lundi 28 juin 2021

Problèmes de succession

After one look at this planet, any visitor from outer space
would say "I want to see the manager"

William Burroughs

L'existence du Mal n'implique pas forcément celle du Malin, le deuxième principe de la thermodynamique (le principe d'entropie) y suffit amplement; tout comme l'existence du Bien n'implique pas celle de Dieu, qui, même s'Il existe, n'est pas souvent au bureau, et n'en a pas l'apanage. Le Bien, c'est ce qui est mieux que si c'était pire, et c'est la tâche de l'Homme. Dans la mesure où il l'accepte, en conscience, parce que s'il botte en touche et s'il préfère continuer à jouer les super-prédateurs qui se fout des autres espèces animales qui partagent son biotope, pas besoin d'être Cassandre-expert du GIEC pour deviner comment ça va finir :
« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le résumé technique de 137 pages. L’humanité ne le peut pas. »

si vous voulez sauver l'Humanité, lisez Pif le chien.
L'humanité ? le journal ? celui où je lisais Pif le chien quand j'étais petit ? Pif le chien qui pourrait sauver l'humanité, dans un bel élan de solidarité interespèces comme dans les livres de Baptiste Morizot ?
ça serait bath, mais d'après les experts du Giec, ça ne suffira pas. Adieu donc Pif le chien, adieu les maillots de bain grandes tailles en coton responsable de l'article précédent, adieu les disques de métal progressif expérimental, adieu les bédés à pot catalyptique de Caza et les films prophétiquement irrespirables pré-GIEC de Godfrey Reggio.
Et adieu la série Succession, qui décrit l'incurable arrogance des puissants, leur entre-soi carnassier et autophage, et suggère qu'ils ne renonceront jamais à nous envoyer dans le mur, en espérant que nous ferons ce qu'on nous dit de faire : rester à la place du mort pendant qu'ils sautent de la voiture en marche vers un ailleurs dont ils n'ont pas encore capté qu'il n'existe pas : ce monde n'a pas d'envers où fuir une fois qu'il est en faillite. 

Outrageous metaphor of the human family.
A éviter sans modération.
Qu'on puisse jubiler devant un tel spectacle audiovisuel produit par une grande chaine câblée américaine me contraint à y renoncer préventivement (au bout quand même de la première saison, histoire d'en bien comprendre les mécanismes d'attraction du public cible, éventuellement fasciné jusqu'au malaise) saisi d'un profonde gêne devant le déballage de comportements qui me rappellent bien des saloperies intra-familiales, les gros sous en moins.
Le futur ne ressemble jamais à la projection qu'on a pu en esquisser la veille avec les outils disponibles sur le moment. Mais les scientifiques du GIEC n'écrivent pas les scénarios de Black Mirror (dont le showrunner  Charlie Brooker a estimé qu’il n’était pas sûr que "le public puisse supporter une autre saison pour le moment", ce qui me permet de regarder encore moins de séries, au profit des livres de Rich Larson et des films de SF prétentieux et ratés, négligés depuis plusieurs années. 


Nouvelles de science-fiction asphyxiée :
Rich Larson remplit un réservoir inoxydable
d'avenirs dépités pour attraper des mélanomes
sans se soucier du reste
cet été sur les plages mazoutées.
La couverture évoque aussi
les aventures d'une Schtroumpfette chauve
dans un réacteur nucléaire en panne,
mais je ne l'ai pas encore atteinte.
A court terme, donc, adieu l'humanité, et bonjour les hordes. 
Comme dans « Les derniers rois de Thulé » de Jean Malaurie, qui raconte son séjour parmi une tribu d'Esquimaux très au nord du Groënland dans les années 50 : « Cette vie en groupe repose sur des règles sévères d’organisation sociale. Premier principe : le communisme ; le sol, les terrains de chasse, la mer, les grands moyens de production (bateau), les iglous appartiennent au groupe. Seuls, les instruments de chasse individuels sont propriété privée. L’héritage se limite à la transmission des effets personnels à la veuve ; traîneaux, kayaks, fusils, chiens – s’ils ne sont pas sacrifiés et mis près de la tombe – sont attribués, par le Conseil des chasseurs, généralement aux fils ou aux parents masculins les plus proches (frère, oncle). La société égalitaire, ennemie de l’accumulation et du profit, exige le partage immédiat du gibier chassé. La famille, cellule de base, n’est qu’une commodité de regroupement toute provisoire. La promiscuité sexuelle – d’un sens procréatif certain – a aussi pour but de corriger ce que le couple peut avoir d’aliénant pour les parties dans un esprit de possession réciproque. Chacun des conjoints appartient au groupe et il est bon, dans un esprit d’unité politique, que le couple soit de temps à autre cassé ! » 
Pas de propriété privée, échange de conjointes, Pif le chien de traineau toujours en tête de la meute pour sauver l'humanité, et puis ces Esquimaux qui ne cultivent d'autres désirs que ceux qu'ils peuvent assouvir dans un milieu très pauvre en ressources : je sais, je vends du rêve, mais il en faut bien un peu pour repartir en avant, comme avant. 
Quels critères rendront nos enfants plus aptes à survivre, sur une Terre redevenue hostile et concurrentielle, avec la sélection darwinienne jouant de nouveau à plein entre des espèces inédites qui ne sont pas encore apparues ? Vaut-il mieux leur acheter des bitcoins, des appartements à la montagne,  ou les inscrire à des stages survivalistes animés par d'anciens militaires un peu louches ? On voit bien que nos premiers réflexes risquent de ne pas être très pertinents face à l'ampleur du changement qui s'annonce.
Ces questions sont pour l'instant sans réponse. 
«Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement», plaide le rapport du GIEC. «Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation.»
D'habitude les futurologues ont la belle vie : plus on fait des prévisions à long terme, moins on a de chances d'être détrompé de son vivant. Mais là, on parle d'échéances à moins de trente ans.  Ca va venir vite. Au-delà d'une conversion massive au bouddhisme et à son enthousiasmant concept d'impermanence des phénomènes, il va falloir aller un peu plus loin, car on connait la qualité des décisions prises dans l'urgence collective, sous la pression d'évènements pas très joyeux : quasi-nulle. D'ailleurs, j'ai voté écolo aux Régionales, mais j'ai pas été élu. C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir.
Si Pif le chien ne fait rien pour sauver l'humanité, voici à quoi pourrait ressembler le monde de 2050
(©Aâma de Frederik Peeters)

samedi 5 juin 2021

L'été sera chaud chez Hache & Aime

Après avoir encouragé la vocation de plusieurs générations d'adolescentes envers la maladie vraiment très sympa qu'est l'anorexie, les publicitaires de la mode prennent un virage à 180° et réhabilitent aujourd'hui la pêche au gros, sans tenir compte de l'épuisement de la ressource. 
Je vais leur écrire pour découvrir les modèles les plus irresponsables. S'ils en ont.

C'est un peu tard, les gars. Il n'est jamais trop tard, en principe, mais des fois, il est tard, quand même. Il y a un moratoire sur le thon rouge et le boudin créole en Méditerranée, je sais pas si vous êtes au courant. De leur part, c'est au moins aussi sincère et émouvant qu'Enedis (entreprise anciennement connue sous le nom d'EDF) faisant la promotion des éoliennes offshore, au mépris des pêcheurs bretons et de l'écologie littorale, après avoir combattu pendant quarante ans toutes les énergies renouvelables pour imposer leur dictature énergétique au tout-nucléaire.


