lundi 27 mars 2023

Mexico : son chanteur, ses produits du terroir (1)

Souvenons - nous, c'était hier :
A vingt ans, je lis tout Castaneda, d'un coup, sans respirer, comme beaucoup d'aspirants hippies de ma génération, nés juste un peu trop tard pour tester les psychédéliques exotiques et faire des expériences en communauté. On est au début des années 80, et je trouve chez un bouquiniste du marché aux Puces de Montpellier un exemplaire du fameux incunable "LE PEYOTL La plante qui fait les yeux émerveillés." 
je l'ai retrouvé sans problème
l'an dernier sur Amazon;
il me semble qu'à la lecture,
il a pris moins de rides que moi.
C'est un fac-similé, régulièrement republié chez Tredaniel, d'un ouvrage écrit par un botaniste français dans les années 20. Fier de ma trouvaille, je prête mon exemplaire à l'arabe dément Abdul-Benalla-Akbar, qui s'enfuit avec, dans un mauvais  rire d'impunité parlementaire, et je ne le revois plus. 
Pour me consoler, je lis Huxley, Michaux, et tutti quanti. Faut croire que ça ne marche pas terrible, puisque je deviens en même temps consommateur régulier de chanvre indien, cet opium du peuple, qui me déçoit beaucoup parce que je suis programmé par mon éducation pour me décevoir encore et encore, en tentant vainement de tenir la posture, trop intense pour mes frêles épaules, telle que décrite par Aragon dans son poème "Est-ce ainsi que les hommes vivent" :

À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays.

Les filles de l'époque sont dissemblables et rigolotes, mais l'interaction finit souvent en expériences d'attachement affectif douloureuses, suivies de ruptures qui le sont tout autant, avec en bonus l'accablement de la perte et du deuil, qui est alors devenu une seconde nature, une ombre qui me suit pas à pas, et un terreau fécond pour une tendance fortement dépressive en gestation; à part les filles, je teste d'autres produits 😂, plus compliqués à trouver sur le marché 😈, car je suis très curieux des effets des psychotropes sur la conscience, ce qui dix ans plus tard, de fil de pêche en aiguille à couture, une chose en amenant une autre, finit par m'ouvrir les portes, non pas de la perception, mais des Alcooliques Anonymes, dans le sens de l'entrée, qui deviendra pour moi une sorte de classe de maternelle de la spiritualité vivante, où je retrouve un semblant d'unité intérieure, à condition d'observer une abstinence continue du produit modifiant le comportement; c'est dans les premiers temps un pari risqué, puis un pacte quotidien avec moi-même, renouvelé chaque jour que Dieu fait, sans présumer du lendemain, qui anyway n'arrive jamais, car dans la méthode de rétablissement qui nous est suggérée, le seul horizon vécu se limite aux bordures d'aujourd'hui. Ça peut sembler encore plus con qu'une bite en action, ou même au repos, mais n'ayant plus grand chose à perdre, sinon ma famille (car nous venons d'avoir un premier enfant avec ma compagne), mon honneur perdu et mon travail, je teste, dans la durée, et ça marche.
D'autres addictions viendront plus tard, moins pittoresques dans leurs manifestations mais pas dans leur violence ni dans leur durée, je changerai de symptôme et de produit, et serai tardivement dépisté comme porteur de tendances bipolaires, à l'occasion d'un burn-out fin 2011.
Sous des dehors un peu fantaisistes,
le site de ce psy "rockologue" est une mine 
d'informations sur les pathologies mentales
(et comment faire avec, à défaut de s'en débarrasser)
https://igorthiriez.com/ 

==> pour ceux que ça intéresse : plus précisément, suite à un virage carabiné de l’humeur induit par un antidépresseur, révélateur d'un rouble bipolaire de type 3

Face aux ratés & rechutes dépressives de mes premiers contacts avec les "médicaments" psychotropes, je suggèrerai finalement à mon psychiatre d'essayer le lithium, devant lequel il avait jusqu'ici reculé, du fait sans doute que c'est souvent un traitement "à vie", qu'il voulait peut-être m'épargner, je ne sais pas, je ne suis pas psychiatre, mais patient. 
On est alors en 2015, et la météo s'améliore, la navigation aussi, adieu les ciels plombés, le mal de mère et l'enclume des jours. 
Je découvre un certain confort de marche grâce à cette béquille chimique, qui me permet d'évoluer au sein de la RRR (Réalité Réelle Ratée, un concept malicieux que m'a vendu à prix coûtant sur son lit de Maure mon ami et compagnon d'infortune Louis-Julien Poignard) sans me ramasser la gueule par terre ni tenter compulsivement de remonter les caniveaux à contre-courant en ouvrant la bouche et en fermant les yeux (alors que c'est l'inverse qu'il faudrait faire) si d'aventure je me retrouvais dans une position aussi défavorable. Mon humeur se stabilise, rares sont les moments où je me prends à nouveau les pieds dans mes poubelles existentielles quand j'ai oublié de les sortir, de les vider, de les rincer. Ou quand j'ai nié leur toxicité, pour mieux replonger dans leurs remugles capiteux, 
dans l'espoir souvent déçu de dénouer d'anciens noeuds sans me rependre avec, et de faire du déchet une ressource. Toutes ces aventures sont sédimentées et versionnées en long, en large et en traviole par votre serviteur, sur ce putain de blog, alors me faites pas chier avec ça et reportez-vous aux dates et prescriptions d'emploi dans la nomenclature. 
(Et puis surtout / N'oubliez pas de me faire envoyer la liste / Des erreurs constatées au F 756 du 72 03 10 😜😝)

Soudain, nous voici fin mai 2022, et mon voisin jaillit tout bronzé de la haie de conifères qui sépare nos deux propriétés : il rentre de 8 jours au Mexique. Et moi qui le croyais dans sa résidence secondaire, en Vendée. Il me détrompe avec bonhomie, et me demande si j'ai trouvé une poule pour égayer la solitude de la mienne. Car elles étaient deux, et puis l'autre est morte de sa belle mort, elle avait mal à une patte, elle ne pouvait plus ni marcher ni gratter, je la portais dans la pelouse le matin et la rentrais dans le poulailler le soir, une poule d'ornement au sens littéral du terme, et un matin, crac, je la trouvus toute raide dans sa cabane, la pauvrette, j'étais vraiment allé aussi loin que je pouvais dans le soin palliatif, et maintenant il fallait encore la laisser partir. 
Je l'attrapis donc par une patte, j'allas vers le bois, et hop, lancer franc vers le Bartàs, (ancien occitan barta “buisson, broussaille”). 
https://www.etymologie-occitane.fr/2011/07/bartas/

mes poules prenant un bain de soleil sans remarquer les paparazzi,
qui ne prend pas de s au pluriel, au printemps 2020.

