samedi 28 novembre 2020

Black Fridays (2) : Soldes monstres sur nos articles religieux

Il n'y a pas que Michel Fourniret (article précédent) qui soit au-delà de la rédemption. 
Les monstres boxant le Réel dans sa catégorie, puant le self-control et le tabac froid par tous leurs orifices, les gars comme le docteur Le Scouarnec ou Anders Behring Breivik, qui n'ont que peu de considération pour la précieuse existence humaine, en tout cas celle d'autrui, sont heureusement rares, et interpellent le cyber-théologien que je suis devenu à mon corps pas trop défendu (mon nom de famille, en breton, désigne le recteur de la paroisse).
Et pourquoi donc que ces horreurs m'interpellent-elles ? 
et pourquoi l'existence du mal me poserait-elle problème ? 
au fond, tant que je prends bien mon lithium et mon pembrolizumab, que je fais bien mon qi-qong et ma méditation de pleine conscience, que je parle bien à ma femme et à mes employeurs enfants, que je ne refume ni ne jeroboam, également appelé double-magnum dans le bordelais où le Jéroboam contient 5 litres, que j'achète la musique que j'écoute au lieu de l'emprunter sur internet, que je fais un peu de sport, que je ne regarde pas de porno ni de chocolat, et surtout pas de porno chocolaté, quand je n’écris pas trop sur mes blogs pour m’épater la gallerie sur le toit de ma Ford intérieure, je ne me crois pas trop menacé d'entrer en collusion avec une cochonnerie d'abomination échappée des Enfers (virtuels ou réels) pour faire son marché d'âmes un jour de Black Friday. 
Et au pire, tant que je suis possédé par le démon du blog, les autres ne rentrent pas. 
C’est occupé, comme on dit dans les Territoires (en Palestine) et parfois aux cabinets.

"Ne fais pas à autrui ce que tu peux faire au cochon" 
semble nous murmurer cette abomination échappée des Enfers
du Casino de Perros-Guirec (archives D.R.)

Collusion me vient sous les doigts, c'est pas pour rien : synonyme de connivence en anglais, c'est bien vu, mais en français le terme désigne une entente illicite, le plus souvent secrète, entre deux ou plusieurs personnes pour nuire illégalement à un tiers, et en tant que tiers exclu plutôt que provisionnel, ça me parle; en tout cas si je respecte ma propre morale éthique, née d'une longue expérience de raclées prises dans le Multivers, le danger que je sois squatté par un ange déchu (genre Jean-Louis Murat) ou une entité démoniaque de classe XIV s'éloigne, et reste éloigné tant que je fais ce qu'il faut.
J’en parlais l’autre jour avec un ami qui m’avait inopinément brandi un extrait de Victor Segalen sous le nez. Nous eûmes alors ce dialogue, dont il ne m’appartient pas de dire s’il fut fructueux.
LJP : Je viens de trouver dans "Stèles" cette jolie formule en forme de promesse : 
"... cette ère unique, sans date et sans fin, aux caractères indicibles, que tout homme instaure en lui même et salue. A l'aube où il devient Sage et Régent du trône de son cœur."

JW : Beaucoup de poètes plus ou moins adoubés par Télérama susurrent cette promesse d’un avènement du Soi Bienveillant même envers les Mal_Comprenants, et dépendant presque uniquement d’une conjonction astrale de bonne volonté, d’une soif de renoncement, d’une Sagesse enfin sucée à ses pouces. 
En réalité, ils sont encore beaucoup moins nombreux à accéder à cet état intérieur, indicible, qui n’est ici qu’un produit d’appel pour entrer dans la Pléiade.
Pas étonnant qu'il ait fait une neurasthénie aiguë, ce Segalen dont j’ignore tout sauf ma hargne à le méconnaitre. 

LJP : Question d'humeur.
En ce moment j'ai tendance à préférer les fausses promesses à la Segalen aux vrais constats façon W.C. Fields : "On nait nu, mouillé et affamé. Puis les choses empirent."

