lundi 19 juin 2006

Yukulele


















Quand je suis fatigué du Moloch Internet, après avoir constaté que la plupart des passants tombent sur mon blog après avoir rempli leur moteur de recherche d’essences de mots très très malpolis, je vais écouter une petite ritournelle chez Craig Robertson. Ce gars-là n’a aucune prétention sinon de faire partager le plaisir qu’il éprouve à chanter ses petites chansons aigres-douces. Il vend son disque sur son site mais la moitié de ses titres sont en téléchargement libre, et tous les quinze jours il change la sélection ou rajoute de nouveaux titres. Il s’en moque sans doute, il fait ça pour s’amuser. Comme le couple de graphistes de turbolapin dont les 2160 gags de popo et lolo poche m’ont miséricordieusement réjoui. On devrait prendre exemple. Au lieu de reprocher à nos gosses de ne manifester aucune des qualités qui nous font défaut.

jeudi 15 juin 2006

La Bible et le Pancréas



Je finis le montage d’un documentaire sur une prison de Louisiane phagocytée par l’évangélisme. 5000 condamnés à perpétuité s’y convertissent les uns les autres à un christianisme grégaire, avec la complicité bienveillante du directeur de la prison qui voit chuter le taux de criminalité à l’intérieur de son établissement. Il y a création parmi les prisonniers d’une "méritocratie" (les plus acharnés font des études de théologie au Bible College de la prison et deviennent pasteurs, et peuvent ensuite aller répandre la bonne parole dans les prisons alentour) sans illusions et sans pouvoir : aucun d’entre eux ne ressortira vivant d’Angola. Certains y sont depuis 50 ans. Néanmoins déterminés à confier leur vie au Christ, ils participent à la mutation profonde du tissu carcéral. Dehors, la machine à exclure continue de tourner à plein régime : misère, chomage et armes en vente libre y conjuguent gaiement leurs effets cumulatifs. Dedans, on ne fomente que rédemptions, on y vit des théophanies à la pelle, on y devient bénévole à l’hospice, qui accueille ceux qui ont moins de 6 mois à vivre.
Quand on est blanc, bien nourri, démocrate et qu’on croit jouir de la liberté, l’évangélisme prète à rire ou à s’indigner. On songe aux outrances des télévangélistes, qui sont recensés parmi les 329 arguments en faveur de l’existence de dieu chez cabanel
:
26. Argument par l’évangélisme américain

(1) En disant aux autres que Dieu existe, je suis devenu riche à crever.

(2) Donc Dieu existe.

Mais quand on est noir, pauvre, qu’on a commis un meurtre qui nous fait prendre perpète et qu’on chope un cancer du pancréas, le message des évangélistes est déjà plus audible.

Il est inquiétant d’entendre des enculés cosmiques comme Franklin Graham (fils de Billy, le plus célèbre des télévangélistes et conseiller de Bush) venir prècher la bonne parole en taule et prétendre sans sourciller que Dieu soutient la peine de mort. Mais n’importe quelle lecture délirante de l’Ancien Testament peut vous faire raconter n’importe quoi.
On peut aussi ironiser sur ces pauvres noirs qui se sont trouvés un Dieu blanc qui les lave des délits auxquels un implacable déterminisme racial et social les a acculés. Et alors ? les blancs vont bien voir les tibétains.
N’empèche qu’ils font preuve entre eux d’une compassion et d’une charité qui manquent cruellement à l’extérieur des murs de la prison. D’ailleurs si elle existait il n’y aurait pas besoin de les mettre en taule.
Comme disait Flo, "Peut-être que c’est une bande de nases mais peut-être aussi qu’ils ont sauvé des millions de gens. C’est ça qu’on finit par comprendre. L’élitisme est réservé à l’élite. Si le maître dzogchen enseigne le dzogchen, il n’aidera pas grand-monde. S’il enseigne des naseries à longueur de journée, ça aidera un tas de gens, parce que les gens sont des nuls. C’est le standard. L’auto-détermination, la réflexion, tout ça, ce sont des valeurs d’élite, ça marche 1 fois sur 1 million."

