mardi 9 octobre 2007

Attention !




message d’erreur plus vrai que nature obtenu sans trucage devant huissier pas plus tard que la semaine dernière

Comme leur nom l’indique, les créatures de rêve sont faites pour rêver. Mais attention, pas trop fort, sinon on se retrouve en plein cauchemar. Vous vous rappelez Sam Lowry dans le film Brazil ? Il s’évade par l’imaginaire d’un monde déshumanisé où ne le retient plus un boulot peu gratifiant, et où ses difficultés relationnelles, son immaturité affective, sa mère castratrice, et tout un tas d’emmerdements le pourrissent grave. Réfugié dans un monde onirique où il peut en toute liberté jouer les héros, sauver sa promise, combattre les forces du mal… on croit même un moment qu’il y parvient pour de vrai, mais il finit trépané à la perceuse (à vue de nez, avec une mêche de douze, pour ceux que l’aspect fiche-bricolage de cet article intéresse) par un ancien camarade d’école plus studieux que lui, broyé par une conjonction de coïncidences malchanceuses (Philip K. Dick aurait dit “(pense à retrouver une citation vraiment déprimante sur l’aspect hasardeux plutôt que délibéré du Mal, je crois que c’est au début de la transmigration de Timothy Archer) en fredonnant une ritournelle surannée empreinte de nostalgie envers un passé révolu qui n’a vraisemblablement jamais existé. Si ce malheureux Sam s’était contenté de mater du cul sur Internet, il se serait épargné bien des soucis, même si le film en souffrirait : le porno est un refuge brazilesque idéal pour des gens peu regardants à la propreté du siège sur lequel ils s’asseoient (et par ailleurs peu désireux de s’aliéner le patronat, malgré des conséquences souvent néfastes sur leur productivité au sein de l’entreprise.) Malheureusement, et donc en fait plutôt heureusement, et donc finalement ni l’un ni l’autre puisqu’il s’agit d’une simple constatation, la photo d’un verre d’eau ne saurait désaltérer (qu’il soit à moitié vide ou à moitié plein) et de toute façon, comme le dit une Schtroumpfette sur un forum ce matin, le samsara et le nirvana sont de même nature, il faut revenir avant l’un et l’autre car sinon, l’un implique forcément l’autre. Ton attachement au second crée le premier(…) Le désir du nirvana, c’est le samsara.
Par rapport à ça, le temps finit par apporter un commencement de sagesse : si je remonte dans les branches de l’arbre causal avant les addictions, vers les vraies filles qui m’ont fait tripper sans rime ni raison, force m’est de constater que y’a un moment qu’elles jouent au football avec leurs nichons, comme disait Marlon Brando dans le dernier Tango à Paris, ce qui ne saurait être tenu pour un propos machiste, car moi-même je suis pas loin de jouer au jokari avec mes couilles dans certains exercices de Tao sexuel, mais je m’égare… en recherchant à mettre en lien quelque chose de valable sur le Tao sexuel , j’obtiens illico un démenti cinglant d’un des postulats que je viens d’émettre : Mantak Chia y indique dans une interview que les sociétés qui s’inquiètent de la consultation de sites érotiques par leurs employés devraient s’en réjouir puisque ceux-ci peuvent leur permettre d’augmenter leur énergie et donc leur efficience au travail… enfin, d’après mon expérience personnelle et des témoignages assez unanimes, il se fout quand même le doigt dans l’oeil sur ce coup-là, ou plutôt il généralise ce qu’il imagine être un surf “énergétisant” sur des sites “coquins” et ne se doute même pas qu’on puisse compulser et se ruiner la santé et le portefeuille devant la représentation pixellisée de quelque chose qui relève du partage interpersonnel plutôt que du commerce international (mort de rire à l’idée de voir Mantak Chia surfer sur des sites de Q) ce qui m’amène à ma puissante conclusion : tout le monde peut se tromper !
Allez, on enchaine, hop hop hop, cher journal, je crois que comme je ne bosse pas cette semaine, je vais plutôt m’occuper de trucs en retard dans le réel pour ne pas me recoller à mon écran comme une mouche sur sa bouse comme je l’ai fait la semaine dernière, car comme tu le sais, cher journal, je suis un putain de geek, computer-freak et tout et tout. J’ai des idées d’articles pour mon blog, mais ça peut bien attendre la semaine prochaine. Je ne me laisse pas submerger par les émotions négatives telles la déception, la peur ou la colère, d’ailleurs elles sont plutôt pas là en ce moment, mais faut pas le dire trop fort parce que c’est le genre de vantardise à les faire rappliquer, mais si elles se pointent, je me rappelle qu’elles doivent être traitées comme cette vieille coquine de culpabilité, maitresse exigeante aux tarifs exorbitants, tu te rappelles la dernière fois qu’elle t’a rendu visite ? quand elle a brûlé tous tes meubles, après elle s’est torchée dans tes rideaux avant d’emporter l’argenterie et tes bijoux de famille sans rien laisser dans son sillage que la fragrance capiteuse de son haleine de troll ? Laisse-la tranquille, où qu’elle soit : si tu persistes à renoncer à poser des actes qui la stimulent, et si tu ne réponds pas à ses sollicitations, elle finira par se lasser, et ira embéter quelqu’un d’autre - c’est pas les clients potentiels qui manquent. Et en attendant, bouge-toi le Q.”