JWJe retire ce que j’ai dit de Segalen. J’ai lu sa bio dans mon plumard, il n’a pas eu une vie facile, et pourtant si riche. En principe. Si l'on ne peut choisir son destin, on y contribue quand même, et le sien fut intense. La promesse de Segalen m’évoque celles qu’on entend aux AA, où elles sont réunies en un pack codex de 12 :
 https://www.aa-lorientespoir.fr/presentation-des-aa/les-12-promesses/
Evidemment, de loin ça ressemble à des serments d’ivrogne à effet cumulatif, mais faut pas les voir comme des stances à soi-même, plutôt comme le résultat acquis par la pratique des étapes qui, ça c’est pas banal, se comptent aussi par 12.
Je suis bien content de n’avoir jamais été très accro à la mystique AA et d’avoir laissé les addictions me re-grignoter la vie, sinon j’aurais beaucoup de mal à trouver une réunion ouverte ces jours-ci. Beaucoup de jeunes abstinents doivent être assez mal, ou contraints de faire avec WhatsApp.
Si Segalen rêvait de devenir Sage et Régent de son coeur, on comprend mieux pourquoi, à lire son parcours. Mais ça demande de la motivation, de la constance, et de la technique. Je pourrais écrire un anti-manuel, qui ressemblerait à mes blogs. Quand je cultive mes frustrations, je récolte des fruits bien amers. Ca ne me dissuade pas longtemps de persévérer diabolicoume. "On débarque nu et sans opinions. J’aimerais repartir de même. Soulagé de mes présupposés. » Conard WC.
Quand Segalen s’égarait dans ces galets, 
aux heures de marée basse de son esprit fragile, 
il peignait des naufrages à même la grève.
mais le règlement intérieur des Côtes d'Armor
finissait toujours par le ramener à bon port.

2ème couche (le lendemain)
JW : j’y reviens, parce que c’est crypté. « ... cette ère unique, sans date et sans fin » nous signale l’entrée dans l’intemporel.Pas forcément l'irruption de Dieu planqué sous le tapis ou derrière la tenture, mais on est quand même au-dessus et au-delà de la finitude humaine; « indicible », i.e. dont on ne peut dire grand chose.
"que tout homme instaure en lui même » : de l’utilité d’avoir exilé Dieu au large du bizness : comme on baigne désormais dans l’immortalité, entre amis choisis, faudrait pas que le Grand Barbu surgisse dans l’apparte nouvellement squatté, car les mystiques attestent qu’il ne saurait y avoir de place pour nous deux en cette affaire : soit le Tout-puissant est là, et prend alors tout le lit, soit l’Homme devient Sage et peut s’y étendre sans même enlever ses chaussures, puisqu’il est parvenu à s’y élever en tirant sur ses lacets. Tu vas me dire que je m’échauffe sur une poignée de syllabes, mais je me méfie de cette a-théologie rampante. Si Segalen parle de Sagesse sans divin, c’est peut-être l’influence de ses séjours en Orient. Mais comme tu te dis sensible à ses promesses, faut quand même bien regarder où tu mets les pieds. Michaux en était rentré transfiguré dans « Un barbare en Asie », qui me parlait plusse.
L'évolution des contenants suit la courbe de contamination,
mais aussi celle de la consommation pendant le confinement.
Et ça, même dans Hold-up, ils n'osent pas en parler.

La meilleure, c’est que j’ai tenté lundi soir de me connecter à ces réunions AA virtuelles, qui se substituent désormais aux vraies, étant largement en retard pour ma visite annuelle chez les Pochetrons peu connus. hé ben j’ai eu beau essayer de rentrer dans la réunion Zoom vers 20h10, le logiciel m’a mis en attente, puis m'a dit « l’hôte a une autre réunion en cours » jusqu’à 20h40. J’ai eu beau ameuter le staff par mails en rafale, bernique. 
les AA, c’est un club de + en + fermé !
pourtant j’ai bac + 12 en téléchargement illégal.
c’était bien la peine.
Le lendemain, je me suis trouvé avec le Rustica en lune ascendante, et ça s’est fini dans le journal, où je me suis une fois de plus pris au piège de me croire Sage en balivernant sur mon environnement au lieu de regarnir les nouveaux rayons de ma bibliothèque de tous les livres dont le soir épuisé je ne puis parcourir que la tranche, avec le sentiment d’être passé à côté de quelque chose. Au moins mon nouveau bureau me permet de me concentrer pleinement, car je n'y suis plus à portée de voix humaine. Amère victoire, dont Segalen lui-même tirerait des strophes inédites.

