samedi 26 décembre 2015

Petits démonneaux de nos contrées (14) : Alan Moore (1)

 Quand on est au Nomicon®, on est con.

Le jeu de mots est mauvais, je n'en disconviens pas, mais j'en ai un peu marre d'entendre Alan Moore se faire encenser pour l'ensemble de son oeuvre au noir, alors que certains de mes amis restent dans un anonymat scandaleux, bien qu'ils n'aient jamais rien produit d'équivalent.

J'ai donc décidé, en accord avec mes amis imaginaires, de pisser à contre-courant dans le torrent de louanges qui gicle chaque jour que Dieu fait au frontispice dessus de sa Gloire (et Dieu Sait que c'est du Boulot).



Conversation secrète #1 :

K : Salut à toi
J’ai bien aimé le Neonomicon d’Alan Moore, surtout la première histoire.
Je te l’ai mis là :

F : Je comprends un peu mieux pourquoi tu ne supportes plus ta propre compagnie. Tu n'es pas obligé de me croire mais ce genre d'histoire est comme un petit morceau d'uranium très joli que tu porterais autour du cou. A la longue, tu es malade, mais tu ne vois pas le rapport.

K : C’est malheureusement le problème avec la ctulhure contemporaine : dès qu’il y a un peu de « profondeur » ou à défaut, d’habileté (si Lovecraft était vivant il écrirait peut-être bien ce genre d’histoires), c’est toute la vermine nihiliste qui s’infiltre dans l’imaginaire.

F : En fait c'est pire que nihiliste, c'est tout le problème. J'avais une fois écrit un article pour expliquer que le mal n'est pas une absence de bien, mais une "qualité positive" (ou négative, si on veut). Quelque chose de réel, en somme, et pas juste une absence d'être. 

K :  Je ne dis pas que le Neonomicon me glisse dessus comme sur une toile cirée, mais je ne crois pas faire de projection émotionnelle sur des démons ou des entités d’outre-espace.
Sur la vie des saints non plus, c’est peut-être là où le bat blesse. 

F : Je ne dis pas que tu fais une projection émotionnelle, ça se situerait plutôt antérieurement, dans le substrat qui permet que tout glisse comme sur une toile cirée tout en permettant d'apprécier les qualités "artistiques", sans voir ce qui est à l'oeuvre.


…Si !
Elle non plus, ne voyait pas ce qui était à l’oeuvre.

K : Oui, mes croyances héritées d’un passé réinterprété et remâché comme douloureux - je reste aussi un peu vexé par les lois karmiques, dont je fais à tort une affaire personnelle - penchent du côté de l’entropie, du Mal, de la mort plus forte que la vie, etc… entre mon héritage et ce que j’ai compris de travers…pas évident de voir la lumière, encore moins de l’imaginer.

F : Ce qui signifie à mon sens qu'il y a dans le substrat une conformité latente avec ce qui est à l'oeuvre. Si la vermine ne gêne pas, c'est qu'on lui ressemble quelque part. Il y a 20 ans j'élevais des serpents et ça ne me gênait pas du tout de leur donner des rats vivants, ou autres petits animaux, cailles, cochons d'Inde : c'était la vie des bêtes, en quelque sorte, la "nature". Maintenant je vois clairement que ce qui permettait ça c'était une couche d'insensibilité crasse et sérieusement tordue dans son principe. Comme le disait je ne sais plus qui, il n'y a pas d'anges neutres (ou d'énergies neutres). Ils sont soit d'un côté soit de l'autre. L'insensibilité n'est pas neutre, elle cache quelques monstres dans son fondement.
Ce qui m'a gêné dans cette BD, c'est que l'auteur touche à quelque chose de réel. Ce n'est pas du simple imaginaire (comme dans la série Sleepy Hollow par exemple), mais c'est de l'imaginal négatif, comme dans l'Exorciste, Poltergeist, ou quelques Stephen King qui s'est fait une spécialité d'attirer ces choses là sur terre. Ils sont des sortes de Sutter Cane (l'Antre de la folie, je suppose que tu connais) qui font profession d'insérer dans l'esprit humain des forces qu'on voit maintenant partout à l'oeuvre dans les news.

K : Quand tu vois la tête du scénariste du Neonomicon, tu comprends :
Alan Moore est un brillant écrivain britannique qui a révolutionné le monde des Comics (c’est en lisant Watchmen et V pour Vendetta que j’ai lâché la BD franco-belge il y a 20 ans) avant de laisser tomber la BD pour se livrer à la magie - il est aussi adorateur de Glycon, une divinité-serpent romaine.

F : C'est marrant, quand je t'ai dit que je savais qu'il avait fourgué de l'imaginal négatif avec Néonomicon, j'ai pensé que tu allais me croire devenue cinglée, dans un autre genre que ton pote et ses aliens galactiques. Mais je découvre que c'est précisément sa façon de concevoir la BD " they also serve the unusual purpose of being meditational tools, triggers for altered states of consciousness" (cité de ton blog).
Ca ne m'étonne nullement qu'il soit sataniste (mot fourre-tout pour ce genre d'illuminés). La seule question que je me posais en réalité, c'était de savoir s'il empoisonnait volontairement les gens ou non, mais apparemment il en est parfaitement conscient. Ca laisse songeur.



Un lecteur mécontent s’approche à pas de loups du domicile d’Alan Moore, 
s’apprétant à savourer une vengeance 
se mangeant aussi froide qu’une soirée bolognaise qui aurait mal tourné.


