jeudi 22 décembre 2005

Terreurs Hivernales



"Alors, mon p’tit John, comment ça roule en ce moment ? Ch’te rappelle qu’au départ, t’as créé ce blog pour secourir tes potes porno-dépendants et non pour t’adonner aux joies douteuses de l’auto-contemplation.
-Ben, mollo mollo, Seigneur Vador, vous savez c’que c’est : la peur me tient compagnie, la souffrance - issue - du - ressassement - du - passé - mort - sans - sépulture - chrétienne aussi, même si l’enthousiasme et la tristesse me laissent tranquille en ce moment… L’avidité, la jalousie, l’orgueil, tous les p’tits trolls qui s’agitent dès qu’on secoue un peu la boite à l’Ego pour voir c’qu’y a dedans, se manifestent encore, sous forme atténuée, certes, prêtant plus à sourire de la cocasserie de leurs costumes folkloriques, pour ne rien dire du dénuement mélodique de leurs chants traditionnels, mais je sens bien que rien n’est rêglé en profondeur. Même sans se laisser embarquer dans leurs arguties, elles font pas mal de boucan. Leur familiarité est désarmante. Les bagnoles ont cessé de cramer à la surface du boulevard, mais c’est pas des malabars à la fraise qui se dealent dans les parkings souterrains du Super U. D’ailleurs cette nuit j’ai révé que je zônais sur la page d’accueil d’un site coquin, quelques filles me faisaient de l’oeil en petite vignette, j’avais pas franchement envie de cliquer, m’enfin j’ai pas éteint ma bécane non plus. Je restais là à me dire "ah oui ben là faut pas qu’j'y aille". Il y a deux semaines, c’était plus clair, je surfais en rêve sur le forum des pornodépendants.
Ah là la, les émotions c’est vraiment l’équivalent mental des affiches 4X3 dans l’métro qui nous pourrissent la méditation dès qu’on tente de défocaliser. Et puis surtout les émotions, je ne les ressens pas, tout passe par le mental, donc je paye quelqu’un pour m’aider à les voir, mais pour l’instant les séances me permettent surtout d’évaluer l’épaisseur ouatée de ma confusion mentale et mes indécisions, à la limite mes intentions sont plus claires en rève que dans ma vie diurne. Et puis ce blog qui n’est qu’une excuse de plus pour temporiser le sevrage d’ordinateur.
- Et si tu cessais tes jérémiades, tu crois pas que ça améliorerait ton taux de Pensée Perceptive® quotidienne ?
-Pour ça faudrait me débrancher le cerveau, Seigneur Vador. Il n’est pas configuré pour la PP mais pour se lamenter de n’en point faire.
-Je savais qu’t'allais répondre une connerie dans c’genre, mon Johnnie. T’es grave mais j’t'aime bien, pis t’es un bon serviteur bien concon. Tu te rappelles quand t’as arrété de boire ? alors que tu te croyais born to drink, et que tu t’acharnais à prouver cette théorie en actes auto-destructeurs sonnants et trébuchants. Le sevrage ne t’a pas tué, même si l ‘égrégore des AA ne t’a pas vraiment reformaté, mais tu ne le souhaitais pas. Et la compulsion porno, tu ne pensais pas en sortir vivant, et puis tu vois bien qu’un jour à la fois, ça se fait, si tu prends le temps. Le tabac, pareil. La question, c’est qu’est-ce que tu vas mettre comme plusse dans ta vie, car là je ne vois que du moinsses.
Tu m’étonnes qu’après, tu te sentes tellement handicapé de la sensibilité que tu repars sur une autre addiction… Et la nénergie, John ? Faut qu’tu trouves moyen d’enlever tes pieds du tuyau et de commencer à arroser. Ta position n’est pas tenable. J’ai vu avec joie dans un de tes commentaires à ton propre blog que tu te croyais encore en 2003, que ton manque d’attention au présent te fait dériver dans le continuum à bord d’une capsule spatio-temporelle fêlée… la fragmentation de ton esprit fait plus pour le côté obscur que ton désir de transgression, somme toute très scolaire et appliqué.
-Ben j’ai un scénar à écrire avec un copain, mais je trouve pas la concentration pour m’y mettre. J’ai peur de pas être à la hauteur, alors je me fous la pression et je m’invente plein d’activités à finir avant de m’y mettre, total je m’y mets pas. Y’a ma situation professionnelle qui laisse à désirer, aussi : je me suis laissé marginaliser par mon " karma connard " et l’emploi à plein temps dans une grande entreprise de l’audiovisuel public régional que je méprisais quand il m’était accessible, maintenant qu’il est hors de ma portée je le convoite comme un havre de paix. Et mes employeurs privés semblent bien partis dans une politique de réduction des coûts qui consiste à renvoyer l’ascenseur aux intermittents, ficelés sur le ballast du sous sol de la cage, et la cabine tombant en chute libre du 12ème étage avec le câble cisaillé net.
- Pour chacune de ces peurs, il faut que tu ailles au bout de ses conséquences. C’est la seule façon de dératiser les fantômes. Plus de boulot en perspective, et donc ?
-ben, le chômage…
-et… ?
-ben, au bout d’un an, le RMI, mais j’y ai pas droit puisqu’on est en couple, donc les économies perso, les parents, mais je ne supporterais pas d’avoir des rapports de pognon avec mes vieux, on a déjà des liens merdiques, ils ont réussi à se faire inviter à noël par des moyens habiles c’est à dire en me contournant, et je ne sais plus si j’ai envie de les étriper / d’entamer un stage niveau 1 de "Prendre le blâme de manière pratique" / de les prendre comme ils sont, j’ai vu les ravages de la contrainte financière sur leurs relations avec mon frangin et comment ils l’ont réduit à une serpillère émotive…
-et… ?
-ben la déchéance, le déclassement social, la perte de la dignité, l’isolement, le chancre mou, et puis au bout, la mort, hein, le parcours normal, quoi. Mais vu que la déchéance, je l’ai connue avant, ça doit me donner droit à une dispense, et puis la mort, je refuse de me l’administrer, alors ça va être plus compliqué que ce que je pensais…
-et… ?
ben d’un autre côté, si le plan RMI-solitude-agonie bat de l’aile, il me faut envisager une reconversion, et je vois vraiment pas dans quoi. J’adore mon boulot, même si je l’exerce dans des conditions dégradées par la centralisation jacobine de la production privée et le dumping pratiqué par les p’tits jeunes qui arrivent sur le marché de l’audiovisuel local. J’ai eu la révélation à 10 ans devant Chapeau Melon et Bottes de Cuir que je voulais raconter des histoires en images, et si France 3 Nantes est plus proche du plan social que de l’embauche, il faut accepter de ne pas mourir sur le coup et de chercher dans quoi je pourrais être bon et gagner ma vie avec ça. Et surtout ne pas relire le post de Flo sur les psys et les cases à remplir. Merci pour la causette, M’sieu Vador, et meilleur souvenir à M’ame Vador.

