mercredi 11 novembre 2020

Légendes d'automne : l'omelette aux girolles

Omelette aux girolles, l'expérience interdite :
Ce film a bien failli être interdit lui aussi.
Trop provocateur vis-à-vis du nouvel ordre sanitaire et moral. 
J'ai même entendu parler d'un Rimpoche tibétain
à qui ça avait fait passer le goût des champignons.
Il fait très doux, en ce mois de novembre de reconfinature au petit déjeuner. 
Anormalement doux, pourrait-on dire si on trouvait quelque chose de normal à quoi comparer cet automne, singulier à bien des égards. 
L'hiver sera sans doute encore plus doux que du beurre doux, mais aussi beaucoup plus rude, car dans le jardin, mon fils déterre torse nu les racines des figuiers que j'ai désignés à son hubris et à sa hachette. 
Ca ne trompe pas : quand enfant de l'homme blanc tronçonner torse  nu, pas beaucoup rigoler en perspective.
En tout cas, je vais rentabiliser son séjour; en voilà un qui ne sera pas venu se confiner chez ses parents pour rien, et qui ne repartira pas chez lui les mains vides, mais bien pleines d'ampoules. 
Par ces tiédeurs, la forêt du Gâvre doit regorger de cèpes et de chanterelles, qui imploreraient d' être ramassées de leur petites voix flûtées, si la Préfecture autorisait les balades en forêt. Car sinon, pourquoi Dieu aurait-il créé les champignons ? je veux dire, à part les amanites tue-mouches, qui, au Néolithique, étaient sans doute une variété parmi d'autres de confiserie hallucinogène et divinatoire pour le chaman de la tribu, qui lui permettait d'entrevoir à travers les portes de la perception (H = 180 x L = 73 cm) que dans un lointain avenir, l'Homme inventerait le blog, qu'il trouverait ça bon, mais que sa femme serait obligée de lui envoyer un mail pour qu'il qu'il revienne à table pour déjeuner. Et le chaman avait ensuite bien du mal à retranscrire ses visions auprès du reste de la tribu, dans un langage articulé, certes, mais ne comportant que 50 nuances de grrr...ognements. 

Question d'aller aux champignons, cette année, c'est un peu "en novembre, touche ton membre" : la cueillette reste interdite à 135 € d'amende au moins jusqu'à début décembre (en décembre, suce du gingembre) et j’en suis réduit à acheter des trompettes de la mort (c'est un champignon très comestible, pas un disque de darkjazz nordique) au marché du village pour confectionner des omelettes aux patates améliorées. C'est des problèmes de riche, mais quand même, je me demande si je ne vais pas rejoindre le front de gauche.

La Préfecture envisage d'interdire aussi la diffusion des photos de sous-bois feuillus, 
dont la contemplation serait bien trop suggestive et même carrément néfaste
aux mycologues amateurs aussi désappointés que les Mélanchono - Trumpistes.

Dans ma boite mail ce matin, je trouve un article un peu tapageur, sur un site incertainement scientifique mais peu suspect de complotisme car ses parrains sont assermentés par l'évéché :
" Les champignons hallucinogènes 4 fois plus efficaces que les antidépresseurs ?" 
Prenez le temps de le lire, ça m'évitera un résumé tronqué et frauduleux. Selon une étude parue dans (pi)JAMA Psychiatry, la psilocybine, une substance que l'on trouve dans les champignons hallucinogènes, améliorerait rapidement et avec une grande ampleur les symptômes de la dépression grave... L'article vante les qualités de ce psychotrope estampillé Nature et Découvertes mais reste très en surface de son sujet, et donne surtout envie de cuisiner une omelette farceuse (et baveuse à point) à Emmanuel Carrère pour qu'il n'écrive plus jamais Yoga

Ah dis donc moi qui savais pas
quoi m'offrir à Noël y'a 5 minutes !
Merci Wiki, merci Amazon !
De mémoire, le LSD avait lui aussi été conçu dans un but thérapeutique. 
Je découvre en passant que c'est le même chimiste qui est dans le coup; je ne regrette pas mes 10 € envoyés à wikipedia.
En passant et repassant sur ces articles, je note que la psilo est naturelle, qu'elle a été isolée par Hoffmann dans des champignons mexicains, que sa synthèse est difficile et onéreuse, alors que le LSD-25 est un dérivé de l'ergot de seigle, un autre champignon, parasite du seigle. Mais c'est un produit de synthèse, qui n'a pas le label Agriculture Biologique.
Il est pourtant scientifiquement prouvé que les gens qui ont cru pouvoir s'envoler du 4ème étage après en avoir absorbé ont été définitivement guéris de leurs névroses, ainsi que du reste de leurs pathologies. Alors qu'avec la psilo, d'après mes souvenirs, on se gondole en même temps que les motifs floraux de la tapisserie du salon, sans plus. Mais les variétés bretonnes sont dix fois moins chargées en principe actif que leurs cousines sud-américaines.

