jeudi 9 février 2006

Rédemption de l’objet fascinatoire II

Ce matin au volant de ma voiture j’ai croisé la trajectoire de la publicité Calvin Klein, et j’ai immédiatement saisi pourquoi il est si difficile d’obtenir la rédemption de l’objet fascinatoire (qui consiste à voir de quelle manière on peut retrouver Dieu à travers lui.) Pourtant l’espace d’un instant je suis bien remonté de la créature au Créateur, en me disant au passage "bien joué, Dieu, c’est vraiment du beau boulot" mais ce fut très passager; l’instant d’après j’aurais bien félicité le Père dans l’espoir de lui soutirer l’adresse de sa Fille. Bref, quelque chose de vorace et de très rapide est remonté à la surface et s’est accaparé ce qui s’annonçait comme un moment de pure perception. J’ai alors tenté de m’arracher au regard de cette beauté surréelle qui semblait maintenant m’interpeller sur la façon dont moi, pauvre mortel, je pouvais refléter la divinité, qui à coup sûr m’habite au moins autant qu’elle, pour peu que Dieu soit collectiviste. Il était temps que je me reprenne, j’ai failli emplafonner une vieille dame sans doute peu sensible à l’émanation délétère empreinte de spiritualité diffuse (renforcée à grands coups de Photoshop, mais quand même) de cette créature qui semblait vouloir m’attirer dans son vortex lolitesque pour s’y asperger ensemble de bidons d’eau de toilette. Moi qui trouve les Barbies fadasses, là j’étais touché. Pourtant, d’évidence, tout est fabriqué dans cette image (je laisse Dado/Basilus nous démontrer que grâce au filtre "placage de motif", on peut prouver que ce photomontage dissimule et recèle nonobstat un photogramme de Staline au chevet de sa vieille mère en 1942, qui sera d’ailleurs détourné plus tard par Dali) et on serait tenté de barbie-fier l’opiniâtre auditoire sur les sempiternelles ficelles (plutôt des câbles) de l’imaginaire sexuel que titillent les publicitaires pour nous attirer dans leurs filets. "Euphoria est un parfum oriental envoûtant où l’orchidée rehaussée de notes fruitées exotiques, fait écho au sillage riche et crémeux. Une promesse sensuelle qui révèle la beauté mystérieuse de la femme." A part la promesse sensuelle d’amour inconditionnel (à condition qu’on achète le parfum, quand même), qui ne nous avait pas échappé, sur ce coup-là le texte est quand même le parent pauvre de l’image. Et si ça se trouve en plus ça sent bon, ce truc.
Rien que pour récupérer l’image, je suis tombé sur un forum de malades idôlatres des publicités de parfum qui se les échangent comme des images pieuses.
Heu…certes, je suis mal placé pour leur jeter l’Abbé Pierre. Ensuite j’ai songé à mes camarades, ceux qui errent en liberté préventive du pornobezness comme ceux qui purgent leur peine en l’alourdissant encore devant la maîtresse à tête carrée : Si Dieu se manifeste à toi sous la forme de l’Image de La Femme, où puiseras-tu la force d’éviter la crucifixion de son regard ?
Et pourtant, comme le disait Flo, il est clair qu’ici plus qu’ailleurs, on absolutise les créatures (fascination), on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle. Adorer l’apparence à la place de l’absolu est une erreur, mais croire que l’absolu réside en-dehors de l’apparence est aussi une erreur.

Commentaires
  1. >> Je laisse Dado/Basilus nous démontrer que grâce au filtre “placage de motif”, on peut prouver que ce photomontage dissimule et recèle nonobstant un photogramme de Staline au chevet de sa vieille mère…

    Chouette, je vais me coller tout de suite à la résolution de ce problème! :) ))

    >> on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle.