K :  Il ne refait de la BD que pour payer ses impôts.
Mais il est capable du meilleur avec Promethea.
Comme il refusait de laisser massacrer ses chefs d’oeuvres par les scénaristes de Hollywood, il a abandonné tous ses droits d’auteurs lors des adaptations de Watchmen et V pour Vendetta, refusant que son nom apparaisse au générique. Renonçant au passage à des sommes fabuleuses.
Maintenant, il s’en venge sur nous.
Hi hi, me voilà conspirationniste !
(…)
F : Je ne m'aimais pas non plus quand j'élevais des serpents, j'aurais pu avancer de multiples raisons, mais la vraie raison c'était la contamination par toutes ces choses, cela forme dans l'esprit un substrat toxique qui interdit aux fleurs de pousser. Sans fleurs, le paysage n'est pas terrible.

K : Oui, je comprends.
J’ai un mal de chien à admirer celles qui entourent ma maison.
J’ai posté le Neonomicon sur un forum bittorent de tarés geeks dans mon genre, et un mec me répond hier :
J'ai tellement peur de tout. Je suis fatigué. Et j'ai l'impression que tout est de la faute de ma copine. Comme elle croit que beaucoup de choses sont de la mienne. Le cercle à la con.
Je n'ai plus envie de rien. J'attends de crever dans un espace que j'ai pu sauvegardé de sa folie bordélique et créative. Sans parler de son chat incontinent... Bref.
Voilà. Je ne vaux rien, mes écris ne valent rien, ils n'ont même plus la décence de me soulager. Le manque de thune : je chute dans un puits sans fond. J'atterrirai quand je serai mort. 
Alors c’est vrai que j’aurais pu écrire ça il y a deux mois.
Mais j’ai un peu plus de liberté que lui, au delà de mes variations d’humeur.
Je ne me sens pourtant pas mieux loti, surtout en cas de grève surprise des pharmaciens : on cultive tous deux des variantes de l’anhédonisme  parce qu’on a bouffé trop de cochonneries ctulhurellement toxiques, comme tu tentes de nous le faire comprendre.
Et ce soir il me dit que ce que tu dis du Neonomicon lui donne vachement envie de le lire.
Misère.
Il est encore plus théophobe que moi.



Et pourtant, Dieu sait que je suis théophobe
(photo d’archives de ma chambre d’enfant, droits réservés)


F : On se donne des sensations avec ce qu'on peut. Moi aussi je l'étais, à 20 ans. Quand on sait ce que ça coûte d'en sortir, je lui souhaite bonne chance. 

K : Prométhéa, tu l’as là et les liens sont encore valables

F : Je télécharge, ça prend du temps.

K : Question imaginal, j’ose espérer que tu vas être servie.
Restera à élucider comment on tombe de Prométhéa en Neonomicon.

F : J'ai lu le 1er fascicule, c'est vrai que la question se pose. Je soupçonne qu'il en est venu à détester l'humanité, ce qui l'a fait tomber dans la marmite des forces obscures. (…) le début de Promethea, c'est vrai que c'est pas mal, je vais continuer.

K : A un moment donné la série bascule dans le théorique-cabbalistico-dogmatique et largue le lecteur de base.

F : J'ai lu 10 fascicules, j'ai bien aimé. Mais aussi étrange que ça puisse paraître, je pense que l'auteur n'a pas saisi le réel pouvoir de l'imagination... quoi qu'il en soit Néonomicon semble compléter sa liste de pays imaginaires par le bas. 
C'est tout de même curieux, il aurait pu les compléter par le haut, car il manque tout le haut.

K : Le plus haut auquel il ait pu prétendre est là :
Ne confonds pas ton haut avec le sien.
Il s’est pris à son propre jeu, comme il l’avoue ici :
et sans doute un peu là, mais j’ai pas le temps de vérifier aujourd'hui

D : Je ne vois pas ce qu'il peut y avoir "au dessus". Même les philosophes idéalistes les plus enragés, si je ne m'abuse, placent tout en haut le Logos, c'est-à-dire le langage. Ce serait la première chose manifestée. Si l'on suppose un non-manifesté, il ne peut être intelligible puisqu'il n'est plus du domaine de l'intellect.
Mais c'est aussi vrai que si l'on suppose un non-manifesté, alors on peut l'appeler comme on veut : Xuduludu-la-Grosse-Poire, le Bouc-aux-Mille-Chevreaux ou, pourquoi pas, l'Intelligible... Je suppose cependant que ce n'est pas le style de F d'embrouiller les gens en appelant Intelligible ce qu'elle estime Inintelligible, d'où ma demande de précisions.
J'ai regardé le premier lien Youtube. Je n'ai rien appris car ce qu'y dit Alan Moore est dans la lignée jungienne dont je te parlais tantôt, le Soi, l'Alchimie, etc.




Le jeune Alan, au début de sa carrière, 
puis le même, après la rédaction du Neonomicon.
On espère tous qu’il a une bonne mutuelle.


F : J'ai regardé un peu, il a la même théorie que G* avait sur l'alchimie je pense. De l'imaginal il n'est jamais remonté à l'intelligible, puisqu'il en reste à aux symboles, et au langage, alors qu'il y a quelque chose au-dessus. Par ailleurs je commence à me demander s'il est au courant qu'il y a des forces dans l'univers qui ne sont pas humaines. 

D : N'est-ce pas plutôt qu'il y a des forces dans l'humain qui ne sont pas universelles ? :P

K : Pour ne pas foutre en pétard Yog-Sothoth, je dirais que vous avez tous les deux raison.
Parce que quand Yog-Sothoth fâché, Yog-Sothoth toujours faire déprimer Warsen après…

F : Il semble faire de l'humain un petit dieu, erreur classique, alors que c'est à la fois beaucoup plus et beaucoup moins. L'homme peut invoquer ce qu'il veut, et c'est ce qui le remplira. En premier lieu, je n'aurais pas commencer par évoquer 26 démons dans Promethea, parce que c'est créer un lien avec eux, et c'est toujours eux qui gagnent à ce jeu. L'homme est par définition plus faible que les forces qu'il invoque, il a donc intérêt à appeler les bonnes. Remarque, même les bonnes peuvent te faire une vie misérable, mais au moins c'est pour ton bien. 

