lundi 2 janvier 2012

Pire que demander de l'aide : en recevoir

(extrait de mail, 30 octobre 2011)
Je te remercie de ta proposition d'aide.
Je réfléchis à pourquoi j'ai d'épouvantables crises de stress, à focaliser sur mes carences plutôt qu'à me réjouir de ce qui fonctionne.
Enfin je dis "je réfléchis", mais c'est plutôt "je les regarde m'handicaper et je demande à Dieu de gérer" parce que c'est plutôt confusion et désarroi sur toutes les chaines quand le merdier se manifeste avec cette force.
J'ai une forme de narcissisme basée sur la souffrance et le manque (l'attachement aux formes passées) qui se traduit au niveau mental par la noirceur (ce qui n'est pas sans poser problème dans mes rapports avec les clients au sein de ma boite de prod, lol, bien que je sois en grande vigilance par rapport à ça) et depuis récemment par ces crises de panique physiologique, mais je crois que le nicopatch n'y est pas étranger. 
J'ai refumé 9 mois avant de considérer que c'était atroce et d'accepter la béquille du patch.
Ce matin, je faisais mon jogging et remontais une côte assez raide, j'ai entendu un cycliste arriver derrière moi, se mettre sur le côté et me dire "bravo, on dirait que vous n'avancez pas mais en fait vous allez super-vite" et je l'ai pris pour un messager cosmique. J'avais tant besoin d'entendre un truc comme ça.
C'est te dire à quel point mon besoin de reconnaissance est le caillou dans ma chaussure.
Je te salue.

Creuser son sillon, quand on est cyberculteur, c'est un vrai boulot.

lundi 5 octobre 2009

Comment réduire sa consommation

Lu aujourd'hui sur le site du Monde :

Avec la crise financière et le respect de l'environnement, il est de bon ton d'économiser l'énergie.

"Les ménages consomment 47 % de l'énergie produite en France pour leurs besoins domestiques", selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Cette énergie consacrée à l'habitat est utilisée à 65 % pour le chauffage, à 16 % pour l'énergie spécifique (lave-linge, lave-vaisselle, réfrigérateur, éclairage...), à 12 % pour l'eau chaude et à 7 % pour la cuisson.
"La consommation d'énergie varie de 1 à 4 selon le type d'habitat, explique Jean-Jacques Roux, enseignant-chercheur au Centre thermique de Lyon, CNRS. Les logements anciens consomment en moyenne 240 kilowattheures par mètre carré et par an (kWh/m2/an), contre 120 à 150 kWh/m2/an pour les plus récents et 60 kWh/m2/an pour les écologiques."
Consommation : - 30 % dans l'habitat
Trois mesures permettent de réduire de près de 30 % la consommation d'électricité dans l'habitat.
Utiliser des ampoules basse consommation. Ces lampes consomment cinq à six fois moins d'énergie que les ampoules à incandescence et ont une durée de vie sept à dix fois plus longue. Plus onéreuses que les ampoules traditionnelles, elles produisent 80 % de lumière et 20 % de chaleur contre 5 % de lumière et 95 % de chaleur pour les lampes à incandescence. A proscrire, les lampes halogènes, 50 % plus énergivores que les lampes à incandescence.
Opter pour des équipements étiquetés A, A+ ou A++, qui consomment très peu d'énergie. Un peu plus chers à l'achat, ils sont plus économiques à long terme. Dix ans après le lancement de l'étiquette énergétique (qui va de A, la plus économe, à G), les classes inférieures E, F, G ont disparu et le D est quasiment absent des rayons. Un réfrigérateur ou un congélateur classé A permet de diviser par trois la consommation. Des discussions sont en cours au niveau européen pour supprimer, en 2014, tous les appareils de froid classés A au profit des appareils plus performants notés A+ et A++.