Cet article m'a été posté par un ami qui a tellement pris de Final Cut Pro X, un logiciel de montage puissamment hallucinogène, surtout quand on active les proxys, qu'il voit désormais des renards partout, mais lui il s'en fout, car il vit en forêt et peut se signer des dérogations à tire-larigot si la fantaisie lui prend d'aller ramasser des girolles psychédéliques qui ne font pas rire quand elles prédisent un futur nuancé et incertain à l'espèce humaine, mais le pangolin et la chauve-souris géreront peut-être mieux les ressources de la planète que les fondés de pouvoir de la banque Lehman Brothers ne le firent avec nos sous en 2008.

On peut dire la même chose des girolles.
Dans un autre article tiré du même site, selon le principe du titre accrocheur qui ne tient pas ses promesses : "Dépression et tabagisme, la faute à l'Homme de Neandertal"  
"Notre principale conclusion est que l'ADN de Neandertal influence des traits cliniques chez l'Homme moderne : nous avons découvert des associations entre l'ADN de Neandertal et un large éventail de caractéristiques, y compris des maladies immunologiques, dermatologiques, neurologiques, psychiatriques et reproductives » (..) De plus, des variants génétiques provenant de Néandertaliens influencent aussi le risque de dépression. Cependant, cela ne signifie pas forcément que Neandertal était dépressif.
Effectivement, très peu de témoignages de dépressifs nous sont parvenus depuis le Néolithique. 
En plus, j'en ai lu une bien bonne dans le Destination Ténèbres de Frank M. Robinson cet été :
« L’homme de Neandertal a dû être agréablement surpris quand il s’est accouplé avec une créature dotée d’un système nerveux supérieur. Mais je suppose que la femme de Cro-Magnon a dû s’emmerder. »
Bon, j'ai au moins retenu l'idée que dans les 1 à 4 % d'ADN que les Européens ont hérité de leur lointain ancêtre néandertalien, se trouvent des gènes associés à différentes maladies : dépression, addictions, affections touchant la peau ou la coagulation du sang. Et que certains de ces gènes issus de notre lointain passé sont ensuite devenus obsolètes voire contre-productifs. 
Même si ça me fait une belle jambe dans mon projet de cape d'invisibilité à base de gènes surnuméraires pour pouvoir aller aux champignons sans tomber sur les pandores. 

Sur le darkweb, on trouve des gros sacs Super U
bourrés de chanterelles, vendus à la sauvette
par des dealers berrichons sans vergogne,
et payables en bitcoins. Le darkweb,
c'est vraiment une zone de non-droit.
Puis, dans le Monde de ce matin :
Covid-19 : des troubles psychiatriques décelés chez 20 % des patients. 
Selon une étude de l’université d’Oxford, publiée dans la revue The Lancet Psychiatry, l’anxiété, la dépression et les insomnies sont les affections les plus communes chez les personnes rétablies, qui sont aussi plus vulnérables face à la démence. Les chercheurs montrent aussi que les personnes atteintes de troubles psychiatriques sont à 65 % plus susceptibles de contracter le virus.

Etant entendu qu'au vu de la virulence du virus, on va tous attraper le Covid-19 à moyen terme, ça corrobore la vieille blague ghibellinienne "Une personne sur cinq souffre de troubles psychiatriques. S'il y a quatre personnes autour de toi et qu'elles ont toutes l'air en bonne santé, c'est pas bon signe." Mais à part ça, on fait quoi avec toutes ces infos ? Etant professionnellement très impacté par la crise sanitaire, je vais proposer à mon agence pole emploi de me reconvertir en organisateur de stages en forêt, sur le modèle de ces séjours survivalistes qui ont tant de succès auprès des jeunes qui se sont fait embobiner sur internet par d'anciens gradés. J'emmènerai des fournées de chômeurs dépressifs covidés en forêt, je les formerai à la cueillette de psilo, j'aurai une prime à la casse car j'en perdrai un ou deux à chaque sortie, et avec un peu de chance on trouvera bien quelques girolles. 

mercredi 4 novembre 2020

La lecture c'est l'aventure (5)

Un dessin de Xavier Gorce
peut être exigé
en début d'article, 
sauf dérogation préfectorale