K : Je suis tombé sur un truc bizarre : un autre « grand » auteur de bédé écossais  qui se partageait entre séries mainstream et expérimentations tous z’azimuths (sans oublier çuili et çuilà ) vient de basculer dans l’horreur pure, comme Alan Moore avec le Neonomicon.

F : Il faudra que je regarde.

K : Je ne sais pas si c’est bien nécessaire. Je ne voudrais pas te faire perdre ton temps.
Le succès qu’il a rencontré avec ses séries mainstream lui a permis de se la péter David Lynch.
Et comment a fini David Lynch ? dans les bras du gourou de la Méditation Transcendantale.
Mais comme Moore, et comme tu l’exprimes plus haut, il semble compléter sa liste de pays imaginaires par le bas plutôt que par le haut. Est-ce que ces mecs pressentent ce qui va arriver ? 
Si oui, it sucks. 
Si non, c’est des salopards qui ne réfléchissent pas une seconde à leur responsabilité morale en tant qu’auteurs.
Est-ce pour gagner plus de sous avec les gens qui n’osent pas s’avouer qu’ils regarderaient bien les vidéos d’égorgement de Daech ?
Au-delà du fait qu’il caricature d’anciens travaux plus consistants, ça craint du boudin.

Est-ce que ces mecs pressentent ce qui va arriver ? 
F :  Seulement quand il est trop tard je pense. C'est peut-être aussi pour ça que mon roman dharmique manque désespérément des vrais méchants qui en feraient un vrai roman d'aventures. J'ai observé que tout ce qui n'est pas transmuté en or nous tire vers le bas. Le roman dharmique est donc le lieu où tous les démons sont sauvés. 
Si Promethéa avait été conçue de la sorte, on peut imaginer que ça ne se serait pas vendu.

(a suivre)

vendredi 25 décembre 2015

Plus Moore que Vivant : la Nuit Obscure de Saint Jean de la Couille Dans le Pâté

On n'en finit plus d'assister à la dégringolade créative et spirituelle de celui qui fut jadis un brillant auteur de comics, qui donna au monde merveilleux des super-héros en slip par dessus leur survète une dimension adulte, au moins dans Watchmen et V pour Vendetta.
Je n'en veux pour preuve que ses productions les plus récentes, Neonomicon et Crossed +100.

Sur le plan créatif, ça reste chouette, par contre au plan spirituel, ça craint du boudin.

Et pourtant, ce n'est qu'un cancer de louanges autour de ce sinistre individu.
Dès demain, un collectif d'anonymousses (non alcolikousses) moralistes jusqu'au trognon prendra le contrôle de l'antenne de Warsen TV pour rétablir la macabre vérité.

http://jesuisunetombe.blogspot.fr/2009/12/alan-moore-jh-willams-iii-promethea-112.html

http://jesuisunetombe.blogspot.fr/2009/12/alan-moore-juan-jose-ryp-another.html

http://jesuisunetombe.blogspot.fr/2010/01/moore-vivant.html

http://jesuisunetombe.blogspot.fr/2015/10/neonomicon-alan-moore-jacen-burrows-2010.html

http://artbyarion.blogspot.fr/2015/05/neonomicon-alan-moore-jacen-burrows.html

http://artbyarion.blogspot.fr/2015/09/crossed-plus-one-hundred-alan-moore.html

http://samquixote.blogspot.fr/2015/04/alan-moores-courtyard-review-antony.html

http://artbyarion.blogspot.fr/2015/09/crossed-plus-one-hundred-alan-moore.html

http://artemusdada.blogspot.fr/2015/10/crossed-100-alan-moore-gabriel-andrade.html



Finalement, il a quand même renoncé aux droits d'exploitation de sa meilleure BD.
De toutes, d'ailleurs.
La classe américaine, bien qu'il soit anglais.
C'est pas Morice G. Dantec qui aurait fait ça.

jeudi 24 décembre 2015

Adieu Baronne (2)

















Une femme avec qui j'ai échangé des propos un peu acerbes me renvoie par la poste toute ma collection de Prométhéa en V.O. au lieu de me les remettre en mains propres.

Tu feras une rédaction en moins de 20.000 signes sur l'incommunicabilité entre les êtres.



21 mars 2015
Bonjour N*
le ouikende dernier, j’ai fait le truc que je fais jamais : farfouiller dans les vieux cartons de photos.
Je trouve ça intéressant.
a+

22 mars
Salut Mr. K !
C'est une photo retrouvée de plus, ou c'est la même que tu m'avais déjà envoyée? 
En tout cas, on avait des fringues et coiffures bien datées...
J'espère que tu vas bien, pas trop dans l'épuisement?
Je pars à P* pour rdv divers, actes notariés etc.
Te recontacte au retour;
Bizz&à+

5 mai 2015
Salut
c’est la même, mais mieux scannée.
Hé oui oui, nos parents nous habillaient avec goût.
Tu dis que nos fringues sont datées, mais à l’époque c’était le présent, et on avait la classe américaine !
Je dors toujours assez peu, mais c’est mieux que si c’était pire.
J’ai un peu perdu espoir de parvenir à se revoir dans un avenir proche, mais on peut toujours remettre ça à plus tard.
Je suis un peu charette au bureau, ça va pas s’arranger avant les vacances, et le soir je rentre chez moi quand y’a encore des bus.
reste donc le mail, le clavardage des cyberfeignants/feignasses.
J’ai passé 8 jours à P*, j’ai eu très beau temps.
Carte postale en Annexe.
J’y ai lu la moitié de ça
que j’avais volé dans mon ipad.
Je sais, c’est mal et j’irai en enfer me faire mettre par Belzebuth, ce qui me dispense papale cette année encore d’aller au Hellfest.
Le bouquin m’a fait penser à ta mère, que je ne connaissais pas.
Ca change de la SF.
J’ai appris de la bouche de mon oncle de P* que le docteur Meston était mort fou et alcoolique à Bégard.
Faut pas mollir.
Amitiés décalées
Bon courage pour la succession, a+
K.
ps : la côte de granit rose, c'est l'Utah d'cailloux avec un peu de flotte autour, comme dans les vieux films à Warsen.
Ici, avec la scripte, qui n'écrit pas, plantés dans le décor.