La messe est dite, silencieuse mais attentivement suivie par les yeux des renards des fourrés, accablés de compassion active, qui pullulent dans cette partie reculée du Wyoming. Entretemps, la grippe aviaire s'est étendue dans tous les Pays de la Loire, désignant d'un index vengeur les élevages industriels comme vecteurs privilégiés de maladie : il faut voir la promiscuité de ces pauvres bêtes, alors que les deux miennes disposaient de 1000 mètres carrés de verdure et n'étaient jamais malades. Donc, plus moyen de trouver une poule vivante, la volaille se retrouve au mieux confinée, au pire génocidée en masse dans les élevages et en tout cas aussi interdite à la vente que de vulgaires champignons hallucinogènes mexicains.
Elle est pourtant nettement moins psychédélique, et bien plus nourrissante.
"On peut encore se ravitailler dans les Deux-Sèvres", me glisse discrètement mon voisin par dessus la haie, et il propose gentiment de me dépanner, il voit son beau frère ce week-end, ça m'éviterait de relancer la filière albigeoise, ou d'aller dans le Morbihan, puisque la Prohibition ne frappe pas la Bretagne limitrophe, terre de liberté sur laquelle y'aura toujours un con avec un drapeau breton, mais faut pas être trop gourmand, on peut pas tout avoir  tout le temps non plus.
on raconte qu'il existe sur le darkweb
une version parodique
du film de Richard Pottier,
dans laquelle John Warsen,
complètement high au Seroplex®,
interprète tous les rôles du film,
à l'aide d'un maquillage outrancier,
et de trucages approximatifs.
Il faut que je pense à regarder 
s'il a reçu des critiques positives sur alluciné.
Sur ce, il m'abandonne pour tondre sa pelouse, qui fait bien 3 cm, et le soir même il l'arrose, pour qu'elle repousse et qu'il puisse la retondre. Il est comme ça, mon voisin, un peu hyperactif, il faut qu'il s'occupe, en permanence, de préférence avec des trucs à moteur qui font du bruit, mais c'est pas par méchanceté, il craint juste que l'oisiveté soit mère de tous les vices. Il est démuni d'aptitudes à la contemplation, qui serait même assez anxiogène, si jamais il se risquait un jour à participer à mes séminaires de méditation et toucher rectal, dont j'évite de bourrer sa boite aux lettres de mes flyers photoshoopés, car au fond, je le comprends et ne lui en tiens nulle rigueur.
En même temps, je ne puis m'empêcher de jalouser hyper-secrètement cet Hilarion Lefuneste de retraité à l'empreinte carbone hideuse, car moi si j'allais au Mexique, ça serait pas pour aller boire de la téquila avec le Commandant Marcos aux frais de Nouvelles Frontières et des tour operators du Chiapas, d'abord je rendrais visite à Alfonso, l'ami mexicain rencontré aux AA qui m'a bien aidé à surmonter ma déprime et les effets secondaires des antideps en 2012, et puis je me chercherais un chaman sud-amérindien pour tâter du peyotl et de la mescaline... 

Il y a deux ans, pendant Confinement_1, alors que la cueillette des girolles était interdite et la confection de l'omelette rituelle rendue impossible par la maréchaussée, en cherchant des images pour un article de blog plutôt ironique sur la question des psychédéliques, j'ai accidentellement découvert "Voyage aux confins de l’esprit", un livre de Michael Pollan qui retrace leur histoire et l'état de la recherche, et j'ai été séduit par tous ces récits de dépressifs et d'addicts qui semblent se trouver mieux sur le long terme après avoir tâté des psychotropes sauvages (LSD, psilocybine, mescaline) et y avoir connu ou reconnu des expériences d’émerveillement durable, mais c'est sans doute pas pour tout le monde. Ma condition de porteur de tendances bipolaires n'est-elle pas contre-indiquée pour une telle thérapeutique ?

le titre ressemble à du Goossens,
mais pas le contenu.
« Chez les sujets sains, les psychédéliques – en introduisant davantage de bruit ou en augmentant l’entropie dans le cerveau – peuvent nous faire sortir de nos schémas de pensée habituels («lubrifier la cognition», selon les termes de Carhart-Harris) afin d’améliorer notre bien-être, nous rendre plus ouverts et stimuler notre créativité. Selon Gopnik, ces substances peuvent aider les adultes à accéder à la pensée fluide, qui est une seconde nature chez l’enfant, et à élargir le champ des possibilités créatives. Si, comme elle l’estime, «l’enfance est un moyen d’injecter du bruit – et de la nouveauté – dans le système de l’évolution culturelle», les psychédéliques pourraient en faire de même chez l’adulte.
Quant aux malades, les patients qui ont le plus à gagner sont ceux qui souffrent des troubles mentaux dus à une rigidité mentale, comme l’addiction, la dépression et l’obsession.
Il existe tout un ensemble de problèmes et de pathologies chez l’adulte, comme la dépression, causés par le ressassement et une focalisation trop étroite liée à l’ego, explique Gopnik. On bute sur la même chose et on ne s’en sort pas, on devient obsessionnel, voire accro. Il me semble tout à fait plausible que l’expérience psychédélique puisse nous aider à nous sortir de ce type d’état en nous donnant la possibilité de récrire les vieilles histoires qui nous définissent.»

Comment résister au puissant attrait que cette réclame exerce sur des gars comme moi ? avec toutes les valises que je traine dans mes casseroles ? c'est vraiment difficile. Avec en plus la nostalgie de n'avoir pas testé ces trucs quand c'était de mon âge, et plus à ma portée.
Le chemin sera tortueux : avec mon traitement régulateur d’humeur, assez efficace ma foi, je n'ai pas du tout l’impression de prendre un médicament, ni ne ressens d’effets secondaires, et cela fait déjà quelques années que je jouis à nouveau de la liberté de choisir mes pensées, au prix d’une sobriété émotionnelle, certes, qui finit par m'inquiéter.
Ne suis-je pas en train de faire du surplace dans ma life ? mais est-ce que tout cela est bien compatible ? et raisonnable ? ne cherchè-je pas plutôt à me créer de nouveaux ennuis, lassé du manque d'intensité procuré par les anciens ? 
J’ai eu la présence d’esprit de taper lithium + mescaline dans Google, histoire de vérifier la sécurité du voyage du 3eme âge, lithium + mescaline c’est beau comme une chanson inédite d’Hubert-Félix Thiéfaine avant qu'il renonce aux Narcotiques, mais j’éprouvis alors une légère déconvenue : l’interaction entre le médicament et les psychédéliques était réputée désastreuse, puisque les 2 substances agissent sur les récepteurs de la sérotonine, on risquait le syndrome sérotoninergique, pas bon du tout même pour les psychonautes les plus aguerris.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_s%C3%A9rotoninergique
Bref, il fallait éviter coûte que coûte la catastrophe industrielle. 
Et donc, commencer par se passer du lithium, au risque d'en déclencher une autre.