Commentaires

  1. Bien vu, on en est tous au même point, regarder une fille en évaluant le popotin ou la paire de nichons, c’est débile mais c’est naturel sinon l’humanité n’existerait pas…réducteur me direz vous, mais vousreconnaissez votre culpabilité. En attendant, l’addiction nous mène par le bout de la queue…peut être plus pour trop longtemps, sachons pondérer: Dans l’excellent bouquin “Anthropologie de la mémoire” de Joël Candau (collection cursus edition Armand Colin) ce bougre d’auteur cite Saint Augustin visitant l’immense palais de la mémoire. Bon n’y voyez pas cher John quelques remugles catho-castrateurs, car Saint Augustin est l’un des pères de la philosohie moderne, toujours est-il que le dit saint évoque dans ses “confessions”, en parlant de ses pulsions sexuelles, qu’il nome élégament “Consupiscences”, la “tyranie mémorielle”. Alors, cher John, c’est donc votre mémoire qui vous harcèle et vous joue des tours en se remémorant vos extases passées vous avez toujours envie d’en croquer (surtout en lisant les raffinements du “tao et l’art d’aimer”, bien connu dans mon foyer)…Et comme votre blog ressemble étrangement à une confession, oserai-je vous conseiller d’en tirer leçons ?
    Bien à vous.
    Totem qui ne se pose pas en donneur de leçon mais qui semble être dans une même quête de sagesse… mais dès qu’il pronnonce le mot sage, le sage sait déjà qu’il ne l’est plus.

  2. Au passage, j’adore le film Brazil, un film culte…

  3. Pourtant, Mantak a écrit “Fantasmer au sujet du sexe finit par étrangler le mental” comme on peut le lire dans l’extrait de son livre “Cultivez l’énergie sexuelle masculine”:
    http://www.orroz.net/sexe_et_fantasmes.htm
    Comme quoi, on peut avoir la mémoire courte, même si on est au top !

  4. Un blogueur surnommé le clown lyrique a aussi ce genre de préoccupations:
    http://unclownlyrique.blogspot.com/2007/11/blog-post.html

  5. Houlà, c’est plein de famapouals, ton link ! Va pas me casser mon business, malheureux !
    du même, je préfère http://unclownlyrique.blogspot.com/2007/11/louange-dieu-qui-mis-le-plus-grand.html

samedi 6 octobre 2007

Ce Salon de l’Auto d’où l’on rentre à pied (et à poil…)

Un dépendant sexuel m’écrit fin août : “Sacrée prison quand même, non, pleine de nanas à poils, de culs et de nichons. A priori un p’tit paradis…” Le lendemain, j’étais mollement alangui sur une plage, et mon voisin de serviette me sort une formule sans doute éculée mais inconnue de nos services : “Encore une journée de merde au paradis ! ” ça a fait tilt, et je l’ai félicité derechef de son sens de l’à-propos : comme nos capacités de désir sont disproportionnées par rapport à nos capacités de jouissance, c’est normal qu’en suivant la ligne de plus grande pente, dite aussi loi du moindre effort, on finisse par s’étouffer d’insatisfaction, jusqu’au jour où on en a marre d’en avoir marre. Quand on n’est plus qu’un cri de dépit, on est mal barré. Compulser au porno, c’est comme visiter le Salon de l’Auto sans pouvoir acheter aucune voiture, (laissons de côté l’aspect douteux de l’analogie pour nous intéresser à son côté intéressant) ce qui nous condamne à la frustration, nous confrustre à la damnation… et comme la frustration rend fou et que “tout plaisir non partagé mène à la dépendance”, comme disait Orroz, “et moi je n’aime pas la dépendance”, renchérissait le Schtroumpf grognon… les Schtroumpfs, c’est bien connu, y’en a un qui se tape la Schtroumpfette, sans doute le vieux la nuit dans son laboratoire, et tous les autres se pognent sévère. Comme quoi…méfions nous de l’anthropomorphisme schtroumpfien, surtout si nous sommes cyberdépendants.

Commentaires

  1. Ah mais on n’a pas forcément envie d’acheter la voiture, juste la conduire.

  2. D’abord, on n’a pas une tête à avoir le permis. Ensute, le vendeur (qui n’est pas fou) voit bien qu’on n’est pas en état de conduire : on serait juste capable d’érafler la carrosserie et de baver sur les sièges avant de capoter dans le ravin au premier virage (on avait pas dit qu’on allait laisser tomber l’aspect douteux de l’analogie ?)