6 mai
Salut Mr K.
- Pas grave, on se verra quand on pourra. Je suis encore en train de remonter la pente, énergétiquement parlant.
Je connais un peu Jeanette Winterson, et j'apprécie littérairement parlant, même si je ne lis pas souvent ce genre de bouquins en ce moment en lecture personnelle: je le fais pour de la médiation professionnelle uniquement. Après? Comme tu dis bien, tu ne connaissais pas ma mère: il y a des similitudes avec Ms Winterson, que je ne vais pas développer pour le moment, et sans doute jamais par mail, mais de grandes différences aussi bien sûr, comme j'ai pu le constater et l'apprécier en voyant ma mère évoluer de manière plus douce en vieillissant. Il y avait en elle dans ces dernières années la beauté d'un rosier grimpant obstiné et plein d'épines: aïeuh!!! mais quand même, çà vaut le coup d'approcher.
La "scripte" de la photo, c'est ta chère et tendre? Je ne savais pas pourquoi, je me l'étais imaginée brune. Belle photo pleine de vie, en tout cas.
Dur, ce que tu m'apprends du dr Meston: je l'ignorais. Il a du vivre une terrible solitude à pas mal de moments. c'est un exercice quotidien, je dirais, que de persévérer à apprécier en conscience la beauté du monde. J'arrête, je ne sais pas bien exprimer ce genre de ressenti à l'écrit, sans faire dans le lourdingue.
Je ne repasse sans doute pas à P* avant cet été. Et si je peux, interceltique de Lorient et autres folies musicales du genre, pour respirer et réveiller l'énergie.
Des bises et à bientôt,
N*

Pour l’énergie, tu fais qq chose de spécifique ?
Y’a des yogas pas mal. Le Qi cong et ses avatars.
(dit celui qui ne fait rien de son corps à part déverser des clopes et du café dedans)
Je fais du MBSR.
Je m’y suis inscrit dans le cadre de la prévention de la rechute dépressive, mais le temps que j’aie une place, j’étais en pleine rechute maniaque.
Tanpitanmieux.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la pratique va à l’encontre d’habitudes bien ancrées.
Tu utilises Winterson pour de la médiation professionnelle ? entre des kids et leurs parents ? 
ça me scotche.
Ma chérie était brune. 
Tu le sais comme je sais des choses sur ta mère sans la connaitre.
Je ne m’étonne plus de rien.
C’est pas pour contredire, mais sur la photo on a l’air un peu morts.
Mais bon, c’est qu’une photo, de l’illusion en boite, quoi.
C’est pas par l’auto-idôlatrie que je vais apprécier en conscience la beauté du monde.
Remarque, sur une photo de moi et ma meuf, le risque est faible. 
Je me comprends, et ne développerai pas non plus par mail.
Ca t’apprendra à esquiver mes rébus fades.
;-)))
a+
K.

4 septembre

Salut
c’est la rentrée.
As-tu remonté la pente énergétique ?
Je te le souhaite vivement.
C’est pénible, d’être down.
Moi, je l’ai plutôt descendue, mais il faut se rappeler que ces mouvements vont et viennent.
Surtout quand on est down ;-)
Peut-être nous verrons-nous cette année ?

Amitiés
K

23 octobre

K,

Cela fait déjà quelques mois que je voulais t'écrire, sans savoir comment mesurer mes mots. Les mails ne sont pas ma formule préférée d'expression, sauf quand je n'ai pas le choix, et je les préfère informatifs. Du coup, ici, où je rentre dans l'émotionnel, mes mots ne seront pas mâchés, bien que j'y aie pensé longtemps.
D'abord, nous situer dans les cercles d'intimité: nous ne sommes pas amis d'enfance, la vie ne l'a pas fait ainsi, et nous ne sommes pas actuellement amis proches - aucun de nous deux ne le souhaite, me semble-t-il.
A partir de cela, sache que je respecte ton droit aux prises d'opinion, c'est bien le minimum dans un échange. Mais nos humours et nos manières d'échanger ne correspondent peut-être pas et certaines prises de position me blessent - et nous ne sommes pas sur un forum, où il faut éventuellement assumer.
De nos échanges, voici ce que je n'ai pas pu accepter, et je t'invite à relire le fil de mails pour te le remémorer (quant au SMS, je ne sais pas les transférer sur messagerie):
- Tu m'as exprimé un point de vue sur ma mère, je ne conteste pas que tu puisses l'avoir, mais j'ai tenté de te prévenir que c'était un territoire privé, à moi de le gérer comme je veux, et tu as ré-insisté. Même des amis de ma tribu savent ou vérifient quand je ne souhaite pas dépasser certaines limites.
- Je n'ai pas envie de devoir te justifier de ce que je fais pour soigner mon énergie, ou pas : quand j'écris quelques mots, je m'en arrête sciemment à ces quelques mots.
- Je ne souhaite pas devoir discuter par mail de ce que j'appelle "la beauté du monde", pour justifier encore une fois si je suis mystique ou non : cela ne te regarde pas, et je suis fatiguée des provocations.
(..)
- Enfin, tu me demandes si je "t'emmènerais aux Utopiales". Sache que les infos que je t'ai données sont
parfaitement exactes, mais, c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous ne sommes pas compagnons, me semble-t-il? Si j'avais eu un ticket bonus, j'aurais commencé par mon cercle d'amis proches, puis de collègues motivés, puis de passionnés fous de SFFF.
Je te laisse réfléchir, on se reparlera dans de meilleures circonstances je l'espère, mais pas tout de suite.
Je te renverrai tes comics par la poste à l'adresse de ton choix.
Yours sincerely,