La catastrophe industrielle, débouchés et applications, figure 1.


(à suivre...)

mardi 14 mars 2023

Je te salue, Marie (3)

...brouillon de courrier aux parents de Marie après sa disparition, dans l'espoir de les faire mourir de chagrin, assorti d'une magnifique photo d'elle à 22 ans. Suggestions de passages à enlever surlignés en jaune par sa jeune sœur, sollicitée pour relecture avant envoi; lettre ni finalisée ni envoyée; et l'article est complètement antidaté, j'ai rédigé ça dans la semaine qui a suivi la mort de Marie, et ça fait déjà un an qu'elle nous a quittés. Enfin, je fais le malin, mais ça faisait 30 ans qu'on ne s'était pas vus.

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Bonjour M*,

Bonjour H*.


H*, je suis désolé de n’avoir pas trouvé le temps de te saluer le jour de l’enterrement de votre fille, quand j’ai révélé ma présence à M* juste après l’inhumation, les vannes se sont ouvertes, son accueil chaleureux a déclenché en moi un petit tsunami, et j’y suis allé de bon coeur, après tout les funérailles sont des endroits où l’on peut pleurer aussi fort que pissent les vaches, et conserver néanmoins une certaine dignité, voire y accéder un peu tard, comme dans la chanson de Brel sur les toros, quand il évoque les épiciers qui se prennent pour Montherlant au moment de la mise à mort, ou un truc du genre.


Et après ça, je me suis laissé porter par le moment présent, et puis il fut l’heure de raccompagner W* au train de Guingamp, et de la remercier pour m’avoir suggéré de venir à la cérémonie, alors que à l’annonce du décès huit jours plus tôt je ne me sentais pas tellement légitime de m'y rendre, après 40 ans de silence peut-être attentif, en tout cas partagé, après une relation interrompue en 1983 et qui n’avait pas repris, pour des raisons dont on peut désormais se tamponner raisonnablement le coquillard, avec toutes les choses qui apparaissent soudain inutiles et vides face au départ d’un être cher et irremplaçable.


La Marie que j’ai connue, au sortir hésitant de nos adolescences, était une insoumise, une sauvageonne. Une vraie Peau-Rouge. Et moi je me sentais comme un petit Blanc...bec, ravi d’avoir été capturé et rééduqué à la culture indienne, après avoir craint un délicieux moment d’être purement et simplement dévoré à la sauce barbecue cheyenne, c'est-à-dire tout cru et sans même une pauvre feuille de salade. Nous avons ensuite vécu une relation magique et trouble, confuse et saccadée, trois années de rang : nous étions ivres de notre liberté de jeunes adultes, entièrement soumis au principe de plaisir et voulant tout ignorer ou presque des conséquences de nos actes, tant que cela a été possible.


A tel point que nous ne pûmes nous pardonner certaines erreurs, et dûmes nous séparer. 

Bref. Je vous la fais courte, j’aimais beaucoup Marie, je crois bien qu’elle aussi, elle a beaucoup compté pour moi, avec sa fantaisie, sa générosité et sa cheyennité, on pensait naïvement que la liberté consistait à faire ce qui nous plaisait et l’apprentissage des responsabilités de la vie d’adulte, et des épreuves qui attendent les gens qui se mettent «en couple» nous intéressait bien moins que d’expérimenter des trucs et des machins, quitte à se faire mal et à en tirer des leçons de vie, mais pas toujours. C’est ça qu’est chouette, dans la vie, finalement : on fait ses choix, et quand on se trompe, on peut en changer.

Tant qu’elle met longtemps à devenir courte.


Alors que quand on est mort, tout se fige sous la glace de l’irréversible.

Et je dis pas ça pour réinventer la pâte à tartiner les regrets éternels, je suis pas le mieux placé pour ça, avec ma tenue de petit ami défraichi, resté auto-confiné dans un placard d’absence depuis 83. Ma mère me l’avait pourtant bien dit : il vaut mieux faire envie que pitié. Tant pis. J’ai toujours conservé cette méfiance vis-à vis de mes envies de renouer le contact avec Marie : me connaissant, je ne parvins jamais à croire à la pureté de mes motivations, et craignant de vouloir renouer au risque de me rependre, je préférai rester à distance pendant ce que j’ignorais alors être le reste de l’existence qui lui fut proposée. Je ne voulais pas lui nuire, ou faire tort à d’autres, ni à la mémoire de notre amour passé.

Comme le rappelle aussi un lama qui ne s’appelle pas Serge, « Il est des souffrances inévitables, et d'autres que nous nous créons. Trop souvent, nous perpétuons notre douleur, nous l'alimentons mentalement en rouvrant inlassablement nos blessures, ce qui ne fait qu'accentuer notre sentiment d'injustice. Nous revenons sur nos souvenirs douloureux avec le désir inconscient que cela sera de nature à modifier la situation – en vain. Ressasser nos maux peut servir un objectif limité, en pimentant l'existence d'une note dramatique ou exaltée, en nous attirant l'attention et la sympathie d'autrui. Maigre compensation, en regard du malheur que nous continuons d'endurer. » 

Ce risque de lui nuire s’étant éteint avec elle, je suis venu lui rendre un dernier hommage.

Pour tout dire, je la croyais fâchée. J’appris cette semaine qu’elle avait conservé un intérêt constant pour mon parcours, qu’elle s’en informait auprès d’amis communs, et qu’elle me nommait parfois « son amour de jeunesse ».

Que demander de plus, dans ces circonstances ? Je me sentais juste un peu ballot, voire concon, et sa soeur F* ajouta à mon trouble, quand je lui avouai n’avoir trouvé aucun prétexte valable pour reprendre contact, elle me regarda comme si je me moquais d’elle (alors que je mimais une honnêteté sans doute un peu contrite) « aucun prétexte ? un gars comme toi ? avec toute l’imagination que tu as ? » elle n’avait sans doute pas tort, mais la messe était dite. Et j’ai dit que je vous la faisais courte.