C'est beau, aussi. Ca nous change des publicités pour maillots de bain portés par des sardines sans huile. Faut que je retrouve mon slip de bain en kevlar et mon fusil sous-marin au garage, l'été s'annonce exceptionnellement poissonneux. Sauf en Nouvelle-Calédonie, où un requin vient de boulotter un quatrième plongeur en moins de six mois, sans même recracher une arête. Selon notre envoyé spécial permanent là-bas, on est passés 1er mondiaux en terme de terrorisme requinal, plus personne n'ose se baigner nulle part, la psychose gagne...


Sur place, une société commercialise un sharkbanz, " bracelet équipé de puissants aimants de néodymium capables de perturber les récepteurs sensoriels des squales". Mais c'est déjà la rupture de stock. J'admire secrètement l’homme qui va nager équipé d’un sharkbanz : il fait preuve d’une foi dans la technologie (et dans la publicité) qui n'est pas la mienne. Surtout après quatre morts en l'espace de six mois. Un peu comme dans le proverbe africain « Celui qui avale une noix de coco fait confiance à son anus ». 

Cthulhu peut aller se rhabiller. Une nouvelle terreur monte de l'océan.

Et c'est bien joli de stigmatiser les squales, habituellement effrayés par l'homme, ou les publicitaires,  habituellement grossophobes, mais qui nous dit que la victime n'a pas été dévorée par un monstre issu des profondeurs revêtu de son Haut de maillot bandeau paddé à 4,99 € ?

La vengeance des sushis. Toshio Saeki est un génie

si tu as apprécié ce billet d'humeur, n'hésite pas à fréquenter sa soeur :


mardi 1 juin 2021

Aux promesses du vivant !

La part inconsciente de notre esprit est consciente de nous.
Ronald D. Laing

"Quel type de don mérite notre gratitude ? Le culte des ancêtres des traditions asiatiques est une inspiration intéressante ici, parce qu’il nous permet de changer la conception de ce envers quoi nous pouvons rendre grâce. Car il n’hérite pas de la folie douce caractéristique de la tradition occidentale, et probablement héritée du monothéisme anthropomorphique, suivant laquelle n’est un don impliquant gratitude que ce qui nous a été donné volontairement. Le Dieu judéo-chrétien, avec sa nature intentionnelle, consciente et volontaire, a fait muter le concept immémorial de don quotidien qui nous fait vivre (le fruit sauvage, l’eau qui désaltère, l’animal chassé), de manière que n’apparaisse comme un don que ce qui a été donné par une volonté consciente (la sienne). Par ce tour de passe-passe théologique, tout don qui n’est pas fait volontairement, et impliquant un sacrifice, n’est pas considéré comme un vrai don, il n’appelle pas gratitude : il est considéré comme un donné naturel, une ressource à disposition, un effet appropriable de la causalité matérielle qui régirait la “Nature”. C’est cette mutation qui a transformé nos rapports aux “environnements donateurs”. Lorsque plus tard l’on a cessé de croire en Dieu, renonçant aux bénédicités quotidiens pour le remercier du pain sur la table, nous n’avons pas su réinvestir cette gratitude vers ce qui nous donne effectivement le pain et l’eau : les dynamiques écologiques et les flux vivants de l’évolution qui circulent dans la biosphère et fondent sa continuité. Nous n’avons plus su qui remercier pour la joie d’être en vie, pour l’attachement mammifère à nos proches, pour les joies quotidiennes offertes par nos corps-esprit dessinés par l’immémoriale évolution. L’assimilation de cette nature vivante qui nous fait et nous reconstitue à une matière mécaniste et absurde a dérobé toute signification à la gratitude envers ce vivant qui pourtant nous fait vivre.

Or, le culte des ancêtres est une forme rituelle anthropologique qui a esquivé ce malentendu métaphysique : dans les traditions asiatiques où il a cours, nul besoin que les ancêtres aient eu la volonté ou l’intention de vous faire pour que vous leur deviez une certaine gratitude d’être en vie. Mais ici, le culte se décale : c’est aux ancêtres préhumains qu’il s’agit de rendre grâce, car ils ont été bien plus nombreux et bien plus généreux envers nous de toutes les puissances corporelles, mentales, affectives et vitales qui nous font, que ces quelques arrière-grands-parents qui nous ont légué un nom de famille, une montre en or, une maison de campagne ou un lopin de terre.

Peut-on imaginer des cultes de nos ancêtres préhumains qui feraient de nous des descendants moins oublieux ? Des rituels simples pour remercier, sans mélodrame ni religiosité outrée, ces ancêtres qui nous ont portés à bout de bras jusqu’ici, qui nous ont offert leurs puissances évolutionnaires et écologiques ? À quoi ressemblerait un autel à ancêtres destiné à tous ces aïeuls généreux ? Au petit mammifère placentaire, analogue à un mulot, survivant à l’extinction Crétacé-Tertiaire qui engloutit les grands sauriens, pour nous transmettre en relais le miracle de la vie sexuée, de la viviparité, de la plénitude affective de la parentalité. À la première cellule, qui, par endosymbiose, a incorporé en elle une bactérie devenue mitochondrie, organite qui actionne à chaque instant dans nos corps ce prodige qu’est la synthèse de l’énergie. À l’hominien couvert de fourrure, nu, qui a brillamment découvert le feu, et ce faisant originé, par la filiation comme par l’invention culturelle, la forme de vie que nous sommes.

Et, par extension, n’avons-nous pas besoin d’inventer des rituels de gratitude pour les pollinisateurs qui chaque année fabriquent le printemps végétal, vivrier pour nous ; pour la vie des sols dont la microfaune est le grand paysan acéphale ; pour les forêts bricoleuses du cocon respirable qu’est l’atmosphère ?

Peut-on imaginer d’injecter un peu de tout ce sens dans l’acte quotidien de saler ? Jetant une poignée de gros sel dans la casserole comme la sorcière dans la potion. Ou bien tapant trois fois rythmiquement de l’index sur la salière comme le moine zen sur son gong. Reconstituant ce faisant la salinité de la mer intérieure, celle de l’ancêtre que nous fûmes. Est-ce que cela pourrait faire remonter à la surface la sensation d’avoir été une éponge ? Pressentir les ancêtres qui bougent encore sous la surface de la peau. Qui nous fondent, qui nous ont légué nos puissances vivantes. J’étais éponge, bactérie, braise parmi les braises. De chaque forme de vie alentour peut naître une descendance pleine de possibles.
Levant nos verres, enfin : “Aux promesses du vivant !”

