message était pour Johnny, comme toujours, anathème. C’était déjà une chose, provenant de l’Eglise dont le glaive d’autorité avait fait couler le sang depuis deux millénaires, mais venant d’un culte dont l’histoire remontait à soixante ans et à un connard du nom de Bill, c’était franchement grotesque."
Ce passage de Trinités, roman de Nick Tosches sur le mal absolu et ceux qui choisissent de l’incarner, m’avait terrifié quand j’étais jeune abstinent. Niveau un, c’est à ça qu’on reconnait le mal : il fait peur. Fastoche. Cette description très documentée du mouvement des A.A. vu par l’oeil d’un mafieux que les défections de son organisme contraignent au sevrage est réaliste, et en même temps erronée : elle relève du Niveau deux, la Provoc, qui tente de démontrer que le Bien n’est qu’un malentendu entre chochottes consentantes, un compromis bâtard qui consiste à préférer la cessation de la souffrance à tout autre objectif. Quand on lit le "Big Book", la Bible historique du mouvement, il est patent que Bill a vécu une théophanie, après quoi il a créé un égrégore qui a sauvé des millions de gens de par le monde d’une mort imbécile précédée de souffrances atroces. On y croise plutôt moins de lopettes et de désaxés qu’ailleurs, parce que nous arrivons tous de notre petit enfer liquide et portatif, et que nous sommes très motivés pour n’y point retourner. L’authenticité, l’honnèteté et la sincérité y sont activement cultivées, non par vertu mais par confort : elles semblent seules pouvoir nous éviter de redoubler les petites classes de cette maternelle de la spiritualité.
"Pour lui, la lente descente dans l’oubli, avec tout ce qu’elle comportait d’attente et de possibilités - un pari gagné, une bagarre, un frisson de joie dans un éclat de rire ou une chanson, un souvenir soudain ramené à la vie - c’était le principal de la chose. Il fallait parfois des jours et des nuits sans sommeil pour en arriver là, mais il en avait savouré chaque instant. Toutefois, avec le temps, l’attente et les possibilités s’étaient amenuisées, et il s’était contenté de boire, sans illusion et sans fausse joie. Boire et rien d’autre. Et quand il s’était rendu compte qu’il en avait fini à jamais de l’attente et des possibilités, il s’était demandé ce qui continuait à l’attirer. Et il avait su alors que ça n’avait jamais été les filles, ni rien d’autre. Depuis toujours ça n’avait été que l’oubli. C’était là son véritable amour : l’oubli.
A Milan, il avait tué intentionnellement. Mais, au cours des ans, il avait perpétré le même crime contre lui-même, et sans savoir pourquoi. Finalement, il avait plus de validité en tant que tueur qu’en tant que protagoniste de sa propre existence."
…Johnny envoie donc les gentils A.A. se faire foutre, n’assistant aux réunions que pour se fournir en gonzesses, et vit son abstinence tout seul, parce qu’il l’a, lui, cette étincelle héroïque, et c’est l’autre sujet du bouquin : l’itinéraire spirituel d’un nuisible qui vit ça les yeux ouverts. Il trouvera son chemin, mais pas la rédemption, définitivement classée affaire de couilles molles.
(ça doit être l’arrèt du tabac qui me fait focaliser comme ça en ce moment)
"Je ne vois pas de la même façon que nos ancètres.
Ici il n’y a ni Patriarche ni Bouddha.
Bodhidarma n’est qu’un vieux barbare puant.
Gautama est un vieux papier toilette desséché."
Te-Shan (780-865), cité par U.G.
On peut envoyer tous les bouddhas se faire foutre, mais il faut d’abord avoir suivi les enseignements.
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Je pense surtout que la femme est menteuse. Ce qu’elle aime, c’est King Kong (suffit d’aller voir le film) et elle le sait très bien. Le problème c’est qu’elle ne peut pas le rceonnaître. Ce serait reconnaître qu’elle veut être maltraitée. Et pourquoi le voudrait-elle ? Parce qu’au fond d’elle même elle a une parfaite conscience de son incroyable prétention en tant qu’ego.
Rédigé par: flo | le 20 décembre 2005 à 08:55| Alerter Rédigé par: flo | le 20 décembre 2005 à 08:55| AlerterTu vas me répondre ce que tu as dit dans ton post, à savoir que la femme veut un lion apprivoisé, qui resterait agressif avec l’extérieur, et je rétorque qu’elle préfère le lion non apprivoisé. Un lion apprivoisé par une petite conne est au fond quelque chose de méprisable. C’est un idiot, un faux lion. Les gens qui achètent des tigres les achètent pour se faire peur, pas pour avoir des chats de 250kg à la maison. Moi-même j’ai eu des pythons et je dois avouer que s’ils n’avaient pas essayé de me mordre de temps en temps, ils m’auraient déçue. C’est pour ça que les nanas aiment les connards inchangés et les mecs qui les frappent, ça les ramènent à ce qu’elles sont vraiment : rien du tout. J’ai un pote qui m’a expliqué comment les nanas essayaient de se faire frapper, et pour les avoir vu faire, je sais que c’est vrai. Et même, dans mon roman, quand le héros se transforme en nana, on voit qu’il/elle fait chier son consort jusqu’à ce que ça tombe.