    Je ne sais pas comment tu dégottes ces citations de Flo, mais quand je les lis sur ton blog, je ne reconnais plus le style de Flo, j’ai l’impression que c’est un photogramme de Saint Jean de la Croix au chevet de Sainte Thérèse d’Avila. Tu les retouches sous Photoshop ? O_o

  2. et bien je suis arrivé au hasard sur ton blog. je venais juste de taper “publicité euphoria créateur calvin klein”
    et oui lol je cherchais le créateur de cette pub (que je n ai toujours pas trouver lol)
    enfin bon j a lu ton article et tu ma bien aider.
    je te raconte ma vie mais bon faut que je la raconte a quelqu un… on nous a demander de faire un série de 15 croquis sur des pub et donc voila j ai troette pub qui ma bien boté et grace a toi et a un autre blog jai mon analyse presque fini… merci bcp!!!!!
    kiss

mercredi 8 février 2006

4 mois demain



Je croyais que le sevrage recelait une certaine grandeur, et me shootais à l’égo pour faire décolérer ma viande; mais me prenant pour un minable le reste du temps, je ne puis aujourd’hui que me détourner avec raison de l’idée même de grandeur ! elle m’acculerait au désastre. comme j’ai dit à ma psy, et elle n’a pas manqué de me rentrer dedans derechef, "j’ai très peu de chances de m’en sortir". C’est cette idée à priori défiante qui me permet de reconduire la vigilance.
D’ailleurs c’est pas le sevrage qui est grand, c’est la dépendance qui est affreuse.
Comme le dit Roujsend, Le monde est une merveille, le simple fait d’exister est une chose fabuleuse. Le trou entre cette intuition et mes perceptions actuelles me donne idée du chemin à parcourir. Comme le disait ce paysan inspiré :
Seigneur, ayez pitié de moi, écrasez tous les autres !
Travail en cours avec les phosphènes.
La simple idée d’écrire une ânerie de trop sur ce blog me fait chauffer le moteur. Et pourtant c’est pas l’envie qui m’en manque, entre le pape, les arabes et charlie hebdo. Comme par hasard, l’adsl et le téléphone déconnent à mort en ce moment. Qu’ils soient bénis.
Je reviendrai quand je serai calmé.


Commentaires

Quelque soit la profondeur du trou à franchir, aucun seigneur ne te prendra en pitié… Tiens moi au courant de ton travail avec les phosphènes

jeudi 2 février 2006

un peu de violence gratuite




Avant, il y avait Happy Tree Friends, et on se disait que c’est Walt Disney lui-même qui avait semé la graine de la violence et de la débilité cartoonesque, avec ses mièvres paradis animaliers, son obsession d’une nature utopiale et bien pensante, et que ceux-là poussaient juste le bouchon un peu plus loin que les années 50 ne le permettaient à Tex Avery. Et depuis que l’esprit ricanant du Harakiri 70’s avait été ébarbé-recyclé par les pubards 90’s, on s’inquiétait pour le devenir de la dérision transgressive, menacée à tout moment de s’effondrer en transgression dérisoire, et d’y perdre sa causticité et son acuité, dépossédée de ses attributs par les aigrefins de la parodie, et vidée au passage de toute validité philosophique par les professionnels de la profession : toute violence critique qui s’installe dans la durée finit par s’asseoir sur un strapontin du pouvoir. Les guignols de l’info sont aujourd’hui une institution qui n’effraie plus personne, quelle que soit encore leur virulence.
Puis vint "Ferraille Illustré", magazine de BD post-moderne dont les choix éditoriaux semblent être basés sur une volonté sans cesse réaffirmée de provoquer l’effondrement du lectorat et sa désaffection durable. Parution erratique et confidentielle, (on en est à environ un numéro par an), dessinateurs débutants et/ou maladroits visiblement promis à nul avenir dans la filière aujourd’hui très sectorisée de la narration graphique, scénaristes cultivant l’absconnerie et l’hermétisme. Les parties non illustrées du magazine s’épuisent en un obscur galimatias satirique dont on peine à distinguer l’objet, emprutant à divers courants graphiques et littéraires du début du XXème siècle : ni des situationnistes (trop jeunes) ni des branleurs (trop cultivés). Et alors ?
Récemment, ils ont créé un site internet. Le Supermarché Ferraille est une déclinaison de l’épouvante sur le mode du détournement ludique, mais sa visite engendre un malaise persistant : on ne peut plus après avoir erré dans ses rayons continuer à collecter d’un oeil indifférent les prospectus publicitaires pour les quinzaines promotionnelles dont les grandes enseignes de la distribution agro-alimentaire abreuvent nos boites aux lettres provinciales au kilo, et que nous enfournons distraitement dans la poubelle "papier" en songeant à autre chose : l’obscénité nous assaille enfin sous une forme mainstream.
De la même façon que l’intelligence et l’humilité peuvent marcher main dans la main, à condition que l’humilité soit devant, la méchanceté et la bètise peuvent bien chevaucher de concert, mais il vaut mieux que ce soit la méchanceté qui dirige.
Ils sont albigeois, hérétiques, et leur cruauté ne peut donc être imputée à l’impossible réparation du préjudice subi quotidiennement par l’exiguïté de leurs appartements parisiens.
Alors, dans quel but ? Vers quel destin ?
Cette dernière question reste souvent sans réponse, et c’est pas ce soir que je vais m’y colleter.