La Belgique, qui procède comme la France à un deuxième confinement en raison de l’aggravation de l’épidémie de Covid-19, a décidé que les librairies, qui avaient dû baisser le rideau pendant deux mois, resteraient cette fois-ci ouvertes. Le soulagement dans la profession est palpable. « C’est une excellente nouvelle, atteste France Verrier, qui dirige Les Yeux gourmands, une petite librairie de Saint-Gilles, en région bruxelloise. Non seulement le livre est considéré comme important, mais il figure désormais sur la liste des biens « essentiels », ceux qui permettent d’échapper aux fermetures, au même titre que les magasins d’alimentation, les magasins de bricolage, les jardineries, les papeteries, ou encore les merceries
https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/11/03/reconfinement-en-belgique-les-livres-sont-consideres-comme-essentiels_6058364_3246.html

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Sinon, j'ai aussi une aventure souterraine de Mélanie Mélanome (dont elle s'est pas vantée) au Royaume des ouvrages interdits à l'achat en magasin en France : pour ne pas me contenter de me regazéifier avec mon propre gaz, ma femme m'a prêté un court roman coréen, alors que j'attendais ma première perfusion d'immuno à l'hosto.

La qualité de l’écriture est inconnue sous nos (mes) latitudes : 
aucun affect ne transparait, et le narrateur décrit avec clarté et une lucidité non-léthale (il est coréen, c'est pour ça) des faits et des situations insoutenables et inconvenantes, sans le moindre pathos.
« Les morts n’ont pas de tumeur » : si ça finit pas sur mon, blog, on aura du bol !





lundi 2 novembre 2020

Après l’attentat de Conflans, comment lutter contre le poison de l’islamisme ?

Pour qu'on ne puisse m'accuser de céder à la vacuité égotiste de la dérision quand la République est en danger, ou d'écouter la reprise du Bicot de Peter Gabriel par Supertrump pendant sa campagne, je rediffuse cette interview de Fethi Benslama lue dans Télérama.

Chaque numéro de l'hebdomadaire s'ouvre par une entrevue avec une personnalité en prise avec l'actualité, et c'est souvent des gens qu'on aurait envie de voir dans le 28 minutes d'Arte.
Fethi Benslama est psychanalyste, membre de l’Académie tunisienne et spécialiste du fait religieux.

dimanche 1 novembre 2020

Picsou-Magazine : 2000 blagues sur Mahomet

Demandez à votre libraire (s'il n'est pas fermé)
l'édition spéciale : "2000 blagues laïques et républicaines"
Macron a demandé un petit coup de main à Blasphémator® pour aider les enseignants à évoquer, sobrement mais dès demain lundi (jour de rentrée des classes) l’assassinat de Samuel Paty, la laïcité et la liberté d’expression aux enfants de 6 ans et plus.

https://www.lemonde.fr/education/article/2020/11/01/rentree-scolaire-un-hommage-et-des-inquietudes_6058070_1473685.html  

Parmi les téraoctets de matériel pédagogique à ma disposition, pieusement engrangés chaque nuit que je choisis de consacrer à la veille technologique, j'ai finalement décidé de soulager Manu de ses petites angoisses au bureau en diffusant plus largement auprès des écoles le petit recueil de saynètes humoristiques qu'on trouvait jusqu'ici sous le manteau, encarté dans le supplément illustré de Picsou-Magazine : "2000 blagues contre l'islamo-gauchisme, l'islamo-fascisme, l'islamophobie et l'islamo-islamisme", dont j'extrais l'histoire qui suit. Allez en paix.

La discrimination scandaleuse

Un instituteur à l’école, classe de CM2 :
– Dis-moi Benoît, qu’est-ce que tu as fait pendant la récréation ?
– J’ai joué dans le bac à sable, monsieur.
– Très bien, Benoît. Viens au tableau. Si tu arrives à écrire « sable » correctement, tu pourras rentrer une heure plus tôt à la maison… voilà, c’est très bien, Benoît.
– À ton tour Bastien, qu’est-ce que as fait pendant la récréation ?
– J’ai joué au bac à sable avec Benoît, monsieur.
– Eh bien, Bastien, si tu arrives à écrire « bac » correctement au tableau, tu pourras rentrer en même temps que Benoît… c’est parfait.
– Et maintenant Mouloud, qu’est-ce que tu as fait à la récré ?
– Euuuuh, mooi, mossu, ji l’a volu jooéé a bac à sable, ma Benoît i Bastien zon pa voolu, tu compris ?
– Mais, quelle horreur, c’est une discrimination scandaleuse d’un groupe ethnique minoritaire dont l’intégration sociale pourrait être mise à mal, et en plus, dans ma classe ! Écoute, Mouloud, si tu écris correctement « discrimination scandaleuse d’un groupe ethnique minoritaire dont l’intégration sociale pourrait être mise à mal » au tableau, tu pourras rentrer chez toi aussi !