jeudi 4 octobre 2007

Joyeux aviné ressert


15 ans sans boire aujourd’hui. Chez les Alcooliques Anonymes on fête les anniversaires de sobriété continue, célébration qui est un mal nécessaire. Autant il est absurde pour soi de commémorer depuis combien de temps on a cessé de s’enduire d’erreur avec un produit, car il n’y a point matière particulière à s’esbaudir (se resjoüir avec excés, & tesmoigner sa joye en dansant, sautant ou de quelqu’autre maniere semblable) de s’être trompé aussi longtemps qu’on aie fini par s’enfermer dans le mensonge de l’addiction, autant ça peut être utile aux autres. La valeur pédagogique de l’exemple. Quand j’ai poussé la porte du mouvement, il était inconcevable que je puisse passer trois jours sans boire un coup. En même temps, je savais très bien que le premier verre que j’allais porter à mes lèvres, quelle que soit l’heure de la journée, allait en attirer d’autres, et qu’en cours de route vers le crépuscule je perdrais connaissance, et sans doute aussi la moitié de mes affaires. Dans mes premières réunions AA, les gens qui avaient un an d’abstinence et qui venaient en témoigner, tout tremblotants et annônants, m’apparaissaient comme des putains de saints.
Au début de ma vie sans alcool, je me disais “l’avantage maintenant c’est que quand je me réveille la tête dans l’cul c’est forcément dans celui de quelqu’un d’autre…” je connaissais pas encore l’ADSL et les gueules de bois virtuelles.
Généralement, quand le Moi se rend compte qu’il ne peut dominer ses pulsions, il préfère bien souvent couler la baraque que se mettre “au service de”, ne serait-ce que de sa propre survie. Lui faire plier les genoux, le faire revenir à sa seule fonction positive : la dignité.

mardi 2 octobre 2007

l’irremplaçable expérience de l’explosion du disque dur




Après avoir tanné Jérôme pour en acquérir les rudiments, je forme Fredo sur DVD Studio Pro.
Fredo est un vieux pote qui m’a appelé la semaine dernière pour le sortir de la merde dans laquelle il s’était mis tout seul comme un grand parce que lui et l’informatique, c’est ni un mariage d’amour ni de raison, c’est un mariage contre-nature.
Je calcule sur le moment l’opportunité du truc : DVD Studio Pro, ça peut aussi bien me servir plus tard, et puis Fredo m’a donné de bons coups de main au début de ma carrière, et plus tard pour retaper ma maison, et je lui dois bien ça. Je l’ai toujours considéré comme un frère vaguement malchanceux, du fait d’un karma clairement orienté loser, contrebalancé par un optimisme qui confine à l’insouciance joyeuse du mystique laïc & un peu béta (alors que face à une telle base de données son frère jumeau a eu la présence d’esprit de fuir et de se faire moine en Afrique), sa fausse naïveté de candide sur ordonnance, l’ordonnance c’était une prescription d’auto-médication qui a certainement eu sa raison d’être à une époque de sa vie, mais comme Fredo l’a bouffée, l’ordonnance, il ne se rappelle plus à quoi servait la prescription, ni quand cesser la médication, et il est resté coincé dans la peau de ce comédien immature toujours en représentation dans le rôle d’un personnage attachant-agaçant qui à 45 ans n’a toujours pas trouvé de film à sa mesure alors que sa vie commence à se débobiner.
C’est Fredo qui nous a donné l’impulsion pour quitter Paris malgré nos métiers très peu décentralisés, en s’expatriant il y a 15 ans dans une masure tourangelle qu’il a transformé en mas tourangeau à force de prier Sainte Assédique du Spectacle, dont les grâces se mesurent en sacs de plâtre.
Tiens, c’est marrant, j’oublie de signaler que c’est aussi par lui que j’ai rencontré ma compagne. De toute façon j’adore Fredo, même si nous ne voyons plus guère ces dernières années, je n’ai pas besoin de chercher de mauvaises raisons pour lui dire non alors que depuis le début je sais que je vais lui dire “oui” en dépit du fait que je me sens son éternel débiteur. Bref, il s’est mis à réaliser annuellement le film du spectacle de l’association où sa fille prend des cours de danse, et il s’est surtout mis dans l’idée de cracher le résultat sur un DVD avec menus interactifs, chapitrage des séquences et tout. Un copain à lui s’en chargeait les années précédentes mais lui a fait comprendre que sa patience avait des limites et que celles-ci avaient été atteintes. On va dire qu’au départ Fredo c’est un chef opérateur cinéma qui n’a pas eu de chance, mais alors si la dimension viscéralement poétique de sa personnalité s’accorde bien avec le côté bricolo inspiré et foutraque (il évalue son pouvoir d’achat, à la baisse ces dernières années vu qu’il est de plus en plus à la ramasse professionnelle, en tonnes-équivalent-parpaings chez brico dépot), quand tu le mets devant un ordinateur c’est vraiment une poule qui a trouvé un couteau.