Commentaires

  1. D’une certaine façon, nous ne sommes pas forcement plus libres que ces prisonniers, mais eux le savent.

  2. ça me fait penser à une autre prison, mexicaine je crois, où un mec avait eu une idée géniale : donner à tous les prisonniers un rôle de chef dans un domaine. Il y avait le chef de la cuisine, le chef de la peinture des murs, le chef du nettoyage, le chef des loisirs etc… Du coup, chacun se sentait super responsable.

  3. lds, je crois qu’ils font surtout une bonne affaire psychologique en se dépouillant de leur passé pathogène et de leur présent d’enterrés vivants, au profit d’une idéologie de la libération. Disant cela, je ne les juge pas, je serais même limite jaloux de regarder comment roule le train plutôt que de monter dedans. Je suis fâché avec les religions de par mon papa marxiste, et j’ai tenté de m’intéresser au bouddhisme, parce que leur message est clair là-dessus : “votre prison n’a qu’un seul barreau et vous tournez autour”, mais je suis pour l’instant trop velléitaire et circonspect pour m’engager dans quoi que ce soit. Par contre, tous les culs-de-sacs dont je m’extirpe pointent vers l’orgueil, et si je ne trouve pas son utilité, il faudra que j’y renonce, et pour ça il n’y à qu’à dieu que je puisse demander d’en être délivré. Que j’y croie ou non : après tout, je suis mal barré pour le rencontrer, et il y a peu de risques que je tourne plus neuneu que je ne le suis déjà, et je peux mesurer les effets positifs de l’idée de dieu sur certains de mes amis qui étaient aussi mal barrés que moi.
    flo tu as mis le doigt dessus : ils troquent la culpabilité contre la responsabilité. Ils donnent du sens à leur vie.

jeudi 8 juin 2006

Bulbes


"Ce que je veux dire, c’est que je ferais une mère abominable. Je suis égoïste, égocentrique… la seule autre personne que je connaisse qui soit plus égocentrique que moi, c’est Carlos.
Il est tellement égocentrique qu’il ne voit même pas à quel point je le suis."

- Gabrielle Solis dans Desperate Housewives -
Le problème des égocentrés qui finissent par suspecter leur cécité comme cause première de la pauvreté du spectre visible, c’est qu’ils s’arrangent souvent pour le formuler dans des termes inexploitables. Pour rester coincé dans le constat il suffit de lui donner une forme tragico-ironique, et le cercle se referme.
Je disais à Flo : "Y’a un truc que j’ai dû rater : ça fait 20 ans que je lis des trucs qui me persuadent de l’irréalité du moi, et ça n’a fait que le renforcer.
-C’est normal. Le mot important c’est "persuadent". Le moi se renforce en se persuadant de n’importe quoi, y compris de son inexistence. Comme Mr Smith dans Matrix. Au lieu de combattre les gens, il les transforme en lui. Donne de l’anti-moi au moi, il le transforme en moi. Magique !"
Le Moi est comme un bulbe qui refuse de germer, alors qu’il s’est amplement prouvé qu’il n’arrivait à aucune satisfaction digne de ce nom par les voies de l’égoïsme. Il lui faut d’après les traditions un paquet d’existences foireuses avant de cesser de faire son boudin et de se mettre au boulot.
Sans parler de l’épineux problème des scènes de cul dans les films normaux, qui devient très tendance. D’un côté c’est louable d’arracher la représentation de la sexualité aux griffes du porno qui en détenait le quasi-monopole, de l’autre y’a pas mal de dépendants qui vont flipper s’ils vont au cinéma ces temps-ci. Excellente occasion pour repérer les éventuelles émotions qui s’élèvent dans le cadre d’une fiction non-pornographique, ou le cas échéant de tester ses capacités à évacuer la salle en cas d’incendie.