Morizot, Baptiste. « Manières d'être vivant. » 




dimanche 9 mai 2021

Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome (4)

Concernant mon cancer de la peau toujours en cours, et ce n’est pas une métaphore pour désigner l’existence qui m’est proposée en attendant qu’elle ne le soit plus, je suis rendu, comme disent les petits-beurre Lu, à 6 mois de traitement, soit juste au milieu de la durée de soin prévue pour guérir de ma longue maladie. Donc finalement, vu de Sirius, ça sera assez court. En principe.
C’est bien la première fois qu’il me tarde d’y être, plutôt que de regretter de n’y être pas allé. Ou de n’y être plus. Vous faites quoi, vous, en un an ? 
Moi, je guéris d’une grave maladie au nom pas sympa, et ça me laisse du temps pour mettre un peu d’ordre dans ma vie, un jour à la fois. Il ne s’agit pas de brûler mes vaisseaux (= prendre une décision en s'interdisant de revenir en arrière, bien qu’on ne revienne jamais en arrière, sauf à voyager dans une machine à flux temporel inversé, ou de rétropédaler sur mon blog).
Si on sait que c’est notre dernière année de vie ici-bas, on s’agite, forcément, on tente de la remplir à fond, pour conclure et laisser trace. Ce n’est que dans l’ignorance de notre condition mortelle qu’on temporise, qu’on ajourne les grands travaux intimes. 
Si le voile de cette ignorance est levé par l'oncle Olog, quels grands travaux va-t-on entreprendre ? 
Saint-Just disait «les circonstances ne sont difficiles que pour ceux qui reculent devant le tombeau» et il ne parlait pas des défectuosités du samsara, ou plutôt, il dénonçait ceux qui les prétextaient pour ne rien faire. Mes affaires terrestres et spirituelles sont figées, engluées dans une sorte de stase temporelle, ce qui est un peu pléonastique puisque la stase désigne un état de choses marqué par l'immobilité absolue, que l'on oppose au déroulement normal des processus. En tout cas depuis quelques mois, j’évite de m’énerver, parce que ça n’apportera rien de bon, cf tes 50 dernières années, pauvre abruti. Tu permets que je m’appelle pauvre abruti ? que je fasse de l’humour auto-dépréciatif, comme les Juifs s’autorisent et même s’encouragent à en faire à leur endroit ? Tu n’es pas juif. Je sais. Ta mère était pire qu’une mère juive. Je sais. Ca compte pas. Laisse-moi travailler. Remonte à l’étage et va faire suer ton fils jusqu’à ce qu’il se rabiboche avec son ex.

L'année prochaine à Marienbad,  l'année dernière à Contis-Plage.
Et réciproquement.
Depuis l’épisode précédent du feuilleton de mon mélanome que je persiste à refuser d’écrire pour éviter de flatter mes tendances victimaires judéiformes érigées en star-système,
et que vous n’êtes pas du tout en train de lire, puisque vous avez été victime d’une suggestion hypnotique contractée en regardant un vieux film de Cronenberg, et que vous êtes en fait en train d’acheter le formidable recueil « L’été de l’infini » de Christopher Priest à la lbrairie la plus proche, voire directement au Bélial, sur les conseils de ce nouvel ami imaginaire que vous vous êtes fait en discutant de l'adaptation du Prestige, je me suis installé dans la routine des soins, et je dois dire que j’encaisse un peu mieux le traitement qu’au début. 
C’est quand même pas du jus d’orange qu’ils me perfusent. Au vu de mes résultats d’analyse, encourageants, et d’absence de métastases discernables par tomographie, par devant et par derrière, l’intervalle entre les séances d’immunothérapie a été porté de 3 à 6 semaines, mais avec double ration de pembrolizumab® pour l'équipage. 
Ai-je gagné au change ? Comme tous les trois mois, j’ai encore fait des tours de manège dans les scanners la semaine dernière. Un cérébral + un PETscan. (Lors d'un PET scan ou d'un examen TEP, c'est kif kif bourricot, Tomographie par Emission de Positons, la caméra TEP détecte les photons d'annihilation issus du produit radiopharmaceutique, alors que les rayons X issus du scanner fournissent l'image anatomique de la partie du corps examinée.)
Toujours pas attrapé la queue du mickey, malgré tous ces tours de manège gratuit, ou plutôt, pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale au titre d'"affection de longue durée". 

Mon dernier scanner, sans avoir fumé de CBD avant.
Dans les scanners, les mickeys c’est moins facile à attraper que des aliens dans le buffet, parce qu’ils vous font baisser votre pantalon, sans l’enlever, ce qui confère toujours une grande élégance, puis les bras sont ligotés le long du corps avant que vous soyez enfourné dans le tunnel de plastique intelligent qui va dévisager chaque cellule de votre corps dans le blanc des yeux en moins de 45 minutes chrono.
Pour le scanner cérébral, c’est plus rapide, chez moi il y a beaucoup moins de neurones à inspecter que dans le temps, mais le produit qu’ils injectent avant le scan donne des nausées, je me suis fait avoir la première fois, maintenant j’y vais à jeun.  Cette fois-ci, j’ai osé demander auprès des techniciens de l’hôpital pour connaitre mon poids informatique, et contrôler ainsi si j’avais grossi. Ils m’ont dit que ma base de données faisait quand même 40 Gigaoctets. Prochaine étape : insister pour savoir combien est facturée chaque session de tomographie à la Sécu par le centre de cancérologie, et être empli d'une terreur sacrée, qui ne fasse toutefois pas reculer devant le tombeau.
J’étais curieux de la représentation graphique de la base de données de mon petit corps malade en 3D, ils m’ont même remis une image de contrôle du scanner. Mon oncle Olog trouve le résultat très satisfaisant, bien que comme tu le vois, je porte à gauche, mais ça, ça ne date pas d’hier. Encore que dans le temps, j'avais la trompe bien au milieu. 

Un PET scan plus ancien, quasiment pré-bloguien

Blasphémer Ganesh plutôt que risquer de dé-voiler le visage d’Allah, c’est plus prudent, bien qu’avec les suprémacistes hindous actuellement au pouvoir et l'Inde submergée par une deuxième vague ravageuse, on se demande un peu ce qu’ils foutent, tous ces dieux hindous qui semblent se désintéresser de leurs fidèles… à part Kali, qui poursuit son job, quoi qu'il en coûte.
Après avoir vu des images de corps incinérés sur le parking d’un crématorium de New Delhi, je me demande comment font les gens pour continuer à lire du Stephen King. Pour s'évader ? s'évader où ? il n'y a plus d'ailleurs. Il n’y en a jamais eu, en fait. Je pourrais faire un billet néo-dépressif sur ce thème, mais à quoi bon ? c’est pas ça qui me ramènerait Marie-Louise.