Ce que ne réalisent pas les nanas en revanche, c’est que pour que la relation avec le mâle alpha soit intéressante, il faut être soi-même une femelle dominante (comme dans Mr et Mrs Smith, par exemple). Dans cet ordre d’idées, il est très amusant d’observer les couples “culturistes”. Plusieurs fois j’ai vu un mec super balaise jeter son dévolu sur une petite minette et la mettre sous les barres. Et la nana, ben elle y va. J’en connaissais un qui était entraîneur de powerlifting, il devait faire quelque 300kg au squat, et donc il était avec une minette de 50kg, et quand elle ne voulait pas aller sous une barre de 120kg, il lui jetait “allez va, retourne à ta couture !”. La pauvre.
j’évoque des gorilles technocrates, tu me réponds femelles hystériques. Comme disait Konrad Lorenz, on a retrouvé le chainon manquant entre le singe et l’homme : c’est nous.
Rédigé par: john | le 20 décembre 2005 à 10:20| Alerter Rédigé par: john | le 20 décembre 2005 à 10:20| AlerterJohn tu fais une interprétation sans aucune nuance de ces “frenchtouch séducteurs”, d’où transpire la jalousie, l’aigritude et la frustration.
S’assumer et affirmer sa personnalité ne fait de personne un trou du cul, ou un macho, ou un gorille maltraitant.
Traiter les femmes comme de la merde, ça, ça fait de toi un trou du cul, et il n’est écrit nulle part sur FTS que c’est ce qu’il faut faire, bien au contraire.
Quant à Frantico, il dessine bien, il est rigolo, mais je ne suis pas sûr qu’il intéresse vraiment les filles à qui LUI s’intéresse (sa voisine, par exemple ).
Les mecs qui répriment leur masculinité et qui essaient d’endosser des valeurs surgies du paradigme romantique hollywoodien passent leur temps à déblatérer sur “les connards qui traitent les femmes comme de la merde, qui aiment bien ça les salopes” …
Rédigé par: Tod | le 20 mars 2006 à 15:52| Alerter Rédigé par: Tod | le 20 mars 2006 à 15:52| AlerterAlors qu’il n’y a (finalement) que des mecs qui s’assument, s’amusent, amusent et intéressent les filles avec qui ils s’amusent… et ceux qui regardent en faisant amalgames et raccourcis, tout en serrant les poings et en reprochant au monde entier (surtout celui qui “réussit”) leurs échecs amoureux et personnels, dont ils sont les seuls responsables, du fait de leur immobilisme monolithique.
Que je sois un trou du cul rêvant d’une improbable rédemption, le fait est amplement avéré sur ce blog. J’ai engraissé les marchands de cyber-cul au lieu d’assumer mes pulsions de domination et ma soif d’aventures sexuelles. Pour moi aujourd’hui il ne peut s’agir d’être encore épouvanté par ces pulsions ou de les dénigrer chez les autres, mais de comprendre en quoi ce sont des attachements néfastes qui m’ont mené à un profond dégoût de moi-même, au même titre que les idéaux romantiques dans lesquelles elles se drapaient avant mon addiction.
Rédigé par: john | le 21 mars 2006 à 14:29| AlerterSinon, oui bien sûr que je rèverais d’être un moraliste et de décrier l’efficience des stratégies d’école de commerce et l’instrumentalisation des techniques de développement personnel appliquées à la recherche du plaisir masculin. Je reconnais une certaine dose d’honnêteté et d’intelligence aux rédacteurs du site dans leur description d’un monde qui se divise quand même en prédateurs, en proies et… comment baptiser tout le reste ?
Je laisse les belles femmes à ceux qui savent les apprécier et qui se donnent les moyens de les séduire. Je reconnais qu’il y a là un certain dépit de ne pouvoir jouer joyeusement dans la cour des séducteurs. J’ai rencontré des libertines adorables, qui assumaient pleinement leur sexualité, et j’ai des amis à qui ça ne pose aucun problème insurmontable. Manifestement, je ne suis pas de ce bois-là. La sexualité est chez moi directement reliée à l’émotionnel, en même temps qu’à ces pulsions relevant d’un désir de fusion mystique avec le monde, (on ne rit pas) largement incompatible avec la poursuite de conquètes féminines. Si j’arrive déjà à reconquérir ma femme, j’aurai pas tout foiré dans cette vie