Dommage que la blague soit raciste, vu que Mouloud s'exprime en petit nègre. Oups. Mais du coup c'est un support prometteur pour des instituteurs motivés par des débats de classe qui s'annoncent passionnants. 

à paraitre prochainement, dans la même collection :
Le Blasphème sans peine, par Richard Corben


samedi 31 octobre 2020

La lecture, c'est l'aventure (4)

Localisation des épisodes précédents
consultations sur rendez-vous et sur devis uniquement.
Les historiens de l'an 3000, dont l'existence est de plus en plus hypothétique, prétendront avoir exhumé des indices attestant l'existence des épisodes 1 à 3 de La lecture, c'est l'aventure dans la colonne des archives, sur la droite de votre écran. 
Je doute avoir rédigé tout ça tout seul.
Dieu a dû me filer un sacré coup de main, en catimini, fidèle à sa traîtrise habituelle. Ca ne peut être que lui qui me réveille tous les matins à 5 heures et m'enchaine au clavier.
Priez pour n'être pas parmi mes correspondants. Le cas échéant, bon courage à touffes et à troutes.

Sourire du matin (plutôt rare sur internet en ce moment) en découvrant grâce au blog d'Anniceris (auquel je n'entrave usuellement guère plus que ce qu'un passant lambda décoderait en débarquant nuitamment sur le mien) et à son article "Nul n'est prophète dans sa propre tête" qui fait référence à un blog encore plus criptyque au frontispice duquel je lis une profession de foi dûe au "Pater Taciturnus  (??) que j'aimerais faire mienne, mais c'est pourtant la sienne :  
(si vous avez décodé cette phrase du premier coup vous devriez aller vous faire dépister. Si vous ne l'avez toujours pas encore comprite au bout de trois jours, aussi)

"Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"
Pourquoi ce blog ? Je pourrais invoquer pour seule justification la lâche excuse d’Adam : 
 « c’est ma femme qui m’a dit de le faire ». Pour ce qui est du contenu, il s’agira avant-tout d’un exutoire à mon impuissance à faire partager mes enthousiasmes. J’y ferai également part de certaines de mes perplexités, dans l’espoir qu’un visiteur de passage me fasse bénéficier de ses lumières. Pourquoi Pater Taciturnus ? C’est évidemment un hommage au pseudonyme « Frater Taciturnus » utilisé par Kierkegaard. Mais le pseudo original était déjà pris, et j’ai maintenant plus l’âge d’être appelé pater que frater(...)
"Taciturne, fatigué … ça fait envie!
- J’espère!
- On pressent une accumulation de références culturelles destinée à masquer une personnalité assez profondément dénuée d’intérêt …
- C’est exactement cela … vous voulez que je vous cite un passage de Platon à l’appui de cette idée ?"

C'est quand même plus élégant comme déclaration d'intention auto-dévalorisante (si j'ai bien compris, à chaque fois que le mec va faire un article, pour complaire compulsivement à Kirkegaard, il postule qu'il va perdre une bonne occasion de se taire) que moi qui avais démarré ce blog pour soi-disant témoigner de mes progrès dans la lutte contre la cyberdépendance pornographique. 
Pour Pater Taciturnus comme pour moi, le succès de l'entreprise était tout entier contenu dans les prémisses, comme les métastases sont en germe de soja dans le mélanome, comme on s'entend parfois  répondre dans les restaurants asiatiques où l'on avait ses aises, par la patronne soudain dévêtue au fond du verre de saké une fois vidé, quand on l'interroge sur la recette de l'ingrédient secret. 
Pour en revenir à la consommation de la chose littéraire, de loin préférable au radotage interné sur internet, le temps que je parvienne à affirmer que les libraires sortaient renforcés du Covid, ils avaient déjà tous refermé leur échoppe. En se félicitant d'avoir fait plier la Fnac, les espaces Cthulhurels Leclerc, et même le rayon livres de mon Super U, qui est depuis tout à l'heure sous une bâche. 
Je le sais parce que Tyler Durden a monté une brève là-dessus au journal régional ce midi. 
Du point de vue subjectif des livres eux-mêmes, qui dépérissent puis succombent assez vite de n'avoir pas été lus, c'est loin d'être une victoire, bien qu'ils aient refusé de répondre aux questions de notre reporter dépêché sur place.

Charlie Hebdo reste en vente et se pavane sur les présentoirs presse.
Une loi va sans doute être passée cette nuit pendant qu'on dormira, enfin, surtout vous,
pour rendre son achat et sa lecture obligatoires, avec questionnaire de contrôle
des connaissances corrigé par Darmanin en ligne,
et gare aux antisèches griffonnées au dos de la dérogation...