Eviter de laisser des appareils électriques en veille en utilisant des multiprises avec interrupteur. La fonction veille, qui permet de programmer la mise en route des équipements électroménagers et audiovisuels, et la commande à distance des appareils comme le téléviseur, la radio, la chaîne hi-fi... sont un gros poste de consommation. "Cette fonction consomme presque autant d'énergie que l'éclairage dans un logement", selon une étude de Science & Décision, "Les économies d'énergie : choix ou nécessité ?", réalisée par l'université Evry-Val-d'Essonne et le Centre national de la recherche scientifique. "A l'échelle de la France, cela représente, chaque année, 0,5 % de la consommation totale d'énergie en France."
Là aussi, une réflexion est menée au niveau européen pour obliger les constructeurs à prévoir une fonction arrêt sur tous les appareils électriques - sans perdre la programmation.
Géothermie et solaire
Inépuisable et non polluante, l'énergie solaire permet, grâce à des panneaux thermiques fixés sur le toit d'un bâtiment, d'assurer une bonne partie du chauffage de la maison et de l'eau chaude sanitaire (à ne pas confondre avec les panneaux photovoltaïques réservés à des bâtiments de grande taille et des surfaces de toit importantes).
Selon la région, le rendement varie entre 50 % et 70 %. Avec 4 m2 de capteurs, un chauffe-eau solaire moyen peut fournir 50 % des besoins d'eau chaude d'un foyer à Lille, 56 % à Paris, 66 % à Bordeaux et 75 % à Marseille.
Capter la chaleur emmagasinée dans le sol, grâce à une pompe à chaleur, permet de chauffer la maison. C'est la géothermie. Cet appareil fonctionne sur le principe d'un réfrigérateur, mais produit l'effet inverse : de la chaleur et non du froid. Solution de chauffage l'hiver, la pompe à chaleur, à condition qu'elle soit réversible, permet aussi de rafraîchir la maison l'été.
Les gestes les plus simples...
Si la diminution de la consommation résulte tout d'abord de l'évolution des techniques, "certains gestes permettent de réaliser des économies importantes", déclare Vincent Fristot, chercheur et porte-parole de l'association NégaWatt, qui plaide pour un usage plus sobre et plus efficace de l'énergie.
Parmi les gestes les plus simples : éteindre les boîtiers des téléviseurs, qui consomment 10 à 20 watts/jour en veille, et installer des barrettes multiprises partout dans la maison. "La veille représente aujourd'hui 20 % de la consommation d'électricité dans les logements", ajoute M. Fristot.
Limiter le chauffage à 19 °C le jour, diminuer la température ambiante la nuit de 1 à 4 degrés, et baisser le chauffage en cas d'absence : 1 °C de moins correspond à 7 % de consommation d'énergie économisée. Et en cas d'absence prolongée, mieux vaut utiliser la fonction "hors gel".
Dans la cuisine, dégivrer régulièrement son réfrigérateur et nettoyer une fois par an sa grille évite l'encrassement, qui peut doubler la consommation électrique de l'appareil.
Adapter la puissance de l'éclairage aux différents membres de la famille : un enfant de 5 ans voit deux fois moins bien qu'un adulte de 20 ans, alors qu'un adulte de 60 ans a besoin de six fois plus de lumière qu'un jeune.