Commentaires

  1. C’est génial, il y en a un à Colomiers, juste à coté de chez moi ! J’y cours de suite acheter des pizzas en conserve !

    Euh… si vous entendez plus parler de Dado, c’est que j’ai fini en foie gras de chômeur. :(

  2. Un nouveau signe des temps qui me colle des frissons…

vendredi 27 janvier 2006

Rédemption de l’objet fascinatoire (vieil os à ronger)


Aujourd’hui, une rediffusion en léger différé (5 ans, si j’ai bien compté, mais la loi de la gravité et ses effets sont restés les mêmes dans la galaxie) d’un texte de Flo qui m’interpelle au niveau du vécu et qui rentre tout à fait dans la gamme des antibiotiques à large spectre que ce blog tente de diffuser. Que son auteur ainsi que ses innocents et/ou avertis lecteurs veuillent bien m’excuser cet emprunt, et qu’ils se consolent en songeant que ç’eût pu être pire, car j’eus pu ici publier ma carte de voeux, et là, vous l’eussiez regretté.
"Lequel d’entre nous n’a jamais eu de réflexion assassine vis-à-vis d’un tiers, ayant pour seul objectif de le mettre à mal ? Lequel d’entre nous n’a pas le besoin vital de se sentir supérieur à son prochain ? Il suffit de voir à ce sujet les attitudes des différentes religions. Les meilleurs des chrétiens orthodoxes (excluons les saints) veulent bien admettre que les autres religions ne sont pas fausses et que Dieu s’y fait connaître aussi, mais quand même, c’est le christianisme qui a hérité de la révélation la plus complète. Les meilleurs des bouddhistes veulent bien admettre que les chrétiens ne sont pas complètement idiots, mais quand même, il n’y a que les bouddhistes qui ont atteint le vrai absolu. Et même entre bouddhistes : le Vajrayana déclare que les autres voies sont bonnes mais que seules leurs pratiques conduisent à un éveil complet. Le Dzogchen prétend quant à lui que la nature de l’esprit qui est atteinte n’est pas aussi pure dans les autres voies que dans le dzogchen. Et les disciples ne le répéteraient pas si les maîtres ne l’affirmaient pas.
Il est évident que les grands saints de toutes les religions atteignent le même degré de réalisation, qui est celui que permet la nature humaine : l’état christique. Celui qui dit que sa religion est supérieure aux autres n’énonce pas un fait objectif mais ne fait que manifester son besoin de se croire supérieur aux autres, personnellement ou par procuration : « Ma voiture est plus belle que la tienne. Mon papa est plus fort que le tien ». La religion a tort d’ignorer les données de la psychologie, de même que le psychologie a tort d’ignorer les données de la religion. Là aussi, chacun croit détenir la vérité.(…) Ce qui est compris, de mon point de vue, doit être appliqué. Par exemple, si l’on comprend que l’ouverture du coeur est le seul chemin possible en spiritualité, alors on fera tout son possible pour aller dans cette direction, puisqu’il n’y en a pas d’autre. Ou alors on refuse Dieu et on choisit le chemin de Salieri dans Amadeus. Sinon, c’est que la compréhension n’a pas eu lieu, qu’elle est purement livresque.
Qui a compris ce genre de choses ne peut que faire l’effarante découverte que règnent en lui des forces qu’il ne maîtrise pas. La colère, l’orgueil etc ne sont pas les conséquences de la bêtise ou de quoi que ce soit d’autres, elles sont un feu qui s’élève. Je ne sais plus qui disait que le Mal a des apparences trompeuses. Ce feu semble nous remplir mais quand il retombe, il nous laisse plus vide. On notera le rapport avec la sexualité où beaucoup d’hommes se retrouvent vides après le rapport, ce qui indiquent qu’ils étaient dominés pendant l’acte par la colère et non par l’amour. Il ne s’agit pas forcément d’une colère consciente mais d’une énergie qui est exactement la même que celle qui s’élève quand on est en colère. Celle de l’amour se présente aussi comme un feu, mais dont les effets ne sont étrangement pas les mêmes. Cependant il est compréhensible qu’on puisse aisément les confondre, bien qu’elles ne fassent pas naître tout à fait les mêmes pensées - ce qui devrait être un signe. La différence, c’est que l’une est générée par la chose en soi (Dieu) et l’autre par son symbole (les créatures). On absolutise les créatures (fascination), on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle. Adorer l’apparence à la place de l’absolu est une erreur, mais croire que l’absolu réside en-dehors de l’apparence est aussi une erreur.
