Cyberdépendance virtuelle, auto-addiction, rédemption de l’objet fascinatoire, progrès dans l’intention de pratiquer le bouddhisme.
jeudi 27 octobre 2005
ma chatte me pose un lapin
Vagues d’exaltation et de désarroi subséquent : quand je suis trop focalisé sur le forum, ça fournit du carburant à l’Ego, et c’est l’inverse qu’il faut faire, non pas lui couper les vivres mais comme le dit Orroz, le remettre à sa juste place. C’est lui qui s’excite, et une fois excité, l’Ego ne connait qu’un moyen de se satisfaire, il le fait par le biais des habitudes acquises, tentant pathétiquement de se prouver à lui-même sa propre existence. Et c’est l’ego, toujours l’ego, qui se fout de notre gueule. Pour dépasser cela, une seule solution: piéger l’ego, lui faire plier les genoux, le faire revenir à sa seule fonction positive : la dignité.
Qui s’occupe trop de clés devient lui-même serrure.
Nous sommes quelques-uns à constater que, passé les premieres semaines de la prise de conscience de la nécessité soutenue d’un "non-passage à l’acte", il vaut mieux nous éloigner pour éviter de redoubler les petites classes.
mercredi 26 octobre 2005
flashback : 2003 et des poussières
ce à quoi F** m’a répondu :
Mais si justement. Je me demande bien ce que tu as lu à la place de ce que j’ai écrit. T’unir à la pensée "j’ai envie d’une cigarette" ne signifie pas t’unir à la cigarette. Tout l’argument reposait sur le fait que la pensée de la chose n’est pas la chose.
Donc maintenant, ressens la pensée "je n’aurais pas dû arrêter de fumer" ou "j’ai envie d’une cigarette". Quelle sensation produit cette pensée ? Est-elle dans le ventre, la poitrine, la gorge ? Comment te sens-tu avec ? A mon avis c’est une pensée plutôt agréable, si on la prend pour ce qu’elle est : de l’énergie.
Chaque pensée est de l’énergie.
Je voyais pas trop comment incarner ce truc même si je pressentais que c’était vraiment la rock’n'roll attitude à adopter. (Y compris en remplaçant le mot cigarette par branlette, reniflette, pépette sur Internet, etc…ça marche à tous les coups)
… je me rends compte que pour moi la pensée de la chose EST absolument la chose, que la carte EST le territoire et que c’est de là que me vient mon attachement (au sens carcéral du terme) à la chose écrite au détriment de la recherche personnelle dans ma vie réelle, d’où le fait que je puisse avoir tous les bouquins de Krishnamurti. dans ma bibliothèque ET être un drogué des sites de cul sur Internet : de la même façon que regarder des westerns ne rend pas particulièrement apte à combattre les indiens dans le réel, m’éberluer des trésors d’extase simulées ou réelles vendues par les marchands de cul ne me rend pas plus amoureux, ni de ma femme ni de celle des autres…
la pensée de la chose n’est pas la chose.
l’art d’aimer
Dans le système actuel, ceux qui sont capables d’amour sont forcément des exceptions. Non tellement parce que des occupations nombreuses ne permettent pas une attitude aimante, mais parce que l’esprit d’une société centrée sur la production, avide de richesses, est tel que le non-conformiste est le seul à pouvoir se défendre contre lui avec succès (…) notre société est dirigée par une bureaucratie administrative, par des politiciens professionnels. Les individus sont mûs par la propagande, leur but est de produire et de consommer plus, comme fins en soi. Les moyens sont devenus des fins. L’homme est un automate, bien nourri, bien vêtu, mais sans préoccupation majeure pour sa qualité et sa fonction spécifiquement humaines. Pour que l’homme soit en mesure d’aimer, il faut qu’il réintègre la place suprème qui lui revient. Plutôt que de servir la machine, il doit être servi par elle. (…) S’il est vrai, comme j’ai tenté de le montrer, que l’amour est la seule réponse saine et satisfaisante au problème de l’existence humaine, alors toute société qui contrecarre le développement de l’amour doit à la longue périr de sa propre contradiction avec les exigences fondamentales de la nature humaine.
Parler de l’amour, ce n’est pas prêcher, car c’et parler d’un besoin ultime et réel en chaque être humain. Que ce besoin ait été obscurci n’implique nullement qu’il n’existe pas. Analyser la nature de l’amour, c’est découvrir son absence générale aujourd’hui et critiquer les conditions sociales qui en sont responsables. La foi dans la possibilité de l’amouir comme phénomène social et non comme phénomène individuel d’exception, est une foi rationnelle qui se fonde sur l’intuition de la véritable nature de l’homme.