Sur le même sujet



Sur le Web :

- ademe.fr
- negawatt.org
- science-decision.fr


lundi 24 août 2009

Ma vie sans Internet 4/4


Etre ou ne pas être cyberdépendante ?
LEMONDE.FR | 27.08.09 | 08h08 • Mis à jour le 28.08.09 | 08h11

Un grand soleil d'été inonde la cour intérieure de l'hôpital Sainte-Anne. Il est 15 heures. Une dizaine de patients en pyjama discutent sous les marronniers en fleurs. J'ai rendez-vous avec le docteur Dervaux. Psychiatre plutôt costaud dans sa blouse blanche, il est spécialiste en addictologie. Grâce à lui, je vais peut-être enfin comprendre ce qui m'arrive.

• Mission n°4 : Savoir diagnostiquer son état

A peine assise, je déballe tout : ma frustration, mon ennui et mon sentiment de déprime naissante. Lui écoute, les mains croisées sur le ventre. J'insiste. Mes propos n'ont pas l'air de le surprendre. Quand j'ai fini, il hausse les épaules, laisse échapper un sourire. "Vous voyez cette ligne, mademoiselle. – Oui – Sur une échelle de 1 à 10, vous seriez plutôt là : au niveau quatre. – C'est-à-dire ? – C'est-à-dire qu'Internet fait partie intégrante de votre environnement socio-professionnel, mais son usage n'a pas d'impact sur votre entourage. – Donc ? – Vous n'êtes pas cyberdépendante."
Oubliée, la toxicomanie numérique. D'après le docteur Dervaux, seuls 0,5 % à 2 % de la population souffre réellement d'addiction à Internet. "Les vrais accros passent plus de cinquante heures par semaine sur le Web en dehors de leur vie professionnelle. Ils sont rares, à peine 6 % des usagers." Leur dépendance, ou plutôt leur maladie, se traduit par une envie intense, obsessionnelle et irrésistible de se connecter. Le plus souvent, elle se dissimule derrière une addiction à la pornographie, aux chats ou aux jeux vidéo en ligne.
Difficile pourtant de dégager un profil type de l'internaute cyberdépendant. "Autrefois, il s'agissait majoritairement d'hommes âgés de 25 à 35 ans (…). Maintenant, il semble y avoir une certaine parité entre les hommes et les femmes", observe le psychologue canadien Jean-Pierre Rochon. Dans son ouvrage sur Les Accros à Internet, le créateur du site psynternaute.com précise que les adolescents sont proportionnellement plus nombreux à souffrir de troubles obsessionnels que les adultes.
Malgré cela, rares sont les études consacrées exclusivement à la cyberdépendance. Les plus sérieuses, publiées en Asie et aux Etats-Unis dès le milieu des années 1990, se fondent sur le résultat de tests, généralement accessibles en ligne. Le premier de ces questionnaires, mis au point par le docteur Kimberly Young en 1994, se présente sous la forme d'un questionnaire à choix multiples (QCM) en vingt points. Alain Dervaux accepte de m'y soumettre. Avec un résultat de 57 sur 100, je me classe dans la catégorie des usagers abusifs, mais curables.
"Le problème de ces tests, c'est qu'ils s'appuient sur des critères trop larges pour évaluer précisément la cyberdépendance d'un individu", tempère mon docteur. Pour la plupart des internautes, et j'en fais partie, le Web agit plutôt comme une drogue douce. Socialement obligatoire mais rarement néfaste pour la santé, c'est avant tout un instrument de liberté.
Dans le pire des cas, il agit comme un accélérateur de narcissisme. Comme le précise mon docteur, "tout en offrant l'anonymat, Internet permet de diffuser une projection de soi contrôlée, valorisée, sculptée et optimale. Rompre avec ce miroir, c'est se couper de la meilleure partie de soi-même. Un processus d'autant plus douloureux, narcissiquement, qu'on s'exclut de la communauté des internautes". Mais Alain Dervaux en est convaincu, "ce sentiment de frustration dont vous m'avez parlé finirait par se dissiper si vous prolongiez l'expérience".
J'en conclus donc que la consultation est terminée. En quittant l'hôpital, le cœur un peu plus léger, je croise le long des arbres une jeune fille en habit bleu. Elle a le regard vague et les cheveux en bataille. "Vous avez du feu ?" Je crois, oui. Je cherche, farfouille, renverse mon sac, m'excuse. La jeune fille sourit. "Vous êtes hospitalisée ?", me demande-t-elle. Non, juste un peu déconnectée.
Pour en savoir plus :
- Lire La Cyberdépendance en 60 questions, de Jean-Charles Nayebi (Retz, 2007).
- Les Accros d'Internet, de Jean-Pierre Rochon (Libre Expression, 2004).
- Ces dépendances qui nous gouvernent. Comment s'en libérer ?, du Dr William Lowenstein (Le Livre de Poche, 2007).
- Une étude belge sur la cyberdépendance, pédagogique et complète.

Elise Barthet

lundi 17 août 2009

Ma vie sans Internet 3/4

Tant qu'il est en ligne l'article est

Le téléphone sonne. C'est la première fois depuis deux jours. La mélodie me tire d'un état de douce hébétude. E., au bout du fil, manque de s'étrangler. "C'était la projection des filles ce soir. T'étais où ?" Moment d'absence. Nulle part. Ça fait des heures que je tue le temps en jouant au Spider Solitaire, que j'écluse des tisanes. J'ai complètement oublié le documentaire d'A. et C. "L'invitation est quelque part dans ma boîte mail, mais…" Inutile de s'expliquer. E. enfonce le clou. "Tout le monde était là, sauf toi."