mercredi 7 juin 2006

Un truc avec la mère


Ayant pris avant-hier l’initiative courageuse d’aller acheter des sandales d’été à ma fille, je me retrouve dans la galerie commerciale d’Auchan. Tiens, je vais acheter des clopes, n’ayant pas encore tenu ma promesse de restopper, même si j’ai vaguement l’impression que ça nuit à mon intégrité. Auchan est le seul centre commercial du coin à intégrer un tabac-journaux en son sein, loué soit-il. 
Me voici au rayon des revues. La couverture de l’Echo des savanes du mois de juin arbore “la copine du mois”, une black qui a l’air ravissante de dos et qui a tôt fait de raviver le souvenir enfoui guère profond d’une autre dont j’ai pu croire il y a quatre ans qu’elle allait me permettre de voir “le nombril des femmes d’agent” sans en mourir comme dans la chanson. 
Oh là là, heureusement que ma fille me tire par la manche, j’ai failli ouvrir ce magazine pour voir si elle ressemblait à celle que j’ai failli voir de très près en 2002. 
Je suis con moi ou quoi ? Si je commence à ne plus accepter mon impuissance devant un stimulus qui me rentre dedans comme dans du beurre, je suis mal barré. 
D’ailleurs, c’est quoi ce délire avec les blacks ? Cette fixation, je peux la dater précisément : en 94, j’ai noté quelque part “Croisé une Valérie P. noire dans le métro ce matin. J’ignorais qu’elle existait aussi dans ce coloris. A l’angle d’un couloir, elle s’admirait dans une grande glace murale, visiblement très satisfaite de son apparence. Comme je la comprends ! ” 
Et c’était parti. La Blackette n’était pas plus inaccessible que Valérie P., mais pas moins. Valérie P. avec qui j’ai entretenu une relation épouvantablement coupable et clandestine pendant des années, et je n’ai jamais pu me faire à sa rouerie candide, mais je n’ai jamais pu m’en défaire non plus, Dieu me tripote. J’ai toujours pensé que si je m’engageais dans une vraie relation avec elle, au bout de trois semaines elle m’arracherait le coeur avec un couteau à huitres sans se départir de son adorable sourire, alors j’ai préféré passer mon temps à me le lacérer tout seul à force de ne pas tenter quelque chose. Et puis, j’étais déjà engagé ailleurs, avec quelqu’un qui avait l’air d’avoir la tête sur les épaules, et c’était plus rassurant. Vouloir concilier les besoins d’aventure et de sécurité est une mauvaise idée sur le plan affectif. 
J’ai rompu tout lien avec Valérie P. depuis quelques années, comme si je m’extirpais d’un cancer, mais avec moins de soulagement.
Et ma fascination pour les blacks, c’est un truc avec la mère.
Etre aimé d’une femme noire imaginaire, alors que je suis même pas foutu d’être aimable par la mienne, qui est blanche et réelle.
Quelle blague ! ça me fait penser à un vieux sketch des monty python.
Bref, ma dernière rechute date de huit mois, mais j’ai l’impression que c’était la semaine dernière. J’ai peut-être découvert sans le vouloir le secret de l’éternelle jeunesse, qui se confond alors avec celui de l’éternelle puberté, ce qui expliquerait tous ces conflits d’intérèt avec mon fils de 14 ans.
Ce matin la première pensée qui s’est pointée c’est “j’ai plus d’intimité avec mes souvenirs qu’avec ma femme, pas étonnant qu’elle n’ait pas souvent envie de faire l’amour alors qu’eux sont toujours prêts à tout”. Ca ne me préoccupe pas plus que ça, je veux dire que c’est là, à clapoter quelque part, avec tout le reste, et que ça ne mérite pas l’attention que je lui consacre sauf à vouloir augmenter la hauteur des vagues.
“Une photo de facture donne le mal du pays” chantait Jonasz. C’est à peu près ça. Du coup, je suis allé trainer sur un vieux blog de Flo, et j’ai ramené ça :
Ted écrit :
En fait, le remède au sentiment de fusionnalité, comme tu l’appelles, serait peut-être, de se convaincre de l’impermanence des phénomènes. Faire une sorte de cure de désintoxication pour comprendre et expérimenter que notre attente d’une identité “qui dure” sera déçue tôt ou tard.