- Mélanome !
- Pembrolizumab® ! Echec !
A côté, je me sens chanceux avec mon cancer : chanceux d'avoir été dépisté à temps, chanceux qu’il soit peu étendu, qu’il soit pris en charge à 100%, que le traitement ne soit pas débilitant, et qu’après une entrée douloureuse dans le royaume des cancéreux, mes semblables, mes frères, mes soeurs, aussi, si tu pouvais remettre ta perruque, merci, chanceux que cette grave maladie survienne pendant une période de chômage, de blacklistage et de Prud'hommes qui tardent à émettre leur délibéré en faveur d'un CDI, comme si c'était une machination complotiste pour me faire retourner écrire des bêtises dépitées ici et dans d'autres endroits encore plus secrets, m'enfin grâce à ça je puis gérer mon planning de soins sans trop avoir à jongler avec un agenda professionnel, puisque j'occulte ma maladie à mon employeur, qui sinon me trouverait bien moins sexy comme CDD, bien que comme je l'ai dit je suis aussi blacklisté qu'un mélanome puisse l'être; dans d'autres circonstances, j'aurais certainement couiné ma race que j'étais sans emploi et avec un cancer, et pourquoi pas bipolaire et alcoolique, aussi, pendant que j'y étais ? 
Et ça n'aurait pas été beau à voir.  
Alors que là, non. Et je l'ai dit, j’ai bon espoir d’en être sorti à la fin de l’année. Le cancer me contraint à rédiger des billets optimistes. C'est le monde à l'envers. Plus jamais ça !!
D’ange annonciateur de mort, ma célèbre oncologue Mélanie Mélanome est devenue au fil de nos entretiens une sorte de Sainte Laïque, qui m’absout des mes péchés (en particulier celui qui m'a mené chez elle : m’être mis au soleil pendant 40 ans au mépris de toute crème solaire) au fur et à mesure que recule pour moi l’échéance fatale jusqu’au-delà de l'horizon de l’improbable, bien que personne ne soit encore jamais mort, et que je peux tout à fait périr d'autre chose dès ce soir, ou alors mi-juin d'une thrombose lors de ma seconde injection d'Astra Zeneca, ce qui ne manquerait pas de piquant, tandis que son quotidien à elle reste solidement rythmé par des annonces de mauvaises nouvelles à faire à des patients moins chanceux que moi. 
J'aurais bien aimé qu'elle me fasse une ordonnance pour acheter du ouiski sans alcool à la pharmacie, en prévision de la murge de déconfinement que Napoléon IV ne va pas tarder à promulguer, parce que avec mon cancer, dans d’autre pays j’aurais déjà eu droit à des pétards sans tabac, alors faut pas déconner, mais je n'ai rien pu lui dire, à ma Sainte Métastase, elle n'aurait rien répondu, et m’aurait regardé avec son sourire triste et masqué. Alors j'ai préféré me taire, parce que j'ai les mêmes à la maison, et que je n'ose pas leur faire des blagues comme ça non plus.
Question de tenir la route ou la brouette, pour contrer les effets invalidants du traitement, qui se manifestent par de la fatigue et des courbatures diffuses et permanentes, j'ai décidé de vivre comme si je n'étais pas malade, pas comme un putain de poutine de négationniste, mais que la maladie se rappellerait à moi bien assez tôt, et du coup je n'entretiens plus le besoin compulsif d’y penser. (A part le fait d'écrire sur mes blogs, où je décèle toujours une dimension de comorbidité, mais ça datait de bien avant le mélanome, et j'ai quand même bien ralenti mon débloggage, en fréquence et en intensité.) J’ai remarqué qu'au bout de deux heures d’efforts des bras, des jambes et des reins, je n’ai plus de jus dans les membres, j’ai brûlé mon gasoil pour la journée, et qu'il est alors temps d’aller faire autre chose, voire de m’allonger avec un bouquin. Du coup, je m’astreins chaque jour à pratiquer ces 2 heures d’activité physique ! et le potager n'a jamais été aussi propre; quand j’étais bien portant, je n’en faisais pas autant.
Et il est clair que plus j'ai d'activité, moins je subis les courbatures. J'ignore si j'en ai moins, mais je les ressens moins, un peu comme avec les acouphènes dont l'intensité subie diminue quand on apprend à ne plus les écouter (ce qui les renforce quasi-mécaniquement) et à dissocier la gène du percept.

C'est loin du chef d'oeuvre annoncé
par télérama, babelio et sens critique.
Et ce n’est pas la maladie, mais le traitement, qui m’affaiblit. Apparemment, on ne booste pas impunément le système immunitaire sans fatiguer son hôte. Et si ça se trouve, c’est même pas le traitement, qui a bon dos, c’est la vieillerie. Mais je ne le saurai qu'après avoir cessé le traitement.
C'est comme ça que suis parti jouer de la débroussailleuse à Albi, chez mémé Rimpoché, après avoir sérieusement potassé la notion de motif impérieux au sens juridique du terme car le long du parcours de 650 km, le danger le plus périlleux n'était pas d’ingérer une salade aux germes dans une station d’autoroute aux restaurants fermés, mais plutôt d’affronter les redoutables Sphynx en goguette de la maréchaussée en ayant coché la bonne case dérogatoire et développé le bon argumentaire.
A 93 ans, et vivant seule chez elle, ma belle-mère se réjouit difficilement d’écouter ses vieux Pink Floyd à fond la caisse toute la sainte journée. 
Et elle ne m’a toujours divulgué aucun mantra secret sur la pratique de Longévité. Pourtant, il serait temps !
Elle reste tout aussi discrète sur le mantra encore plus secret qui lui permet de continuer à survivre à une existence d’une grande aridité entre nos visites, pour ne pas dire une vie de merde, et je lui en sais gré.
C’est peut-être ça, le Grand Secret : attendre et reporter la plainte jusqu’à la tombe. 
Dans le caveau, personne ne vous entend couiner. En attendant, on passe de bons moments ensemble. J’ai passé la semaine à débroussailler et délierrer son jardin. Y'a 2500 m2, y'avait de quoi jouer, y s’agit pas d’effleurer les racines, un pote local m’avait prêté une débroussailleuse, et hardi petit. On y a passé quelques jours loin de chez nous, ça fait du bien. Les gosses ont gardé la maison et le nouveau chat. J'avais emporté mon petit banc de méditation : la difficulté, c’est juste de s’asseoir et de faire croire à la viande qu’elle peut s’identifier à l’esprit. Même 25 minutes par jour, c’est affreusement compliqué tellement ça serait trop simple. Tout le mois de janvier j'y étais, mais là j'ai du mal à m'y remettre (sic). J'en conclus aisément que même si je n'ai pas connu de vortex dépressionnaire depuis l'invention du lithium, en 2015 en ce qui me consterne, je reste le variant breton.  Ma prison n’a qu’un seul barreau, et il fait 27 pouces. Mais je cesse de tourner autour quand je veux. En principe. Quand je fournis l'effort, en tout cas. Et le scanner du cerveau de l'autre jour a quand même révélé que l'énorme tumeur, évoquant à s'y méprendre une bite en érection et qu'ils avaient diagnostiquée inopérable lors du précédent contrôle, est apparemment en voie de résorption.
Ce qui confirme mes progrès dans l’intention de pratiquer le bouddhisme.
Et contrairement à ce que j’annonçais dans le précédent épisode de Loukoum et Tagada, je ne me suis pas lancé à corps perdu ou retrouvé dans le Qi Gong pour Stimuler Mon Systême Immunitaire.
Une amie qui en faisait depuis 30 ans a attrapé un cancer du sein. Ca m'a tout coupé, bien que ça soit une excuse un peu facile, je n'en disconviens pas. Peut-être que grâce à la pratique du Qi Gong, où elle doit être un peu plus assidue que moi avec la méditation, elle a évité tout un tas d'autres maladies.
 « La pratique du Qi Gong a aussi mené quelques amis à des maladies ou à la mort, comment savoir ce qui est souhaitable ? Comment savoir si c’est un échec ou un succès ? »
- Tu ne peux pas dire ça. Enfin, je crois que c’est pas ça que tu voulais dire. Le Qi Gong n’est pas cancérigène. En principe. Tu peux dire « la trajectoire de certains amis impliqués dans la pratique du Qi Gong a été impacté par des maladies à métastases, sans permettre leur rétablissement ».
comment savoir ce qui est souhaitable ?
- « souhaitable » du point de vue de qui, c’est là la question. Quand le cancer triomphe, l’individu hôte meurt. En principe. Le souhait d'épanouissement de la maladie signe sa fin. Le cancer semble alors aussi concon que le scorpion qui était monté sur le dos de la grenouille pour traverser la rivière et qui la pique à mi-parcours, prétextant que c’est dans sa nature. Comment la nature pourrait-elle être porteuse de mort et d’extinction ? si  nous cessions de l’anthropomorphiser, on aurait une chance de le voir. Du point de vue du patient, certains cancers (le plus célèbre restant Fritz Zorn) témoignent d’un désir de mort.
Comment savoir si c’est un échec ou un succès ?
- du point de vue du patient atteint du cancer, que désire-t-il vraiment ? et puis j’ai tellement tronçonné tes trois lignes que je ne vois plus que tu parles de l’effet du Qi Gong sur le cancer. 
Je pense que certains cancers aussi invasifs que dopés aux stéroïdes se moquent bien de pratiques énergétiques. Il n’y a pas d’études sur le sujet.