Après deux jours à batailler avec le logiciel, il arrive à faire à peu près ce qu’il veut avec; hospitalité oblige, je lui propose de lui graver quelques DivX, j’ai chopé le dernier Bruce Willis et je sais qu’il est fan de gros cinéma US qui tâche. Comme je flingue deux DVD avec mon Mac de bureau, je transfère mon 250 Go externe vers son ordinateur portable. Tiens, c’est curieux, par le câble Firewire, le disque externe ne monte pas. Aah, c’est vrai que dans la précipitation, j’ai peut-être oublié d’éjecter le disque du bureau du Mac avant de débrancher la prise. C’est vrai aussi qu’on préconise de laisser toujours entre 10 et 20% d’espace libre sur un support, et que le mien est ras la gueule. Dis donc, c’est vrai qu’il ne remonte pas du tout, ce disque, mais comme on est en plein repas, que ma fille est déjà venue me faire remarquer ma conception bizarre de la convivialité, je ne vais pas continuer à quitter la table sans cesse et me pourrir ce moment important avec cette saloperie de merde d’informatique, j’ai peut-être effectivement perdu mes 150 Go de DivX, mes 20 heures de rushes personnels, l’intégrale des blogs de Flo depuis 1812, 15 tonnes de bédé en VO… et alors ? tout ça éventuellement disparu au paradis des supports externes, so what ? ma première réaction c’est de ne pas en avoir, mais je ne crois pas à ma sérénité, je me dis que c’est comme les essais nucléaires en sous-sol, faut attendre un peu pour que les effets se manifestent.
D’abord les tâches qui conduiront à la signature du certificat de décès du disque sont longues et fastidieuses, il faudra tester les câbles, puis éventuellement les ports USB et FireWire 800 avant de pouvoir faire le deuil, ensuite si tu laisses l’émotionnel te submerger pendant l’auto-diagnostic informatique, t’es mal barré…
Enfin, pour un gars qui prétend avoir paumé 240 Go de données, et qui s’en vante pour voir l’effet que ça lui fait, Fredo me trouve zen, je lui dis que l’informatique rend philosophe, ma compagne me reprend illico “ça rend surtout con”, en me jetant un regard en coin, je ne relève pas, ça irait dans son sens, et puis je sais qu’elle a raison, c’est pas possible que la crise de la quarantaine et l’inflammation des ganglions subséquente explique à elle toute seule ma baisse d’acuité intellectuelle de ces 15 dernières années. En fait je me rappelle un dialogue récent avec un ami qui va souvent chez Arnaud Desjardins et qui m’avait fait entrevoir que si je perdais toutes ces données, je ne pourrais que m’en trouver libéré, soulagé, ambiance nous sommes possédés par nos possessions, etc…
Bon, d’accord pour être accidentellement délesté de Heroes, des Sopranos, de Die Hard 4, mais Carnivale, Six Feet Under, le film de Jan Kounen sur Amma, Monty Python Flying Circus, Tiberan Book of the Dead avec Leonard Cohen ? l’énumération montre le peu de cas que fait un disque dur de la hiérarchie intellectuelle des éléments que vous entreposez dessus, qui est d’ailleurs annihilée par l’empilement, et surtout que si vous décidez de lâcher vos trésors, faut lâcher tout, car trier avant désastre implique nécessairement de reconstruire l’étagère dont on vient de prétendre se passer d’ores et navrant.
Me voici donc virtuellement libéré, prêt à repartir sur des bases saines. Merde, je l’avais pas regardé, le film sur Amma. Tant pis, c’est fait c’est fait. J’ai mis 20 ans à accepter que je n’avais plus 20 ans, je ne vais pas fondre en larmes pour un crash disk, ça serait ballot. Excellent exercice de lâcher prise pour éviter la saisie que je ferai au moment de la mort, et qui est fortement déconseillée par les plus grandes marques de tibétains, quand mon disque interne sera réinitialisé après effacement des données et que je serai là tout flipouillé en voyant se vider la boite à souvenirs. Wouah, c’est vrai que rien que l’idée, c’est flippant.
Plus tard dans l’après midi, j’arrive à ranimer le disque défectueux par un port USB.
Finalement je n’ai perdu que le port FireWire (et une occasion de lâcher prise qui n’en reste pas au stade de l’idée) dans la bataille.