Quand on constate que le lien de l’attachement pend dans le vide, la souffrance est au rendez-vous. On revient dans la ville de son enfance et la vieille ferme près de laquelle on jouait a été rasée. On souffre. Alors, on recrée un objet d’attachement mental, un souvenir qu’on idéalise. On écrit un roman : “la vieille ferme”. La critique hurle au génie. Ca y est : on a réussi son coup et immortalisé l’objet d’attachement en le rendant vivant dans la mémoire de cent mille personnes.
Mais en fait, ce n’est jamais qu’une représentation qu’on s’en fait dans notre cerveau. Nous sommes attachés à des objets mentaux en 3 D qui tournent doucement sur leur axe quelque part dans notre tête.
Gautama conseillait de méditer près d’un charnier. En fait, la Voie royale est peut être celle de l’acceptation, accepter ce qui arrive, accepter ce qui repart. Vivre à 100 % l’instant présent et ne pas se lamenter quand la roue tourne.
Dormir dans un palace le lundi et dans un taudis le mardi, en s’adaptant sans état d’âmes, en acceptant.
ETRE SANS ATTENTES.
Par exemple, il semblerait qu’accepter pleinement la perspective de sa mort inéluctable aide à apprécier pleinement la vie.
Quoi qu’il arrive : accepter, accepter, accepter.
Se battre pour faire aboutir un projet, mais accepter toutes les issues possibles. Agir ! mais sans attentes.
Bon, c’est un avis tout a fait personnel, mais il me semble que quand on accepte totalement les phénomènes qui se présentent, une sorte de système presque immunitaire se met en place qui adouci les situations extrêmes et réalise les voeux non exprimés.
Flo répond :
Le problème n’est pas tant l’attachement aux objets matériels qu’aux objets imaginaires. Comme tu le dis “ce n’est jamais qu’une représentation…”. Bien sûr. Mais l’attachement est l’attachement à une représentation, les “objets” sont très secondaires dans cette affaire. Voir qu’ils disparaissent, ça ne change rien. Le palace et le taudis, on s’en fout, puisque l’imaginaire peut faire ce qu’il veut.
Hier, un ami me disait :”Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent de moi, ça ne me dérange pas”. Je lui ai répondu :”Pour sûr, tu vis dans ton imaginaire. Tu as juste décalé le problème”. Là, il n’a plus rien dit, et pour cause.
Pour accepter, comme tu dis, on s’appuie sur l’imaginaire. Tout le monde le fait. La pauvre fille qui a une vie de merde se vit en Reine de la Nuit, et tout est réglé. Et cet imaginaire est dans l’instant présent, il n’est ni demain ni hier. C’est ce qu’on appelle s’appuyer sur l’instant présent, ce que font parfaitement les femmes, les enfants et les animaux. Le problème, c’est que le Bouddha ne s’appuie sur rien, et surtout pas sur l’instant présent. Le problème n’est pas de passer de demain à aujourd’hui. Il est de passer de aujourd’hui à rien du tout. Il n’est pas celui d’une identité qui dure dans son objet, mais d’une identité qui dure dans son principe. La saisie saisit des tas d’objets différents mais elle est toujours la même.
C’est pour cette raison que la mort et la réalisation sont très voisines, et que les gens ne veulent pas mourir. Tu me dis qu’accepter la mort aide à apprécier la vie. Ce que je vois autour de moi, c’est des gens qui ne savent pas qu’ils vont mourir, pas des gens qui acceptent la mort.
C’est vrai qu’il y a eu autour de moi des gens qui ont cru qu’ils allaient mourir, assez récemment, et qui n’ont pas eu peur. Je pense simplement qu’ils n’ont pas de conscience de ce qu’est la mort. Je me range assez volontiers à ce que dit Chepa à ce sujet : “la rigidité cadavérique provient de la très grande peur qu’a eu la personne en mourant. Le corps des maîtres reste souple quand ils meurent”. Tu en connais beaucoup toi, des cadavres qui ne sont pas devenus rigides ? Faudrait demander à des médecins légistes, mais à mon avis, il y en a très peu.
Ignorer le problème n’est pas le résoudre, et pour moi les données sont simples. Quand on a pleinement accepté la mort, la vraie, celle du moi, on est pleinement dans l’état naturel, et si on n’est pas encore un bouddha, on va le devenir très vite. Je connais plein de gens qui disent accepter la mort et aucun qui soit même loin d’être un bouddha (je ne parle pas des lamas et autres enseignants du genre). Il me semble qu’il y a là une très grande inconscience, rien de plus. Comment tu fais, toi, pour défusionner de ton imaginaire ? Est-ce que tu as essayé ?