J'avais en mémoire que "es tut mir leid" c'était "ça me fait de la peine", 

mais mon fils m'a dit que c'est plutôt "je suis désolé"

j'ignore si "es tut mir leid für dich" est plus correct, 

ou si c'est de l'allemand petit nègre.

Même si l'expression "petit nègre" est sans doute

désormais interdite par les ligues de vertu.

Es tut mir leid au Q.

Mon amie malchanceuse, je l’ai baptisée « Miss Tutmirleid ». Ca ne fait rire que moi, et son mari, qui lui a collé un badge, et qui ne parle pas très bien allemand. Je lui fais des tartines d'exposés oncologiques, on se marre bien. Il ne faut pas s’acharner thérapeutiquement à faire rire les cancéreux trop fort, sinon les métastases se dispersent dans tout l’organisme, au gré des secousses provoquées par la rigolade. 
Ce qui est cool, par contre, c’est que les cancéreux ont le droit de faire des vannes sur le cancer comme seuls les Juifs ont le droit de faire des blagues sur les juifs Palestiniens.
Chanson découverte trois mois avant d'apprendre que j'avais un crabe, qui ne m'a pas moins fait rire ensuite. Mauvais esprit, mais assez bien faite, malgré quelques facilités d'écritures (je suppute//qui rime avec femmes de petite vertu)

Sinon, cette semaine on a fait la sépulture d’un pépé punk-farceur de nos connaissances, dont tout le monde pensait que c’était le cancer qui avait eu sa peau, et ils se sont rendus compte presque après-coup qu’il avait succombé au Covid, personne ne s’en est aperçu avant qu’il soit trop tard et le mystère reste entier sur le vecteur de transmission, personne autour de lui n’était atteint.
Et en plus, il avait reçu les 2 piqûres de vaccin Pfizer.
Heureusement que je suis pas Francis Lalanne, je l'aurais mal pris.
Sinon, ça va.

Y'a pas un mec des X-Men qui a le même bob, Bob ?
A part qu’avec mon cancer de la peau, je suis maintenant contraint de faire du jardin et de l'ordinateur avec un chapeau à la con, et ne plus m'exposer au soleil never again quand l'indice UV dépasse 1.
Ce sont des petites misères, par rapport à ce que ça pourrait être.
Et pour pouvoir relancer la saison de jogging, à laquelle la chirurgie, le confinement et le chocolat à l'orange ont porté des coups difficiles à parer, je teste depuis deux semaines un régime dont je parle depuis des années, en remplaçant le repas du soir par un fruit, un yaourt. Les oncologues proscrivent les jeûnes pour les malades du cancer, ils ont bien raison, mais un régime comme ça, Mélanie n'a rien dit, ce qui me freinait dans l’application de cette méthode c’était surtout la crainte de fâcher Jeannette et sa politique des bons petits plats quoi qu’il en coûte, là avec mon statut (mon cancer de Schrödinger, même) je jouis d’une certaine immunité diplomatique, concernant l'alimentation je fais un peu ce que je veux, bref y’a cabane. Profitons-en : le corps vit très bien avec un seul repas par jour. Le mien, en tout cas. En deux semaines, j'ai déjà perdu 3 kgs. En conservant ce rythme, dans moins d'un an j'aurai totalement disparu.

[EDIT]

Raoul Cauvin, le vénérable scénariste (82 ans) des 65 tomes à ce jour des aventures des Tuniques bleues (dans Spirou) n’a pas eu besoin d’un roman fleuve pour annoncer, même pas dans un article mais dans les commentaires de son blog, qu’il arrêtait de travailler, pour des raisons impérieuses :
« Il doit détruire pour survivre » :
Enfin le biopic du mélanome Mélenchon
"Disons simplement que je m'apprête bientôt à rejoindre les grands parents de Greg et Leslie (des lecteurs du journal qui venaient de perdre leur grand mère). L'oncologue est formel. Encore quelque mois à vivre avant d'aller, là-haut, rejoindre tous ceux qui m'ont précédé. Fallait bien que ça m'arrive aussi un jour. Contrairement à certains, je n'ai pas voulu partir cash, créer la surprise... J'ai préféré prendre un peu de temps pour vous avertir. Voilà qui est fait... J'espère m'en être bien tiré... Bien à vous et, tant que je peux encore le faire...vous dire... A+ »

 Une grande leçon de sobriété, donc, à l'intention du public restreint des amateurs de chroniques d'auto-nécrologie. De toute façon, c'est pas un concours de vitesse. On vient tous du même endroit, on va tous au même endroit. Le premier arrivé attend les autres. En principe. Moi, plus je vois mon oncologue, moins elle est formelle; j’aimerais bien voir le bas de son visage, un jour. J’ai pas l’impression qu’elle ressemble à Alien.


[EDIT_2]

 "Du coup, je m’astreins chaque jour à pratiquer ces 2 heures d’activité physique ! et le potager n'a jamais été aussi propre; quand j’étais bien portant, je n’en faisais pas autant." La peste soit des blogs : depuis que j'ai écrit ça, je me retrouve à nouveau très fatigué depuis la semaine dernière, juste bon à regarder des vieux films à la téloche, lire des Christopher Priest très adjaçents, et écouter des Steve Roach quand les enfants dorment. Je ferais mieux d'utiliser mon clavier à autre chose qu'à fabuler.