Commentaires

(…) Sœur Geneviève, si jeune, s’est levée d’un bond puis s’est enfuie, en larmes. Ses gros seins tressautaient et faisaient penser à deux chiots se bagarrant dans un sac.

extrait du Plombier des âmes…

(depuis ce matin je perce l’hyper secret de votre blog avec délectation mon cher, en vous remerciant !)

mardi 31 juillet 2007

masochismes

Dans le temps, je m’étais promis un billet sur le masochisme, mais j’ai l’impression que sans être explicitement nommé, le sujet a été quand même pas mal abordé lors des derniers posts, donc avant de plier les gaules again puisque sur mes terres tout semble me ramener au même brouet autofascinatoire®, je voudrais juste comparer deux écoles de pensée par simple juxtaposition; la première provient d’un mémoire universitaire dérobé un soir d’ivresse chez un photocopieur universitaire à la fin des années 80 : “Eléments pour une nosographie gestaltiste”. (il fallait vraiment être saoul pour tchourer cela) et demande un certain nombre de mots pour se développer :

“Sacha Nacht, auteur de travaux importants sur le masochisme donne une portée large à cette notion : “Tout être qui, placé dans des conditions de vie objectivement normales, s’avère incapable de donner un sens satisfaisant à sa vie, révèle par là son caractère masochiste.” Hanus, pour qui le masochiste fait partie des caractères pathologiques, le décrit comme un être habité par un sentiment diffus de malaise, de souffrance, d’insatisfaction, quelqu’un qui a besoin de se plaindre, de se montrer ou de se rendre malheureux; une personne qui a des conduites partivculières caractérisées par les maladresses, l’inopportunité dans les relations sociales et par les conduites d’échec. Le masochiste se sent coupable et le trait essentiel du masochisme moral est le besoin de punition qui va combler, blanchir, laver cette culpabilité par la souffrance et la douleur. Le masochisme appelle ainsi le sadisme d’autrui. Il prend souvent aussi une forme d’auto-punition frisant la perversion. Cette structure trouverait son origine, selon Reich, dans l’expérience d’abandon dont le masochiste a été la victime de façon aigüe au cours de sa petite enfance. Lowen y voit quelqu’un qui a été profondément humilié dans son enfance. Personnellement nous pensons qu’il y a à la base la mise en place parentale d’un système non pas d’amour inconditionnel, mais de répression-châtiment d’un côté et de récompense de l’autre. L’enfant n’est pas aimé pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il fait. L’amour est distillé au compte-gouttes; la menace de son retrait est constante et l’enfant reste donc sur une quête excessive et anxieuse. Il se vit comme ne valant rien en lui-même, mais seulement si et pour autant qu’il a l’approbation de l’autre, et se sent coupable de ne pas être à la hauteur des attentes portées sur lui (…) d’autre part, alors qu’il mendie l’amour, le masochiste ne peut l’accepter, son expérience, son vécu lui disent que ce n’est pas possible, qu’il va être rejeté, ou à nouveau, abandonné. Il a peur, il se méfie. Il adopte alors des conduites d’échec : la demande est faite sous forme de provocation, ce qui est une façon d’aborder l’autre dépitante pour celui-ci. D’où échec, d’où confirmation par le masochiste de sa position initiale (j’abrège parce qu’il y en a encore des brouettes) Existentiellement le masochiste se trouve confronté à une épouvantable solitude et a un éprouvé totalement dévalorisant d’imperfection dont il estime porter la responsabilité. La Personnalité est dévalorisée, sans espoir, méfiante, déficiente. Elle souffre d’une perturbation profonde car, du fait de l’invalidation systématique de toute expérience satisfaisante, l’assimilation ne se fait jamais. Ainsi la croissance, la structuration sont paralysées. Concernant le traitement thérapeutique il convient d’avoir à l’esprit que le masochiste est invalidant pour lui-même et pour le thérapeute qui pourrait vouloir le sortir de son système. Il se dit toujours tout disposé à essayer ce qu’on lui suggère, mais : “Je ne peux pas, bien que je le voudrais…” “Ca va rater, je le sais j’ai déjà essayé… “Même si ça marche, ça ne prouve rien parce que cela ne compte pas vraiment puisque…” Dans l’expérimentation (avortée) le masochiste demeure sûr, assuré de l’échec, confiant en son incapacité. Il n’est pas opportun d’attaquer d’emblée l’introjection fondamentale sous-jacente (”Je ne suis pas capable par moi-même et ma gratification est conditionnée par l’approbation de l’autre, le plaisir se mérite sinon ce n’est pas permis, je n’y ai pas droit”) il vaut mieux s’en prendre à ses manifestations dans la déflection (de toute manière, même si je le voulais, si j’essayais de me faire plaisir, de pourvoir à mon besoin, je n’en serais pas capable, ça ne marcherait pas puisque) et la rétroflection (terme spécificique à la Gestalt dont je n’ai pu trouver de définition exacte) Il faut traiter le masochiste comme un rétroflecteur/déflecteur, ce qui veut dire qu’il ne faut jamais lui fournir de matériel de nature à alimenter ses idéations, intellectualisations, rationalisations et introjections. Il est expert en réflexion paralysante. Il est préférable de le prendre par surprise au niveau du désir, à l’improviste sans qu’il ait pu mettre en place sa logique défensive. Les moyens de choix à cette fin sont l’utilisation des rèves (mais bien vite il risque de dire qu’il ne rêve plus) la mise en actes imprévue et rondement menée, l’amplification de la résistance, l’injonction paradoxale, enfin toute méthode de nature à le déséquilibrer temporairement. A noter qu’avec le masochiste, l’humour peut porter très bien. Il n’est pas sans ironiser sur son propre état, un peu spectateur lucide de la manière dont il forge son propre malheur, et l’humour peut être utilisé pour l’aider à prendre conscience du ridicule (douloureux) de la chose.”

La seconde école s’exprime à travers ces mots du dalaï-lama : “Il est des souffrances inévitables, et d’autres que nous nous créons. Trop souvent, nous perpétuons notre douleur, nous l’alimentons mentalement en rouvrant inlassablement nos blessures, ce qui ne fait qu’accentuer notre sentiment d’injustice. Nous revenons sur nos souvenirs douloureux avec le désir inconscient que cela sera de nature à modifier la situation - en vain. Ressasser nos maux peut servir un objectif limité, en pimentant l’existence d’une note dramatique ou exaltée, en nous attirant l’attention et la sympathie d’autrui. Maigre compensation, en regard du malheur que nous continuons d’endurer.”

Commentaires

  1. Ben oui, les 2 ans de psychoanalyse m’avaient deblayé le terrain, ma rationalisation, mes défenses n’avaient pas encore dit leurs derniers mots mais je continuais à me secouer le poireau les soirs : l’impasse.
    J’était bien un “abandonatif”, je ne croyais qu’au mérite.
    c’est écrit ici sur ce blog “Masochisme”, j’appellais ça peur de réussir, peur d’être aimer, et puis un jour j’ai compris que j’étais rester un gosse en mal d’amour.
    Et pour combler se manque je jouais le rôle du héros de mon propre drame: ma vie est un roman, donc je commence les voyages. Tout d’un coup j’ai réalisé le ridicule de mon coté romanesque bidon, en peu mytho bien sûr, d’un adolescent à 30 ans: le choc terrible. C’est arrivé sans avertissement par des rencontres avec des morts : Dostoevski de m’avoir montrer un chemin et Tchekov qui par une nouvelle “le Duel” m’a montrer une sortie.
    Merci à Salinger de m’avoir fait vivre en livre une révolte ado
    que je n’avait pu faire en vrai et son mot “BIDON” , “Lousy”, qui tout d’un coup me qualifiait parfaitement . J’avais pas mal lu, pas de pote et solitude oblige, mais je n’avais vécu dans le monde réel qu’un roman triste et plein d’échecs, il fallait fermer ce livre et le défi permanent est devenu pour moi d’éviter l’auto-imposture: LA POSTURE.
    Echecs “sentimentaux” d’un casanova foireux, chômage déguisé en longues études : le constat est sévère.