Vous trouverez ci-joint la photo de Marie que j’ai exhibé mardi dernier comme un passeport justifiant ma présence, elle date de fin aout 1982, votre ainée y apparaît radieuse. Elle le fut. Je suis témoin; pendant plusieurs jours cette photo a alimenté mon trouble grandissant et mon chagrin, et je ne voudrais pas vous accabler de ce poison. Les images, sont à la fois vraies et trompeuses, tout dépend en définitive des intentions de celui qui les regarde. Quand il s’agit de nos chers disparus, un simple cliché comme ce pauvre instantané noir et blanc délavé peut nous fendre l’âme, ou alors nous émouvoir positivement, en nous rappelant le devoir d’essayer de vivre à la hauteur des combats menés, même si le départ définitif semble une défaite, et même si l’impression qui domine pour l’instant est celle de l’accablement devant la perte.

J’espère avoir tiré assez d’exemplaires pour que vous puissiez en distribuer à la fratrie, aux conjoints et ex-conjoints, aux enfants de Marie, que je ne connais pas mais que j’aurai plaisir à croiser si l’occasion se présente; encore un peu encombré de mon problème de fantôme, je ne vais pas vous courir après, mais j’aurai plaisir à échanger avec vous si vous me sollicitez.


En vous remerciant encore de votre accueil et de votre écoute,

Chaleureusement votre,


Christophe 



vendredi 10 mars 2023

Je te salue, Marie (2)

Printemps 1981.
De dos, on devine sa soeur cadette.
Sauf qu'on peut pas deviner.
Je te salue, Marie, mais si je retrouve tes lettres dans ma boite à courrier de Pandore, d'où j'ai déjà exhumé le photomaton qui tue, je vais perdre le peu d’étanchéité qu'il me reste; par chance je crois bien les avoir toutes brûlées.
J’irais bien à ton enterrement, mais je me vois mal débarquer, la gueule enfarinée, après presque 40 ans d'un silence partagé, ni explosif ni vraiment complice, plutôt indifférent. Je me sentirais comme un vieux crocodile, ou un requinou riquiqui tardivement attiré par l’odeur du sang qui  s'attarde un moment au-dessus du lagon, et cet irrépressible besoin qu’ont les survivants des événements tragiques de manifester leur grégarité (et réaffirmer leur solidarité une et indivisible !) quand l’un d’entre eux tombe à la baille. C'est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases. 
Bref, je me sens suspect. 
Indépendamment de ma peine. 
Et j’ignore tout de l’accueil qui me serait fait dans ta famille. 
Quand à savoir si ça te ferait plaisir de me voir là, je n'en sais rien.
Quand tu étais vivante, je progressais parfois dans l'intention de reprendre contact avec toi. Je n’avais pas encore trouvé de prétexte satisfaisant. Même avec le cancer devenu un de nos dénominateurs communs, je ne me voyais pas revenir vers toi, affichant la chaude camaraderie qui rêgne au sein des amicales laïques de métastasés. C’est pourtant très enrichissant pour les malades de parler avec d’autres malades, comme aux AA. 

Requins et métastases : "si vous mangez, vous serez mangé.
Tout est nourriture et tout se nourrit, au niveau de la multiplicité.
Au niveau de l’unique, éternel et infini océan,
rien ne mange, rien n’est mangé."
(Tintin Desjardins, "A la recherche du Soi
dans le lac aux Requins")
Désormais, la messe est dite.  Et bien que le terme "être morte" me semble inexact pour désigner un passage plutôt qu'un état, je n’ai plus besoin d’aucun intermédiaire pour te reparler. Allons-y gaiement, alors, autant que faire se peut dans le respect de la dignité de la personne humaine fraichement décédée et pas vue depuis 40 ans. Enfin, ça, c'est ce que je croyais, avant d'en discuter avec ma femme, qui évoque nos rencontres, apparemment fréquentes, avec toi, tes enfants et ceux de la tribu Bar**x dans les années 90, réunions dont je n'ai pas remembrance, mon inconscient fait fait fait c'qu’il lui plait plait plait pour te mythifier maintenant que tu es partie, la voie est libre pour occulter tous ces souvenirs dérangeants pour ta légende en cours de réécriture frénétique, car j'aimerais parvenir à une conclusion bien-pensante et bien pensée du genre « pleurer les morts, ok, mais prendre soin des vivants, c’est au moins aussi utile » avant l'inhumation prévue mardi prochain, mais je n’ai aucune garantie d’atteindre ce but dans les délais. Et hors délais, ça serait encore pire.


on n'a pas fumé que des Camel, 
mais elles étaient à 3,10
alors que la baguette de shit
(soit-disant à prix coûtant !)
frôlait déjà les 100 FF.
Quand je t’ai connue, étudiante rennaise resplendissante et dorée au retour d'un voyage en Crète, tu m’apparus libre, délurée, drôle, enthousiaste, tu têtais goulûment tes Camel dans un nuage de fumée bleuâtre qui n'était pas encore cancérigène, bref, un assortiment de qualités dont je me sentais dépourvu et qui m’attiraient irrésistiblement, comme le lapin pris dans la lumière des phares du 4x4.
De plus, tu fus tout de suite très amoureuse. Au point d'abandonner la fac de Rennes, et de me rejoindre à Montpellier, où je démarrais d'incertaines études de psychologie. 
Je t’avais séduite en t’écrivant des lettres. Une par jour, pendant plusieurs semaines. Auxquelles tu répondais avec le même empressement, et des collages de photos découpées dans des magazines. 
C’est dire si on était loin du Réel. Mais en artisan du bla-bla orienté badinage artistique, j'en avais sous la godasse,  même si j’en suis toujours pas revenu que ça ait marché. 


Dès que nous fumes en couple, je compris rapidement que les femmes n’étaient pas ces créatures éthérées se nourrissant de Claire Lumière et de bisoux dans le cou avec lesquelles je les confusais, du haut de mes 17 ans de branleur qui avait beaucoup lu, mais encore rien vu, ni bu, mais bien des êtres de chair et d'os, de sueur et de larmes, incarnées dans l'ici et le maintenant avec intensité et ténacité, et dont la santé exigeait des soins et une attention délicate et bienveillante, ce à quoi mon éducation de geek petit-bourgeois / Narcisse en pot m'avait peu préparé. 
C'est à tes côtés que j'en pris conscience, et c'est à toi que je le dois. 
Grâces t’en soient rendues. 
Les travaux sont toujours en cours.
Découvrant et cédant ensemble aux joies simples d’une sexualité épanouie, d’une consommation effrénée de stupéfiants et de la miséricordieuse hébétude qui s’ensuit si tu l’accompagnes du disque de King Crimson qui va bien, il serait tentant de céder aux sirènes de la nostalgie, et d’étiqueter tout le pack comme nos meilleures années étudiantes, même si nos notes n’étaient pas très bonnes quand nous nous rappelions d'aller passer les partiels à la fac.