Erich Fromm, "l’art d’aimer", dans les années 70
encore des citations
Quelle n’est pas notre déception lorsque nous croyons avoir capturé un spécimen unique de l’espèce et qu’ensuite, avec la connaissance approfondie que nous avons de lui, nous nous apercevons qu’en réalité nous avons bel et bien affaire à ce qu’il y a de plus commun dans le genre.Pouvons-nous nous expliquer ce qui a provoqué pareille erreur ? Serait-ce par exemple, le charme envoûtant d’un sourire, des lèvres doucement sensuelles écartées sur deux belles rangées de dents joliment plantées, ou l’innocence du regard, sa transparence liquide qui nous portait sans autre question au ravissement chaque fois qu’il se posait sur nous ou, peut-être, l’expression enfantine émanant de cette présence désirable que depuis nombre d’années on se languissait de s’approprier, promesse d’une félicité dont nous espérions les plus délicats émois, les épanchements les plus raffinés, quelque chose d’une indéfinissable séduction qui eût avec bonheur agrémenté nos derniers jours.Enfin, la pièce a pris place dans nos boites de collectionneur, celles réservées aux trouvailles secondaires, de la catégorie vulgaire dans l’ordre qui est le sien. Pour mille raisons, nous préférons bien souvent même n’en pas faire état auprès des amis que nous avions naguère entretenus de nos recherches ou auxquels, dans notre enthousiasme passionné, nous avions eu la légèreté d’annoncer que nous avions réussi à mettre la main sur un exemplaire de choix.Sans doute notre aspiration à un ultime bouleversement que nous eût causé une rencontre exceptionnelle est-elle à incriminer ; nous avons cru de bonne foi que l’émotion qu’il nous a été donné d’éprouver à une ou deux occasions dans le passé pouvait miraculeusement se reproduire au terme d’une existence d’une certaine manière vouée aux éblouissements de la rareté.Contentons-nous des richesses que le hasard nous a allouées et, pour le reste, faisons en sorte d’oublier.
Je les écoute m’expliquer avec une abondance de détails et de précisions de quelle façon je devrais m’y prendre s’il advenait qu’un jour je fusse enfermé dans le labyrinthe.Je les écoute sans les interrompre, car, au vrai, que pourrais-je leur dire, sinon que ce labyrinthe est mon oeuvre et que, depuis trente ans bientôt, je ne cesse d’en perfectionner les dédales.
Louis Calaferte, Memento Mori.
tout a déjà été dit il y a bien longtemps
L’un des plus misérables travers et des plus indignes manèges de l’amour-propre, c’est d’affecter, en parlant de soi, une sincérité cynique et de mettre une sorte d’ostentation et d’honneur à révéler sa propre honte, soit pour faire dire qu’on a osé ce que nul autre n’avait osé encore, soit pour accréditer, par quelques aveux humiliants, les éloges qu’on se réserve, et par lesquels on se dédommage ; soit pour s’autoriser à dire impudemment d’autrui encore plus de mal que de soi-même. Observez attentivement celui qui emploie cet artifice ; vous verrez que dans ses principes il attache peu d’importance à ces fautes dont il s’accuse ; qu’il les fait dériver d’un fonds de caractère dont il se glorifie ; qu’il les attribue à des qualités dont il se pique et dont il s’applaudit ; qu’en les avouant, il les environne de circonstances qui les colorent ; qu’il les rejette sur un âge ou sur quelque situation qui sollicité l’indulgence ; qu’il se garde bien de confesser de même des torts plus graves, ou des vices plus odieux ; qu’en feignant de s’arracher le voile, il ne fait que le soulever adroitement et par un coin ; qu’après avoir exercé sur lui-même une vérité hypocrite, il en prend le droit de ne rien ménager, de révéler, de publier les confidences les plus intimes, de trahir les secrets les plus inviolables de l’amour et de l’amitié, de percer même ses bienfaiteurs des traits de la satire et de la calomnie ; et que le résultat de ses aveux sera qu’il est encore ce qu’il y a de meilleur au monde. Il n’y a point de succès plus assuré que celui d’un pareil ouvrager ; mais il ne laissera pas d’être une tache ineffaçable pour son auteur et il faut espérer que ce moyen d’amuser la malice humaine ne sera jamais employé deux fois.
Marmontel, décédé le 31 décembre 1799.