Comme j’hésitais sur la définition du terme, je me suis documenté.
C’est pas l’info théorique qui manque.
La question c’est comment sommes-nous passés de la dépendance envers des personnes réelles (mère, puis compagnes épisodiques ou longue distance) à celle envers des personnes imaginaires ? C’est une histoire d’obscurcissement progressif en zône floue. Pour nous, il faut d’abord manquer s’étouffer dans les voiles émotionnels pour chercher une issue.
Flo me l’a soufflé, il ne s’agit pas de renoncer à la passion mais de renoncer à saisir son objet, ce qui n’est d’ailleurs pas un renoncement puisqu’on a l’occasion de s’apercevoir que l’objet en question est toujours une projection de son propre esprit, et qu’en réalité, c’est Dieu qui s’aime lui-même, à travers sa propre création. Il s’agit donc de ne pas de confondre la mariée avec la robe dont elle est vêtue.Je ne fais pas non plus vertu d’assécher le marécage en instrumentalisant cette noble cause qui nous exalte(1).
Ca serait complètement con de ma part, ce qui n’est ni improbable ni souhaitable. Comme le dit un copain en bonne voie, "c’est pas pire", témoignant ainsi de l’enracinement du truc en nous.
L'ironie désabusée serait alors de rigueur, serait alors de rigueur, si elle n’était le tremplin possible d’une nouvelle débandade, et puis pour l’instant elle est tombée toute seule. Elle m’a permis de dédramatiser, elle m’empèche d’accéder au pardon, seul garant d’évolution.
Le sexolisme sera bientôt un "marronier" (terme qui désigne en argot journalistique un sujet récurrent que l’on peut traiter quand on est en panne d’actu) comme il l’est déjà aux States, où si l’on en croit les spécialistes, "La science moderne nous permet de comprendre que la nature d’une dépendance à la pornographie est chimiquement similaire à une
dépendance à l’héroïne." Moi qui me félicitais d’être passé à côté, j’ai l’air malin.
Je peine à élaborer un discours hors du cadre du sevrage, comme savait le faire notre bon Orroz. Je dis ça comme s’il était mort, mais il peut pas passer sa vie à secourir milliers de fantômes affamés qui s’échouent sur les sites consacrés au problème, qui va sans doute grandissant. Il s’agit de réfléchir à la meilleure manière de rendre un peu de ce que j’ai reçu. Et il va bien falloir s’y mettre : les stratégies déployées par l’industrie du cul en branche pour légitimer son propre discours - un totalitarisme "soft", comme dirait Baudrillard ou je ne sais plus lequel de nos penseurs dépressifs, laissent présager un bel avenir à ce fléau qui n’a guère à se soucier de trouver de nouvelles "victimes consentantes".
On va nous faire le coup du "light", c’est sûr. Et cataloguer tous les "anti" comme des puritains et des coincés du cul. La machine est lancée, et elle est bien huilée.
Nos rangs comptent peu de théoriciens sensibles à ceux qui préparent déjà le Cyber Sex de demain. On n’est pas obligés de laisser le crachoir à Christine Boutin et aux cathos de tout poil, même si certains sont prédisposés à être meurtris dans leur chair. L’abstinence, ce terme peu amène, nous désigne comme pervers repentis, ou renonçants, expression antinomique dont le premier terme est décrédibilisant.
Il faut élargir la perspective.
Il faudrait aussi qu’on soit un peu plus
nombreux à être "en voie de rétablissement" pour se mettre d’accord sur la couleur des drapeaux et des étendards que nous voulons arborer, qui dans cette attente ont tendance à rester jaune devant et marron derrière.
Fin de l’épisode tabac ce soir, j’ai le cerveau et les poumons de la même couleur.