L’appartement de la rue Louis Figuier, derrière la gare de Montpellier, 

où nous fûmes mal heureux, et n’eûmes point d’enfants, ce qui est heureux. 

Nous dégradâmes aussi le mobilier, et ne récupérâmes jamais la caution.


Nous fumes insouciants, inconséquents, et finalement inconstants l'un avec l'autre, et ce fut un beau gâchis. Nous rîmes, nous bûmes, mais surtout nous fumâmes, bien plus que de raison. Nous ne tombâmes point dans l’abîme, mais on ne pouvait pas impunément s'injecter autant de Thiéfaine par les oreilles et inhaler autant de chanvre indien, et en même temps demander à sortir de notre brouillard par le haut. On a partagé entre 1981 et 83 un goût immodéré pour l’amour physique, les cigarettes mal roulées, le rock progressif. On bricolait un peu pour pouvoir payer le loyer. On aurait pu devenir les Leslie et Kevin de notre génération, mais c’était surtout pour financer notre consommation personnelle, et on n’avait clairement ni l'ambition, ni les moyens. Et l’époque était moins violente. 

Leslie et Kevin : non seulement ils sont morts,
mais en plus ils sont pas du tout ressemblants.

A l'époque, je me suis retrouvé une fois à l’arrière d’une voiture avec un flingue sur le ventre et un rasoir sous la gorge pour conclure une transaction commerciale qui a tourné court, mais j’étais déjà retourné chez mes parents la queue basse, et ce n’était plus lié à ma relation avec toi, mais une aventure avec mon Pygmalion, pour qui je faisais une Galatée pas tout à fait présentable, mais en fait ça l'arrangeait bien. Et ça a été riche d’enseignements, de me faire dépouiller de mes économies, et bien plus efficace qu’un clip de prévention du ministère de promotion du CBD.

je n'ai rien compris à ce schéma, 
mais je le trouve très réussi.

Je n'ai pas été son Arthur H aspiré.
Bien que ma science de la tectonique des Blacks ne soit guère plus pénétrante qu'à l'époque, je dirais que Marie fut pour moi une sorte de négresse blanche. Etre aimé de cette femme, c'était au risque permanent du tremblement de terre. Elle était animée de forces telluriques. Si je lui touchais un sein en étant pieds nus, je me prenais toute l'électricité. Elle n'était pas bien isolée du tout. 
Pauvre Marie, pauvre de moi avec mon cyber-hubris à la con, et pauvres de nous et de nos amours disparues au vent mauvais. 
J’ignore totalement quelle personne tu es devenue ensuite, et n'ai pas cherché à l'apprendre. 
Comment tu as aimé tes enfants. 
Comment tu as géré la vie qui t'était proposée. 
Ce qui fait chier, surtout, c'est que tu n'auras pas longtemps profité de ta retraite, bien que j'ignore si tu l'avais atteinte.
Tu serais une raison nécessaire et suffisante pour que Macron enterre sa réforme, mais au lieu de ça, c'est toi qu'on va enterrer. C'est injuste.
"Le monde est l’endroit dont nous prouvons la réalité en y mourant.” disait Salman Rushdie, et ça se vérifie à chaque fin de vie, plutôt rapprochées ces temps-ci. Et c'est de mon âge.
Il corroborait ainsi Louis-Julien Poignard, le président à vie autoproclamé du Groupe de Réalité Réelle Ratée, qui se console actuellement de son récent veuvage en Thaïlande, et que j'avais sollicité à l'époque pour m'aider à me tirer du guêpier toxique qu'était devenu pour moi la rue Louis Figuier.
Ce jour-là, Louis-Julien m'avait rendu un fier service en validant mon malaise et me suggérant que oui, je ferais mieux de me tirer de là.  Brusquement, trente ans plus tard,  un autre jour où je l'interrogeais sur la différence entre la réalité et le Réel, parce que les lacaniens dans son genre semblaient faire le distinguo et pas mal de chichis autour, il me répondit : « Quant au Réel, il fait parfois irruption dans la réalité. Généralement sur le mode platane vu de face et de trop près aux alentours de cent soixante km/h. Donc, il est prudent de ne pas trop le convoquer. »
Et le disque des Sax Pustuls que Marie avait ramené de Rennes, et qu’on écoutait en boucle, commençait par : « absurdité du réel... brutalité des sentiments », et c’était tout elle.
Il est en vente gratuitement dans cette salle, ou plutôt à l’annexe.
Pour le reste, ici s'arrête cette évocation de "ma" Marie, celle que j'ai connue et aimée.
Que la terre lui soit légère.

jeudi 9 mars 2023

Je te salue, Marie (1)

Mi-février, à J+45 de ma fracture du 5ème métatarse droit, comme disent les chirurgiens orthopédistes, j’avais beau savoir que mon handicap était temporaire, je l’ai brusquement ressenti comme permanent, j'ai eu un bon coup de mou dans les béquilles, et j’ai cru pendant quelques jours que je ne pourrais plus jamais remarcher. Y’a des jours comme ça. Vaut mieux en être conscient, ça nous traverse plus vite que si on résiste à l’idée. Abusé par les lenteurs du corps à se remettre de l’accident (en fait c’était une double fracture : du pied, puis de la belle-mère le mois suivant, 

Ouille. Vive les photos de vacances
prises aux Urgences du CHU.
et sans vouloir la ramener, je me remettais de deux ans de traitement d’un mélanome)
https://johnwarsen.blogspot.com/2021/12/le-petit-noel-de-melanie-melanome-6.html
c’était sans doute l’effet « coup de pompe funèbre », bien que je combattisse ce sentiment en songeant à tous ceux pour qui le handicap est vraiment permanent dans la Réalité Réelle Ratée, mais as-tu déjà combattu un sentiment ? en général, c’est lui donner l’avantage, puisque lutter contre lui le renforce.
Par ailleurs il était temps d’admettre et d’accepter que si j’étais depuis 7 semaines un boulet pour les miens, ne pouvant ni préparer les repas, ni faire les courses ou le ménage, ni mettre la table, ni la débarrasser, ni participer de quelque façon que ce fut aux menus travaux d’entretien que réclame une maison individuelle nichée au coeur d'un écrin de 1000 m2 de verdure, cette hérésie écologique de l’an 2050, mon impunité à ne rien branler était totale, mais que ça ne durerait pas, et que c’était l’opportunité à saisir tant qu’elle s'offrait à moi.
Aux innocents les mains pleines de béquilles, j’étais prié de m’en réjouir et de remercier mes proches pour le surcroît de travail induit par ma bouche inutile à nourrir, j’étais intouchable, j’attendais que ça passe, comme le reste, puisque tout passe, hélas, pardon, tantpistantmieux voulais-je dire.

la plupart du temps, je gardais le moral en lisant des livres déprimants.