A Lorient, on a un peu trop vite fêté les promesses des AA
en oubliant de mettre les principes au dessus des personnes (illustration Mezzo)
Mais comme d’hab, j’ai oublié l’essentiel dans mon exégèse segalenesque d'hier.
Je voulais te faire un comparatif entre les prières qui marchent, qui produisent des effets mesurables et reproductibles en labo, et celles dont l’ambivalence menace de les condamner à rester du vent avec la bouche, comme disait le Rimpoche tibétain rencontré dans le saumurois en 2006.
- déjà il y a deux familles de prières, entre celles qui te viennent de l’extérieur, par la culture, et celles que tu te forges quand y’a force 9, comme tu prendrais un ris, dévot, en ton âme. 
http://complots-faciles.com/blog/
1/ dans les extérieures qui me touchent, je range la prière de la Sérénité, que ceux qui le désirent entonnent en fin de réunion AA en se tenant par la main. C’est chou. Et je puis attester de l’efficience de la formule, dans mes débuts d’arrêt du débit.  
Alors que sa soeur de lait, née chez le marchand de beurre, et citée dans le wiki, la Prière de saint François, je l’ai toujours tenue à distance; trop bisounours pour moi. Je vois aussi la célèbre prière cherokee de la voie de la beauté, qui ne mange pas de pain :
que mon grand-père ne m’a pas assez serinée sur le sentier des douaniers à Perros-Guirec, sinon on n’en serait pas là ;-)

 

2/ les intérieures, celles qu’on se bricole dans l’intimité hyper-secrète : ah ben là c’est secret. https://johnwarsen.blogspot.com/2008/08/les-mots-vols.html

3/ hors catégorie : les contes, qui suggèrent une attitude, plutôt qu'un mantra ou une invocation; comme la vieille histoire cherokee, qu’on confond souvent avec la blague lakota sur les deux chiens qui s’enculent, et pourtant elles n’ont rien à voir :
Un matin, un vieux Cherokee voit son petit-fils en colère, suite à une dispute avec son meilleur ami. Il vient vers lui, et lui raconte une histoire, celle d’un combat ordinaire - celui que mène chaque être humain sur Terre.
"Parfois," dit-il : "il m'arrive également de ressentir de la haine contre ceux qui se conduisent mal. Cette colère ne blesse pas mon ennemi, et elle m'épuise. C'est comme avaler du poison et désirer que ton adversaire en meure. Souvent, j'ai combattu ce sentiment. En fait, un constant combat a lieu, tous les jours, à l’intérieur de moi-même. Et ce entre deux loups."
"Deux loups, grand-père ?"
"Oui, deux loups. L’un est méchant. Il ne connaît que la colère, l’envie, la jalousie, la tristesse, le chagrin, l’avarice, l’arrogance. L’apitoiement et un sentiment d’infériorité le poussent au ressentiment, au mensonge et à la vanité. L’autre est bon. Il connaît la paix, l’amour, l’espérance, la sérénité, l’humilité, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi." 
Intrigué, le petit-fils réfléchit et demande:
"A la fin, grand-père, quel loup remporte ce combat ?"
Aussitôt, le vieux Cherokee se tourne vers son petit-fils, le regarde dans les yeux, et lui répond :
"Celui que tu nourris. Celui que tu décides de nourrir."

Au départ, les prières sont aussi retorses que la femme des autres, il faut trouver la sienne. Bashung parlait aussi, dans Madame rêve, de ces prières « qui emprisonnent et vous libèrent », c'était très explicit lyrics pour moi, explicite de quoi, j'ai oublié, mais là, ça donne envie de creuser, quand même, moi je dis. En ce moment, je ne suis pas assez dans la merde pour prier, ou alors j'ai un problème de vision nocturne (de nombreux domaines de ma vie laissent à désirer en 2020, sans parler du virus que je n'ai pas encore chopé, mais vu mes autres problèmes de santé, je ne suis pas pressé. Je vais prier pour mieux voir la merde dans laquelle je suis, puis je prierai pour m'en sortir. Je te rappelle.)
La prière c’est comme la méditation, ou de nouvelles chaussures un peu étroites, faut être assidu pour s’y faire. Il y a aussi les activités re-liantes à l'univers, comme peinturer des cailloux, graphomaner jusqu’à point d’heure, si on est dans le bon esprit, on en retire sans doute des bienfaits. voilà voilà. En ce moment l'écriture l’écriture me soigne, ou bien je me soigne par l’écriture, en tout cas je sens que ça fait du bien par où ça passe. Et c'est ma seule pratique régulière, donc c’est pas comme ça que je vais trouver le temps de lire Segalen, et encore moins Coatalem (un gars qui a écrit sur Segalen et qui le connait comme sa poche). Déjà, si je parviens à appliquer la moitié des conseils que je viens de m'édicter, on sera pas mal.

A part indisposer des vieux potes âgés par mes saouleries imbuvables, j'ai un peu lu les journaux, et ainsi découvert que l'assassin de Samuel Paty désapprouvait tout à fait le «Caprice des Dieux», un fromage qu'il jugeait polythéiste, alors que moi je l'ai toujours trouvé fadasse. 
Du coup, Blasphémator® en a acheté 3 palettes, et il a bien du mal à reboutonner sa soutane.

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