Je crois que la rédemption de l’objet fascinatoire consiste à voir de quelle manière on peut retrouver Dieu à travers lui. Si on ne le peut pas et s’il y a un refus de se tourner vers Dieu, une préférence pour l’objet, on à une idée du gouffre dans lequel on est tombé, et on peut déjà prévoir que l’événement sera énergétiquement néfaste. Par exemple, certains objets me collent à eux et me font oublier Dieu, d’autres ont l’effet inverse. Par exemple, si je regarde mon fond d’écran actuel, orné du chimpanzé maudit, impossible de m’en décoller. Heureusement, à quelques mètres, j’ai mes perroquets qui me ramènent dans le droit chemin. Sur le moment, il est très difficile de différencier les effets, comme je le signalais plus haut, sauf que l’un remplit, et l’autre vide, mais on ne s’en aperçoit qu’au final.
L’autre jour, JP disait un truc génial : on n’a pas le droit de juger le Mal, mais on n’a pas droit non plus à la moindre complaisance envers lui. Il parlait bien sûr du mal en nous, des choses horribles que nous trouvons en explorant l’esprit. On se souviendra de Jung qui un jour a failli devenir fou en faisant un rêve éveillé où il rencontrait un nain dans un sous-sol, et où il y avait du sang partout. Le rêve avait l’air assez horrible à lire, et on comprenait que ça l’ait secoué, cependant il y a bien pire, et JP me l’a confimé : « sans l’aide de Dieu il est impossible de s’en sortir. C’est pour ça que 4 des disciples de Freud sont devenus fous. » Je pense qu’il y a un moment où le psy doit arrêter sa propre introspection, car le Mal semble n’avoir aucune limite quand on commence à vouloir le regarder en face. Nous avons tous en nous les pires choses qui aient jamais été faites. JP prétend avoir passé des milliers d’heures dans des enfers à côté duquel les pires films d’horreur ne sont que d’aimables divertissements. Maintenant je commence à le croire, et quand on en arrive à observer en soi de semblables choses, il est vrai qu’on n’a pas tendance à pousser ses amis dans un tel chemin, pour autant qu’ils ne semblent pas avoir Dieu chevillé à l’âme. A part JP je n’ai rencontré personne qui soit allé à ce degré d’approfondissement des choses, ou peut-être en ai-je rencontré parmi ceux qui m’ont dit avoir fait un séjour à l’asile, mais ceux là n’ont pas décrit leur expérience. Mais parmi les sains d’esprits, ils se sont tous arrêtés avant : raisonnablement bons, médiocres ou malveillants, d’après leur propre jugement. Mais le Mal, le pire, était à l’extérieur.
Saint Augustin, par exemple, l’a bien diagnostiqué, mais qui s’accuserait d’abriter le Démon en son âme parce qu’il a voulu voler une poire ? En fait, la moindre pensée non-charitable se nourrit à cette source empoisonnée qui est la même qui fait les serial-killers. Souhaiter que la tondeuse du voisin tombe en panne parce qu’elle nous empêche de dormir est une pensée de même nature que de vouloir étrangler ledit voisin. S’émotionner de l’injustice est également une pensée de même origine : la colère. Il faut revenir à la source. Si je suis scandalisée parce qu’une mère frappe son enfant, cette émotion est le commencement de ma fin. Ce que je devrais ressentir, c’est de la compassion pour l’enfant, qui souffre, et pour la mère, qui souffre aussi. Sinon, elle m’aura simplement rendue semblable à elle. Le Christ a dit « aime ton ennemi ». Il n’a pas dit « deviens comme lui ».