(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

samedi 27 mars 2021

Le disque dur de Ben Laden

Il y a déjà quelques mois que je m'abstiens d'écrire sur tous les sujets qu'il m'aurait amusé d'aborder d'un peu trop près. C'est d'ailleurs cette excitation pré-liminaire qui me sert de marqueur de zone interdite, d'alarme incendie dans le pavillon témoin désert à cette heure, de signal d'alerte à Malibu boira. Dès que ça commence à impliquer la divulgation d'informations intimes, ou la déclassification maladive d'extraits de ma fulgurante correspondance hyper-secrète avec des entités réelles ou supposées, il vaut mieux que je m'abstienne. Que je lâche prise. 
Les kamikazes de blogs ne sont plus d'accord
pour s'y faire sauter (archive)
Que je ferme ma putain de gueule.
Ainsi donc, vous n'apprendrez rien aujourd'hui de ma longue maladie en cours, de mon immunothérapie qui me réduit pas mal la bande passante énergétique, de mon assignation d'un employeur aux Prud'hommes pour obtenir une requalification en CDI après 23 ans de CDD, de mon blacklistage subséquent au planning, ce qui me donne l'impression d'être en préretraite depuis un an, des errements de ma progéniture qui vient de réintégrer le domicile familial et qui s'occupe maintenant d'autistes adultes & déficients alors que je me demande toujours si lui et moi ne faisons pas partie du public ciblé, de sa phobie administrative aux conséquences multiples et avariées, de la fripouillerie des concessionnaires Opel alliée à leur incompétence crasse, de la recette du kouign amman au variant breton, de ma bipolarité en dents de scie avec les icebergs qui se déchaussent de ma gencive et tombent à l'amer de ma banquise, de mon addiction sexuelle qui barre en couille, ou pas, de mon combat contre les kilos en trop, et pour l'instant c'est eux qui gagnent, de mes progrès en méditation suivis de mes rechutes en ruminations, des copains qui ont eux aussi attrapé des longues maladies et c'est bien de notre âge, de l'effet de Steve Roach sur mes acouphènes, de la réclusion psychologique à perpétuité à laquelle je soumets mon père depuis déjà 9 mois, de mon oncle qui vient de survivre à 80 ans passés à un Covid gratiné + un pneumo-thorax + un infarctus et qui rêve maintenant de me réconcilier avec son frère ainé alors qu'il dit nous avoir vus, mon frère et moi nous faire martyriser par lui pendant des décennies, de ma récente vaccination prioritaire à l'AstraZeneca goût banane, annulée puis désannulée, c'est ça la cancel culture, de ma femme qui ne s'appelle pas Comorbidité mais franchement, y'a des jours, on se demande, parce que y'en a qui cumulent. Non, franchement, pour tout ça, ne comptez pas sur moi. Allez voir ailleurs si j'y suis. Et faisons donc diversion, le temps que ça me passe, et que l'orgie d'indiscrétions à base d'exhibition de slips sales au Centre Pompompidou puisse reprendre.

De toutes façons, de mes petites mythochondries cinématiques, on s'en moque : 
Le réel vient d'être annulé. On va pouvoir passer aux choses sérieuses.

La culture est là pour ça. Pour que la mémorisation/régurgitation d'informations puisse procurer l'illusion de la sagesse, et surtout meubler ces grandes pièces intérieures, qui sinon résonneraient des échos lugubres des gémissements de dépit de la quête infructueuse du Soi (il ne s'y trouve pas).

Et non seulement ça, mais l'impasse des pensées, déjà dénoncée par les écoles philosophiques orientales,
est aujourd'hui frappée d'une annulation de sens interdit. Je ne sais pas trop quoi en penser,
sinon que ce questionnement implique que je suis déjà dans l'erreur.
Je vois bien, depuis 2 mois que j'ai un smartphone et qu'il me canarde de nouvelles improbables que je ne tenais pas à connaitre (mais la vraie modernité semble inclure dans son pack une certaine tolérance à l'intrusivité) que ma sous-culture augmente dans des proportions inquiétantes. Le fil d’actualités Google Discover collecte pour moi des informations en fonction de critères d'intérêt basés sur mon historique de recherches et mes préférences. C'est la garantie de ne plus jamais m'extraire de mes obsessions et certitudes auto-démontrées. Ma première trouvaille de la journée, c'est de découvrir qu'une biographie semi-clandestine de Philip K. Dick avait été tournée en 2006 avec Bill Pullman.
Bill Pullman ! Un avatar occidental du Bouddha, quand il joue dans The Sinner, avec une touche de Jean-Pierre Filiu. J'ai hâte de ne pas voir ça. La bande-annonce décourage toute tentative. De tout cela, on se tamponne avec une élégance teintée de nostalgie, en songeant à l'époque où ça nous paraissait important. Mais quand mon téléphone me propose un article sur le contenu du disque dur de Ben Laden, ça c'est forcément du lourd ! 
Les dangers de l'Occident sont
signalés par la Sécurité Routière
Jusqu'ici, je ne considérais pas Ben Laden comme un grand Saint de l'Islam, mais comme il avait appelé au djihad avant de partir en live, je me disais que quand même, dans son disque dur on allait trouver quelques sourates apocryphes, la photo encadrée de la mère du Prophète, et 
des Commentaires du Coran annotés par des théologiens comme seuls les pays du Golfe savent en produire. 
Hé ben, au final, pas plus de sourates que de beurre en broche : dans son disque dur, on a découvert notamment des mèmes, des gifs animés, du porno, le film L'Âge de glace, des épisodes de Tom et Jerry ainsi que de Mister Bean ! Et si ça se trouve, en plus il avait téléchargé tout ça illégalement !
A partir du moment où un ennemi de la démocratie télécharge illégalement du Tom et Jerry, il est fichu, car le ver est dans le fruit : la frustration et l'insatisfaction se répandent dans son organisme à la vitesse de la métastase issue du mélanome colonisant le système nerveux central. Car comme le disait Malek Boutih, à qui on n’avait rien demandé, dans le Charlie Hebdo du 11 mars 2015 : 
« Il ne faut pas oublier une chose : le point de départ de l’intégrisme islamiste, ce ne sont pas les théories des Frères musulmans, mais l’arrivée de la parabole dans les pays arabes. C’est quand, tout d’un coup, la modernité, le sexe, la liberté, tout fait irruption. Et les intégristes se sont sentis débordés.
- Vous voulez dire que la démocratie propose une image que théoriquement ils refusent mais qu’instinctivement ils désirent ?
- Exactement. Le fait de pouvoir avoir cette image mais de ne pas la consommer en même temps, ça rend fou. Et c’est le cœur de tout.»
Papounet en train de draguer
une des soixante-dix vierges
en arrivant au paradis d'Allah, 
par Omar Ben Laden
Pour oublier tout ça, et surtout le passé sulfureux de papa, le fils de Ben Laden se noie dans la peinture ! Tous nos détails en pages intérieures !
Mais bon, faut pas généraliser. Si mon téléphone intelligent voit le mal partout, c'est sans doute parce que mon historique de navigation n'est pas très net. Pour que l'enquête soit objective, il faudrait aussi aller farfouiller dans la clé USB de l'évêque de Nevers (Never say Nevers again) et même de certains bouddhistes thaïlandais qui abusent un peu de la sauce piquante.
On ne va pas abattre tout le troupeau de croyants pour quelques brebis galeuses. On se demande quand même si défroquer un moine convaincu de pédophilie est la meilleure attitude à adopter. Attendez, j'en connais une autre, sur les bouddhistes, c'est pas dans mon curé chez les Thaïlandaises que je l'ai entendue ?
Un jeune homme de 21 ans s'embarque dans une virée meurtrière contre trois salons de massage d’Atlanta et ses environs. Six des huit victimes sont d’origine asiatique, et sept sont des femmes. Robert Aaron Long « affirme ne pas avoir de mobile raciste »Se présentant comme un « obsédé sexuel » soucieux de supprimer « une tentation », il a insinué qu’il avait des problèmes d’addiction sexuelle et pourrait avoir fréquenté plusieurs de ces lieux dans le passé. 
C'est un peu plus radical que de demander aux femmes de se voiler pour éviter aux hommes d'être excités par leur beauté, avec les résultats que l'on sait sur le contenu du disque dur de Ben Laden.
Xing Hua, Américaine d’origine asiatique, confie être « très en colère » que le bain de sang de mardi n’ait pas encore été qualifié de « raciste » par la police. « Le fait est que six femmes asiatiques sont décédées », dénonce la trentenaire à Washington, la capitale des Etats-Unis, où plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés dimanche. « Je ne suis pas une tentation », fustige sur sa pancarte Kat, 31 ans, regrettant une hyper-sexualisation des femmes asiatiques. « J’ai été accostée par des hommes sur des applications de rencontre qui me disent “Je dois soigner ma fièvre jaune” », raconte-t-elle à l’Agence-France Presse. 