... mais les livres sont désormais interdits à la vente. Sauf sur les plateformes.
Enrichir Jeff Bezos au détriment du commerce de proximité,
c'est désormais envoyer un message fort au gouvernement.
Cherchez l'erreur. 

Il ne faudrait quand même pas accabler Emmanuel Macron, cet homme actuellement obligé de :
- défendre Charlie Hebdo et le droit au Blasphème jusqu'au Liban, s'élevant courageusement contre l'Arabie entière après leur avoir vendu des armes très performantes.
- de réinjecter des milliards qu'il n'a pas pour perfuser l'économie réelle et éviter qu'elle clabote tout de suite.
- de filer d'autres milliards aux pauvres pour éviter le chaos autocide (je suis d'accord, ça ne sonne pas aussi bien que ça devrait) dans les rues, bien que les djihadistes soient maintenant eux aussi confinés et réduits à égorger des sacristains virtuels dans des basiliques en 3D
- de faire des concours de testostérone avec Erdogan
- et de replonger le capitalisme marchand et financier sous coma artificiel, sans savoir si on pourra le réveiller une seconde fois, même avec un défibrillateur nucléaire, réanimation qui sera sans doute loin d'être la dernière. 
Toutes choses qu'il n'avait pas du tout prévues de faire au cours de son premier mandat. 
Le soir, quand il rentre du bureau, il a du mal à s'acquitter des trois minutes de méditation de pleine conscience que lui a suggérées son ami et confident Christophe André pour retrouver un peu d'oxygène et lâcher-prise sur ses dossiers dans sa tête.
Tant qu'il est chaud, il devrait peut-être en profiter pour annuler Noël, ou au moins le reporter jusqu'au 14 juillet prochain, avant que la grogne des libraires l'accule à la réouverture, provoquant des contaminations géantes au Musso d'automne (qui n'est pas un champignon) ou pire, au Werber d'hiver (une vraie truffe, mais moins chère au kilo) pour complaire à la frange de son électorat pour qui le shopping en librairie reste d'une urgence vitale, même si le pronostic n'est pas engagé, car après quelques milliers d'heures de vol sur des simulateurs de fauche à l'étalage, on peut se bâfrer comme un porc de chien d'infidèle en tchourant tous les livres qu'on veut sur internet. 
Douce Frange, dont je suis fier de faire partie, bien que j'aie peu le temps de lire en ce moment avec tous les trucs qui me passent par la tête quand je lis tous les articles sur le Cioran-19 dans Le Monde sans chapeau. 
Macron m'impressionne donc favorablement, pour une fois. 
Et je préfère que ça soit tombé sur lui que sur un de ses prédécesseurs. 
Il a un peu plus de plasticité neuronale, à mon avis.
c'était la rubrique "on connait pas son bonheur jusqu'à ce qu'on le perde", et ça ne va plus tarder.
Mais alors, quand même, c'est curieux, d'un côté Macron défend Charlie Hebdo, de l'autre le gouvernement interdit la vente des livres. Du coup, acheter Charlie devient un acte politique pro-LRM, mais on peut encore trouver le dernier Emmanuel Carrère en ligne pour faire du Yoga sur Internet, comme disait ma fille à 6 ans quand elle me surprenait sur des sites de pranayama clandestin, ce que ma religion m'interdit de faire.  
Avec tout ça, mes repères sont chamboulés, Blasphémator® ne sait plus à quel saint se vouer, car si on conditionne un chien d'infidèle comme moi à distinguer un cercle d'une ellipse et si on lui montre ensuite des ellipses de moins en moins allongées, à un certain moment, il devient incapable de les distinguer d'un cercle. Il a alors un comportement de névrose expérimentale, et manifeste soit de la stupeur, soit de la rage.
Je n'ai pas de colère en moi, ça ne ferait pas bon ménage avec mes défenses immunitaires, mais je crois que je vais me réinscrire à la bibliothèque, en attendant que ça se tasse.


Avec tous ces stop Angot du petit commerce confiné, 
c'est pas très commode pour la vendre sur le bon coin. 
Surtout qu'en général, les gens m'appellent 
pour savoir si la lampe ne serait pas aussi à vendre.