N*

24 octobre

Bonsoir N*

Pas de problème.
Je suis comme je suis.
Tu es comme tu es.
Désolé si j’ai pu te blesser par mes formules à l’emporte-pièce.
Telle n’était pas mon intention.
Perseverare diabologum.
Et je laisserai dorénavant ta mère en dehors de tout ça, j’ai assez de mal à faire sans la mienne depuis son décès.
J’ai failli me flinguer le mois dernier, je te passe les détails, c’est passé, on s’en branle.
Ca te perturbe tant que ça qu’il n’y ait pas d’enjeu dans notre relation ? 
ou notre non-relation, si tu préfères ?
Pour les Alan Moore, ça peut attendre notre prochaine rencontre.
Plutôt Moore debout que vivre à genoux.
Pour les Utopiales, je pense que tu te fais des noeuds dans le cerveau toute seule.
J’adore la SF, et j’ai rarement le temps de mettre les pieds aux Utops. 
C’est aussi le risque de claquer 200 € de livres qui traineront ensuite au pied de mon lit pendant des années.
Merci de me l’épargner !

a+
K.

24 october

C’est vrai qu’on n’a pas gardé les vaches ensemble.
So what ?
Après, je comprends que mon humour de beauf (on est tous le beauf de quelqu’un, sauf toi qui t’élèves au dessus des partis) te paraisse un peu naze, ou que ça ne soit pas ta tasse de thé.
Des connivences culturelles ne font pas une amitié, et c’est vrai qu’on n’était pas potes au CM1.
Si je te défrise, ne te force pas à fréquenter l’infréquentable.
(..) D’où cet après-coup douloureux (bien qu’il ne se soit rien passé) et le retour pour moi à une culpabilité de dimensions cosmiques (vive la SF) d’où je ne voyais plus comment me dépatouiller à part en me pendant à un arbre dans le petit bois derrière chez moi.
Ce qui m’a retenu le temps que les médicaments fassent effet, trois semaines plutôt pénibles, c’est de me dire qu’il fallait que j’attende mon chèque de fin de mois et mes arriérés Assedic pour mettre femme et enfants à l’abri du besoin.
Pourquoi je te raconte ça ?
Pour te prouver, s’il en était besoin, qu’on a chacun(e) nos béances, nos fêlures et nos disgrâces.
Je confonds peut-être intimité et impudeur.
Je pense te l’avoir déjà écrit, l'intimité, c'est quand on est bien dans une relation avec quelqu'un et qu'on se dit des choses qui ne regardent pas les autres. L'impudeur c'est quand quelqu'un reçoit quelque chose qui ne lui était pas destiné. 
J’ai appris à vivre ma vie au gré de mes fluctuations d’humeur, essayant de me rappeler un jour à la fois que ces états sont transitoires, aussi douloureux qu’ils soient, aussi futiles qu’ils paraissent.
A te lire, je comprends que je te déstabilise.
Tu te demandes peut-être ce que je te veux.
Rien.
Le plaisir est dans l’échange et le partage.
Si y’a pas de plaisir de ton côté, va pas te mettre Charles Martel en tête.

Biz
K

A part ça, j’ai rouvert ma tombe
ce qui prouve bien que les antidépresseurs, c’est de la merde.
a+

Pour t’éviter le douloureux pensum de te taper Promethea si tu as reculé devant l'édifice, je l’ai fait lire à une copine versée dans ces choses.

http://science-mystique.fr/wordpress/?p=1021

On a pas mal échangé sur le sujet, je ferai une synthèse un de ces jours  sur un de mes blurgs.
J’espère que c’était bien les Z’Utops.

4 novembre

- J'entends bien ce que tu dis, enfin je crois, même si je ne peux pas tout comprendre: je ne vais pas me permettre là maintenant de te poser plus de questions sur ce que tu vis, étant donné que je déclare moi-même ne pas vouloir développer certains éléments au-delà de ce que j'ai déjà exprimé.

Tu penses que çà me "perturbe qu'il n'y ait pas d'enjeu" dans nos échanges (celui-là me semble le mot juste, plus que "relation")? Là encore, selon moi, tu "fais ton psy". Sache que je ne nous voyais pas dans une histoire d'amour : aucun de nous deux ne regarde l'autre comme çà, et c'est tant mieux. Je l'ai vérifié une fois en te posant la question quand nous nous baladions ensemble: ta réponse m'a laissée pantoise, parce que même encore maintenant, j'ai la faiblesse d'apprécier que l'on me trouve désirable; mais soulagée (genre ouf! de ce côté-là, çà ne sera pas compliqué). Il y aurait pu y avoir une sorte de construction d'amitié, ce qui pour moi, n'est pas un enjeu: les pièces du puzzle se mettent presque d'elle même en place (ou pas), voilà tout. Là, on est dans le "ou pas", c'est comme çà.
Je ne pense pas que tu sois un grand méchant affreux ou "infréquentable": mais je n'ai pas envie d'être amenée à me sentir devoir résister, me ré-évaluer, face à des expressions de ce qui est peut-être de l'humour ou peut-être un reflet de tes questionnements personnels. Si c'est cela que tu appelles "déstabiliser", en effet je m'en protège, je protège les espaces en moi où j'ai pu établir du calme, vaille que vaille, et "work in progress". Donc, là encore, ne mélangeons pas les niveaux de proximité (ou d'intimité) dans les échanges: je laisse seulement quelques amis proches, je l'ai dit, accéder à mes territoires les plus intimes, et vice-versa, car il y a quelque chose de fortement tissé entre nous.