Heureusement, Robert Aaron Long
ne lisait pas de mangas.
C'est déjà assez gore comme ça.

On se croirait revenu au bon vieux temps du Lotus Bleu, où selon Lao-Tzeu, pour trouver la Voie il fallait couper des têtes. Mais c'était un Asiatique qui voulait découper Tintin, et qui ne passait pas à l'acte.
Le type qui décide consciemment de génocider l'objet de son désir (en lui déniant au passage la qualité de sujet) en pensant que ça va résoudre son problème d'addiction pourra méditer à l'ombre de ce qu'il lui reste à vivre en prison sur la condition fluctuante dudit objet.
L'autre jour, en sortant de chez Feu vert, j'ai vu un jeune rebeu suivre en voiture et importuner verbalement une jeune femme qui passait à pied entre le parking du Leclerc et la station d'entretien des véhicules. Elle n'a ni accéléré ni ralenti son pas, il a balancé divers arguments que je n'ai pas entendus, puis a abandonné son véhicule quelques instants au milieu de la voie d'accès à la sortie du Feu vert pour l'emmerder plus librement à pied, elle souriait toujours sous son masque, ne s'est pas retournée et a poursuivi son chemin. Réaliste, il a alors lâché l'affaire et il est revenu vers sa voiture. Juste au moment où j'allais intervenir, et où mon fils m'a fait remarquer qu'il avait trois potes à l'arrière de sa caisse, que je n'avais pas vus. Je regardais la fille. Et comment elle s'en sortait. Il n'avait pas l'air encombré de questions sur la légitimité de son désir. 
Qu'il soit reubeu ou pas, on s'en fout, il témoigne d'une belle vitalité, faudrait juste l'aider à la réorienter vers des trucs plus utiles que d'emmerder des nanas. Sans doute une carence dans l'éducation. Et vitalité que n'a pas, que n'a plus l'intello dépressif campé par Houellebecq dans Soumission, qui abdique devant l'Islam même s'il reste attiré par plusieurs femmes, du pouvoir, plus d’argent… et  qui est loin d’en avoir fini avec l’insatiabilité de l’Occident, sans parler de ce qu’il boit et fume (5 cartouches pour écrire l’intro de Huysmans dans la Pléiade)

Le président du Comité pour l'Abolition du Désir
(archive)
Mais avec tout ça, et aussi avec les blagues tardives de PPDA, je me dis que dans notre culture, y'a un truc qui va pas, parce qu'un mec entreprenant, c'est un séducteur, alors qu'une fille qui prend l'initiative, c'est une pute. Y'a encore du chemin à faire. #Metoo m'aura au moins appris ça.
Comme j'ai commencé à prendre langue avec les derniers gauchistes islamo-écolos de mon coin, parce que j'en ai marre de rester confiné à lire les conneries dont mon smartphone me bombarde, l'autre jour ils m'ont envoyé de la réclame :
Bonjour ! 8 mars 2021, journée internationale pour les droits des femmes : ** se mobilise avec les boulangeries de ** ! En distribuant avant fin mars des sacs à baguettes dans les boulangeries de ** avec les numéros d’urgence et le violentomètre pour prévenir les violences conjugales !

Le violentomètre vous permet de mesurer à l'aide d'une baguette graduée
la quantité de violence dans votre couple. Avouez que c'est rudement pratique.
Et en plus après, on peut se faire un sandwich aux phalanges avec.












Je leur ai répondu :
Bravo ! 
Grâce au violentomètre, impossible maintenant pour ma femme de confondre «ramener une baguette» et «prendre un pain»
… ok, je sors.
Pardon, mais la multiplication des supports publicitaires, même pour une juste cause, me fait toujours un peu blasphémer.
- 😂 pour le jeu de mot mais honnêtement c’est un message pas aisé à passer car il devient banalisé . Au moins on fait des essais 😃
- nan mais c’est une bonne idée, il faut tout essayer, sinon rien ne change; le problème c’est que les gens « sensibilisés » (les filles aux prises avec des pénibles) savent souvent à qui elles ont affaire, et choisissent quand même de rester.  Ca s'appelle l'emprise.
C’est les mecs à qui il faudrait faire ouvrir les yeux sur leurs pratiques, je le sais, j’en suis un.
Mais comme je lis Causette aux cabinets, je me sens intouchable.
;-)))
surtout parce que l’âge (et ma femme, et ma fille) m’ont ôté mon illusion de toute-puissance.
Je préfère être un chantre clandestin de la nouvelle morale intersectionnelle et féministe.


Allez, et que la paix soit sur vous.






lundi 1 mars 2021

C'était le bon temps des restaurants ouverts

Que sera notre futur ? d'après Mathieu Bablet,
pas très jouasse (à la surprise générale).

Planête Terre, vers la fin de l'an 1 du règne du Covid intersidéral, comme l'appelle affectueusement Alain Damasio dans la postface de Carbone et Silicium (une BD ambitieusement déprimante qui annonce notre date de péremption encore mieux que les yaourts, et l'avènement de la post-humanité des Intelligences Artificielles). 
Au bout d'un an, et si aucun proche n'a encore été atteint, on s'habituerait presque à cette apocalypse molle et larvée; cette semi-vie en animation suspendue, l'autre moitié toujours retenue en otage par l'infernal virus Gégène.
Un état de semi-vie ? dans une stase où je conserve une conscience et une capacité limitée à interagir ? Aurais-je basculé en me penchant sur un tiroir ouvert au funérarium de Herbert Schönheit von Vogelsang, dans le Ubik de Dick ? Ca expliquerait pourquoi l'inscription "Je suis vivant et vous êtes mort" ne cesse d'apparaitre en surimpression sur la faïence des toilettes, sans doute pour me faire penser à racheter de l'Ajax WC, mais j'oublie tout le temps. Mais Schönheit von Vogelsang, je ne m'en lasse pas, car ça veut dire "Beauté du chant des oiseaux", rappel utile, car quoi que nous fassions ou ne fassions pas, le printemps arrive. 
Le pêcher près du compost est plein de bourgeons, et le rouge-gorge juché dessus braille comme s'il était doté d'enceintes 150 Watts. Mais qu'on ne s'y trompe pas : simultanément, la bladerunnerisation de la société va bon train. Je t'en foutrai, moi, de la science-fiction.

Derrière chez moi, les voisins aussi sortent sans masque.
Le relâchement est général, car les Français en ont ras le bol.
Quand je veux entrer dans le futur, plus besoin de lire de la SF qui fait mal à la tête, je sors dans la rue avec un masque, et me voici téléporté dans un épisode un peu longuet de Black Mirror. Et quand je veux entrer encore plus loin dans le futur, et envoyer un message fort au gouvernement, je sors dans la rue sans masque, mais là c'est carrément de la fiction spéculative à long terme, sans date butoir. Une utopie échevelée. Et de toutes façons je ne fais que quelques mètres avant d'être arrêté par la maréchaussée, ou par des passants indignés par mon visage découvert, alors qu'ils n'ont même pas lu "Indignez-vous." Et même ça, c'est de la science-fiction, vu que j'habite à la campagne et que c'est pas les bestiaux dans le champ de Raymond qui vont me verbaliser quand je sors dans le quartier.
" Aah ça, y sont forts, les Arabes, d'avoir réussi à nous faire tous porter le niqab, même les mecs, et d'avoir collé ça sur le dos des Chinois. N'empêche que Hong Kong Soushi, là, en Birmanie, elle l'a bien dans le baigneur, ça me console un peu, même si ça nous rendra pas Steve
Allez, René, remets-moi un 51 ! Hein ? René ? t'es où ? Caisse tu fous ?" 

