mardi 22 décembre 2015

Adieu Baronne


La Baronne est un autre genre de Troll, moins sournois, travaillant dans la même crèmerie que le précédent. Elle doit son surnom au fait qu'elle habita jadis un immodeste castel de banlieue aujourd'hui absorbé par une zone d'hyper-commerces péri-urbains, et à son attitude hautaine franchement illégitime, même si elle est un des plus hauts salaires de la station.
La Baronne ne fut pas toujours cette caricature de bourgeoise névrosée ravagée par la souffrance égotiste ressemblant trait pour trait aux pires cauchemars de Claire Brétécher.
A une époque, on pouvait même discuter plaisamment avec elle.
Sans être une grande professionelle du journalisme d'investigation, elle faisait son boulot correctement, contrairement à d'autres journalistes de la station qui semblent souffrir de lésions cérébrales permanentes et avoir gagné leur carte de presse dans un concours de circonstances.
Mais ça, c'était avant.
Avant que sa vie se révèle à ses yeux sous la forme d'un mensonge péniblement auto-infligé puis amèrement délité à la faveur d'un divorce malheureux, suite au cocktail habituel de la part du mari, adultère, omissions et trahison, antidépresseurs, résidence secondaire en Bretagne Sud.


Déclassement, déménagement à la cloche de bois, solitude, cataplasmes au Bouddhisme, coach personnel, congés maladie longue durée, expositions photos de travaux personnels au retour du Ladakh, rien n'y fait vraiment.

Quand la Baronne t'entreprend, parce que tu as toujours eu une oreille compatissante à ses errements qui te semblaient souvent t'apprendre quelque chose sur les tiens, c'est invariablement pour te parler de sa pomme, de ses humeurs dépressives, de son enfoiré d'ex-mari qui l'a condamné à une traversée des apparences en forme de chemin de croix, et ça te laisse un goût amer parce que tu ne penses pas qu'elle verra la lumière dans cette Vie-là, elle est trop scotchée à son mal de vitre devenu sa raison d'hêtre, et que tu ne peux rien lui dire qu'elle n'interprète de travers.
Et d'abord, comment lui faire admettre que si le malheur personnel l'a rendue folle, elle en est en grande partie responsable ?

J'ai oublié de raconter l'anecdote qui avait motivé la rédaction de l'article, qui s'en passe très bien.
Un jour où l'on travaillait ensemble, au lieu de bâcler le travail, la Baronne prend une vraie décision éditoriale, courageuse, qui va nécessiter un peu plus de de temps qu'elle n'en passe d'habitude en régie, elle qui voudrait souvent avoir fini avant d'avoir commencé.
Je suis agréablement surpris.
Je m'en ouvre à elle :
"Hé ben tu vois, E*, pour une fois, au lieu de te masturber sur Facebook quand on travaille ensemble, tu fais ton boulot de journaliste, c'est bien."
Elle est évidemment outrée, parce que ma remarque désobligeante vise surtout à me venger de son égoïsme et de sa souffrance devant laquelle je reste impuissant, et mon blasphème ne sert à rien.




Avis de l'Office Catholique :

C'est apparemment chez toi un acte répétitif, qui doit te valoir bien des malentendus avec ton entourage : quand tu crois détecter une faute, tu tires d'abord, et tu demandes des explications ensuite. L'inverse, peut-être, éviterait à quelques malheureuses personnes l'horrible sentiment d'avoir fait une gaffe dont elles n'ont pas conscience. 
(...)

Et même lorsqu'il y a offense, il faut savoir que les gens sont rarement conscients de faire des offenses. Comme qui dirait, c'est "inconscient", et la part de l'inconscient dans le comportement humain est énorme. J'ai une expression pour ça : "ils sont de mauvaise foi de bonne foi". Et cela, tu n'y peux absolument rien. Si leur économie psychique nécessite qu'ils ne soient pas conscients de l'offense, ils auront des hallucinations plutôt que de voir le mal qu'ils font. Le mal n'est jamais conscient. As-tu lu Le chemin le moins fréquenté ? L'auteur, un psy, nous donne des exemples d'actes absolument diaboliques... dont leurs auteurs n'ont pas conscience.


2 commentaires:

  1. Il est clair que pour entrer en résonance avec quelqu'un fut-elle baronne, il faut faire preuve d'un minimum de délicatesse. Si tu as besoin d'un coach, fais moi signe, mes tarifs sont très compétitifs même si, contrairement à d'autres, je ne te ferais aucune promesse d'immortalité ni de résurrection (la capacité des gens à se laisser berner me sidère)

    RépondreSupprimer
  2. Certaines années, je suis entré en résonance avec la Baronne, de bien trop près pour la santé de mes chakras.
    D'autres années où je n'avais pas envie de la voir, j'ai utilisé Steve Roach comme répulsif sonore, avec pas mal de succès.
    Cette pauvre femme décourage sur le long terme toute tentative compulsionnelle qui ne se payerait pas de mots (putain le lapsus est joli, je le garde, vive le correcteur grammaire nazi !)

    RépondreSupprimer