mardi 30 mai 2006

Attentes


Du jour au lendemain, le forum "bonsaï" consacré à la dépendance sexuelle a disparu du Réseau. Il avait été créé par Spirit, jeune padawan des pornodeps et sa compagne, Espoir, qui l’animaient depuis quelques mois dans une relative solitude au milieu d’une poignée de cas désespérés, mais je le fus aussi. Voici leur dernier message : "Espoir et Spirit, fondateurs et administrateurs du forum Bonsaï, ont réfléchi beaucoup ces derniers temps et ont réalisé que leur vie était beaucoup trop virtuelle: forum, blog, etc. Si bien que nous en sommes venus à ne plus voir nos enfants grandir, à vivre la majeure partie de nos journées devant un écran d’ordinateur, chacun dans son monde. Nous avons donc décidé de revenir à une vie plus authentique, plus proche de nos valeurs, plus proche de l’humain. Dans cette optique nous avons donc décidé de fermer le forum Bonsaï de façon définitive."
Je leur ai répondu ça : "c’est pas trop tôt ;-)
combien de fois me suis-je retenu de vous suggérer de plier la boutique !
c’était terrible de voir votre acharnement. Mais ce n’était pas mes oignons.
pour l’instant, pour vous deux internet semble un remède pire que le mal (si c’est possible) puisque vous avez réussi à rester "stationnaires" et à vous y enfermer "par amour" l’un pour l’autre et pour en sauver d’autres.
Que vous soyiez arrivés vous-même à la conclusion de l’inefficacité de la démarche me soulage."
Spirit avait recommencé un blog après une ixième rechute, et me demandait un coup de main en mp : "Ce matin, je lisais la littérature des Sexoliques Anonymes et je suis tombé sur cette notion de Parrain. Puisque tu me vois probablement déjà venir, je vais donc aller droit au but: J’apprécie ce que tu écris, j’apprécie ta franchise et ta capacité à évaluer objectivement les choses, j’apprécie ta propension à ne pas ménager outrageusement les illusions d’autrui…. donc j’apprécierais beaucoup que tu acceptes d’être mon parrain.
Vois-tu, je me sens seul, malgré la multitude, je me sens seul malgré les forums, malgré mon épouse, malgré tout. Je ne connais pas beaucoup de sexoliques qui ont fait un bon bout de chemin. Or j’ai besoin d’une personne qui pourra me donner son avis, qui pourra m’accompagner pour que je cesse de me raconter des salades. Sens-toi libre à 200% de décliner cette offre. Peut-être as-tu besoin de te centrer sur ton propre cheminement et je comprendrais cela. Mais si tu considères ma demande, sache qu’elle n’a rien d’un contrat ou d’une obligation. J’ai simplement besoin d’un frère à qui je pourrai écrire dans des moments difficiles (ou heureux) pour partager, demander un avis.
Ne t’inquiète pas, je ne te considère pas comme un sage, un thérapeutre ou un guru… je sais que tu n’as pas toutes les réponses et je présume que tu demeures vulnérable et sujet aux tentations. Mais il reste que tu as fais plus de chemin que moi et en ce sens, ton expérience me serait profitable."
Je lui ai répondu ça : " putain j’allais juste mettre un commentaire sur ton blog, fait chier ! ;-)
je l’ai lu vite, j’avais envie de te dire que tu y faisais trop d’honneur à ta part sombre, en la jouant dolby stéréo sensurround au lieu de lui couper les vivres.
Que tu n’aies pas de problèmes pour exprimer brillamment tes idées est peut-être ce qui te baise le plus.
ce fut le mien jusqu’à ma premiere rechute sur orroz.
Ca deviendra un avantage plus tard, ou ça tombera tout seul. Depuis, stylistiquement je ne suis plus que l’ombre de moi-même mais mon rétablissement est moins branlant ;-)
pour l’instant, je crois que l’expérience te dit de lâcher la souris, non ? quitte à la reprendre plus tard.
si l’hopital est trop près du bar à putes, faut en chercher un autre.
Je continue à m’éloigner de mon ordinateur, qui me fait toujours remonter dans les tuyauteries les mêmes symptômes de fuite du réel, avec ou sans porno.
Alors bien sûr, évacuer le symptôme ce n’est pas résoudre le problème, mais ça va déjà mieux.
Je ne peux être ton parrain : un parrain SA est ce qu’il te faut, mais il faut que tu le déniches dans un groupe SA dans lequel tu iras confronter physiquement ta problèmatique à celle de tes condisciples.
Faut que la souffrance soit plus forte que l’égo pour lâcher prise, et c’est tout le mal que je te souhaite. Sinon, tu peux m’envoyer un mail de temps en temps, ça c’est jouable.
Si ça m’inspire une réponse, elle viendra.
si elle t’aide, tant mieux.
mais j’aurai beaucoup de mal à cesser de me branler à ta place.
Tu comprends ce que je veux te dire ? tu as déjà toutes les infos, et tu les as ressassées plus qu’assez. Si les forums, les mails et le virtuel n’arrangent pas ta situation, je vois pas en quoi mes mots te protègeraient de tes dysfonctionnements.
Tu connais mes gourous : Orroz et Flo. Au moins, avec eux c’est difficile de faire des projections émotionnelles. Lui a démonté les mécanismes intérieurs qui sous-tendent la soumission du cyberprolo envers l’usine à fantasmes, elle ne cesse de pointer ceux qui sous-tendent l’Ego Moderne (qui ressemble fort à l’Ancien).