J'ai répondu en bloc à tes deux mails, et surtout à celui-ci, pour 2 raisons:
-parce que toi-même tu as répondu à ma beuglante: d'autres ne l'auraient pas fait. C'est une forme de courage, ou une manière de s'affirmer en face de quelqu'un, que je respecte.
-parce que ce mail-ci, ou tu parles de toi de manière assez intime, je le reçois comme ayant une intention informative, sans demande de quoi que ce soit. A ce titre, je peux donc l'accueillir, comme venant de quelqu'un qui fait état de là où il en est, à cet instant, dans sa quête de lui-même. 

Il n'empêche que, en laissant du temps, pour toi comme pour moi, je ne ferme pas la porte à se revoir dans le partage: au gré de chacun. 

J'arrête là l'écriture: bond'là, je trouve çà 1000 fois plus pénible qu'une bonne discute.
Prends soin de toi.

N*

8 november

Christophe,
Je te remercie pour tes récents messages, où tu communiques selon moi "en partage", sur des sujets qui peuvent nous intéresser l'un comme l'autre.
Je t'informe cependant que je ne souhaite pas pour le moment continuer à échanger. Je prends une pause, une très longue pause. Je n'ai pas envie non plus de t'expliquer pourquoi. Je veux juste te tenir informé du fait que, dans ma vie, il y a actuellement très peu de place pour les personnes qui tentent d'obliger l'autre à se "retourner sur son ombre".
Je te renverrai tes comics dès que possible.

Yours sincerely,
N*


Fichtre ! Dieu m'est témoin que je n'ai pas voulu ça. Et pourquoi tu ne me ramènerais pas mes comics au bureau ?
K.

Envoyé de mon iPad

11 november

Armistice unilatéral du 11 Novembre qui ne passera pas l’hiver :




Ah ça, pour ne pas boire du thé ensemble, on est là !
;-)
K.

Epilogue :


15 décembre

Elle m’a renvoyé mes Promethea en v.o. par la poste.
Je n’ai pas l’impression d’avoir fait mon Blasphémator, mais apparemment, si.



Et puis j’ai reçu cette appréciation de l’Office Cathodique, à propos d'autre chose :

20 décembre

Je me demande si tu te rends compte d'à quel point tu es "bien-pensant". Enfin c'est pas un problème, mais je me demande si tu le sais. A croire que la couche Blasphemator est juste là pour cacher la couche de bien-pensance qui a du mal à s'assumer (ce qui est logique puisqu'elle désavoue la dépendance etc). Bref bref...

Bonjour à toi

Ah là là
même pas le temps de boire un café avant d’affronter le bulletin de la météo narine à 2n chromosomes...
… pas franchement bonne, d’ailleurs, mais on fera avec…
météo qui se situe toutefois dans la gamme de coloris perceptibles à mon entendement d’aujourd’hui,
ce dont je te sais graisse de cabestan,
météo aux vents défavorables, donc, jadis prédite par l’ami breton de Blasphémator® dont je t’entretins il y a quelques semaines,
quand il s’amusait à ridiculiser le bon sens populaire 
(qui nous donne accès aux évidences vraies et fausses)
et le délit agricole près de chez vous
 à coups de faux proverbes armoricains :

« Tempête en novembre, t’en chies en décembre »
« La pipe qui s’éteint, la marée le lendemain » 
« Mémé qui pétarade, coup de tabac sur la rade » 

[là on est clairement dans un prolongement bienvenu quoiqu’inédit de cette dernière assertion] 

C’est dans ces moments-là que je me rends compte combien tu m’es précieux, comme dirait Sméagollum :

Non semper : 
- en m’aidant à reformuler des choses que je sais déjà mais que je ne parviens pas forcément à ramasser en si peu de mots, 
- j’apprécie ce format minimal compact que je peux punaiser dans ma to do list ou me faire monter en sautoir
- ce qui confirme ma nature profonde d’épicier de la pensée (un chou est un chou, un sou est un sou),
toujours un peu inquiet / jaloux de croître à l’ombre d’un Géant de la Grande Distribution comme toi (gros, demi-gros, détail, collectivités, administrations & grands corps d’Etat)

C'est l'heure où les épiciers se prennent pour Garcia Lorca
C'est l'heure où les Anglaises se prennent pour la Carmencita

(Jacques Braille,

Sed etiam :
- en stimulant mes ressources sans les estourbir d’abord au gourdiin chirurgical.
Dès lors, que te répondre d’autre que « any suggestions » ?

(..)
Donc, pour répondre à ta question, oui, je connais mon côté bien pensant.
Ce n’est pas pour autant que je m’en ouvre au tout venant, surtout si c’est pour essuyer les sarcasmes d’un troll de classe 2 sur mon blog hyper-secret.
On a sa fierté.