(1) Entraînement de l'esprit Par Sherlock, dimanche 7 mai 2006 à 22:59
Cela pose finalement la question de savoir ce qu'est le vrai respect. Le vrai respect n'induit ni des mots, ni une mise en scène de sa propre image ou de celle de l'autre. Il n'y a pas de sensation d'être comme ceci ou comme cela. En fait, on ne sait pas, l'action est naturelle et il n'y a pas de pensée particulière à ce sujet. Autrement dit, il n'y a ni "respect", ni "non-respect". Il n'y a rien du tout. Car s'il y a quelque chose, il y a moi qui observe la chose, et s'il y a moi, il y a les autres. Pour qu'il n'y ait plus ni moi ni autres, il faut que la chose disparaisse, aussi louable soit-elle.
Chepa prenait l'autre jour l'exemple de la dévotion. "Si vous vous dites "que mon maître est grand et bon", c'est que vous n'avez rien compris aux enseignements du bouddha". Et pour cause. Le premier objet de cette pensée "que mon maître est grand et bon", ce n'est pas mon maître, c'est moi. Si c'était mon maître, j'écouterais ce qu'il dit au lieu de me créer des sensations agréables en m'improvisant auteur d'une pièce dont il serait le héros - car si je puis créer un tel héros, c'est que moi-même je suis quelqu'un de grand et de noble.
Nous en revenons à ce que je disais l'autre jour. On peut soit examiner la pensée du point de vue de son objet, ce qui serait comme examiner une arme sans voir à quoi elle est destinée, soit examiner la pensée du point de vue du penseur dissimulé dans son coeur. C'est ainsi que l'on perçoit que les pensées ne sont pas faites pour décrire le monde, mais uniquement pour magnifier le penseur.
De même, l'art ne décrit pas la nature, ou les choses, mais l'esprit. Si j'écoute une oeuvre à la gloire du communisme (Gayaneh, de Khatchaturian) et que j'en déduis que le communisme est bon, je suis dans une grande confusion. L'artiste, dans son oeuvre, ne fait que retranscrire l'exaltation (la magnification de soi) qu'il éprouve à la pensée du communisme. Toutes exaltations étant égales, il se peut qu'elle soit contagieuse, et que je me retrouve dans un sentiment exalté, qui va générer ses propres images n'ayant probablement rien à voir avec le communisme. L'erreur serait ici de croire que les choses désignées par ces images sont bonnes. Mais en fait, ces images ne font que décrire le sujet qui les crée. Sujet qui disparaîtra avec elles. Il en va de même pour toute noble cause qui nous exalte. Le sujet naît avec la noble cause, disparaît avec elle, et il est le véritable objet de la cause. L'objet de la liberté, c'est moi. L'objet du respect, c'est moi. L'objet de la protection des marsupilamis et des femmes battues, c'est moi. Moi, moi, moi. La réalité est tout autre, et elle est inconnaissable.
Comme le disait Chepa l'autre jour : "Quand je regarde cette fleur devant moi, c'est clair, c'est vide, c'est quelque chose en mon pas rien, mais je ne sais pas ce que c'est".
Rédigé par: flopinette | le 08 mai 2006 à 23:42|
Même s’il y a beaucoup de diversité chez les cathos. Et la dernière encyclique du pape, consacrée à l’amour, en a surpris quelques uns en sortant un tant soit peu de ses canons moralistes traditionnels.
On peut travailler sur l’amour, mais aussi sur le refus d’un monde de plaisirs égoïstes (Marx parlait des eaux glacées du calcul égoïste pour parler du capitalisme), ou le sexe est une marchandise ; de tendre la main aux plus faibles (dépendants affectifs), notamment ceux qui sont les plus facilement victimes de logiques commerciales visant à nous transformer en consommatuers prisonniers de nos pulsions.
;-)
Bonne continuation, amigo.
Bruno.
Rédigé par: Bruno | le 11 mai 2006 à 17:42|
bruno, j’aime bien ta coquille sur les “consommatueurs” qui consomment leur perte. Marx Dorcel aurait-il pu prévoir cet ultime opium du peuple ?
Rédigé par: john | le 13 mai 2006 à 01:39|