    Je me dégoute quand je réalise qu’ici et là j’ai fait un petit mensonge pour embellir la vérité et pour mendier de l’amour et de la reconnaissance.
    C’est une dépendance aussi.
    Mythos de tous les pays unissez-vous !

    Au hazard d’un “clic” sur un “blog” dans un “post”, je comprends là, aujourd’hui le lien entre ces faciles petits arrangements avec le réel du pauvre gosse que je suis et mes séances d’angoisse spermatiques auquel je me suis adonné pendant de longues années.
    2 ans de psychothérapie à faire le guignol devant un muet aboutissent enfin.

    Un gars sur le net,
    à 34 ans et quelques cheveux blancs.

  2. Ca fait plaisir,
    De relire sur ce blog.

    Punaise, sur le masochisme, ça fait mal ! La pensée de Sacha Nacht m’a sauté à la figure. Est ce donc la la vérité ? Une partie peut-être !
    Un manque d’amour dans l’enfance, alors qu’il me semble que je n’en manquais pas.
    Ca fait mal.
    Cette posture de la victime, de la mendicité de l’amour….
    C’est si facile de jouer la victime, de se dire que de toute façon, ça ne marchera pas.
    Manque de confiance.
    Et si “par malheur”, cela marche, vite fuyons, rejetons ce dont nous ne nous croyons pas digne !

    C’est pas bientôt fini, John, de taper la ou ça fait mal.

    Bonne journée, à plus tard

    Un gars sur le net
    A 37 ans et quelques cheveux blancs

  3. putain, c’est terriblement moi, je suis un gros maso!
    alors quoi en faire de ce texte, si je comprend bien le masochiste est quasiment incurable. un expert en echec. gloups!
    je viens de passer des mois sans me prendre les pieds dans le tapis de ce manque de confiance. letmotif des dépendants affectif.
    voilà que toutes mes faiblesses, me reviennent à la gueule, je rame depuis des semaines pour me sortir de ce marais vaseux. un marais dont je suis l’unique proprietaire.
    je crois qu’avec tous ça, je n’ai pas d’autres chose à faire que de reprendre une tartine de thérapie. et encore, est ce que la thérapie dans certains cas ne veut pas dire chez le masochiste , sentiment d’échec.
    j’ai les boules, mais c’est rafraichissant de savoir qu’on se crée son propre enfer. l’enfer n’est donc pas l’autre. me voilà ragaillardi pour reprendre le chemin de la rencontre de l’autre. il me veut peut être pas tant de mal que ça.

    merci john

    un gars pas toujours net, sur le net aussi
    a 38 ans et un petit ventre

  4. ça fait du bien de recommencer à te lire, John… L’intelligence n’est pas une denrée si courante… Oui, je crois que la clope, c’est le plus dur à décrocher, en fait, c’est comme décrocher de l’héro avec quelqu’un qui te fous un rail sous le pif dix fois par jour en te disant “Vas-y prends en une, ça mange pas de pain”… ça dépends pour qui, dans mon cas ça mange mon foie qui a déjà fort à faire avec cette petite pute d’hépatite c que j’encule profond, salope… Oui, ça mange mon pain et puis vous puez, tous les fumeurs, avec ou sans clope au bec, vous puez…
    Bef, en pleine lecture de ton post sur le masochisme, devine qui m’appelle ??? ma mère!!! TROP FORTE !!! Pour… me péter les couilles, évidement et essayer de me coller une culpabilité quelconque sur le dos… SALOPE !!!

    Allez, bisous à tous et bon courage pour vos décros…

  5. Personne ne relève le côté spéculatif et conjoncturel de la première école : vous semblez prendre pour argent comptant les enluminures que la nosographie gestaltiste tresse sur nos têtes. Il est vrai que moi-même j’ai compté mes poils blancs dans le post précédent, comme si quand ce que la vie nous propose ne nous plait pas il ne restait plus qu’à lui faire un procès d’intention ou se lancer dans un pissing contest du malheur. Personne ne fait remarquer que la finesse éventuelle de l’analyse se double d’une quasi-absence de remède : tout juste peut-on lire quelques vagues suggestions en fin de paragraphe. On dirait qu’en rajouter une caisse fait du diagnostic quelque chose d’auto-suffisant, presque comme un objet littéraire ou un savoir scientifique. Alors qu’en huit lignes, le dalaï-lama pointe l’intention sous-jacente en dépouillant le symptome (je devrais peut-être me mettre au bouddhisme, moi)

lundi 30 juillet 2007

Fondus, enchainés, savoyards (2)