22 décembre

Je la croise dans une librairie spécialisée dans la SF, en faisant mes courses de Noël.
Je m'approche doucement, pour ne pas la brusquer, et lui dis " je te promets que je n'ai pas fait exprès."
Je pense qu'elle a du mal à me croire.
So what ?
Bon Noël, ma vieille.

mercredi 23 décembre 2015

Aux origines du gRRR (1)

extraits de mails

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 Mais tu sais, l’homme que je suis ne vit pas que de gaudriole sur internet, il lui faut aussi du pain dans son verre, des spaghettis fumants sur la table, et aussi incarner son amour carabiné à N dimensions de l’espèce humaine auprès d’êtres de chair, donc je ne pense pas tenir longtemps le rythme de cette correspondance enfiévrée et désincarnée. Je trouve l’IRL (acronyme de In Real Life) bien plus enrichissant, ne vous en déplaise à toutes les 2. Même avec mes connasses dépressives alcooliques. (sauf ma mère morte, ma femme et ma fille, bien entendu)


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C'est le point clé de notre incompréhension finalement. 
En fait tu confonds le virtuel avec l'imaginaire (ou l'imaginal, disons).
En effet, le virtuel (jeux videos, mais même les films, en somme un pseudo-réel sur écran ou même en 3D qui se donne à voir et à entendre, et bientôt à sentir) constitue un appauvrissement dramatique de l'IRL.
Mais imagine maintenant une réalité dont l'IRL constitue un appauvrissement dramatique ?

Nous avons donc :
2D : monde virtuel
3D : IRL
4D : monde imaginal
5D : monde intelligible

Tu ne peux évidemment imaginer ni 4D ni 5D, mais tu peux intellectuellement les concevoir, en reportant la différence entre 3D et 2D. Sauf qu'il va te manquer l'aspect qualitatif et surtout l'aspect jouissif.
Quand tu t'étonnes que je ne voie pas les gens IRL, c'est comme si je m'étonnais que tu préfères tes réunions AA à des jeux vidéos. Voire à du tetris. Comparé au monde intelligible, une réunion avec des gens, genre AA ou repas entre potes, c'est du tetris. Si pendant la réunion je peux mettre mon mp3 et fermer les yeux, déjà ça va mieux, mais dans ce cas, autant ne pas y aller non ? Pour le moment je ne suis pas capable de superposer le monde intelligible et les réunions. Quand je vais me promener avec L-, je lui demande de parler le moins possible (ce qui n'est vraiment pas facile), et maintenant je mets mon mp3 à demi, sinon ma promenade est foutue.
Je sais que ce que je dis est totalement incompréhensible, et d'ailleurs c'est incompréhensible à tout le monde, parce que personne ne connaît ça, sauf quelques très rares personnes. Il en a d'ailleurs résulté une attaque générale contre moi dans le stage "s* et y*" où j'étais allée il y a 2 ans. Les gens n'avaient aucun intérêt pour moi et ils l'ont bien senti. On m'a dit que j'étais asociale, que je n'avais pas d'amis, etc, je leur ai répondu que j'avais des relations infiniment plus enrichissantes que ce qu'ils considéraient comme de l'amitié, et ils étaient totalement furieux. Mais c'était la stricte réalité. Relis Thérèse d'Avila et sa relation à Jésus. Celle que j'ai avec mes êtres intérieurs n'en est pas à ce point, mais c'est à mi-chemin à peu près. 
Ensuite, il se trouve qu'il est possible de projeter ce type de relation à travers l'écrit (avec le visuel et la parlotte c'est bien plus difficile, disons que c'est un autre niveau de pratique), et il se trouve aussi qu'il y a des personnes sur qui cela a un effet bien réel. C'est pour cette raison qu'il y a des ermites qui refusaient de voir les gens, tout en écrivant beaucoup. Si tu pouvais projeter une telle chose sur ta femme (pour ne donner qu'un exemple), même de façon intermittente, votre vie en serait complètement changée. Ce n'est pas ignorer les gens, c'est les considérer au niveau de leur âme, et non pas au niveau de leur être matériel. S'ils y sont sensibles, ça fait de l'effet. Sinon, non.
Depuis le temps qu'on se connaît, tu devrais me connaître... je crois avoir répété des dizaines de fois que j'ai eu un grand nombre d'amis intimes, au moins une vingtaine, un type d'amitié que la plupart des gens ne connaissent pas une seule fois dans leur vie (des gens à qui tu téléphones presque tous les jours ou que tu vois presque tous les jours pendant une période quand même assez longue, parfois c'était 4h au téléphone). Quand je dis que ce n'est rien comparé à ce que j'ai maintenant, je sais de quoi je parle. Je peux également dire que si les amitiés d'enfance laissent de meilleurs souvenirs, c'est parce qu'il s'y mêle une part de projection imaginale, une faculté qui se perd à l'âge adulte. 

F


De: <k*fr>
Objet: Sainte Thérèse du Charabia
Date: 18 décembre 2015 12:21:09 UTC+1
À: P* <j*fr>

J’ai attendu d’avoir dessaoulé. Mais arrête ton char, Abbia.
 
Comparé au monde intelligible, une réunion avec des gens, genre AA ou repas entre potes, c'est du tetris. Si pendant la réunion je peux mettre mon mp3 et fermer les yeux, déjà ça va mieux, mais dans ce cas, autant ne pas y aller non ?
 
C’est bien vrai. Tiens, la dernière réunion d’équipe, j’ai bien été obligé d’entendre le ramassis d’âneries débité par mes camarades fonctionnaires. Même, a la longue, comme je pouvais pas mettre mon MP3 sur les oreilles pour m’évader dans la 5D - voir la 6D ou la 7D car pourquoi ne pas viser plus haut ? (mais parce que ça  ressemble a la gamme des numériques Canon, n’est-ce pas ?) -  j’ai fini par participer. Tu te rends compte, la pureté de mon esprit supérieur a du condescendre a négocier avec la pensée vulgaire pour me faire comprendre de ces êtres qui n’ont pas accès a ces dimensions ultimes de la réalité, les pauvres. Ben vois tu, chère Abbia, ça m’a même donné quelques idées auxquelles inexplicablement, je n’avais pas pensé tout seul.
 
