vendredi 4 décembre 2020

Black Fridays (4) : Moins 50% sur les terrines de chevreuil aux champignons

Résumé des épisodes précédents : 
Une bonne éducation, c'est primordial. 
Faut vraiment mettre ça avant tout le reste.  
C'est ce qui ressort après-coup des parcours de vie de Noëlla Rouget, mais aussi de Jacques Vasseur, son bourreau gracié malgré ses bourrelets disgracieux (article précédent), d'Abdoullakh Anzorov, le Tchétchène décapiteur qui détestait les fromages polythéistes (article d'avant) et de Michel Fourniret, pervers freelance aujourd’hui confiné à l’Ehpad pénitentiaire Henri-Mondor de Créteil (article précédant l'article d'avant le précédent).
---
Il n'y a que dans le coeur de Noëlla
et dans les films de Tarantino
qu'on voit Jésus gagner contre Hitler.
Par quel mystère les parents de Noëlla Rouget, "fervente catholique, au parcours exemplaire" lui transmirent-ils la foi ? une foi en inox, et qui dura dans le temps, et qui fut à l'épreuve des évènements, insoutenables, qui la démentaient inlassablement ? Elle fut successivement rescapée de la guerre, de la Résistance, des camps de concentration, mais aussi de la haine, du deuil, puis de l’âge. Si ça se trouve, elle était plus chrétienne que le Christ, et pas loin d'être une publicité vivante pour le message de Jésus, dont j'ai entendu dire que c'était un mec assez cool, que ce soit par Gérald Messadié (l'Homme qui devint Dieu), Emmanuel Carrère avant qu'il devienne ouf (le Royaume) et Joseph Arthur (The Ballad of Boogie Christ), trois témoins également dignes de foi, sauf peut-être Carrère quand il fait de l'auto-fiction, mais on peut difficilement les suspecter de collusion avec les deux autres. Et pourquoi donc la foi soulève-t-elle des montagnes qui retombent joyeusement sur la tête de ceux qui ne l'ont pas ? et et comment adhérer, sans abdiquer son intelligence, comment croire à la Résurrection, pièce maitresse de la doctrine, alors que ça se voit à vue d’oeil que toute chair est comme l'herbe, elle est comme la fleur des champs / épis, fruits mûrs, bouquets et gerbes, hélas ! vont en se desséchant... ?
C'est bien mystérieux tout ça. 
Le christianisme serait-il un chamanisme ? 
Si l'on en croit Jacques Dartan, son avènement historique est mathématiquement improbable :
« Les hommes animés du besoin de servir sont cent fois moins nombreux que ceux qui préfèrent se servir. Cent fois, mille fois supérieurs en nombre, les singes l'ont emporté sur l'homme, toujours et partout - sauf sur le terrain spirituel, où c'est le contraire : les hommes plus humains que leurs contemporains sont invincibles. L'histoire est toute faite de la lutte - désespérément inégale - de sinistres hordes de singes ligués contre l'Homme, contre l'Homme invincible quoique toujours vaincu, contre l'Homme toujours voué à la défaite : il ne peut l'emporter sur les singes que dans la défaite parce que la victoire est simiesque. Toute cause qui «triomphe» est immédiatement singifiée, exploitée par les puissants. Le christianisme se dégrade en religion, le socialisme en communisme totalitaire, le libéralisme en capitalisme agressif. L'humanitarisme lui-même donne naissance à des singeries comme la Sécurité Sociale et l'Education Nationale." 

même dans les vieux Astérix, Jésus a du mal à s'avouer vaincu par Hitler.

Moi qui vous cause, je connais une femme dont je croyais la foi en acier trempé, et très impliquée dans la vie diocésaine, ainsi que son mari, et pas du tout prosélytes, avec ça, des gens avec vraiment le coeur sur la main, mais après que plusieurs membres de sa famille soient venus finir leur vie chez elle, elle a trouvé que trop c'est trop, elle a rendu son tablier, sur Jésus-Christ elle a fait une croix.
Leur relation n'était sans doute pas assez intime pour résister aux accidents qui surviennent les jours où Dieu n'est pas au bureau; mais au fond, la foi est-elle vraiment si désirable à l'incroyant, pour peu qu'il se croie exclu du Royaume de Dieu, alors que normalement il y a droit ? parce que la foi c'est aussi ça : certains Américains croient tellement dans les âneries qu'on leur raconte, qu'au Texas, on entend un patient hospitalisé en soins intensifs dire à une infirmière que le virus est une « fake news », ou une infirmière californienne faire l’objet de moqueries pour avoir porté un masque. « Alors qu’une nouvelle vague de Covid-19 frappe les Etats-Unis, les personnels hospitaliers sont aux prises avec les conséquences de la machine de désinformation du président Trump », raconte Vanity Fair. 
La foi ne suffit donc pas, il faut aussi une vue juste.