• Mission n° 3 : Lutter contre l'ennui

Pour éviter la tentation, je n'ai prévenu personne de ma soudaine déconnexion. Mes amis IRL ("in real life", à savoir dans la vraie vie) sont tous plus ou moins accros au Web. La plupart de nos communications, de nos états d'âme et de nos fous rires passent par la Toile. Pas un jour sans que je ne chatte avec l'un d'eux sur Gmail ou MSN. Pas une semaine sans que je ne visite leur page Facebook. Des parties de Questions pour un champion online au visionnage compulsif des meilleurs clips de Kate Bush, Internet a même envahi nos soirées pour devenir une pratique collective. Impossible de l'éviter. Alors, par peur de la tentation ou par manque évident de volonté, j'ai préféré me calfeutrer.
Mais cet isolement me pèse. Je me demande ce qu'ils font tous. Où se trouve L. ? Quand revient V. ? Je les imagine vautrés devant un film piraté ou pendus à Spotify. Le plus étrange, c'est que je ne pense même pas à les appeler. Habituée à les contacter par mail, j'ai perdu le sens du combiné.
Dans ma chambre, le temps s'est comme figé. L'air est immobile et les heures se dilatent. Pas un bruit ne résonne dans l'escalier. Pas un tintement de clé. Sans connexion, je me sens comme écrasée, abrutie par le vide. Je vis dans un demi-sommeil, prostrée devant mon écran. Le corps engourdi et l'esprit embué. La radio crachote. J'ai l'impression que la lassitude a pris le pas sur la frustration.
Je n'ai pas le cœur à lire. Je n'ai pas de télé. Pas question d'aller au cinéma. Il me faudrait au moins deux séances pour retrouver un semblant de joie de vivre, et mes finances ne valent pas mieux que mon moral. Par dessus le marché, ma chaîne hi-fi est cassée. Ça fait des lustres que je me promets de la faire réparer.
D'après Don Tapscott, auteur de Grown Up Digital, l'usage d'Internet a profondément transformé la façon dont fonctionnent nos jeunes cerveaux. Qu'il s'agisse de notre aptitude à accomplir plusieurs tâches en même temps ou de notre culture du Réseau, nous, "natifs numériques", avons l'habitude de vivre sous stimulation permanente, avec une perfusion digitale. Privée de ces distractions, je m'ennuie à mourir.
Besoin de penser à autre chose, de penser tout court, combler le vide. Je me souviens : les VHS, le rembobinage manuel des cassettes audio, les ondes courtes, les joysticks, les annuaires, les atlas, les bippers, le sacro-saint journal de 20 heures... Je me rappelle les piles de disquettes, le premier ordinateur familial, le bruit strident du modem. Et ma toute première boîte de réception Caramail. Le temps d’attente avant le chargement des pages. Les fils qui couraient sur le parquet. Les connexions interrompues, chaque fois que quelqu’un décrochait le téléphone. Et mon père qui hurlait "Racroooooooche !"
Et dire qu'hier, j'ai failli tout laisser tomber. Je venais d'arriver au bureau. L'ordinateur était allumé. Sans réfléchir, mes doigts ont glissé sur la souris. Une fenêtre s'est ouverte, vite vite, j'ai voulu pianoter. C'est le genre d'envie qui vous vient comme une démangeaison. J'étais sur le point d'y parvenir, quand quelqu'un s'est assis. J'ai tout refermé.
Besoin de partir, de m'aérer. Je nous ai traînées, ma mauvaise conscience et moi, jusqu'à la bibliothèque. Malgré la fin des examens, les allées bruissaient encore du frottement sec des copies doubles et du glissement des semelles sur les moquettes usées. L'étage était plein. J'ai pris place entre une vieille femme passionnée d'art grec et une étudiante en médecine. Devant moi, oublié, un livre au titre évocateur : L'Ennui, d'Alberto Moravia.
"L'ennui, écrit Moravia, consiste principalement dans l'incommunicabilité". C'est comme une gangue épaisse qui vous rend imperméable aux choses. Il "ressemble à l'interruption fréquente et mystérieuse du courant électrique dans une maison : à un moment tout est clair et évident, ici les fauteuils, là les divans, plus loin les armoires, les consoles, les tableaux, les tentures, les tapis, les fenêtres, les portes : le moment d'après, il n'y a plus qu'obscurité et vide."
C'est exactement ça. Privée d'Internet, je suis comme anesthésiée. Aboulie complète. Il faudrait peut-être aller consulter.
Pour en savoir plus :
- Les Nouvelles Addictions, du Pr Michel Lejoyeux (Points, 2009).
- Grown Up Digital. How the Net Generation is Changing Your World (Enfants de l'ère numérique. Comment la Net génération change votre monde), de Don Tapscott (MacGraw-Hill, 2008).
- L'Ennui, d'Alberto Moravia (Flammarion, 2003).
Elise Barthet