Je sais que ce que je dis est totalement incompréhensible, et d'ailleurs c'est incompréhensible à tout le monde, parce que personne ne connait ça, sauf quelques très rares personnes. Il en a d'ailleurs résulté une attaque générale contre moi 
 
Bien sur. Les êtres supérieurs sont toujours incompris et font l’objet d’attaques vicieuses uniquement motivées par la bêtise, l’avilissement et la jalousie du vulgus. Mais toi et moi, chère Abbia, nous savons ce que nous valons, même si nous sommes biens les seuls.
 
Relis Thérèse d'Avila et sa relation à Jésus
 
Le très belle sculpture du Bernin nous raconte de quoi il s’agit.
 
La photo de Brassai précise, des fois qu’on aurait pas compris : pour calmer le mysticisme, chère Abbia, il suffit souvent de se tripoter le clito.
 
Ce n'est pas ignorer les gens, c'est les considérer au niveau de leur âme, et non pas au niveau de leur être matériel
 
Oui, leur être matériel, ça s’appelle leur corps. Et ça c’est dégoutant un corps. Faut le nourrir. A force il grossit, il fait caca, il sue et il pue, il éjacule. Et tout ça l’use. Il vieillit, le corps. Et surtout, - crois moi, c’est un scandale dont l’horreur ne fait que grandir au fur et a mesure qu’approche l’échéance -, le corps ma chère Abbia, il finit par mourir. Heureusement que nous les purs, considérons les gens au niveau de leur âme. ça aidera la notre a survire à nos misérables corps de la réalité réelle et ratée (RRR).
 
C* à jeun.

Et c'est comme ça qu'est né le gRRR (groupe de Réalité Réelle Ratée, dont le succès ne se dément pas.

mardi 22 décembre 2015

Adieu Baronne


La Baronne est un autre genre de Troll, moins sournois, travaillant dans la même crèmerie que le précédent. Elle doit son surnom au fait qu'elle habita jadis un immodeste castel de banlieue aujourd'hui absorbé par une zone d'hyper-commerces péri-urbains, et à son attitude hautaine franchement illégitime, même si elle est un des plus hauts salaires de la station.
La Baronne ne fut pas toujours cette caricature de bourgeoise névrosée ravagée par la souffrance égotiste ressemblant trait pour trait aux pires cauchemars de Claire Brétécher.
A une époque, on pouvait même discuter plaisamment avec elle.
Sans être une grande professionelle du journalisme d'investigation, elle faisait son boulot correctement, contrairement à d'autres journalistes de la station qui semblent souffrir de lésions cérébrales permanentes et avoir gagné leur carte de presse dans un concours de circonstances.
Mais ça, c'était avant.
Avant que sa vie se révèle à ses yeux sous la forme d'un mensonge péniblement auto-infligé puis amèrement délité à la faveur d'un divorce malheureux, suite au cocktail habituel de la part du mari, adultère, omissions et trahison, antidépresseurs, résidence secondaire en Bretagne Sud.


Déclassement, déménagement à la cloche de bois, solitude, cataplasmes au Bouddhisme, coach personnel, congés maladie longue durée, expositions photos de travaux personnels au retour du Ladakh, rien n'y fait vraiment.

Quand la Baronne t'entreprend, parce que tu as toujours eu une oreille compatissante à ses errements qui te semblaient souvent t'apprendre quelque chose sur les tiens, c'est invariablement pour te parler de sa pomme, de ses humeurs dépressives, de son enfoiré d'ex-mari qui l'a condamné à une traversée des apparences en forme de chemin de croix, et ça te laisse un goût amer parce que tu ne penses pas qu'elle verra la lumière dans cette Vie-là, elle est trop scotchée à son mal de vitre devenu sa raison d'hêtre, et que tu ne peux rien lui dire qu'elle n'interprète de travers.
Et d'abord, comment lui faire admettre que si le malheur personnel l'a rendue folle, elle en est en grande partie responsable ?

J'ai oublié de raconter l'anecdote qui avait motivé la rédaction de l'article, qui s'en passe très bien.
Un jour où l'on travaillait ensemble, au lieu de bâcler le travail, la Baronne prend une vraie décision éditoriale, courageuse, qui va nécessiter un peu plus de de temps qu'elle n'en passe d'habitude en régie, elle qui voudrait souvent avoir fini avant d'avoir commencé.
Je suis agréablement surpris.
Je m'en ouvre à elle :
"Hé ben tu vois, E*, pour une fois, au lieu de te masturber sur Facebook quand on travaille ensemble, tu fais ton boulot de journaliste, c'est bien."
Elle est évidemment outrée, parce que ma remarque désobligeante vise surtout à me venger de son égoïsme et de sa souffrance devant laquelle je reste impuissant, et mon blasphème ne sert à rien.




Avis de l'Office Catholique :

C'est apparemment chez toi un acte répétitif, qui doit te valoir bien des malentendus avec ton entourage : quand tu crois détecter une faute, tu tires d'abord, et tu demandes des explications ensuite. L'inverse, peut-être, éviterait à quelques malheureuses personnes l'horrible sentiment d'avoir fait une gaffe dont elles n'ont pas conscience. 
(...)

Et même lorsqu'il y a offense, il faut savoir que les gens sont rarement conscients de faire des offenses. Comme qui dirait, c'est "inconscient", et la part de l'inconscient dans le comportement humain est énorme. J'ai une expression pour ça : "ils sont de mauvaise foi de bonne foi". Et cela, tu n'y peux absolument rien. Si leur économie psychique nécessite qu'ils ne soient pas conscients de l'offense, ils auront des hallucinations plutôt que de voir le mal qu'ils font. Le mal n'est jamais conscient. As-tu lu Le chemin le moins fréquenté ? L'auteur, un psy, nous donne des exemples d'actes absolument diaboliques... dont leurs auteurs n'ont pas conscience.