Je n’ai guère cessé de raconter mes salades : grâce à eux j’y crois un peu moins, c’est tout."
Je leur ai posté ces réponses, mais leurs adresses e-mail ont été prises dans la Grande Dissolution.
Alors je les mets là, au cas où ils se ravisent.
Il est évident que les attentes perdurent bien après la cessation de la consommation du produit. Et alors ? Comme dit Flo, "Internet n’est qu’un symptôme. Si on ne traite pas les causes, avec ou sans internet, ça ne changera pas grand-chose."
Quand je suis devant mon ordinateur, je suis évidemment affairé à me nourrir avec des choses qui n’ont aucune énergie intrinsèque, que ce soit des forums, du mail ou du téléchargement compulsif de produits culturels. Si la soif se pointe, elle sait que ce verre ne sera jamais assez plein, et qu’elle n’arrivera pas à le vider. Essayer de me faire croire que j’ai une responsabilité envers les lecteurs de ce blog, envers moi-même, comme me le soufflait John B Root en parlant du sien ? Sur son blog, on a toujours raison, et c’est pas bon signe. C’est du cinéma mental, qui n’est pas de nature différente de celui de la vie diurne et nocturne, même si son intensité particulière permet de mieux le percevoir.
Si je reste conscient de l’aspect illusoire de toutes ces productions de l’imaginaire, j’en suis un peu plus libre. Elles finissent par se fatiguer, et l’imaginaire va chercher des filons plus rentables, bien qu’il aime rester à couvert.
Et tout ça, c’est des problèmes de riches. La seule chose que nous puissions raisonnablement attendre sans peur d’être déçus, c’est la mort, précédée d’une terreur indicible.