Commentaires

  1. J’arrive pas à y croire ! J’ouvre la page, je me dis “tiens voilà un gros post de JW, ça va me faire de la lecture”, et au bout de 10 lignes, qu’est-ce que je trouve ?
  2. Désolé. Je comprends ton incapacité ontologique à te regazéifier avec ton propre gaz. Pas d’inspiration en ce moment, et puis ça a au moins servi à roujsend. T’as qu’à pas écrire des trucs qui font vibrer mon neurone. Si t’es vraiment en manque, je t’autorise à commenter “l’impossibilité existentielle d’accéder au plaisir (qui) induit la recherche délinquante de braconner celui de l’autre” dans le post précédent. Je suis sûr que ça t’inspirera autant que je le suis quand il s’agit de recopier les tiens d’une main tremblante, pour ne rien dire de ce que fait l’autre.

dimanche 22 janvier 2006

phallucinations

Aussi abscons ou insignifiants qu’ils nous paraissent, les songes nous renseignent sans artifice sur nos préoccupations et sur les flux qui nous traversent. 
L’autre nuit, j’ai révé que j’étais tout seul à la maison et que je retrouvais une cassette porno dans l’armoire. Au lieu de la jeter comme tout bon hard-sevreur, je me faisais la réflexion qu’après, j’allais encore être frustré, et que comme personne n’en saurait rien, je pouvais m’en envoyer une petite giclée derrière la cravate. 
Au sein du rêve, l’objet de plastique noir contenait réellement dans son volume de 3 x 8 x 15 cm la réalisation potentielle des promesses de la sexualité, je le savais en faisant courir mon doigt sur son arète tiède. 
Objet de pouvoir. 
Fichtre. 
Il eut été intéressant que je rechute en rêve, ou que ma conscience onirique s’élargisse sur les présupposés d’une telle attente, mais ça s’est arrété là : je ne puis réver de contenus liés à la pornattitude sans que l’impossibilité de la jouissance s’y manifeste. 
Evidence onirique de la vérité du mensonge.
Quelques jours plus tard, j’étais occupé à nettoyer pour une chaine de télévision locale un concert filmé de Philippe Katherine, le Houellebecq sonique, qui ne suscite chez moi qu’un ennui réactionnaire et des inquiétudes subséquentes sur ma sénilité musicale puisqu’il semble qu’il plaise aux jeunes, et pour repousser la torpeur je vais frapper à la porte de la cabine du mixeur, un mien ami. 
Nous discutons le coup, puis il sort de la pièce pour répondre à un coup de fil. Je me retrouve seul dans son studio son, et avise un paquet de tabac Ajja 17 qui traine sur sa console. Ni une ni deuze, je me retrouve sans transition la clope au bec. Après-coup, et sans dramatiser, vu que ça a été très agréable, se remet en branle une fantasmatique du désir tabagique : l’Ajja 17 c’est pas terrible, mais parlez-moi d’une cibiche de Old Holborn, de Pall Mall à rouler… bref je me remets à réver que c’est bon de fumer. Je laisse passer quelques jours mais je donne sans doute prise à ces fantasmes au lieu de les laisser glisser, puisque le piège se referme à nouveau sur moi, à la faveur d’un environnement fumigène, la bonne excuse navrante standard.