Déjà rien que le titre,
mes métastases en frémissent d'aise.
Comme la Réalité Réelle Ratée dépasse cette semaine mes rêves de déception les plus fous, dans le peu de temps qu'il me reste à consacrer chaque soir à la lecture, je choisis de confier le ravalement de mon cerveau à de la non-fiction : Malaurie (ma femme m'a retrouvé l'édition de poche des Derniers rois de Thulé, qu'Elle Soit trois fois Bénie, et surtout que Je Vienne à table quand Elle m'Appelle) et Morizot
J'ai acheté son bouquin quand c'était encore autorisé, bien que ça eut été sans doute plus excitant de l'acheter lors du Black Friday des libraires interdit par la Préfecture, mais avec toutes ces histoires je n'ai pas encore trouvé le temps de l'ouvrir. 
Vous conviendrez que j'ai bien fait de proclamer par anticipation, et ce à plusieurs reprises, mon futur silence bloggesque.
Surtout que même si je ne me sens pas plus malade que d'habitude, mes aller-retours fréquents avec l'hôpital sont presque aussi chronophages que ma correspondance privée et publique. J'ai d'ailleurs trouvé dans l' enquête nationale de mesure de la satisfaction et de l'expérience des patients hospitalisés une question portant sur mon niveau de satisfaction de la vie, à laquelle je n'ai pas encore répondu. J'attends d'avoir un jugement plus nuancé, surtout si je trouve une petite infirmière black à l'hosto, qui serait d'accord pour me faire mes injections non léthales.

mercredi 28 octobre 2020

Le publicitaire, l'empathie et l'essuie-tout

J'aime bien (mais je me méfie un peu) des films
qui associent trois mots hétérogènes dans leur titre.
Ma femme a vu celui-ci, il faudra
que je lui envoie un mail pour savoir s'il est bien.

Quand tout semble irrémédiablement compromis, il m'est arrivé de chercher une consolation spirituelle auprès de professionnels du désespoir, comme Emil Cioran, dont Louis-Julien Poignard, le président à vie autoproclamé du GRRR (le Groupe de Réalité Réelle Ratée, rappelez-vous) me rapporte nuitamment, et ce malgré le couvre-feu, une citation dans laquelle il croit reconnaitre le texte programmatique qui marque la naissance de son mouvement et lui confère sa légitimité :

"Les esprits lucides, pour donner un caractère officiel à leur lassitude et l'imposer aux autres, devraient se constituer en une ligue de la déception. Ainsi réussiraient-ils peut être à atténuer la pression de l'histoire, à rendre l'avenir facultatif." 

L'avenir facultatif ? Quand j'étais jeune et sensible à ses Syllogismes de l'amertume, qui rentraient alors en moi comme dans du beurre de missel, je ne pouvais percevoir les présupposés franchement suspects de la petite cuisine décliniste du philosophe roumain, dépressif au long cours et auto-canonisé "lucide" parce que niant dès son plus jeune âge la possibilité même du bonheur dans les marges de ses cahiers. 

Je suis moins Mallarmé pour les dépister (1) et les tenir à distance aujourd'hui. Peut-être que sur le long terme, Cioran n'a pas tort de professer la fin des haricots, et que le Big Crunch succèdera au Big Bang qui donna naissance à notre univers. Ca peut même sembler logique, dans une perspective ultime. Et puis c'est confortable pour lui : plus on fait des prévisions à long terme, moins on a de chances d'être détrompé de son vivant. Mais bon, je vois bien que la plupart des noeuds & callosités relevés à la surface de mon psychisme sont nés de raidissements & crispations conséquentes au refus de n’avoir pas voulu laisser partir ce qui n’était déjà plus là, et ce n'est pas en couinant que j'y ai jamais changé quoi que ce soit, d’où cette appétence pour Cioran, qui a chanté toute sa vie « No future » avec constance, une certaine créativité et à cappella parce qu’il n’était même pas fichu d'inventer le punk en Roumanie. 

Un matin où je tombe très tôt du lit pour me rendre à ma chimiothérapie sans avoir à passer 90 minutes dans les bouchons à l'heure où tout le monde se rend en voiture à son téléchômage, je découvre grâce à Youtube que Cioran l’a dans le cul, que son manque d’empathie le condamne à rester à jamais un minus habens de la Vie, (surtout s'il est déjà mort) alors que les publicitaires, que j'exècre en temps normal, en ont à revendre, de l'empathie, en même temps que du Sopalin.


*Unapologetically human = humain "sans aucune excuse", comme ça au moins vous aurez l'impression d'avoir appris quelque chose, et pendant ce temps, je vais moi aussi apprendre à vivre "sans aucune excuse", ce que Cioran n'a jamais cru possible ou acceptable. 
A mon avis il était et resta fâché jusqu'au bout avec le Réel, ce qui relève quand même d'un manque de savoir-vivre. 
(Aux multiples usages imaginés ici à l'essuie-tout, il manque néanmoins un plan furtif d’un mec qui s’essuie le zguègue après s'être branlé devant son ordi, mais je vais le rajouter en post-prod)

