Je suis inséré dans la toute petite file d’attente (pour un dimanche matin) du tabac-presse, pour racheter des sucettes à cancer.
Les gens doivent être à la messe, ou au marché.
A mes côtés, un pauvre type, un faux air de Jack Palance avec qui la vie n’aurait pas été tendre, la cinquantaine incertaine, je sens son haleine alcoolisée à deux mètres, et le temps que j’atteigne le comptoir, il alerte de vagues connaissances, présentes dans l'établissement, sur un fait navrant qui vient selon lui de se produire à deux pas, sur la place du bourg.
« Y’a un vieux qui s’est fait tirer son pognon au distributeur Carte Bleue. Par un jeune arabe.
- Non ? pas possible ?
- Si, si, c’est René qui l’a vu !
(je parie que René, il n’est pas rené en Alcooliques Anonymes. Pas encore.)
C’est pas la première fois. Ces gens-là, faut vraiment s’en débarrasser.
Le meilleur des arabes, y vaut pas le pire des français. »
(je parie que René, il n’est pas rené en Alcooliques Anonymes. Pas encore.)
C’est pas la première fois. Ces gens-là, faut vraiment s’en débarrasser.
Le meilleur des arabes, y vaut pas le pire des français. »
Des petits vieux s’approchent timidement en mode Zombie Walk, et commencent à dessiner un vague cercle autour de lui, irrésistiblement attirés par le rayonnement maléfique de son message fort au gouvernement.
Je me suis arrêté au milieu de mon lancer de billet de 10 euros, et on échange un regard interdit avec le jeune buraliste sympa qui se met d’habitude à sourire dès que je passe la porte, parce qu’il sait que je vais lui faire une blague rigolote qui égaiera sa morne existence de vendeur de drogue de mort.
Il me murmure « faudrait pas qu’il continue longtemps dans ma boutique, çui-là… »
Je suis rassuré, au fond j’ignorais comment il allait réagir.
Je lui réplique à mi-voix, sur le même ton de conspirateur parce que Jack Balance est à un mètre cinquante : « Oui, moi c’est pareil, si je te pète un scandale ici, ça va faire désordre… »
Ayant constaté notre impuissance mutuelle à stopper l'évènement déplaisant en cours, nous concluons donc notre transaction.
Je sors du tabac.
J’en allume une.
J’en reviens pas.
On est le fameux dimanche d’élections régionales 2015, deuxième tour, et les racistes sortent du bois après la pluie comme les champignons après la douche électorale du premier tour.
Pour eux, c’est open bar.
Tout ce que cette petite ville de province compte de sexagénaires et plus si longévité, traumatisés par la tuerie du 13 novembre - un mois, déjà - est soudain toute ouïe aux apôtres de la France du Pire, la France de la Haine.
On se croirait en 36.
Je tire sur ma clope.
Jo la Booze tarde à sortir du tabac.
Est-ce que j’aurais dû l’apostropher il y a deux minutes à peine ?
Jo la Booze tarde à sortir du tabac.
Est-ce que j’aurais dû l’apostropher il y a deux minutes à peine ?
genre « excusez-moi, mais ma femme est arabe » ?
Vanitas too late : l’idée ne m’est pas venue.
En plus, c’est le genre de connard à avoir un surin dans sa poche.
J’aurais eu l’air malin.
J’aurais eu l’air malin.
Sur le moment, j’ai juste eu envie de lui péter la gueule.
Pas très constructif, comme réaction épidermique.
Pas très constructif, comme réaction épidermique.
Je repense à ce que disait Daniel dans une autre incarnation, à propos de disciples bouddhistes occidentaux dépressifs :
«Le problème, c'est (…) d'arriver à gérer l'orgueil bien réel qui résulte du sentiment de sa propre nullité, car plus une personne se trouve nulle, plus en général elle aura développé de l'orgueil par-dessus pour arriver à survivre. »
Je me dis que le raciste, c’est ça son problème fondamental :
gérer l'orgueil qui résulte du sentiment de sa propre nullité.
gérer l'orgueil qui résulte du sentiment de sa propre nullité.
Pas de bol, il l’externalise sur plus faible, plus pauvre, moins bien loti que lui, qui ne l’est déjà guère à la grande loterie de la Vie.
Puis Jack La Haine sort du tabac, entouré d’un petit aréopage de vieux et de vieilles confits dans leur rancitude inquiète, et s’éloigne à pas mesurés.
J’en reviens toujours pas.
Je passe au marché acheter des huitres et des câpres, parce qu’on n'a qu’une vie, et je rentre.
A table, j’évoque l’incident.
Ma femme me regarde comme si j’étais le dernier des Gogols.
« Enfin, je te dis souvent que ça fait des années que ça a recommencé. Ce type est sans doute payé par le FN pour faire le tour des bars et attiser la haine. C’est sans doute lui qui a dépouillé le petit vieux dont il parlait. »
Putain ! Pendant que j'avais la tête ailleurs, ma femme a tourné conspirationniste !
Ca m’apprendra à me branler sur Internet.
Edit du 28/12/15 :
Mon ami raciste from john warsen on Vimeo.
Edit du 28/12/15 :
Mon ami raciste from john warsen on Vimeo.
Excellent ! Patrick
RépondreSupprimerPatrick ? de L'Oregon ?
RépondreSupprimerhttp://www.amazon.fr/pratique-loraison-Progresser-dans-lamour/dp/1519225814/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1447790373
Ti n’iris pas dî t’attaqui aux ricistes, Wirsin. Les ricistes sont nos amis. Ils propagent la hine et la tirreur parto parto.
RépondreSupprimerGrace à la foto di tabac, on sit où ti abites.
On va vinir ti signer come un pirc.
Ach ! Za nous étonnerait, pante te métèques !
RépondreSupprimerOn y zera afan fous ! Schweinhunds !
Nous devons apprendre à nous aimer comme des frères, sinon nous allons nous entre-tuer comme des imbéciles.
RépondreSupprimerYep.
RépondreSupprimerVisage pâle sésame de l'homme blanc à peau noire pas avoir langue fourchue.
We travel as equals, or not at all.
http://jesuisunetombe.blogspot.fr/2013/07/joseph-arthur-redemption-city-2011.html
Le problème, c’est que c’est pas moi qui ai commencé à m’entre-tuer.
C’est mon frère.
pâle sécame ! putain de courrecteur d'orthograve !
RépondreSupprimer"plus en général est aura développé de l'orgueil"
RépondreSupprimerJe ne comprends pas. Il manque un mot ou il y en a un de trop?
Que vient faire l'aura là dedans. La trépanation, n'a pas que des avantages. Laura Palmer en a fait les frais.
A mon avis, tu ne pouvais rien faire. Tu n'as rien fait et ce n'est pas plus mal.
En revanche, il faudrait que tu arrêtes de fumer. Pense au gaspillage planétaire que représente le tabac alors qu'on pourrait faire pousser des pommes de terre à la place.
Fumer pollue ton absence d'esprit. Que le tabac tue est un moindre mal.
Hey ! L'aura palmer ! merci pour la coquille !
RépondreSupprimerJe t'embrasse. Tel que je te connais, tu dois détester ça.
"... plus elle aura, palmer, développé de l'orgueil etc...
nos lecters sont hannibals !
;-))
"plus en général est aura développé de l'orgueil" : t'as fait semblant ou un seul mot foiré t'a fait rater le test de Turing ?
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