Si je mets en rapport ces deux évènements, c’est que la fraction de seconde pendant laquelle je me suis retrouvé seul avec le paquet de tabac dans la cabine de mix a été déterminante et présente une identité de nature avec les conditions du rève susmentionné : des concepts tels que subtiliser, en cachette et jouissance se sont très nettement agrégés au sein de ma conscience diurne qui s’en est retrouvée brusquement onirisée. Il y a quelque part en moi l’idée que l’impossibilité existentielle d’accéder au plaisir induit la recherche délinquante de braconner celui de l’autre. 
C’est fâcheux, mais c’est surtout une vue erronée.
Pour pratiquer le rêve lucide, on suggère d’essayer de voir ses mains en rêve, et pour cela il est utile de les observer au cours de la veille. A chaque fois que je le fais, je ressens combien ma conscience de veille est elle-même altérée, incomplète.

vendredi 20 janvier 2006

Are you aDicKted to aDicKtion ?





Malheurs et bonheurs sont sans doute équiprobables, mais la loi de la gravité entraine les tartines à chuter plus souvent du côté de la confiture. D’où nos préférences pour le pessimisme, système de valeurs jugé plus réaliste dans le sens opératoire du terme. Toutes choses épouseraient cette sombre simplicité finalement réconfortante si la mort nous permettait de débarrasser réellement le plancher. D’après les tibétains, qui se penchent quand même depuis quelques siècles sur la question quitte à faire l’impasse sur le reste, il semble n’en être rien. Est-ce que c’est pire de songer que le décès et le passage dans les bardos ne provoqueront qu’une amnésie partielle sans effacement de l’addition karmique, et que nous serons à nouveau lâchés dans ce monde en croyant que c’est la première fois alors que nous serons grosso modo embobinés par les mêmes tropismes ? à mon niveau de pratique, qui est de décrypter le blog de Flo aussi halluciné que si c’était de la pornographie spirituelle (pour la beauté gratuite et coûteuse de l’oximoron mais aussi parce que je me sens incapable de faire ce que je la vois faire), oui.
A ce titre, le mensonge de l’intoxication est frère jumeau de celui de la libération, et la toxicomanie n’est qu’une occasion particulière de prendre conscience que nous nous accrochons à tout ce qui nous tombe sous la main, et préférons la souffrance connue à toute éventualité d’expérimenter quelque chose d’autre. Et comme la dépendance consiste à effacer la douleur par ce qui la provoque, on est peinards : d’ici qu’on ait compris à quel endroit précis on se prend les pieds dans le tapis, on sera déjà morts d’autre chose, ce qui ramène aux trompeuses cases départ évoquées plus haut.
On ira voir avec un intérèt mâtiné d’inquiétude l’adaptation du roman de Dick "A scanner darkly" (paru en français sous le titre Substance Mort) qui sortira en juin 2006; le roman originel évoquait de façon assez définitive les boucles mentales de la dope, de la schizophrénie et de la cybermodernité, sous la forme d’un diamant noir qui a carbonisé la cervelle de ses lecteurs depuis 1976 et se situe entre ses grands romans de SF et la trilogie mystoïdo-chrétienne qui finira par l’achever, et ses lecteurs avec.
Ca peut pas être pire que Total Rigoll ou Blade Runner qui, dans le genre trahison, se posaient quand même là. C’est même plutôt flatteur : un prophète de la stature de Dick ne peut que susciter la trahison admirative de zélés Judas.




Commentaires

  1. J’ai beaucoup les BD de Goossens et cette scène est une de mes préférées ! J’aime beaucoup P.K. Dick aussi et je me demande bien ce que “Substance Mort” peut donner adapté au cinéma… C’est sans doute plus facile d’adapter du Goossens…
  2. dans la série “les comparaisons débiles”, pour moi Goossens est devenu prisonnier de son système à partir de l’encyclopédie des bébés, et a cessé d’innover par la suite tandis que dick n’a jamais cessé d’étonner ses lecteurs.
    Goossens transposé en film, ça passerait très mal, ça deviendrait très gras, car il utilise la bédé pour plastiquer les codes narratifs de la littérature et cinéma, ceux-ci en profiteraient pour se venger bassement.
    d’ailleurs je me demande pourquoi il est d’usage de se lamenter de l’infidélité des adaptations : quel contrat moral liant un créateur à ses illustrateurs serait-il dénoncé par ses fans ?
    à part l’affaire des versets sataniques, qui a fait rigoler tout le monde sauf les fondamentalistes et salman rushdie, d’ailleurs je crois qu’une adaptation cinéma est en cours.