N’oublions pas que le moi, même aussi opiniâtre qu’un livre de Russell Banks, n’est qu’une fiction, c’est d’ailleurs ce qui les rapproche et inquiète vaguement le premier penché sur le second ; observons que quand tu cesses momentanément de croire à la solidité de ton moi, ce qui ne relève pas d’un effort quelconque de la volonté mais se manifeste parfois à travers les trous de mental(1), les fragments qui prétendent fonder ta personne ont tendance à se désolidariser, se disjoindre, surtout ceux qui ne s’insèrent pas dans le puzzle, qui du coup prend du jeu. Le jeu, c’est justement le truc que tu avais perdu. Plusse de jeu, c’est plus de souplesse. Au fond, il ne s’agit que de comprendre et d’appliquer les conséquences du fait que les briques qui composent notre personnalité ne nous sont pas plus intimes que le codage des acides aminés sur la double hélice d’ADN, et pourtant le sentiment d’identité perdure comme si nous les avions chiées(2) nous-mêmes, donc au-delà de toute décence (rien que l’expression employée devrait en fournir la preuve à qui en récuserait l’intuition.)

…qu’il est doux de se sentir bercé de ce ronron mental de la désidentification aux formes, nourri de lectures empruntées à la mafia de la non-dualité, l’estomac plein de cette confiture de cassis qu’on ne produit qu’ici, sur ce coteau savoyard couvert d’arbustes fruitiers… mais qu’un beau-frêre vous ait subrepticement photographié pendant le ramassage des framboises ou le désherbage des groseilles, et que l’image ressurgisse au cours de la soirée pécé portable/écran plasma, résurgence moderne des anciennes « soirées diapo » avec écran perlé sur support pliable, projecteur à chargeur manuel et charbon de bois, et en quelques millisecondes, la fiction recoagule, avec la violence d’une rechute dans le porno : vous vous croyiez détendu et reposé, et l’image projetée est celle d’un quadra empoté, bientôt grisonnant, avec un début de bedaine qui vous renvoie son regard gradubide et vaguement tristouille. Les kilos pris depuis l’arrêt du tabac (tandis que les trois-quarts de l’humanité dépérissent de sous-nutrition) et les signes de l’âge rendent alors malaisé l’effort de s’épouser du regard (tout pour ne pas retomber dans le panneau du mépris, au coût exorbitant)… en plus, si c’est pour s’en désidentifier ensuite, autant tenter de percevoir directement la nature transitoire de l’assemblage de fonctions mentales, digestives et gestuelles dont le reflet grimaçant vient de surgir sur l’écran.

…Frustration, dépit, nostalgie et autres émotions négatives assimilées au regret relèvent alors clairement du chantage affectif infantile le plus éhonté qui soit : on somme l’Univers de nous restituer le Plaisir Perdu – celui-là même qui avait le goût de Revenez-y le plus prononcé – sinon, on est prèt à cesser de respirer jusquà ce qu’il nous arrive quelque chose - et en général, l’arrèt du souffle est ce qui finit par arriver pour de vrai - que ce plaisir dépende de la résurrection de temps, de lieux et de personnes disparues (nous inclus) n’affecte pas la virulence de la demande. Il n’y a plus qu’à ignorer/étreindre/saluer le forcené : on ne le raisonnera plus.

La quantité de frustration accumulée légitime d’ailleurs aux yeux du dépendant à la fois son désir et sa façon bien à lui de l’assouvir en s’assurant qu’il reste inextinguible. Et ce qui le baise, c’est sa collusion ritualisée avec son anima en ignorant l’Autre. Je dis ça parce que j’ai lu sur un forum que les dépendants sexuels passaient leur temps à s’auto-congratuler sur leurs blogs(3), il faut donc rétablir la balance.

Dans ma famille, quand on tente de communiquer par la parole, on a vite l’impression de gesticuler au fond de l’océan, engoncés dans des scaphandres de deux tonnes, tandis qu’un discours aussi intelligible que le flot de bulles qui fonce vers la surface résonne dans le vide de notre prison de caoutchouc et de métal. Et si on s’écrit, c’est pire : on se fâche à mort en envenimant en toute bonne foi des échanges qui au départ n’avaient rien que de très commun. Le génie familial nous interdit l’usage du Verbe; ne nous restent que les actes. Chez nous, on s’accommode aussi des contraintes antagonistes de la peur de la solitude et d’un orgueil quasi-autistique par la conversion du couple en une bouderie réciproque et accompagnée (comme on le dirait d’un voyage du troisième âge) tantôt maussade et tantôt vindicative.

Les racines du liseron finissent par ne plus pousser qu’entre celles du framboisier, parce qu’il n’y a que là qu’on leur foute la paix, sauf à vouloir s’en débarasser au prix d’un combat minutieux : même scandalisés par l’étreinte mortelle dont elles enlacent l’arbuste, nous constatons que l’insulte a moins d’effet que l’arrachage. S’insurge-t-on de la repousse quotidienne des poils de barbe ? Non, si l’on veut conserver le menton glabre, on se rase et cela suffit.

Fin de mes notes savoyardes. Ouf.