Commentaires

  1. “Je leur ai posté ces réponses, mais leurs adresses e-mail ont été prises dans la Grande Dissolution. Alors je les mets là, au cas où ils se ravisent.”
    Grâce au “téléphonarabduWeb” j’ai tout su par Bruno et là j’ai lu ton commentaire, donc pas grand chose à ajouter, sauf que je me réjouis de voir que les animateurs de Forums en arrivent aux mêmes conclusions que moi. A un moment donné, il faut lâcher la souris et regarder un peu la vie en vrai se dérouler sous nos zyeux zébahis…
    La raison de ces mails perdus dans la nature : ma nouvelle adresse email : orroz@orroz.net
    Merci John !

  2. Salut John,

    Bon je vais pas te faire tout un roman ici, apparement Orroz te fera suivre un mail que je lui ai envoyé.

    Juste pour te dire que j’ai mis un lien vers ton blog sur le mien:

    http://halte.mabulle.com/

    Et voir avec toi si c’est ok.
    Merci!

  3. ben y’a pas de problème. Mais tu sais, les blogs ça tourne un peu en rond ;-)

  4. pour une fois qu’un truc tourne (en) rond, on va po s’plaindre! ;0)

  5. Salut John,

    “si l’hopital est trop près du bar à putes, faut en chercher un autre”.

    Délicieuse comparaison. J’ai passé près de 5 jours sans stopper devant mon PC et sans surfer. Et, constat ahurissant: je ne suis pas mort. Mes idées deviennent plus claires et je réalise à quel point j’étais dans un cul-de-sac en m’acharnant sur ce forum.

    J’ai eu à maintes reprises l’envie de le fermer mais j’avais l’impression que je pouvais aider des gens, oubliant sans doute qu’un aveugle ne peut conduire un aveugle.

    J’en suis à considérer des théories très radicales du genre: Internet ne peut absolument rien faire pour le dépendant.

    Je crois que le changement s’opère loin de l’écran, près du coeur. Et il arrive lorsqu’il doit arriver. On ne stimule pas le changement en distribuant des Bonsaïs d’or mais en touchant au paroxysme de l’écoeurement face à un comportement inutile et destructeur.

    Merci pour ton texte. On garde le contact ;)

vendredi 26 mai 2006

Exister


Quand des émotions anciennes émergent alors que je les croyais disparues, je me rappelle la phrase de flo : "Il y a deux façons d’exister : être une star, ou une victime. Les deux à la fois c’est encore mieux. (…) Il y a aussi des gens qui se font des cancers pour ça, pour avoir le plaisir de montrer à tous que leur situation est vraiment terrible, et qu’en plus, ils survivent." En général, après ça va mieux, bien que l’effet lénifiant de telles lectures ne puisse s’inscrire dans la durée. J’essaye de ne pas trop me projeter dessus : des fois, lire flo c’est comme lire un dictionnaire médical quand on est hypocondriaque. Pas le truc idéal. Des fois aussi j’analyse ma réaction à ses articles en repensant à ce qu’écrivait un lecteur de Libé à l’annonce de la mort d’untel : "Je préfèrerais qu’il soit mort du sida car j’ai 43 ans et je fume beaucoup."