Noëlla n'avait pas lu ce livre,
mais elle n'aurait pas été d'accord.
Mais Noëlla, non seulement elle a la foi et une vue juste, mais elle pardonne au bourreau qui a fait tuer son mari. 
Pour ne pas risquer de devenir comme lui. 
Alors qu'il est condamné à mort, elle écrit au président du tribunal pour demander sa grâce :
« Les horreurs vécues sous le régime concentrationnaire m’ont sensibilisée à jamais à tout ce qui peut porter atteinte à l’intégrité tant physique que morale de l’homme, et j’ai rejoint les rangs de ceux qui pensent que, s’il faut combattre l’erreur, nous n’en avons pas, pour autant, le droit de disposer de celui qui a erré, qu’il faut lutter contre la maladie et non tuer le malade, de ceux qui font campagne pour l’abolition de la peine de mort. (…) Nous nous sentirions moins bonne conscience pour accuser nos bourreaux d’autrefois, devenus bourreau nous-mêmes, fût-ce par procuration… Et puis, si l’on veut bien y réfléchir, d’un côté nos milliers de morts, nos souffrances… de l’autre, la mort de Vasseur… Cela ne fera jamais le poids. » (...) «A plusieurs reprises, il m’arriva d’entendre, de la bouche d’une ancienne victime de l’accusé, une exclamation de ce genre : “Pourquoi le juger ? Qu’on le remette entre nos mains, nous saurons bien le faire mourir à petit feu.” Dans les yeux de celui ou de celle qui parlait, je retrouvais alors la lueur de haine qui brillait dans le regard de nos tortionnaires d’autrefois. (…) Je pense, avec Jean Rostand, que “la civilisation marque un point, que l’humanité est gagnante chaque fois que, dans une conscience, l’horreur de détruire une vie a parlé plus haut que toute autre répugnance”. (…) Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de nous affranchir de l’esprit de vengeance qui nous retient prisonnières de ce cercle de haine dont nous avons tant souffert et nous empêche d’être disponibles pour des attitudes autrement constructives ? » (…) « Après avoir été des témoins de la haine portée à son paroxysme, devenons les promoteurs de la compréhension entre les hommes et du respect foncier de la vie(…) C’était, agissant ainsi, être plus fidèle à la mémoire de nos mortes, qui avaient fait le sacrifice de leur vie en rêvant d’un monde plus fraternel. »

Eckard Tolle a réalisé mon rêve :
sortir avec Oprah Winfrey
Cette attitude n'est pas à la portée de tout le monde. Disons que la plaidoirie est à la hauteur du vécu. Moi, pour m'éclairer sur ces choses, dans la période actuelle, je n'ai guère qu'Eckard Tolle pour me guider, Eckard Tolle qui ressemble plus à un nain lubrique qu'autre chose, on a les gourous qu'on mérite, Eckard Tolle qui me suggère que face à une situation inacceptable, on peut soit l’accepter, soit la changer, soit se barrer. Et se consoler en errant au rayon spiritualité vivante de la Fnac, en cherchant un bouquin intellectuellement satisfaisant sur le pardon. En évitant ceux d'Emmanuel Carrère. C'est là que j'ai trouvé Eckardt, sur une étagère de la Fnac Spiritualité, lors d'un Black Friday précédent. Intellectuellement, je vois le truc. Mais émotionnellement, c’est plus coton. Dieu pardonne, moi pas, disait Trinita. Sur le plan humain, je sens instinctivement qu'il avait raison. Le pardon n’est pas toujours à notre portée, et c’est alors plus sain d’y renoncer, plutôt que de se faire des noeuds dans le gros intestin.