Commentaires

  1. Si tu trouves pas de boulot correspondant à tes aptitudes, excuses moi de te le dire comme ça, mais tu serais vraiment un dugland. Effectivement, ça m’a plutôt l’air d’être la “reconversion” qui te fiche le moral par terre, alors que ce terme barbare qui nous place au rang d’unités travailleuses ne veut en fait dire que “vivre de nouvelles choses”, et accessoirement, “avoir l’occasion de choisir sa vie une nouvelle fois”. Parce qu’à dix-sept ans, je peux t’assurer que c’est difficile de mettre le doigt sur “ce que je veux faire plus tard”. Toi, t’a 35 piges (excuse moi si je te vieilli, j’ai jamais été doué en archéologie hihi,smile), de la réflexion, de l’analyse et du savoir-faire. J’ai pas encore mis un pied dans le monde du travail, mais je sais qu’humainement ce que t’a, faut pas se leurrer, c’est pas comme si c’était rien. Y’a pas d’égo mal placé à savoir ce que l’on a. Jvais te dire la chose la plus horrible, à mon sens, qu’il y a a entendre, et qui ne résoud jamais rien : faut se donner les moyens. Et toi les moyens, tu les as. Je te dis tout ça juste parce que je trouve que tu positives pas beaucoup, et je trouve ça désobligeant de la part de quelqu’un qui est passé par où tu es passé. Le passé, ça moisit au fur et à mesure que le temps passe, alors c’est sûr que si tu touilles, ça pue. Le cheminement des eaux usées vers la station d’épuration de fait tout seul, je pense pas qu’il y ai la peine d’intervenir sur le cours de ces choses là. Tout ce qu’il faut, c’est vérifier que c’est pas bouché la dessous, que ça circule bien. Moi, je te conseillerais de lever un peu le pied sur la cogite, et de te reprendre un peu en main…

  2. Tom, je vais avoir 43 ans dans 2 jours, mais l’info est aussi inexploitable que si j’en avais 22 ou 78. Le problème c’est si je m’enferme dans mon boudin pré-mortem, comme ce post semble le présager. Le branling, ce nouveau sport de l’extrème venu des USA, ne fait pas que des durillons à la bite, il fait aussi des trous dans le cerveau.
    sinon, il y a des gens qui en chient, qui font tout pour s’en sortir, et qui ne s’en sortent jamais; et d’autres personnes qui semblent ne pas fournir d’effort particulier et qui n’ont pas de problèmes affectifs, financiers ou existentiels. Je veux dire que le monde ne fonctionne pas au “mérite”. Mon attitude actuelle n’est pas très constructive, mais j’ai besoin de la voir se déployer pour piger pourquoi en changer.

  3. Not born to drink
    Not born to smoke
    Not born to porn (ça sonne bien, non ?)

    Va bien falloir que j’applique enfin le “Not born to smoke” !

    Bon anniversaire, jeune homme !

  4. le “va bien falloir” n’augure rien de bon. Si tu ne le fais pas pour toi et pour ton mieux-être (par exemple si tu veux le faire par solidarité avec tous les dépendants en sevrage avec qui tu cohabites sur le forum, histoire de partager leur dure lutte), ça sera dur.
    (Not) born to porn, ça sonne bien, oui, t’inquiète pas, c’est pas perdu.

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