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(1) surtout quand Mallarmé griffonne ce vers près du tombeau de Verlaine : « Un peu profond ruisseau calomnié la mort. » Ce que me confirmait un ami récemment disparu, quelques jours avant de passer l'arme à gauche : "Je vois la Vie s'ouvrir devant moi", me confia-t'il. Je l'ai cru sur parole. Et ça ouvre des perspective à bien des Tièdes, que Dieu vomit sans Sopalin, et que la Vie semble effrayer encore plus que la Mort, auquel cas il ne faut pas craindre de demander une petite piqûre à l'infirmière de service afin de trépasser sous anesthésie générale, il parait que ça fait moins mal, mais on doit sans doute passer à côté de quelque chose.

vendredi 23 octobre 2020

La lecture, c'est l'aventure (3)

La lecture, c'est l'aventure, c'est une saga rédactionnelle qui s'étend à ce jour sur trois épisodes : 

Ce n'est pas le meilleur livre
que j'aie lu sur le yoga,
mais c'est le seul.

Le seul livre que je parvienne à lire sans confusion perceptive aliénante sur tablette, c'est le Yoga d'Emmanuel Carrère, mais cette lecture me navre, pour lui comme pour moi. Sans parler de Fanny Ardant, posée en VHS sur l'étagère. Je ne vais pas en dire du mal, ça me nuirait, je me rappelle avec une acuité douloureuse d'un commentaire tranchant sur le forum café éveil qui disait "mais son karma n'est pas le mien, et ne peut pas le devenir, tant que je ne le condamnerai pas. Et je ne le condamne pas, car pour sûr je ne le souhaite pas", mais Carrère et ses défaillances narratives, Manu et ses embarrassantes révélations sur lui-même, toute cette intimité suffocante avec ses dysfonctionnements qu'il nous partage de livre en livre, lui et sa dépression de pleine conscience, lui dont j'apprécie tant le verbe quand il parle des autres, devient mon modèle répulsif absolu de névrose expérimentale attrapée en se regardant écrire sur soi, incarnant tout à fait ce qu’il ne faut pas faire et qu’il est éprouvant de voir faire aux autres.
En plus ça fait 15 ans que je fais pareil sur mon blog, c'est de plus en plus compliqué à démouler, et ça ne m'a jamais rapporté un radis; et à force d'arroser mon jardin avec du ciment, Dieu a fini par me couper l'eau, donc en principe Yoga me dispense pour aujourd’hui du besoin compulsif de coucher mes états d'âme (si tant est que j'en aie une) sur le papier des grossiers de l'écran. 
Comme l'a dit Beigbeder lors de l'émission Le flasque et l'enclume, « On a affaire à une autobiographie qui se ment à elle-même. C'est comme les bloggueurs patients qui mentent à leur psychanalyste : ça ne peut pas marcher.  » Comme chez Warsen, quoi, sauf que Warsen n’est pas édité chez P.O.L, d'ailleurs il ne m’édite pas autant qu'il le prétend, mais s’auto-édite à un seul exemplaire et surtout radote tout seul devant son écran; et il prend du lithium, comme Carrère, et comme beaucoup de bipolaires. Y'a pas de quoi être fier, tralalère. Sans parler du fait qu'à la suite d'une lombalgie carabinée, pas plus tard que la semaine dernière, j'avais retrouvé une réserve secrète de di-antalvic, un anti-inflammatoire à la fois interdit et périmé, je m'enfilais ça avec des cachets de lamaline (le comprimé fourré à l'opium qui ne rend pas malin, selon ma femme qui en a trop pris) pour faire descendre, comme on disait dans les troquets avant-guerre, et puis il a suffi que ma généraliste brandisse la menace pangoline, prétexte bon à tout faire passer par décret, disant que ceux qui vivaient par l'anti-inflammatoire offraient une voie d'accès en open bar à la vermine covidienne, encore pire que s'ils avaient investi dans un paillasson marqué "bienvenue" en lettre fluo à l'entrée de leur organisme, et ça m'a tout coupé. Finalement, je me suis remis droit tout seul, en faisant des travaux sur un escabeau. Mon ordinateur a passé huit jours sous une bâche au milieu des gravats, ça l'a rendu plus humble, et la peur a changé de camp, comme dit notre bon président.