lundi 10 août 2009

ma vie sans internet 2/4

LE MONDE | 25.08.09 | 17h39 •


Privée d'Internet, je passe un temps fou à parcourir les quotidiens, à feuilleter les magazines et à dévorer les féminins, sous les regards outrés des kiosquiers. En dehors des sempiternelles couvertures consacrées aux régimes miracles et aux vacances des politiques, une question semble obséder une partie de la presse : Internet nous a-t-il rendus plus bêtes ?
Mission n° 2 : Essai d'appréhension critique de sa propre bêtise
De toute évidence, l'usage quotidien d'Internet a bouleversé nos manières de penser. Le cerveau est un organe éminemment adaptable. Investi par le Web, il a sans aucun doute changé. Mais comment ? Sommes-nous vraiment plus sots que nos aînés ? Internet nous a-t-il transformés en zappeurs compulsifs ? Avons-nous troqué le savoir vrai contre l'illusion fallacieuse de l'immédiateté ? Plus nombrilistes, sommes-nous devenus plus médiocres ? Autant de questions que j'ai désormais largement le temps de me poser.
Depuis la parution en 2008 dans The Atlantic d'un article de l'essayiste et blogueur américain Nicholas Carr, la polémique n'en finit pas de rebondir sur la Toile. "Le Net, écrit Nicholas Carr, diminue apparemment ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais les informations selon la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski."
Pourtant, le QI, dans tous les pays qui le mesurent, est en hausse constante depuis les années 1930. A en croire les résultats de ces tests, nos facultés cognitives fondamentales, comme notre aptitude à penser de manière logique et critique ou nos capacités d'analyse et de raisonnement, n'ont pas été affectées par l'apparition du Réseau. Elles s'en trouveraient même améliorées.
D'après Dan Tapscott, auteur de Grown Up Digital, les enfants du Net possèdent des compétences que leurs parents n'ont pas. "Les natifs numériques" sont plus aptes à travailler en commun, "plus malins, plus rapides et plus ouverts à la diversité". Il relève également que "les habitués des jeux vidéo remarquent plus de choses" et "ont des compétences spatiales très développées, utiles aux architectes, aux ingénieurs et aux chirurgiens".
N'étant pas une fervente adepte de "World of Warcraft", le jeu en ligne le plus en vue, et distinguant péniblement ma droite de ma gauche, je ne me prononcerai pas sur ce dernier point. En revanche, je sais repérer les effets bénéfiques d'Internet sur mon rapport au savoir. Loin d'annihiler ma curiosité, la Toile l'a nourrie et amplifiée. Je peux passer des heures à me documenter sur un événement, un auteur ou une question de société. A force de naviguer, mon cerveau a gagné en plasticité. Je ne mémorise qu'une infime partie de ces informations, mais j'ai appris à les trier.
"Mon esprit, reprend notre blogueur polémiste, ne disparaît pas, je n'irai pas jusque-là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu'avant. C'est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. (…) Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m'agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire."
Enfant de la télé, avant d'être une enfant du Web, j'ai toujours eu la zappette facile. Sans nuire directement à ma réflexion, cette manie affecte évidemment mes capacités de concentration. J'ai du mal à écrire quatre heures d'affilée sans consulter mes mails ou la "une" du Monde.fr. L'extension de Twitter sur Firefox s'affiche constamment au bas de mon écran. Je suis sans arrêt tentée de cliquer, perpétuellement distraite. Pis, je peux regarder trois fois de suite sans me lasser la parodie sur YouTube du clip de Bonnie Tyler, Total Eclipse of the Heart, qu'un ami a eu la mauvaise idée de me montrer.
Pourtant, aussi distractives soient-elles, je ne crois pas que ces pratiques de navigation nuisent à mes habitudes de lecture. En tout cas, elles ne m'ont pas empêchée de dévorer Dostoïevski, d'adorer Duras, Hesse ou Saint-Exupéry. Je parcours quotidiennement des dizaines de journaux en ligne et imprime chaque semaine (au grand désespoir de mes amis écologistes) des pages entières du New Yorker. Bien sûr, ce n'est pas la même chose de naviguer sur le Web et de s'oublier dans un livre. Peut-être faut-il croire Mark Bauerlein – professeur de littérature à l'université d'Emory aux Etats-Unis et auteur de La Génération la plus bête – lorsqu'il dit que les enfants du Net sont moins cultivés que la génération précédente. Il avance que leurs connaissances sont moins assises, leur attention diminuée. Cela n'en fait pas pour autant des ânes. Car, pour nous, Internet agit à la fois comme un poison et un remède. Il nous distrait autant qu'il nous stimule.
Les partisans fervents du 2.0 et les apôtres de la lecture "à l'ancienne" peuvent donc continuer à s'écharper. Ni la radio, ni la télé n'ont tué le livre et je doute qu'Internet m'ait rendue plus bête. Ce qui est sûr, c'est que le fait de m'en priver ne me rend pas plus heureuse.
Pour en savoir plus :
- Grown Up Digital. How the Net Generation is Changing Your World (Enfants de l'ère numérique. Comment la Net génération change votre monde), de Don Tapscott (MacGraw-Hill, 2008).- Le mensuel Books a consacré un numéro spécial cet été à la question : "Internet nous rend-il encore plus bêtes ?"- Un article de Télérama traite également du sujet dans l'édition du 22 juillet.
Elise Barthet