2021, l'année de la vache qui ne rit plus.
Mais ça fait déjà 6 mois que René s'est pendu dans l'arrière-salle de son bistrot désert. C'est pourquoi une quarantaine de députés de tous bords politiques demandent au premier ministre d’étudier la réouverture des restaurants « au déjeuner, pour ceux qui en font la demande », à partir du 30 mars et « avec les procédures sanitaires adéquates », dans une tribune publiée par Le Journal du dimanche.
Il y a aussi les rassuristes, cette nouvelle marque de complotistes plus ou moins scientifiques qui nagent à contre-courant pour affirmer que le coronavirus n’est pas aussi dangereux qu’on le prétend. 
Le mot rassurisme est plus poétique qu’effondrologue, mais tout autant inquiétant. Es tut mir leid, comme disent nos amis allemands. (mot à mot = ça me fait de la souffrance)
Tous ces gens ont tellement idéalisé le passé qu'ils ont oublié les catastrophes qui survenaient parfois, quand c'était soit-disant le bon temps des restaurants ouverts. Ils prétendent n'avoir jamais vu le sketch des Monty Python dit "The Dirty Fork Sketch", qui évoque sans tabou les périls de ces établissements engloutis avec cette époque à jamais révolue où l'on pouvait se restaurer sur place avant de retourner au bureau, en attendant de pouvoir retourner se confiner le week-end.


Les sous-titres sont livrés à part :
d'ailleurs en recherchant ce sketch (que j'avais vraisemblablement idéalisé) j'ai trouvé l'intégrale des sous-titres :
https://www.ibras.dk/montypython/justthewords.htm
et aussi l'intégrale des sketchs, qui me permet de m'y retrouver plus facilement que dans ma pile de fichiers .mkv :
Alors oui, ça c'était l'Age d'or, et oui, c'était mieux avant. C'est clair. Enfin, chaipas, moi. Peut-être que je surréagis (y'a pas à dire, overreact c'est mieux en anglais) à une situation amenée à évoluer lentement, sans toutefois pouvoir jamais revenir au monde d'avant puisque la vie n'est que flux, comme les disques de Steve Roach, et puisque selon le célèbre fragment d'Héraclette, nous ne mangeons jamais deux fois dans le même restaurant, surtout depuis qu'il est fermé et que je consomme le contenu de la barquette qu'il m'a vendue sur un banc public à côté du bureau de chômage.

samedi 27 février 2021

Entre ici, Maître Mô, avec ton terrible cortège

La suffocante promiscuité des blogs
fait que je peux bien coller sa bonne tronche
sur le mien, c'est pas ça qui nous le rendra.
Y'a pas que Maître Zhu, dans la vie.
Y'a aussi Maître Mô.
Enfin, y'avait. Yahweh, mais y'a plus.
Ils sont tous les deux disparus.
Sur le site de Maître Zhu, je lis ceci : "Le vrai sourire est une marque d'amour. Il transmet une énergie réconfortante doté d'un pouvoir bienfaisant, car il émet de puissantes ondes d'énergie curative." Ca fait peut-être un peu cucul la praline, mais le sourire reste chez les humains LA vraie marque d'humanité, quand tout le reste se débine. Le sourire, ce truc qui n'a pas pu être inventé à la Préhistoire car les rapports sociaux entre tribus étaient encore trop tendus, du fait de la pénurie alimentaire rampante, si l'on en croit l'intégrale de Rahan, qui combattait aussi l’ignorance et les superstitions de ses frères et soeurs en quête de leur humanité dimanche, mais aussi les autres jours de la semaine qui n’avaient même pas encore été inventés.
Et sur le compte Twitter de Maître Mô, avocat pénaliste récemment décédé, on peut lire en date du 5 mars 2019. : « Si un jour je meurs, ce qui m’étonnerait sincèrement, ne dites pas mes supposées qualités ou ne rappelez pas ce que j’ai fait ou dit ; dites que je vous manque, que vous aimeriez m’aimer encore ou rire avec moi, ou bien ne dites rien du tout. Enfin, sans vous commander ». Pour un média social réputé répandre l'anathème, l'invective et propager l'émeute raciale en veux-tu en voilà, cette invitation au sourire émane d'un esprit singulier.
C'est un peu crapoteux, d'apprendre ainsi la mort d'un Juste après un cancer, alors qu'on ne se sent soi-même pas très bien, et qu'on est loin d'en être un. Juste. Ca semble injuste, bien que quand c'est l'heure, il soit difficile de se dérober. La chronique du Monde par laquelle j'ai appris sa disparition est élégante et sobre comme je ne le serai jamais, moi je ne suis qu'abstinent, ce méchant mot qui semble ne vouloir désigner qu'une envie de pisser qu'on traiterait par le mépris, jusqu'à ce que notre vessie explose. Le mépris n'est jamais une bonne médecine, ni en interne, ni en externe.
Cette tribune dans le Monde, dont vous ne verrez que les préliminaires si vous n'êtes pas abonné, m'ont mené vers son blog, dont l'article le plus renommé est apparemment celui-ci :
Franchement, si vous ne devez lire qu'un seul récit de procès d'assises, lisez celui-ci.
Ou bien ne lisez rien du tout. Enfin, sans vous commander.
Il y emboîte des phrases aussi longues que les miennes, je sais, ce n'est pas très sexy au premier abord, mais franchement, il nous fait partager son expérience de manière inouïe, en termes qualitatifs ça m'évoque le « D’autres vies que la mienne » d'Emmanuel Carrère, du temps de sa clarté et lucidité. 
C'est magnifique.
En même temps, c'est à pleurer.

Ce n'est qu'en rentrant chez moi et en lisant les commentaires de l'article du blog de Maitre Moyart que j'ai compris que son récit était déjà paru dans le hors-série des 10 ans du magazine trimestriel XXI
que ma femme m'avait élégamment offert à un Noël d'avant-guerre, et que j'aurais donc pu le lire tranquille dans mon lit au lieu de me crever les yeux sur un ordinateur au travail.

Pièce à conviction n° 3
Je serais curieux de voir le dessin que tirerait Xavier Gorce de l'histoire du "Guet-Apens", un grand moment de Réalité Réelle Ratée, comme beaucoup de procès d'assises, mais les réseaux sociaux ont tué Xavier Gorce, presque aussi sûrement que l'addiction à la nicotine fut le guet-apens où Maître Mô laissa sa peau. D'ailleurs, si Maître Mô a bien été tué par le cancer du tabac, comme on peut le suspecter légitimement vu qu'il a la clope au bec au fronton de son blog et qu'elle fume toujours quand il débarque sur le mien, je me dis que s'il avait accepté d'assurer la défense de son meurtrier présumé jusqu'en cour d'assises, en la personne de cette innocente cigarette qui fait tant de morts dans un assourdissant silence, dit-il après avoir fumé plus de 30 ans, il aurait très certainement obtenu l'acquittement de son client, au bénéfice du doute, bien sûr. Mais c'est difficile, de plaider, quand on est mort.