Les terroristes ne savent pas lire.
LE MONDE DES LIVRES | 29.01.2015
JOEL SAGET / AFP
Le 16 janvier, « Le Monde des livres » publiait un numéro spécial intitulé « Ecrivains face à la terreur ». Cette édition a rencontré un fort écho, non seulement en kiosque, mais aussi sur Internet, suscitant maints témoignages et courriers. Du reste, les libraires de toute la France voyaient alors affluer de nombreux lecteurs, en quête de lumières pour éclairer ces jours d’effroi. Les livres de la « bande à Charlie » (Cabu, Charb, Bernard Maris, Wolinski…), mais aussi des essais sur l’islam, ou encore Le Traité sur la tolérance, de Voltaire : autant d’ouvrages qui ont connu un vif regain d’intérêt durant ces trois dernières semaines. Comme si les attentats avaient rendu urgent ce recours aux textes, à leur puissance d’élucidation. Comme si, surtout, les livres au pluriel constituaient le meilleur rempart face à la terreur de ceux qui se réclament d’un livre, et d’un seul.
Car ces gens qui tuent le font au nom d’un livre, sur lequel ils voudraient faire main basse. « L’islam se présente comme la religion du Livre qui parachève le judaïsme et le christianisme. Mais la question est de savoir comment on envisage le Livre », notait naguère l’islamologue Christian Jambet dans ces colonnes. De fait, toute la question est là, et les terroristes ne savent pas lire le livre dont ils se réclament. Bien sûr, certains d’entre eux sont bardés de diplômes, et nul ne doute de leur capacité à déchiffrer les mots. Mais ils s’avèrent incapables d’envisager la lecture comme pratique d’interprétation, comme élan vers l’autre, comme geste de vie. Car lire, ce n’est pas vitrifier le langage, c’est le remettre en mouvement. Lire, ce n’est pas idolâtrer un texte, c’est l’ouvrir à l’infinie pluralité du sens.
Non, les terroristes ne savent pas lire, à commencer par le livre qu’ils brandissent. Puisqu’ils se réfèrent à un livre unique, parions sur la multitude des livres. Puisqu’ils prétendent détenir la vérité absolue du texte, misons sur la diversité des lectures possibles. Telle pourrait être l’une des meilleures réponses aux assassins qui confondent le livre avec un manuel de terreur, et la lecture avec une grimace sanglante.
"Les terroristes ne savent pas lire ?
C'est pour ça qu'il vaut mieux leur montrer des images"
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