Noëlla disait : "Jésus est dans l'hostie,
comme le chevreuil est dans ce pâté"
Est-ce que le chevreuil pardonne au chasseur, en comprenant qu'il va finir en terrine de la mère à Bambi ? Peut-être, si et seulement si, juste avant de croiser le chasseur, il a grignoté des champignons magiques dans un fourré : certains sont bourrés de psilocybine. 
En effet, j'ai récemment redécouvert dans Voyage aux confins de l'esprit de Michael Pollan la recette de cet épatant remède de grand-mère au manque de foi : 
« Typiquement, seuls le fondateur et quelques-uns de ses premiers disciples sont en mesure de revendiquer l’autorité qui découle d’une expérience directe du sacré. Pour ceux qui leur succèdent, il ne reste que la maigre consolation des histoires, des rites symboliques et de la foi. Le temps atténue la puissance originelle de l’expérience, qui se déroule désormais par l’intermédiaire des prêtres. Mais le culte des psychédéliques offre une promesse extraordinaire, celle pour quiconque d’accéder, à tout moment, à l’expérience religieuse originelle grâce au sacrement, qui se trouve être une molécule psychoactive. La foi devient dès lors superflue. »
Plus loin dans l’ouvrage, le narrateur recueille le témoignage de Karin Sokel, coach de vie et guérisseuse dans la cinquantaine, qui décrit une expérience «qui a tout changé et l’a profondément ouverte».
A la fin, Noëlla confondait la Bible
et son recueil de recettes psychédéliques.
"Au paroxysme de son voyage, elle a rencontré un dieu qui se donnait pour nom «Je Suis». En sa présence, «chacun de mes chakras a explosé. Et la lumière fut, la pure lumière de l’amour et de la divinité, elle était avec moi et aucune parole n’était nécessaire. J’étais en présence de cet amour absolu, divin, avec lequel je fusionnais, dans cette explosion d’énergie… Rien que d’en parler me donne encore la chair de poule. Ça a été comme une révélation. Le fondement de notre existence était l’amour, j’en avais désormais la certitude. Au pic de l’expérience, je tenais littéralement le visage d’Oussama ben Laden entre mes mains, je le regardais dans les yeux, je ressentais un pur amour venant de lui et je le lui rendais. Le fondement n’est pas le mal, c’est l’amour. J’ai vécu la même chose avec Hitler, puis avec un Nord-Coréen. Je pense donc que nous sommes le divin. Ce n’est pas une construction intellectuelle, c’est une connaissance fondamentale.»
Je lui ai demandé ce qui la rendait si certaine que ce n’était pas un rêve ou un fantasme causé par la drogue. « Ce n’était pas un rêve. C’était aussi réel que notre conversation, là, maintenant. Je ne l’aurais pas compris non plus si je n’en avais pas fait l’expérience directe. Maintenant, elle est gravée dans mon esprit et je peux m’y connecter, ce que je fais souvent. »
Un autre mycologue amateur, intellectuel doté d’un sens développé de l’ironie, a peiné à mettre des mots sur les vérités profondes qui sont l’essence même de notre humanité et qui lui ont été révélées durant l’un de ses voyages sous psilocybine :
"J’ai parfois été presque gêné par ces révélations, comme si elles exprimaient une vision cosmique du triomphe de l’amour que l’on associe en général et avec une certaine dérision aux platitudes des cartes de vœux. Et pourtant, les visions élémentaires qui ont été les miennes pendant ces séances me semblent encore, pour la plupart, irréfutables."

J'ai enfilé mon vieux déguisement
de chevreuil (tout rapiécé au Q)
pour faire du jogging sans dérogation.
C'était une erreur.
Ce qui est proprement stupéfiant c'est qu'une fois de plus, tout se passe comme dans la vieille prophétie auto-réalisatrice cherokee : c'est dans le coeur de chaque être humain que se déroule le combat de Jésus contre Hitler, et c'est celui que tu nourris qui gagne. De toute façon, je me suis laissé dire que Hitler, il vaut mieux l'avoir en photo qu'en pension. C'est que ça bouffe, un nazi, quand c'est d'assez bonne humeur pour refonder le IIIème Reich. Je comprends soudain pourquoi ma femme n'apprécie guère quand je fais des blagues douteuses en prenant un fort accent allemand, même si c'est pour dénoncer les pornographes qui ont fait à l'amour ce que Hitler a fait à la Pologne. 
Et incapable à ce stade de trancher le débat entre foi et champignons, je crois qu'il y a un temps pour la réflexion, et un temps pour l’action, alors ce matin j'ai fait un jogging, je n'ai pas vu de champignons mais les chasseurs ont déconfiné, c'est clair. 
Les chevreuils aussi, à croire qu'ils sont générés par leurs bourreaux, puisqu'il s'en tue plus de 650 000 par an, en tout cas chaque année que Dieu fait.
Les survivants feront autant d’adhérents potentiels au GRRR. (Groupe de Réalité Réelle Ratée) mais je n'ai plus le temps d'en parler aujourd'hui. 

-----
Sinon, pour résumer un peu ma rédaction niveau troisième, s'il ne peut trouver :
- ni la foi en Dieu, même par le truchement de Noëlla Rouget et ses terrines de pâté de bourreau, 
- ni en l'Esprit de l'Univers par les champignons, 
l'Homme peut éventuellement contempler ses propres oeuvres, par lesquelles il redécouvre les symboles du mysticisme le plus païen en même temps que le sens de sa vie, tandis que la mer et les crabes montent.
Et s'il ne le peut pas, c'est tant pis pour lui, je peux pas tout faire à sa place non plus.

image trouvée sur ce site beau à pleurer où elles sont à vendre en toute légalité :
https://www.thisiscolossal.com/2020/12/jon-foreman-stone-land-art/


Moi aussi, j'ai essayé de faire crever une souche par la méditation de bio-contrôle enseignée par Eckardt Tolle dans le port d'Amsterdam, mais c'est quand même moins concluant que de percer des trous Ø 18 à la chignole à la base du tronc, et d'y verser une dose généreuse de chlorate de potassium.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire