lundi 29 juin 2009

La vie d'un homme

La vie d'un homme est peu de chose / Et Pierre la passe en prison
chantait Maxime Le Forestier sur l'album Saltimbanque, grâce à qui je viens juste d'apprendre simultanément ce que c'était que le point de Godwin et découvrir que le mien est ridiculement bas : à une époque récente, chaque fois que j'entendais quelqu'un dire "je n'ai pas le choix", je lui répondais "c'est ce que disaient les nazis en 44" ... je me lassai tout seul du jeu, qui ne m'amusait même pas, quand je compris en un éclair chocolaté que faire prendre conscience aux gens des absurdités auto-carcérales qu'ils profèrent ne peut se faire avec violence.
Bref.
Plus je vois des gens en prison (s) plus j'apprécie ma liberté relative.
Il y a des domaines de ma vie où j'ai été libéré sur parole, grâce aux groupes éponymes (les groupes de parole, comme on dit dans le jargon) d'autres où je suis libérable, d'autres où y'a pas grand chose à gratter pour aujourd'hui.
En passant, de l'utilité de demander à Dieu de me donner un coup de main pour ce qui peut être fait, lui que je ne pense pas croiser dans le bus prochainement mais sans qui, resté seul avec mon égoïsme, je risque fort d'avouar le dessous dans cette étrange mêlée.
Ce qui est sans doute une façon assez égoïste de concevoir Dieu, mais bon, apparemment c'est mieux que de ne pas le concevoir du tout.
Une pensée et une respiration aussi pour ceux qui sont en prison, pas celle qui n'a qu'un seul barreau autour duquel nous tournons, l'Autre.
Et un merci aux auteurs de ce récit multimédia :
Le corps incarcéré.

Entre deux incarcérations, notre héros retrouvait les siens.

lundi 22 juin 2009

Les Nouveaux Prolétaires

article de Courrier International :
"MAROC • Sexe sans frontières"


Les plates-formes téléphoniques à destination de la France, de la Belgique et de l’Espagne emploient plus de 25 000 personnes au Maroc. Elles ont trouvé un nouveau créneau avec les services érotiques.

“On te voit le bout des seins à travers le chemisier ?” Henri, un Français d’une cinquantaine d’années vivant à Lyon, envoie ce SMS à un numéro de téléphone abrégé. Cela lui coûte 1 euro. Son destinataire est une belle brune qui vient de lui transmettre par MMS une photo d’elle vêtue d’un haut blanc très moulant. Henri entame alors une conversation érotique, via des textos tapés sur le clavier de son téléphone, avec une femme qu’il croit être une Française de 32 ans, nommée Sylvie et habitant près de sa ville. Mais Sylvie n’existe pas. A l’autre bout du fil, ou plus exactement d’un clavier d’ordinateur, c’est un jeune Marocain de 22 ans, Reda, qui alimente ses fantasmes. Il travaille comme téléopérateur érotique à Casablanca. A ses côtés, une vingtaine de garçons et de filles du même âge sont engagés dans des conversations similaires avec des clients qui se trouvent en France et en Belgique.

Il y a une dizaine d’années, la baisse du prix des télécommunications et les faibles salaires au Maroc ont poussé les sociétés qui offrent des services téléphoniques – renseignements, vente par correspondance et autres – à déménager leurs plates-formes dans ce pays. Selon des sources proches de cette industrie, elles réduisaient ainsi leurs coûts de 30 % à 40 %. Les premiers à débarquer ont été les mastodontes français du secteur. Puis les espagnols Atento et Grupo Konect ont ouvert des sièges à Tanger, à Tétouan et à Casablanca. Aujourd’hui, on trouve au Maroc 140 plates-formes, qui génèrent 25 000 emplois.

Les téléopérateurs sont payés 1,90 euro de l’heure

Il y a quelques années sont venues très discrètement de France d’autres sociétés du même secteur, mais spécialisées dans ce que les Français appellent la “messagerie rose”. Elles se sont enregistrées comme fournisseurs de services téléphoniques, sans préciser qu’elles se consacraient à la messagerie érotique. Il ne leur a pas été facile de recruter des salariés dans un pays musulman, où elles ne pouvaient pas passer d’annonces dans la presse. “C’est par le bouche-à-oreille que j’ai appris qu’elles embauchaient”, se souvient Reda, étudiant en économie, engagé il y a deux ans. “On m’a proposé de passer un test pour un emploi dans les télécommunications culturelles, mais il était très clair qu’il s’agissait seulement de parler de sexe, poursuit-il, bien qu’aujourd’hui nos services se soient étendus à l’astrologie et à la voyance par SMS.” Reda, un garçon costaud et jovial, et Samira, une frêle étudiante en pharmacie de 23 ans, sont les seuls téléopérateurs qui aient accepté de me parler. Mais à condition que je ne publie pas leur vrai nom ni celui de leur entreprise. Les contrats qu’ils ont signés interdisent de divulguer le contenu de leur travail, que leurs parents ignorent aussi. “Je ne l’ai dit à personne, même pas à mes meilleures amies, avoue Samira. J’ai honte.”

“Pour le téléopérateur, c’est comme s’il était sur Messenger, explique Reda. Il y a des filles et quelques garçons virtuels, avec un profil préétabli incluant un nom, un âge, un lieu de résidence, des mensurations et, bien entendu, des photos de gens séduisants, mais pas trop beaux, pour rester crédibles. Les clients s’adressent à eux et nous leur répondons comme si nous étions dans leur peau.” Il faut leur envoyer au moins 150 SMS par heure pour exciter leur libido “et obtenir le taux de réponse le plus élevé possible – il ne dépasse jamais 90 % –, faire durer la conversation et se débrouiller pour qu’ils demandent, par exemple, qu’on envoie sur leur portable des vidéos où leur interlocutrice fait un strip-tease”, au prix de 3 euros l’unité. “Les clients sont de tout type, en majorité des hommes frustrés ou immatures, qui cherchent du sexe virtuel, mais aussi parfois de la tendresse, précise Samira. Il y a aussi des gays et quelques femmes qui, souvent, se sentent seules. Ce sont les seules qui préfèrent se connecter à notre salon ‘soft’ pour des discussions moins crues.”

“Beaucoup finissent par demander notre numéro de portable pour avoir un contact plus direct et certains sont si mordus qu’ils vont jusqu’à se déclarer à la fille virtuelle,
poursuit Samira. Cela me donne encore plus mauvaise conscience de faire ce travail.” Les garçons et les filles de la plate-forme s’occupent indifféremment d’utilisateurs des deux sexes, “bien que la plupart d’entre nous préfèrent les hommes, parce qu’ils sont faciles à exciter”, ajoute Reda. La durée de travail est de huit heures au maximum par jour et, lorsque le service est terminé, “un collègue prend la relève avec le client échauffé”. Dans le duplex de Casablanca où la plate-forme a été installée travaillent 150 jeunes téléopérateurs, dont seulement un tiers de femmes. Mais il n’y en a jamais plus de 25 à la fois. Ils répondent aux SMS vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept sous la supervision de chefs français. Selon Reda et Samira, il y a à Casablanca deux autres centres de messagerie rose, plus petits.

Les téléopérateurs sont payés l’équivalent de 1,90 euro l’heure de jour et 2,55 euros l’heure de nuit. Une personne travaillant quarante heures par semaine gagne un peu plus de 330 euros par mois, le tiers de ce qu’elle gagnerait en France. Les revenus de Reda avoisinent cependant les 500 euros. “Je me suis reconverti dans les nouveaux produits, la voyance et l’astrologie, qui sont mieux rémunérés”, explique-t-il.

Comment les filles vivent-elles le fait d’avoir cette “spécialisation” dans un pays musulman ? “Pour la majorité, ce n’est qu’une source de revenus, et il y en a même parmi nous qui portent le hidjab [voile islamique], répond Samira. Mais il y en a aussi qui ne l’ont pas supporté et qui sont parties. Pendant la pause, sur la plate-forme, nous nous racontons parfois ce que nous ont sorti les clients. Mais, à l’extérieur, nous faisons abstraction de notre profession.”


Repères

Vous souvenez-vous du 3615 ULLA ? Au début des années 1990, 500 000 visiteurs par mois faisaient les beaux jours de la star du Minitel rose. En vingt ans d’exercice, la blonde sulfureuse a dégagé 12 millions d’euros de bénéfice, imposant sa suprématie éternelle sur tous les autres services Minitel et plaçant la barre bien haut pour les sites de rencontres actuels. ULLA elle-même s’est convertie à Internet, sur le ulla.com. Mais, malgré 1,6 million de visites par mois et 80 000 abonnés payants, la version web de la belle ne rapporte pas autant d’argent.

25.06.2009 | Ignacio Cembrero | El País


...Autant pour le rayonnement intellectuel de la France à l'étranger.


lundi 15 juin 2009

Pornographie spatiale : Fomalhaut' le bas

Mon père ne dit pas que des conneries mais c'est toujours dans l'idée d'être reconnu comme un des grands Esprits de ce siècle. Ca n'invalide pas le contenu du discours, mais ça en réduit manifestement la portée auprès des auditeurs qui lui restent. Il émet l'idée que la terraformation de la planète Mars, loin d'être un objectif réalisable ou même souhaitable dans un avenir plus ou moins lointain, est une intox répandue par des pseudo-prospectivistes dont c'est devenu le principal business et qui vivent -plutôt bien - de ce rêve, acoquinés qu'ils sont au complexe militaro-industriel, et qu'on ferait mieux de commencer par terraformer le désert du Sinaï.

Sur Vuze, le portail d'un logiciel de téléchargement bittorent qui se prend pour un fournisseur de contenus, on trouve plein de vidéos hd gratoches (dispos aussi ici pour ceux qui sont pas versés dans le bittorent)
Par exemple, celle sur une planète extrasolaire dans le système de Fomalhaut, aux ressources prometteuses, qui m'a fait sourire jaune :
Grâce à la 3D, c'est comme si on y était, et grâce au commentateur, c'est clair qu'on n'est pas près d'y aller :
"Unfortunately, we won't be visiting this planet anytime soon. Although it's actually pretty close to us and the cause makes senses, a spaceship would still take thousand of years to get there. So it's lucky that we have Hubble to give us the next best things : breath-taking images and incredible sights."
J'ai bien peut que papa ait encore raison.
Et le fantasme collectif de recommencer plus loin et mieux ce qu'on est en train de foirer ici-bas a de beaux jours devant lui. Avec une nouvelle planète ou une nouvelle gonzesse, ce n'est qu'une différence d'échelle, pour ce rêve du nouveau départ profondément enraciné en l'homme.

un désert au Tibet

lundi 8 juin 2009

de l'importance de régler le niveau sonore

Je n'ai pas tourné de flim en professionnel de la profession pendant 20 ans, le cul vissé sur mon banc de montage, un peu comme si j'attendais la mi-temps sur le banc de touche pour rentrer sur le terrain, le montage étant une solution ni pire ni meilleure pour mettre hors-jeu tout ce qui se situe hors-champ, et là depuis quelques semaines je repars en tournage sur le terrain, et curieusement j'aime ça, et il semble que ça m'irrigue un peu mieux le cerveau, à moins que ce soit l'ivresse de la vitesse.
Je fais gaffe à ramener de l'image et du son propres, mais comme samedi le fiston me propose de jouer un peu de musique ensemble plutôt que de regarder une énième série B culte (on a vu The Thing hier soir et ça l'a bien secoué), sous le coup de l'émotion qu'il me le propose, j'oublie de remettre les micros de la caméra sur "automatique" de façon à mieux réguler l'influx sonore. C'est ballot !
J'ai plus qu'à ré-apprendre à jouer, aussi.
J'ai su.
M'enfin, ça m'aura permis de faire un peu de Recherche & Developpement sur les capacités HD de Youtube, qui progresssent au moins aussi vite que la faim dans le monde.
(il faut cliquer deux fois sur la vidéo pour afficher la vidéo en Pleine Balle Haute Def.)


Hier, une vieille copine montpelliéraine dépressivo-cyclo-thymique m'écrit "Ohé ! Je me suis pas encore pendue. Et toi, comment va ?"
J'y réponds tout de go et sans réfléchir :
"le meilleur dans la pendaison c'est quand tu te passes le noeud coulant et que tu te jettes de la chaise en marmonnant "adieu, monde de merde" après c'est trop tard pour regretter d'avoir oublié de mettre de la pellicule dans la caméra. Je vais je ne sais trop comment, je rêve toujours d'être quelqu'un d'autre, avec d'autres capacités, une autre histoire... mais ça ne sent plus la souffrance hallucinatoire. Je tourne des vidéos industrielles dans des abattoirs et des usines de saucisses, ce qui me permet de relativiser pas mal de choses. J'essaye de lire des trucs un peu inspirants, et ne pas me laisser submerger par la négativité passée."
Je ne pense pas que mon mauvais esprit, même utilisé à bon escient, l'aide à quoi que ce soit, mais ça ne lui apporte rien ça ne retire rien non plus, comme aurait dit Boris Vian.
Et sans vouloir faire du mauvais esprit plus que de raison, David Carradine, l'acteur qui jouait le moine shinto dans la série Kung Fu qui avait tant fait pour introduire l'esprit bouddhiste chez les pitits occidentaux au début des années 70, (on a les initiations qu'on peut) s'est pendu, lui. Au cours d'un tragique accident de masturbation, et il faut le dire vite pour ne pas rigoler en songeant qu'il ne faisait que nettoyer son arme quand le coup est parti.
Il ne faisait que "jouer", et d'ailleurs il a planté là toute l'équipe de tournage dirigée par un français qui allait peut-être enfin lui donner le rôle de sa vie.
On ne sait pas s'il a murmuré "monde de merde" avant de ravaler son bulletin de naissance.

lundi 1 juin 2009

La fin et les haricots : L'éternel retour

Après avoir connu plusieurs années de gloutonnerie apocalyptique (voir épisode précédent), j'ai récemment découvert que je pouvais aussi regarder les films après les avoir téléchargés, et si je jette un regard compassé sur les chefs-d'oeuvres aux couleurs jaunies de ma jeunesse -par exemple Le survivant d'après Je suis une légende de Richard Matheson (que j'ai dévoré avec Sturgeon et Dick dans ma geekolescence sans savoir que c'en était une et qu'elle me préparait à d'autres délices, car à part AVC gravissime ou théophanie massive (peu déclenchables sur commande) nous vivons plus ou moins fidèles à nos prémisses d'il y a 25 ans, d'ailleurs ils ont été implantés bien avant) avec Charlton Heston, largement aussi ridicule que la version récente avec Will Smith mais pour d'autres raisons, l'un étant vraiment daté "films de blaxploitation" bien qu'il n'en soit pas un (le héros est blanc, la plupart des zombies sont noirs, ont la coupe afro et leurs frêres blancs semblent échappés de la figuration de Easy Rider) et l'autre ayant tout misé sur les trucages numériques (le héros est noir, les zombies sont blancs et échappés encore pas bien recérébrés des films de zombies actuels), ou The Hidden avec un Kyle Mc Lachlan tout minot et autres séries B cultissimes, parmi les milliers de bobines produites par l'industrie du divertissement depuis un siècle et qui m'ont laissé un vague souvenir ou sollicitent mon attention pour tel ou tel prétexte, mais tout ça ne vaut quand même pas le cinéma d'auteur. Parce que souvent on est confronté à un imaginaire mâchouillé et remachouillé, à base d'archétypes "le sacrifice du héros sauve la communauté" qui n'ont rien à voir avec le réel, auquel ils opposent une reconstruction anti-biotique, je veux dire où la Vie n'est pas souvent la bienvenue.
D'ailleurs j'ai emprunté à un ami un documentaire de 9 heures sur l'effondrement d'une cité industrielle au nord-ouest de la Chine. Ca c'est du cinéma. Faut juste trouver le courage et l'énergie de le regarder. Le mieux, ce serait d'inviter un copain.
Je me rappelle avoir entraîné un innocent voir "Nick's Movie", hommage en forme de mausolée bâti par Wim Wenders à Nicholas Ray, qui retrace sans complaisance ni voyeurisme, lol, l'agonie de ce dernier, avec la caméra comme soin palliatif. J'exagère, mais pas de beaucoup. Mon innocent ne l'est pas resté longtemps, a compris de quoi il retournait, a quitté la salle au milieu du film et est allé m'attendre dehors parce que c'était un bon pote.
Mais je comprends que ma femme, quand elle a annoncé dans la journée à deux gamins de 8 et 10 ans qu'ils ne reverront plus leur papa, parce qu'on l'a retrouvé mort depuis 8 jours derrière un meuble, préfère un petit Desperate Housewives à un drame existentiel sur pourquoi et comment on devient terroriste en Palestine.
Alors vendredi j'ai vu et je lui ai fait subir une grande partie du film Home de Yann Arthus-Bertrand parce que d'un seul coup je me sentais écologiquement concerné par l'avenir de la planète, surtout quand je ne serai plus dessus parce que comme disait Henri Michaux :
"Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi. En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller."


Alors évidemment, les travelingues de la terre vue d'hélico qui n'en finissent plus avec la voix off plombée, ma compagne on lui a déjà fait le coup avec les films de John Warsen, et elle a piqué du nez sans demander grâce, la garce.
Home m'évoque beaucoup Koyaanisqatsi, vu à l'époque où j'étais un cinéphile pourvu de mémoire, et ses prophéties Hopi peu optimistes pour les temps futurs, qui constituaient les seules phrases d'explication du film :
1. If we dig precious things from the land, we will invite disaster.
2. Near the Day of Purification, there will be cobwebs spun back and forth in the sky.
3. A container of ashes might one day be thrown from the sky which could burn the land and boil the oceans.
D'ailleurs si on coupe le son de la télé en regardant Home, on obtient un Koyaanisqatsi actualisé et friqué.
Mais le film de Reggio était contemplatif, et ne suggérait aucune lecture plutôt qu'une autre, se contentant de juxtaposer la nature et ses forces millénaires d'un côté, et la technologie et ses effets secondaires de l'autre.
Home, avec sa voix off très didactique, qui nous assène les évidences qui fâchent sur notre consommation déraisonnable de matériaux fossiles etc... y'a comme un décalage entre les images extra-planantes - Par Toutatis, que la misère est belle quand on n'a pas les pieds dedans ! - et le commentaire d'une sorte de demi-Dieu omniscient mais pas omnipotent, qui contemple de haut ses créatures et se stupéfie dignement de leur disparition prochaine, le tout après un bon fix d'héro pour tenir le choc émotionnel (la langueur et la régularité des mouvements de caméra procure l'équivalent cinématographique de cette sorte d'hébétude propre aux opiacés.)
C'est vrai que c'est très soporifique.
Koyaanisquasskouill. Surtout que la musique emprunte désespérément au Philip Glass de l'original sans retrouver cette fluidité dans la pénibilité.
Le film a vocation à toucher un public très très large. Il est en shareware un peu partout, et la cause est non pas noble, mais vitale. Le matin de la diffusion du film, l'auteur disait sur France Inter où il était interviouvé que les choses qu'on pouvait faire à notre niveau étaient très simples : manger moins de viande, brûler moins d'essence.
Comme tout cela me semble avoir été dit et répété depuis 40 ans (et encore je ne remonte qu'à René Dumont et au Club de Rome), avec les effets que l'on sait, et bien que le film de YAB satisfasse à la fois l'esthétique et la comprenette, et comme il a été financé par des marques et des industriels de tous horizons mais des gros de chez gros, que tout le monde se persuade petit à petit de la venue imminente de l'apocalypse sans y croire vraiment, à travers tous ces films de genre, principalement des blockbusters anglo-saxons, sachant que ça ressemblera à l'histoire des grenouille chauffées expérience qui montre que lorsqu'un changement s'effectue d'une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte...sauf pour les Bengladeshis mais sincèrement, y'a pas tellement de pétrole au Bengladesh alors ça m'étonnerait qu'on se mobilise.
Pourtant, il me semblait que quelqu'un qui vivrait dans une incohérence dont il serait l'auteur se ferait interner et placer en observation à titre préventif s'il se voyait dans le même temps ne pas réussir à se sortir les doigts du cul tandis que le mur approche à vitesse grand V.
Mais j'ai tant d'exemples en moi et autour de moi de ces étranges paradoxes que pfff... autant revenir au message de base : moins de viande, moins de pétrole.
Pour voir Home en 1080p et sangloter d'émotion contenue devant son écran HD, je tiens à la disposition du premier qui m'en fera la demande une inscription sur un forum de téléchargement participatif (protocole bittorent), ayant accumulé assez de points pour pouvoir en faire bénéficier autrui sans nuire au cochon.

lundi 25 mai 2009

Gloutonnerie apocalyptique

Chaque fois que je veux allumer le barbecue avec un vieux numéro du Monde datant d'un abonnement déraisonnable entre 2004 et 2006, pieusement archivé en piles dans une armoire du garage pour quand j'aurai le temps de les lire vers 2025, quand Internet sera tombé définitivement en rade, (quel pitch excitant pour tous ces cinéastes de science-fiction embarrassés depuis la Grande Panne de l'Imaginaire Qui Perdure Depuis Lors !) je ne puis m'empêcher de jeter un oeil au sommaire et ça ne loupe pas, je tombe sur des titres d'articles prometteurs, et là ce samedi midi c'est la grosse gâterie, Gloutonnerie apocalyptique signé par Russell Banks semble un billet d'humeur plutôt inspiré, dans le genre éditorial-coup-de-gueule-d'intello-de-gauche-respecté-par-ses-pairs sur l'Amérique évangéliste d'avant-Obama :
"Dans un article inédit pour « Le Monde des livres », l'écrivain américain explique comment la vision du monde séculière et temporelle des Etats-Unis a cédé la place à une vision religieuse intemporelle" ...au moins, si on le lit, on ne risque pas d'être volés sur la marchandise.
Bon, on n'est pas assez près géographiquement pour savoir si le glissement culturel qui motive ce billet d'humeur a changé, à en croire son auteur, le risque de voir la religion dominer la conscience nationale est plus que sérieux...et c'est vrai que quand on voit les fondamentalistes chrétiens, on a du mal avec la religion (je devrais peut-être mouiller ma chemise et reprendre "quand je vois les fondamentalistes, j'ai mal à la religion, c'est à dire à ce qui en moi tente de se relier au grand Tout quand il constate combien ses ressources sont faibles et insuffisantes) en tout cas la leur, et leur façon de se rasséréner/mortifier avec.
Il va de soi que la notre ne saurait être confondue, ni dans ses fins, ni dans ses moyens, avec la foi-sans-soif des évangélistes et autres prophètes auto-proclamés.
En tout cas ils ont bien brouté Russell Banks, mais la conclusion de l'article élargit son propos :
"Quand un groupe de primates supérieurs - chimpanzés ou gorilles - commence à manquer de nourriture, les mâles adultes sont pris de folie dévoratrice, de gloutonnerie apocalyptique. Ils engloutissent toutes les bananes et toutes les baies qui restent sur le territoire du groupe. Et quand il n'y a plus de bananes et de baies, ils envahissent le territoire de leurs voisins et s'en rendent maîtres par la violence. Nous, êtres humains, sommes une variété de primates supérieurs, et notre degré d'évolution ne nous garantit pas d'un accès de folie dévoratrice. Bien au contraire. La seule différence entre les chimpanzés et nous, c'est que nous avons inventé une théologie pour la justifier."
On se croirait à la fin d'un bouquin d'Henri Laborit, quand il laissait son côté Brice de Nice finir la partie, ou noyé dans les pages les plus dépressives du cours d'initiation à l'orthologique, dont je fus un des infortunés étudiants à la fin des années 70.
Allons bon.
A tout prendre, dans ce même numéro du Monde des Livres périmé depuis 2 ans, on vante les charmes d'un Jim Harrison (whisky, putes, spectre de la destruction et existentialisme) ou d'un William Vollmann (whisky, putes, trace indicible de Dieu et SDF), lectures qui me seraient peut-être d'un plus grand profit, les héros des romans de Banks ayant une forte propension à retomber du côté de la confiture tout en étant affligés d'une acuité intellectuelle qui ne les prémunit ni contre leurs malheurs réels ou imaginés ni contre le désespoir qui s'empare alors d'eux à l'idée qu'il va falloir se résoudre à survivre après la fin du bouquin.

Pendant tout le temps de ma lecture (au mépris du barbecue désormais relégué aux tâches adventices réservées aux besogneux, éternels subalternes de l'esprit) ma chatte se frotte contre ma jambe avec l'ardeur pseudo-câline et opîniatre de celle qui ne pense qu'à son ventre et au plat de merguez crues qui la nargue depuis la table de jardin et son mêtre cinquante d'altitude.
Elle me rappelle tout à fait moi quand je me frotte contre ma femme pour mendier ses faveurs.
Si j'étais down, et néanmoins doté des capacités d'expression littéraires de Russell Banks, je dirais qu'il y a aucune différence entre nous, j'expliquerais en abondants volutes à quel point notre sort est le même, et combien nous sommes promis à la ténèbre et au dépit, mais là, sans être particulièrement up, je suis simplement conscient de la situation globale, aware, ne serait-ce que du fait d'une hygiène de vie relativement saine et de n'entretenir aucun cadavre dans nul placard depuis un certain temps, et de plus il fait beau, les merguez s'annoncent délicieuses, et en plus je suis provisoirement du bon côté du manche de la boite de croquettes.
Y'a pas à dire, le pouvoir, ça aide, pour ressentir la compassion.
La gloutonnerie de ma chatte n'a rien d'apocalyptique, sauf à admettre qu'elle a compris que sa pancréatite qui remonte à deux mois, et son hépathite d'il y a deux jours, signent sa proche agonie et le début de la fin (le vétérinaire m'a fait comprendre à mots couverts que sans foie, la vie devient difficile) et qu'elle veut s'en mettre jusque derrière les oreilles avant de crever, bordel.
M'enfin, là on voit surtout les limites de l'anthropomorphisme.
La faim retrouvée après quelques semaines d'apathie alimentaire dûe à la maladie est aussi contraignante pour elle que la sexualité a pu l'être pour moi quand j'étais addict (je pense à l'histoire d'Hypatia d'Alexandrie racontée par Rita Levi-Montalcini dans Courrier International :"On raconte qu’un jeune élève d’Hypatia en devint amoureux. La philosophe lui montra alors un tissu taché du sang des menstrues. Elle lui dit : “C’est donc cela que tu aimes, mon jeune ami. Cela n’a rien de beau.”) et la pitié teintée d'amusement (et du refus de me faire harceler plus longtemps) me fait lui remplir l'écuelle d'une pâtée peu appétissante.
C'est peut-être aussi ce que ressent ma femme quand elle cède à mes avances envahissantes.
L'histoire ne le dit pas.
On n'est pas chez Russell Banks.
Kant à moi, je me contente de rester concentré sur ce que je puis me permettre en matière de réactions à ce que la vie me propose, mon degré de liberté étant assez réduit, même s'il est bien plus grand qu'il y a quelques années.
cf l'excellent et très récent article de Flo sur le karma.
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(restitué dans sa radicale altérité lors du Grand Ramadan Confiné d'avril 2020)
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10/06/2009
Lorsque nous parlons du karma, beaucoup de gens nous rétorquent qu'il n'y a rien de tel, que si ça existait ça se saurait, et que la plupart des événements sont le fruit de la chance ou du hasard. Nous n'allons pas gloser sur les causes karmiques éventuelles du crash de l'airbus A330, car même si nous étions omniscients, ce que nous ne sommes pas, tout ce que nous pourrions dire serait invérifiable pour le lecteur. Nous allons donc nous en tenir à ce qui est vérifiable par l'expérience immédiate, et qui peut donc constituer la base d'une pratique.
Le karma, c'est la loi de cause à effet. C'est donc l'endroit où notre liberté ne s'applique pas. On n'est plus "plus ou moins libre" : à un instant t, on est libre, ou agi. Afin de déterminer notre part de karma et de liberté, il nous suffit d'examiner notre esprit. Le karma se manifeste par exemple sous la forme de toutes les pensées automatiques que nous avons, celles qui défilent dans notre esprit sans que nous puissions les en empêcher, quand bien même nous le souhaiterions. L'instant de liberté, c'est l'instant précis où nous prenons conscience de ces pensées, en un éclair. Sur une minute, combien expérimentions-nous de micro-secondes de liberté ? Car chacun le constate, l'instant de la prise de conscience ne dure pas. Même si l'on s'essaie à le faire durer, les pensées recommencent à tourner, au sein même de notre soi-disant vigilance, preuve qu'elle n'est qu'un fac simile de la véritable liberté. Cette liberté, c'est l'instant de lucidité qui seul a pouvoir d'interrompre véritablement les chaînes karmiques, et qui se produit plusieurs fois par minutes chez l'individu au karma pas trop chargé, mais seulement quelques fois dans la journée pour nos grands-mères aux gouttes desséchées. L'équivalent de cet instant dans le sommeil, c'est le moment où le rêve devient lucide. Chacun conviendra que c'est assez rare, si cela se produit deux ou trois fois au cours d'une nuit, c'est déjà énorme. Tout le reste est karma, enchaînement à des situations qui ne nous laissent aucune liberté.
La caractéristique du karma, c'est qu'il n'est pas modifié par le désir de s'en débarrasser. Mais c'est déjà un résultat de le voir clairement, car peu s'en rendent véritablement compte.
Afin d'améliorer notre perception, nous pouvons essayer de méditer dans un moment d'agitation usuelle. Un examen honnête nous montre que nous sommes agis par une force qui ne dépend nullement de notre désir de l'arrêter. Au mieux nous la faisons changer de direction, comme un torrent qui rencontre un arbre. Si nous parvenons à rester en place pendant un certain temps, il se peut qu'elle se calme, à ce moment nous sombrons probablement dans la torpeur. Il s'agira de la même force, mais immobile cette fois. Une façon de mesurer cette force sous sa forme immobile, consiste à nous demandez ce qui nous empêche, lorsque nous sommes calmes et apparemment non perturbés, d'être dans l'amour divin. C'est une sorte de mur, ou de glu, quelque chose qu'il est impossible d'écarter d'un geste de la main. Songeons maintenant à ce qu'est notre journée. C'est la même chose, en pire. Si nous pouvons mesurer la force contraignante qui s'exerce sur nous dans les circonstances propices de la méditation, nous pouvons avoir une vague idée de ce qui s'exerce sur nous au cours de la journée quand nous n'y prenons pas garde.
Plus on observe clairement le phénomène, plus il est facile de déterminer les méthodes qui agissent réellement dessus, puisqu'on devient capable de mesurer leur effet. La présence d'un maître, par exemple, est très efficiente, car un maître a le pouvoir de remplacer nos vents contaminés par ses vents purs. En revanche, il a très peu d'influence sur la source de la contamination, autrement dit il faut rester de nombreuses années auprès de lui, du matin au soir, pour que le nettoyage soit important.
Pour nous pauvres occidentaux qui n'avons pas ce loisir, il nous faut soit envisager de mourir idiots, soit nous décider à pratiquer une sadhana digne de ce nom, c'est-à-dire incluant des méthodes efficaces.
Dans les moyens qui sont à notre disposition, il y a deux niveaux :
les méthodes du stade de génération, consistant à cultiver la dévotion pour un maître ou une divinité d'élection. Cette méthode est connue dans toutes les traditions, son inconvénient principal tient à ce qu'elle dépend de notre humeur, autrement dit de notre volonté bonne, ainsi que de notre inspiration. Autrement dit, si nous sommes en colère par exemple, celane fonctionnera pas. Il faudra commencer par des méthodes physiques, yogas ou prosternations, qui remettront un peu d'harmonie dans la circulation des vents. Il faut donc compter deux bonnes heures de pratique au total pour nettoyer une perturbation.
les méthodes du stade d'accomplissement, pranayamas et yoga de tummo, qui ont l'avantage de ne dépendre que d'un minimum de force physique (il ne faut pas être trop malade ou fatigué). Pour le reste, en fonction du niveau de pratiquant et du niveau d'agitation, 10 à 30mn peuvent suffire. Quand on mesure ce qui est enlevé en si peu de temps, c'est proprement miraculeux. Le second miracle, c'est que par la réduction du temps nécessaire pour obtenir un résultat - en l'occurrence le désengluement de toute pensée discursive -, il devient possible de l'appliquer à chaque nouvelle perturbation, ce qui permet de rester dans un état relativement clair tout au long de la journée.
Corrélativement, on n'identifie plus l'ego comme une sorte d'entité mystérieuse qui nous posséderait contre notre gré, mais simplement comme la somme de tous ces mouvements sur lesquels nous avons maintenant un moyen d'action, ce qui inverse totalement la perspective. Il ne s'agit plus de se tancer, de se sentir coupable, de se retenir, de s'obliger... Nous accédons à la perception claire que toutes nos humeurs, sentiments et "opinions" sont l'effet d'une contamination des vents, qu'il nous est possible de purifier. Sur le long terme, l'expérience nous montre qu'il est possible de déraciner nos vasanas les mieux enracinés simplement en approfondissant la méthode. Notre état se ramène à une question de diligence, rendue possible par la purification de nos tendances karmiques, et nous cessons progressivement d'être agis pour devenir acteurs de notre vie.