mercredi 11 janvier 2006

de l’impossibilité d’alerter les bébés comme c’était initialement prévu



C’est le matin. Le cerveau reprend sa configuration de veille, beaucoup moins souple. J’ai révé que mon père faisait la couverture de Charlie Hebdo, c’était une couverture "filmée", on y voyait papa descendre une colline pierreuse en dérapant un peu de temps en temps, il était plus jeune que maintenant, mais sinon, c’était encore moins spectaculaire que le mercerisme, cette religion imaginée par Dick dans Do Androïds dream of electric sheeps ?… où l’on apprenait l’empathie à coups de cailloux dans la tronche. Il est bien temps de publier mon père dans Charlie Hebdo, mais ça c’est une réflexion après-coup… Réveillez-vous avec France Inter et foutez en l’air votre rappel de rêves. Elle refuse France Musique, prétend que ça la rendort sur le champ. Je sens son corps tiède à mes côtés. Elle sommeille sur le ventre, avec mon rival matinal Stéphane Paoli qui lui susurre des cochonneries libidineuses sur un règlement possible du conflit au Proche-Orient. Il est sept heures. Dans quelques instants il faudra se laver, aller faire le café, réveiller les enfants… Pour l’instant je m’allonge sur elle et je pèse de tout mon poids. J’ai envie de la pénétrer. Comme ça, par derrière. A la sauvage. C’est manifestement un délire, puisque d’habitude, je la respecte, dans ses désirs comme dans leur absence. Elle commence à râler que je l’ai tripotée toute la nuit, ce dont je n’ai aucun souvenir. D’un seul coup je me rends compte qu’en agissant ainsi, je la considère comme un objet sexuel et menaçe de foutre en l’air son timing du matin pour un câlin dont je sais pertinemment qu’il est logistiquement impossible dans le temps imparti. Zabotache. Ca m’excite, et ça m’en fout un coup, enfin je trouve ça nigaud, quoi. Je descends donc de ma monture encore ensommeillée, je vais faire du café. Le film est passé. Je ne me suis pas laissé embarquer. Je l’ai vu. Mieux, je l’ai regardé. Pas de terreur rétrospective : l’épouvante est la prémisse de la récidive. Je la fais chier le matin, et je l’embête beaucoup moins le soir. Je pense qu c’est pour qu’elle m’envoie me faire foutre, et pouvoir ainsi m’autoriser par la Grâce de la Sainte Frustration de recommencer à reluquer d’improbables africaines, ou d’aller voir ailleurs. On en parle tous les deux, d’ailleurs, et on est d’accord : ça ne marchera pas. Des clous. La stratégie est trop visible. Comme me l’écrit un pote qui a passé le week-end à la maison "Je vais encore me répèter mais vous allez pas si mal ensemble. Bien sûr vous ferez jamais dans la dentelle, mais bon…."
La saisie, et donc l’erreur fondamentale, c’est de croire que ce qui se passe en nous est à nous. Finalement elle est plus repérable sur les choses désagréables, mais après c’est juste une question d’entrainement.
Ces jours-ci, trois mois sans porno (précédés de quatre) et deux mois sans clope. Aucun sentiment, et encore moins de triomphe. Juste les vieux machins qui s’accrochent, avec leur familiarité que Michaux qualifiait de désarmante mais qui ne l’est que pour ceux que le désarmement arrange.

Commentaires

  1. Trois mois, et bientôt quatre pour mettre enfin ton nom parmi les “libérés du culpourlecul” en tête de la page http://www.orroz.net/forum.htm
    Super ! Continue comme ça, John.
    Orroz, de passage sur les blogs des anciens
  2. p’tain je savais pas que y’aurait interro surprise, j’ai bien fait de réviser. Merci pour le site, merci d’avoir ouvert le forum, merci de l’avoir fermé (j’arrive pas à devenir accro à l’autre) et merci d’être un thérapeute “hors paire” ;-)
  3. C cool continue comme ça John … “merci de l’avoir fermé (j’arrive pas à devenir accro à l’autre)” moi itou :-)