C’est à ce moment de découragement commençant à vouloir ressembler de loin par temps de brouillard à la Nuit Obscure De Saint Jean De La Croix
que j’ai démarré les séances de rééducation. 
En quelques jours, grâce à un kiné bienveillant et efficace, je suis passé à une seule béquille. Joie de boîter en couinant « ouille », Joie sans mélange.
Et samedi dernier, à J+63 du jour où je n’avais pas porté assez d'attention à l'endroit où je posais le pied, prenant la présence du sol pour un fait acquis sans nul besoin de fast-checking, j'avais fait de tels progrès grâce au kiné, que j'ai pris ma voiture (après deux mois sans pouvoir conduire), et je suis allé au marché sans béquille du tout, la laissant dans la voiture, punie et privée de sortie, tout content de pouvoir discuter avec mes commerçants préférés (légumes, poisson, huitres d'Oléron, terrine de canard à damner un vegan) et échapper à l’influence délétère de ma nouvelle famille d’adoption de ces dernières semaines.

à J+45 du début de l'année, j'ai passé plus de temps avec ma nouvelle famille que je ne l'aurais souhaité.
Ils sont très volubiles, mais ils radotent tout seul. Comme moi.

Revenu à l’angle droit des allées centrales du marché, celle qui mène à la buvette et l’autre qui conduit au caddie à roulettes qui se prend pour un présentoir mobile des Témoins de Jéhovah, je pense avoir fini mes courses, mais je tombe en arrêt devant un éventaire de salades, en entendant soudain l’Ave Maria interprété au violoncelle. Ça change du salopard cacochyme qui joue d'habitude, et ce depuis des années, le générique de L’inspecteur Gadget sur un violon lui-même parvenu au bout de la route, et qui provoque tant de dépressions, de malaises vagaux et d’acouphènes chez les commerçants et les riverains du marché, obligés qu'ils sont de le supporter plusieurs heures d’affilée tous les samedis et dimanches matins que Dieu fait, sans doute grâce à la présence complaisante des Témoins de Jéhovah en bout d'allée.
j'ai demandé aux Témoins
s'ils avaient cette brochure, 
mais elle n'est toujours pas disponible.
Comme par hasard.
L’Ave Maria, je le reconnais entre Emile, il m’a toujours ému, sans doute un reste de mon passage aux Jeunesses Communistes, quand on organisait des battues aux curés. Je me suis récemment entiché d'une version a cappella par de jeunes Américains sortis de nulle part, c’est-à-dire d’une série télé dont je suis sûr que le showrunner en est Patrick Somerville, si c’est pas Maniac alors c’est Station Eleven, même en déployant toutes les ressources cachées de iTunes et de tunefind, ma capacité à mémoriser et restituer des informations inutiles est en échec, il faudrait que je fasse une petite sieste et ça me reviendrait peut-être, je ne dors pas beaucoup en ce moment. Les infirmières qui m'ont quotidiennement shooté aux anticoagulants jusqu'à J+60 pour m'éviter la phlébite m'ont dit que c'était normal, et imputable au manque absolu d'activité physique.
Sur le marché de ma petite ville de province, et même en étant joué un peu tzigane, l’Ave Maria ça reste l’Ave Maria, j'en suis pétrifié devant la boutique du primeur, et c’est ainsi qu'ouvrant les yeux sur ce qui m'entourait vraiment, à la faveur de cet éveil spirituel micro-dosé par le lied de Schubert dont j'apprendrai plus tard qu’il n’était pas vraiment destiné par le compositeur à soutenir la prière traditionnelle de l'Église catholique romaine,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ellens_dritter_Gesang
j’ai finalement acheté deux laitues pour 1,70€ et j’ai donné 2€ au musicien, ça me semblait une somme conséquente mais intelligemment dépensée.


(finalement, c'était dans Station Eleven)

Deux jours plus tard, j’apprends qu’une toute autre Marie, ni vierge ni divine, une humaine dont j’ai trivialement partagé l'existence plusieurs décennies plus tôt, vient de nous quitter, des suites d’une longue maladie. Nous ? Je ne l’avais quasiment pas revue depuis 1984. Je suis peiné quand même, la mort de quelqu’un que j’ai connu jadis, même si le lien de la vie s’est complètement défait entre nous, c’est le démenti froid et d'une précision chirurgicale, de mon sentiment (illégitime et usurpé) d’immortalité - un handicap psychologique ressenti là aussi de façon permanente alors qu’à l’évidence, ce biais cognitif est très temporaire, et la mort de Marie en est une nouvelle preuve, de plus en plus fréquemment rencontrée à mesure que j’avance en âge.
Bref. J'ai bien l'impression que j'en parlais plus clairement en 2007, même si ça fait un peu « je le sais parce que je l’ai lu sur mon blog »
Je n’ai jamais cherché à renouer le lien avec Marie, près de 40 ans après qu'il se soit défait, nos ruptures furent amères, « ne partons pas fâchés », ben si, quand même un peu, et bien que je m'en sente tout à fait apte et capable, je me vois mal aller verser des larmes de crocodile, ni même d'alligators 427, le jour de ta sépulture, il est trop tard, et toutéfoutu.com. 
Mais alors, qu’est-ce que je fais ici, qu’est-ce que je tente de dire ?

Ma tristesse est sincère et non feinte, mais elle s’accompagne sans doute d’un brin de perversité quand je retrouve dans un vieux carton la photo qui va bien s’accommoder de mes demi-mensonges, qui me montent à la gorge au point de me faire tousser comme un chat crevé sur ce blog à tout faire, sauf vivre. Que dire de plus pour honorer ta mémoire et rappeler ta gloire, que de produire et de montrer cette image ? 
Francis le rappelait dans son exégèse : « être conscient, c'est être conscient de ce qui est maintenant, et pas être à l'affut de ce qui était hier ou sera demain ou dans cinq minutes ou quand on va mourir (snif, je me manque déjà). »
Ce qui serait instructif, à ce titre, ça serait de savoir par exemple si tu as fusionné avec le Grand Tout, ou plutôt avec le Grand Rien, auquel cas finis les tracas, et ça valait pas la peine de se faire autant de mouron. Question qui se repose à chaque départ, puisque les nouvelles de l'au-delà sont rares, ça doit être la grève des postiers contre le recul de l'âge légal de la retraite à 65 siècles chez les disparus, associée à une pénurie endémique de timbres à 0,50 NF, et les quelques témoignages soi-disant recueillis de l'autre côté du mur du Trépas ne sauraient nous convaincre, surtout après avoir lu Philippe Charlier, 
gardant à l'esprit que, conscients de notre impermanence, nous obtiendrons la révélation et l’éclaircissement quand ça sera notre heure ultime, pas avant, pas après. En principe.
Au correspondant qui m’informe de ton décès, et qui a tenu à conserver l’anonymat au sein de plusieurs fraternités de 12 étapes, je transmets la photo miraculeuse qui me rend tout chose, qu’il faut que je cesse de regarder, avec pour commentaire « je savais bien que j’avais un vieux photomaton quelque part… ce selfie d'avant les selfies, avec « fin aout 82 » calligraphié au dos, de sa jolie écriture déliée… j’préfère rien dire. »
Malheureusement, la Nature a horreur du vide, et je ne puis m’en tenir là. 
La mort intime au silence, mais rend les vivants bavards. 
Tu sais ce que c’est.