lundi 18 mai 2009

la chambre du fils


Mon fils a fêté ses 17 ans ce week-end.
On a été priés de lui laisser la maison, et on a émis des consignes claires :
"pas d'alcool, et les filles dorment dans une chambre séparée".
Le dimanche après-midi, il a tout rangé et nettoyé méticuleusement dans les pièces où ils avaient campé, grignoté, et un peu dormi, mais pas vomi.
La bouteille de rhum qui traînait dans un coin et qui avait l'air d'avoir subi une forte évaporation ? "oui mais j'ai dit au gars qui l'avait amenée "non" parce que vous aviez dit non. Maintenant, tu me crois si tu veux."
J'ai trouvé un filtre de tarpé consumé dans le jardin, mais n'en pas trouver m'aurait plus inquiété.
Quand je vois que sa chambre ressemble le plus souvent à une déchetterie avant l'invention du tri sélectif, et l'état dans lequel ça me mettait, je comprends que le rangement, chez lui ce n'est pas une histoire de capacité, mais de volonté. De désir.

Comme il dit "c'est MA chambre, papa." (les papas comprennent moins vite que les mamans, surtout s'ils veulent à tout prix parvenir à maîtriser le lâcher prise)
J'ai un pote aujourd'hui capitaine d'industrie, quand il était jeune il s'est retrouvé secrétaire particulier et chauffeur de Swami Ritajananda, ça l'a calmé pour un moment qui s'éternise.
Un jour, le swami a quitté l'ashram pour quelques temps, et mon pote s'est retrouvé très mal, il a compris qu'il devait le quitter s'il ne voulait pas crever de sa dépendance absolue envers lui.
Il est parti. Mais faut voir comment il parle du Swami avec un total respect, même s'il est le premier à dire qu'il n'en avait rien à battre des enseignements, il voulait juste être tout le temps auprès de lui, la contrainte émotionnelle était très forte, et à ce titre il était fort jalousé par les nombreux disciples qui n'arrivaient pas à s'immiscer ainsi auprès du maître.
Aujourd'hui, il élève depuis 16 ans un grand gaillard black qu'il est allé chercher quand il était tout pitit dans un orphelinat au Burkina Faso, et il n'a pas besoin de hausser le ton pour lui demander de ranger sa chambre.