dimanche 21 mai 2006

Super-guerrier 3000



Il y a un mec que j’aime bien sur le forum des dépendants sexuels, il s’est sobrement intitulé "Super-Guerrier 3000", poste très peu, et l’essentiel de ses messages tourne autour du fait qu’il cultive la respiration profonde, son indifférence à la Pornographie, le calme et la paix intérieure. "En gros, j’ai cessé de donner à la Pornographie le pouvoir de m’asservir, bref je me désintéresse d’elle. Maintenant je m’en moque." Que n’ai-je pris cette voie ! mais il est toujours possible de refaire ses choix quand ils ne nous satisfont plus.
John B. Root m’a répondu : "D’abord, j’ai visité ton site et je l’ai aimé. Ton désespoir métaphysique, ton humour noir, tes délires science-fictionnesques et tes dessins sont beaux. Pardonne le ton un peu aigre de ma réponse à ton film sur mon propre blog aujourd’hui. Mais, dans ma situation d’animateur du joyeux club des amateurs du vrai trou de balle en fleur, je n’avais pas le choix. Je n’en pense, parfois, pas moins. J’ai 47 balais et 12 années passées dans les orifices des filles. J’ai eu le temps de mûrir…"
Il a fait littéralement exploser la fréquentation de mon blog : de trois pelés et deux tordus par semaine, je suis passé à + de 500. D’où mon désarroi de n’être pas encore une publicité vivante pour le rétablissement.
Alors je lui réponds : "je vais finir par penser comme le Pen, que plus on parle de moi mieux c’est, bien que je n’aie rien à fourguer. L’abstinence de porno, c’est un choix perso après avoir constaté ses effets "dévastateurs" sur ma libido et mon regard sur la vie en général. Un peu comme boire de l’eau salée quand on a soif : pas terrible comme résultat.
Ma tristesse et mon désespoir métaphysique (fichtre ! ) préexistaient à mon addiction, lui ont servi d’alibi, et lui survivront peut-être, je sais pas, c’est pas des trucs sur lesquels on a directement prise.
L’abstinence n’est pas non plus ce mot d’ordre à la con qui ne désigne qu’une absence d’autorisation de jouissance. Il faut trouver du fun ailleurs, reprendre son pied sans baisser son froc devant son ordi. C’est le plus dur, mais quel challenge !"
Evidemment, pour ça il faut aussi laisser tomber les métaphores guerrières, les armures et tout le bataclan.


Commentaires

  1. Par effet inverse le blog de John B Root a reçu un visiteur de plus, histoire de voir de l’autre côté du miroir…
    Pas top l’idée finalement, y’avait plein de femàpoil partout ! Heureusement, j’avais mon buis pour me flageller…
    J’ai tout de même réussi à lire l’intervention de l’autre John.

    A bientôt, Nicolas.

  2. c’est pour ça que je me suis tâté avant d’écrire cet article : l’effet le Pen marche dans les deux sens, bien qu’aucun de nous ne soit au FN. Après être allé sur son blog, j’ai révé de rechute, je te promets que ça calme.

  3. Super-guerrier3000 c’est du flan, un gars qui écrit ce qu’il ne vit pas … ça se sent

  4. ben j’sais pas, faudrait lui demander ! tu la jouerais comment, toi ?

  5. Que se soit du flan ou pas, on s’en fout, c’est lui que cela regarde. Lors de mon premier “viandage”, me suis dit, je le dis ou pas ? Si je le dis je vais passer pour un con…
    Mais le sevrage tu le fais pour toi, puis pour ta femme, et tes enfants. Pas pour les forumeurs du forum…
    Sûr qu’il y en a qui n’affichent pas les vrais chiffres, confondant l’objectif à atteindre et la réalité des chiffres (comme au temps regrettés du Plan Quinquenal), mais qu’importe ?

    A bientôt, Nicolas.

  6. Salut, je sais pas comment je suis arrivé ici, mais le voyage ne me déplait pas, carrément pas.
    Meme si je suis pas un cyberporno-toxicomane, je trouve qu’il y a des phrases choquantes par les vérités qu’elles révelent mais aussi par la façon dont tu les exposes.
    Sinon je voulais juste dire que le sexe, c’est comme toutes les drogues, plus on en consomme et plus on en a besoin.