dimanche 5 mars 2023

ChatGPT3 est-il un ChatPorno ? (3)

J'ai lu des tas de cyber-foutaises sur ChatGPT3, et pas que dans Madame Figaro; le déferlement est ininterrompu; j'ai même griffonné quelques calembredaines dessus pour ne pas être en reste, et puis finalement, je viens de comprendre comment utiliser intelligemment l'oracle de fer-blanc qui sonne parfois creux quand il ne joue pas faux : c'est juste un synthétiseur (un synthésiste ?), un statisticien dévoreur de données, navrant ou génial selon la question qui lui est soumise. Puisqu'il est consultable en ligne, et pour l'instant gratuit, pourquoi s'en priver ? Ça m’a rappelé que j’avais voulu un jour faire une synthèse sur une question épineuse, que me posait ma femme, et j’avais la glu (sic) d’y répondre, alors je me suis lancé dans une vigoureuse session de tchatt.

quand je vois certaines horreurs qui trainent sur internet, je me pose vraiment des questions. Comme celle-ci : à ton avis, pourquoi les hommes regardent du porno ?

Le visionnage de contenu pornographique est une pratique courante et répandue chez les hommes (et aussi chez les femmes). Il est important de comprendre que les raisons pour lesquelles les gens regardent du porno peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre et sont souvent complexes et multifactorielles. Cependant, voici quelques raisons courantes qui peuvent expliquer pourquoi certains hommes regardent du porno :

1. Curiosité et exploration sexuelle : Le porno peut offrir une occasion de découvrir de nouvelles choses sur la sexualité, explorer des fantasmes et des désirs, et découvrir ce qui les excite.

2. Satisfaction des besoins sexuels : Pour certains hommes, le porno peut être un moyen facile et rapide de satisfaire leurs besoins sexuels, en particulier lorsqu'ils n'ont pas de partenaire sexuel ou ne sont pas en mesure d'avoir des relations sexuelles régulières.

3. Évasion et détente : Le porno peut être utilisé comme moyen d'évasion et de détente, permettant aux gens de se distraire de leurs préoccupations quotidiennes et de se détendre.

4. Intimité et plaisir personnel : Regarder du porno peut être une activité privée et personnelle, qui permet aux gens de se sentir connectés à eux-mêmes et à leur propre corps, et de ressentir du plaisir sans avoir à se soucier des attentes ou des jugements des autres.

Cependant, il est important de noter que le visionnage de contenu pornographique peut également présenter des risques et des effets négatifs, tels que l'addiction, la désensibilisation, des attentes sexuelles irréalistes, la dégradation de l'estime de soi et des problèmes de relation. Il est donc essentiel d'être conscient des risques et de veiller à ce que la consommation de porno reste saine et positive.

Je savais même pas qu'un site comme ça pouvait exister 
avant de commencer à rédiger l'article. 
Qu'est-ce que c'est excitant, de tailler une bavette avec un ChatGPT, 
à l'Intelligence Artificielle, mais Manifestement Supérieure à la mienne. 
"Ça enterre tout, la drogue et l'aspirine / Les épinards la chnouf et la badoit 
C'est bien plus bath que l'foie gras en terrine / Car c'est moins cher et ça n'alourdit pas" 
(Boris VIAN : "Une bonne paire de claques dans la gueule")

Je suis un peu surpris que tu trouves "légitime" la consommation de porno, - à condition qu'elle soit raisonnable, si je t'ai bien compris - pornographie dont j'entends qu'elle est produite dans des conditions atroces pour les acteurs et surtout les actrices de la filière. Récemment, une enquête judiciaire à l’ampleur inédite concernant le milieu de la pornographie en France a été ouverte pour « viols en réunion », « traite d’êtres humains » et « proxénétisme ».
Sans compter tous les pays qui voient dans la pornographie un symptôme des moeurs décadentes de l'occident.

Je comprends votre préoccupation concernant les conditions dans lesquelles certains acteurs et actrices de l'industrie pornographique travaillent. Il est vrai que certains acteurs et actrices peuvent être victimes de traite d'êtres humains, de proxénétisme, de harcèlement et d'autres abus dans cette industrie. Il est important de soutenir les efforts visant à mettre fin à ces abus et à protéger les droits des travailleurs de l'industrie du sexe.

Cependant, il est également important de noter que la consommation de contenu pornographique ne doit pas être stigmatisée ou jugée de manière absolue, car cela peut conduire à une culture de la honte et de la culpabilité qui peut être préjudiciable à la santé mentale des personnes. De nombreux adultes ont le droit de regarder des contenus pornographiques de manière éthique et responsable, en accordant une attention particulière à la source du contenu et aux conditions de production.

Il est possible de faire la distinction entre la consommation de pornographie éthique et non éthique, en choisissant de regarder des contenus produits de manière responsable et en évitant les sites qui ont une réputation de traiter les travailleurs de manière abusive ou qui utilisent du contenu piraté. Il est également important de respecter le consentement de toutes les personnes impliquées dans la production de contenu pornographique, y compris les acteurs et actrices, les réalisateurs et les producteurs.

En fin de compte, la décision de regarder ou non du contenu pornographique relève de la responsabilité individuelle, mais il est important d'être conscient des risques et des conséquences potentielles de cette pratique et de chercher à consommer du contenu pornographique de manière éthique et responsable.

La pornographie nous prend pour des branleurs. 
c'est surtout ça qui m'énerve.