Délivrez-nous des bandeaux
qui masquent les illustrations de Manchu.
Dans la foulée de cette confession tronquée d'un homme manifestement brisé par la posture de son ego bien plus que par sa posture de yoga, et qui après avoir été jadis un bon écrivain me rappelle maintenant les pires heures de mon blog, pas plus tard que la semaine dernière, alors pour revenir au réel je n'ai plus guère le choix, sinon lire encore plus de SF que d'habitude, je rachète du Peter Watts en urgence, lui qui pratique allègrement la transition disruptive de registre narratif, entre ses intrigues hard science et un fonds de désabusion sur le potentiel humain sans doute né de ses trouvailles quand il était biologiste marin.
"Nous explorons des domaines au-delà de la simple compréhension humaine. Parfois ses contours sont tout simplement trop complexes pour nos cerveaux, à d'autres moments ses axes même s'étendent dans des dimensions que sont incapables de concevoir des esprits construits pour baiser et se battre sur des prairies préhistoriques. Tant de choses nous contraignent, dans tant de directions. Les philosophies les plus altruistes et les plus viables échouent face à l'intérêt personnel, cet impératif brutal du tronc cérébral." pouvait-on lire dans Vision aveugle, que j'avais eu un mal de chien à décrypter : une intrigue mêlant space opéra, hard-science, vampirisme, entrelardée de philosophie et de questionnements sur la nature de la conscience.
Ses thèmes récurrents sont l'illusion du libre-arbitre, la pensée consciente (prétendument) rationnelle qui n'est en fait qu'une justification a posteriori de processus inconscients issus des parties les plus anciennes et les plus primitives du cerveau humain, eux-mêmes n'étant que le fruit de phénomènes chimiques et électriques précisément déterminés par les lois de la physique, vous voyez le genre, on ne se poile pas tous les jours dans ses astronefs, c'est assez dense. 

"Haka", de Caril Férey, qu'on m'a suggéré puis prêté, c'est encore pire, on dirait du Ellroy français. J'aurais jamais cru dire ça un jour, mais c'est trup punk pour moi. C'est comme d'autres avec les chanterelles, je ne peux plus manger de ça, je ne le digère plus. A ce stade, mon cancer virtuel est en nette régression, mais la récidive est à la portée d'un simple clic. Donc pas de déclaration d'intention propre à faire ricaner Dieu, comme le radotait Carrère avant moi.

J'ai pris une bonne claque
dans la salle d'attente de l'oncologue
Entretemps, un copain disruptif, je veux dire par là que je le vois par intermittence depuis 35 ans, a fait de sa maladie passée un roman très vigoureux qu'il m'envoie gracieusement et par la poste, c'est un récit de fureur et de haine envers la science médicale, avec une puissance poétique dont je ne le soupçonnais pas. Et dont je serais bien incapable, bien que personne ne m'ait questionné à ce sujet.

Et pendant que livres lus, non lus et à moitié lus s'empilent et s'enlacent au pied du lit et dans l'iPad, ça fait bien un mois déjà que je tente de conclure cet article faussement enjoué par le biais de l'autofiction du langage parlé pour vanter les vertus de la lecture, ce qui est bien la preuve que blogage et déblogage ne sont plus adaptés à mes besoins, si jamais ils le furent. 
Les raisons qui m'ont conduit à ouvrir ce blog, elles, perdurent, c'est juste que l'outil n'était pas le bon. 
Vive le silence et la méditation, mais attention aux velléités autobiographiques, surtout celles qui traitent de cyberdépendance virtuelle, d'auto-addiction, et de rédemption de l’objet fascinatoire.

quand elle n'est pas en service, ma libraire potasse
des manuels traitant des cosplays Scooby Doo 
Je retourne en librairie, au moins ça c'est une des bonnes nouvelles, avec le fait que les libraires sortent renforcés du Covid; quand un ouvrage que j'ai mis dans l'iPad comme s'il m'avait été prêté par un ami m'a tapé dans l'oeil, je vais dans la librairie de la ville, tenue par des meufs pas trop bonnasses vu que sinon elles passeraient pas leur temps à lire des livres et à essayer d'en vendre, mais elles sont sympas quand même, et on peut tout commander par internet. Internet qui, rappelons-le, n'est pas mon ami, ou alors comme le serait un vieux pote un peu relou qui me proposerait toujours de me consoler avec des techniques de gavage qui ne pourront jamais niveler mon trou béant, qui était déjà à l'origine de la création de ce blog, même si je le remplissais avec autre chose, sans parler des impératifs de mon tronc cérébral, et surtout dans une phrase où l'on place l'adverbe de temps toujours il faut tout de suite après coller son antidote jamais car ces deux redoutables éternités ne sont que faussement accessibles à l'esprit humain.

Voilà pour aujourd'hui, je vais persister à soigner ma lombalgie par des travaux intérieurs sur un escabeau, jusqu'à ce que je ne puisse plus bouger l'autre épaule; je remets mon ordi sous une bâche, et la bâche sous les gravats, ça le rendra plus humble.  Et moi donc. Parce que n'empêche même que quand même, si le langage reste l'ultime frontière de notre dernière liberté, et n'empêche melba que même si que la lecture, c'est l'aventure, au départ c'est la peinture, que c'est l'aventure.

(à suivre)