(1)comme chacun le sait, la Haute Savoie est propice à l’apparition des trous d’emmenthal
(2)les briques
(3) ce qui est loin d’être faux, mais d’un autre côté si nous ne nous auto-congratulons pas, qui le fera ?

dimanche 29 juillet 2007

Fondus, enchaînés, savoyards

N’ayant rien de mieux à faire en juillet, j’ai rejoint la plus grande partie de ma famille qui se réunissait pour huit jours du côté d’Annecy, parce que ce n’est pas quand mes enfants seront grands qu’ils pourront se lier aussi aisément avec leurs cousins, ni quand mes parents seront grabataires que je pourrai les honorer, au moins par mes actes si pensées et paroles ne peuvent s’y résoudre. Profitant de cet accès inespéré de piété filiale, mon père nous a emmenés grimper, mon fils et moi, à la Dent du Chat (massif de l’Epine, Haute-Savoie); soi-disant une ballade d’agrément, qui s’est révélée l’ascension pendant 3 heures d’un raidillon ininterrompu sous un cagnard d’enfer, au cours duquel le pré-vieillard cacochyme s’est mué en un jeune cabri de 69 ans, après 30 minutes d’un préchauffage laborieux qui nous ont fait craindre un moment de bénéficier d’un héritage anticipé sans sommations.
Comme l’expédition se composait uniquement de mâles, la logistique et l’avitaillement avaient été quelque peu négligés (deux bouteilles de flotte) ne nous laissant comme tout nutriment que des fantasmes et des regrets – la teneur énergétique est la même - de barres céréalières que nous n’avions pas emportés. Le génie warsenien, qui se manifeste lors des repas de famille par de nonsensiques conversations menant rapidement de l’innocente évocation d’un nid de frelons à détruire dans la façade du chalet sororal à la mise au point d’une pizza au polystyrène expansé pour obstruer le trou à conneries de mes neveux, nous susurra de nous serrer les miches en attendant que ça passe : lui faisant observer que se lamenter sur l’absence de vivres ne les faisait pas apparaître, je réussis à convaincre mon fils d’abandonner ses incantations, qui avaient pour but de faire se matérialiser un paquet d’abricots secs, et vu la propension de certains adolescents à mépriser les fruits et autres aliments vitaminés, il y avait déjà là comme un petit miracle. Et puis, contre la faim dans le monde, la saveur d’un bon bifteck rend tous les discours forclos.

La vigueur tardive et persistante de mon père, la saillance de certaines de ses obsessions et l’économie de moyens avec laquelle il les affiche aujourd’hui, loin des orgies de rationalisations et du décorum passés (sans parler des terrifiantes identifications que j’ai pu faire sur lui naguère, aggravées par mon refus d’observer les similitudes entre nous et d’accepter héritage & filiation) confirment ce que j’en lis ces jours-ci dans le roman « American Darling » de Russell Banks :

« La vieillesse est une lente surprise. A un certain moment, l’histoire personnelle de chacun cesse tout simplement de se dérouler. On s’arrête de changer. Notre histoire n’est alors pas achevée, pas terminée, mais elle s’immobilise pendant un moment, un mois, une année peut-être. Et puis elle repart en sens inverse, elle commence à se dévider à l’envers. C’est là une chose dont on fait l’expérience à un certain âge. C’est ce qui est arrivé à mes parents. Ca arrive à tous ceux qui vivent assez longtemps. Et maintenant ça m’est arrivé à moi. C’est comme si tout le but de la vie d’un organisme – ou en tout cas de ma vie – consistait à atteindre le point culminant de son potentiel avec pour seul objectif de revenir ensuite à son point de départ, à l’état de cellule unique. Comme si notre destin était de retomber dans le fleuve de la vie et de s’y dissoudre à la manière d’un sel. Et s’il y a une chose qui compte, c’est bien le retour et pas l’aller

Ingurgitez 600 pages bien tassées de cette confiture d’oranges amères : vous finirez par penser comme lui, ou plutôt par lui emprunter des bouts de phrases pour regarder votre vie à la lueur d’une clarté dont la teneur en watts semble supérieure à la votre, bien que la lumière en soit fort sombre. C’est là le symptôme d’une intoxication assez bénigne, puisqu’elle disparaît en quelques jours une fois le livre refermé (je n’en suis pas là, et pour l’instant ça me saoule tellement que je fais une crise de Warren Ellis, scénariste de comics outranciers). J’étais assez fan de Banks, et je m’aperçois que je le suis encore, mais le côté “littérature de l’irrémédiable” depuis que je l’ai repéré, n’emporte plus mon adhésion – il en existe une version madérisée avec Jim Harrisson, qui fait alterner coucheries consanguines, accidents karmiques et cuites mémorables dans un pseudo-désordre assez monotone, et que je n’arrive plus du tout à lire – et du coup, il a perdu le pouvoir qu’il avait sur moi. C ‘est redevenu du virtuel, et même si la densité et la complexité des personnages les rend plus vraisemblables que, au hasard, ma vie décousue, et bien que je me sente concerné par ce « portrait d’une femme antipathique que le narcissisme absolu mène au néant », le charme s’est rompu le jour où j’ai découvert que les tous les lecteurs de Russell Banks que je connaissais (2)dressaient le portrait d’un individu globalement déficitaire dans sa vision de soi et qui s’en remettait à un écrivain de fiction pour accepter le fait que la frustration est le lot quotidien à dépasser, avec l’efficacité que l’on imagine.

(2) au nombre de deux(3)
(3) moi inclus


l’inventeur de la pizza au polystyrène expansé teste pendant de longues heures sa dernière trouvaille : la planche de méditation à voile