Je peux comprendre que certains peuvent avoir cette impression et ressentiment envers la pornographie. Cependant, il est important de se rappeler que la pornographie est une industrie qui cherche à répondre à la demande de ses consommateurs. Les producteurs de contenu pornographique ont pour objectif de produire des vidéos et des images qui sont attractives et excitantes pour leur public cible, souvent composé de personnes qui cherchent à satisfaire leurs besoins et désirs sexuels.

Cela dit, il est important de noter que la consommation de pornographie n'est pas un comportement honteux ou anormal en soi. Cependant, il est essentiel de prendre en compte les conséquences potentielles de cette pratique, tant sur le plan personnel que sur le plan social et culturel. La consommation excessive de pornographie peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale, les relations interpersonnelles et la perception de soi.

Il est donc important de réfléchir à la manière dont nous consommons du contenu pornographique et de rechercher des pratiques plus saines et éthiques qui prennent en compte les droits et le bien-être de toutes les personnes impliquées dans la production de ce contenu.

Regarder des gens faire l'amour n'enrichit pas notre vie sexuelle, ça enrichit la leur, et ça enrichit surtout le mec qui les filme. C'est un commerce qui n'a rien a voir avec la satisfaction des désirs. Si l'hypocrisie est un hommage du vice à la vertu, la pornographie est un hommage de la Dégueulasserie masculine à la Beauté féminine. On peut à juste titre se demander si cet hommage est entièrement sincère. Elle elle ne satisfait que ceux qui confondent l'amour avec la plomberie.

Il est vrai que la pornographie est avant tout une industrie commerciale qui vise à répondre à une demande de consommation de contenu sexuellement explicite. Les producteurs de contenu pornographique cherchent à créer des vidéos et des images qui sont attractives pour leur public cible, afin de maximiser leurs bénéfices. Cependant, il est important de noter que cela ne signifie pas que toutes les personnes impliquées dans l'industrie pornographique sont exploitées ou maltraitées.

Quant à savoir si la consommation de pornographie peut enrichir notre vie sexuelle, cela dépend des circonstances et des individus. Certaines personnes peuvent trouver que regarder du contenu pornographique les aide à explorer leur sexualité et à découvrir de nouvelles idées et pratiques. D'autres peuvent trouver que cela a un effet négatif sur leur perception de la sexualité et leur vie sexuelle.

En fin de compte, la consommation de pornographie est une décision personnelle et il est important de réfléchir aux conséquences potentielles de cette pratique, tant sur le plan individuel que social et culturel. Il est également important de rechercher des pratiques plus saines et éthiques qui prennent en compte les droits et le bien-être de toutes les personnes impliquées dans la production de contenu pornographique.


j'aimerais bien savoir s'il existe des pornographes heureux. 
Cela m'étonnerait fort. Le porno, c'est aussi désaltérant que de boire de l'eau salée quand on a soif.

Il est difficile de généraliser sur le bonheur des personnes impliquées dans l'industrie pornographique, car il y a une grande variété de situations et de personnes impliquées. Il est vrai que pour certaines personnes impliquées dans l'industrie, cela peut être une expérience difficile ou traumatisante. Cependant, il y a aussi des personnes qui choisissent consciemment de travailler dans l'industrie pornographique et qui peuvent trouver du plaisir et de la satisfaction dans leur travail.

Cela dit, il est important de reconnaître que l'industrie pornographique peut également avoir des conséquences négatives sur la santé mentale et physique des personnes qui y travaillent. Les risques d'exploitation, de violence et de stigmatisation sociale peuvent rendre difficile pour les personnes impliquées dans l'industrie de maintenir une bonne santé mentale et physique.

En tant que consommateur de pornographie, il est important de prendre en compte les conséquences potentielles de cette pratique et de rechercher des pratiques plus saines et éthiques qui prennent en compte les droits et le bien-être de toutes les personnes impliquées dans la production de contenu pornographique.

est-ce que tu connais le site nofap
tu en penses quoi ?

Oui, je connais le site NoFap. Il s'agit d'une communauté en ligne qui encourage les gens à arrêter de regarder de la pornographie et à s'abstenir de la masturbation pendant un certain temps, généralement 90 jours ou plus. Le site prétend que l'abstinence de la pornographie et de la masturbation peut aider les gens à améliorer leur vie en réduisant l'anxiété sociale, en augmentant la confiance en soi, en améliorant les relations interpersonnelles et en augmentant la productivité.

Il y a des opinions divergentes sur l'efficacité et la pertinence de la pratique de NoFap. Certaines personnes peuvent trouver que cela les aide à améliorer leur vie en réduisant leur dépendance à la pornographie et à la masturbation, tandis que d'autres peuvent trouver que cela n'a pas d'impact significatif sur leur vie. Il est également important de noter que la pornographie et la masturbation peuvent avoir des effets positifs sur certaines personnes, en fonction de leur contexte et de leurs besoins individuels.

En fin de compte, la pratique de NoFap est une décision personnelle et il est important de faire des choix qui sont sains et respectueux de soi-même et des autres. Si vous vous sentez concerné par votre consommation de pornographie ou de masturbation, il peut être utile de parler à un professionnel de la santé mentale pour obtenir un soutien supplémentaire.


parmi les raisons pour lesquelles les hommes regardent du porno, tu as écrit plus haut : "Le porno peut être utilisé comme moyen d'évasion et de détente, permettant aux gens de se distraire de leurs préoccupations quotidiennes et de se détendre."
Ca ne colle pas du tout avec Alexandre Soljenitsyne quand il disait "On asservit les peuples plus facilement avec la pornographie qu'avec des miradors."

Il est vrai qu'Alexandre Soljenitsyne a exprimé des opinions très critiques sur la pornographie et son impact sur la société. Selon lui, la pornographie peut être utilisée comme une arme de contrôle social pour détourner les gens de leurs véritables problèmes et les rendre apathiques et soumis.

Cependant, cela ne signifie pas que tous ceux qui consomment de la pornographie sont nécessairement "asservis" ou "soumis". Comme je l'ai mentionné précédemment, la consommation de pornographie peut être motivée par une variété de facteurs, et certaines personnes peuvent utiliser la pornographie comme un moyen de se distraire de leurs préoccupations quotidiennes et de se détendre.

Il est important de reconnaître que la pornographie peut avoir des effets négatifs sur certaines personnes et sur la société dans son ensemble, mais cela ne signifie pas que la consommation de pornographie est toujours problématique ou que toutes les personnes qui en consomment sont "asservies". Comme pour tout comportement, il est important d'examiner les effets potentiels sur soi-même et sur les autres, et de faire des choix éclairés et responsables.

cette session de chaturbate de la mort
a complètement épuisé mon ChatGPT-3.
c'est le moment idéal pour lui proposer
une cure de sevrage
au sein d'un établissement spécialisé.


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