lundi 1 mai 2006

Le lapin de Pâques, son crime et son châtiment

Le crime

En attendant le verdict


Amnistie Générale
sauf pour les récidivistes


65. A Trudy, sa première femme : “Je ne peux pas te dire que je t’aime parce que je ne sais pas ce que ce mot veut dire. Je veux dire le mot “je”, mais ni “aimer” ni “te”.
66. A Annie, sa deuxième femme : “Je ne peux pas te dire que je t’aime parce que je sais ce que “te” et “aimer” veulent dire, et je ne sais pas ce que “je” veut dire”.
67. A Jenny, sa troisième femme : “Je ne peux pas te dire que je t’aime parce que je sais ce que “te” et “aimer” veulent dire.
68. A Maureen, sa quatrième femme : “Je ne peux pas te dire que je t’aime, parce que je sais ce que “te” veut dire.
69. A Dora, sa cinquième femme : “Je ne peux pas te dire que je t’aime”.
70. A propos de l’ensemble de ses cinq femmes, il fit un soir la remarque qu’il lui aurait été possible de leur dire simplement qu’il ne les aimait pas, parce qu’il aurait alors menti et aurait donc su ce qu’il voulait dire : il voulait mentir. Il semblait penser que les seules affirmations qu’une personne puisse énoncer en leur attribuant en même temps une signification étaient les affirmations que le locuteur sût être des mensonges.
triées parmi "une sélection de cent choses inintéressantes faites et dites par Hamilton Stark"
(in “Hamilton Stark”, Russell Banks, Actes Sud)


Le traître songe qu’il lui faut se trahir pour être fidèle à lui-même; il n’a pas eu vent des enseignements orientaux. Et quand bien même il les écouterait, qu’en retirerait-il ?
L’étrange ballet des rechuteurs scotchés sur orbite basse continue son obsédante ronde sur les forums consacrés à la dépendance sexuelle. Ils sont accros au porno ET aux forums d’entraide. Je connais un gars aux AA qui a stabilisé sa consommation en étant assidu aux réunions depuis 18 ans, mais il est toujours à 8 jours du dernier verre. C’est pire qu’affreux, y’a pas de mots. Ou alors faudrait en rigoler, mais je vois pas avec qui. Et ne me faites pas dire que je cherche de bonnes occasions pour couiner. Depuis que Flo m’a comparé à quelqu’un qui s’est construit une identité sur sa souffrance, et qui y tient tellement qu’il préfère mourir, ça va même beaucoup mieux.
Je ne sais pas si ça avance comme il faudrait avec ma thérapeute, elle m’a l’air de travailler surtout avec la PNL mais je ne désespère pas d’aborder un de ces jours la dépendance affective napalmisée à coup d’Internet.
Mais quand bien même, quand on aura fait le tour de mes parents, de mes manques et incompétences, il s’agira encore de faire face à ce que la vie me propose un jour à la fois.
J’ai donc bien fait de commencer tout seul.
Les dépendants sont informés des risques. Ca les rend doublement malades de remettre le nez dedans. Et la peur se nourrit de ce que tu laisses traîner. T’as qu’à faire comme moi et remballer le matosse, quitte à te prendre pour le gardien de nuit de Frustration Park s’il te faut à tout prix endosser un costard, l’eussè-je beaucoup porté avant toi.
Je passe le week-end tout seul à la maison à achever le montage de ce film qu’il me faut présenter la semaine prochaine au Conseil Général. Le tabac me suffit amplement comme mort à la petite semaine. Fume, mon gars, tu sais pas qui te fumera.
Bon, je voulais vous présenter notre employé du mois, un p’tit nouveau qui cause très bien sur les forums à l’heure où je n’ai plus de mots dans mon sac à mots. C’est le grand gagnant de l’épuisement généralisé qui a gagné les équipes en l’absence de thérapeute compétent (aah, Orroz, comme tu nous manques ! He Has Left Us Alone But Shafts Of Light Sometimes Grace The Corner Of Our Rooms…) dans l’équipe des cyber-branleurs.
Ecoutons-le :
"Dans cet exemple je parle au présent mais il est question de la façon dont je fonctionnais avant……
Je viens donc de rechuter.
Et recommence l’abstinence.
Je me suis promis que cette fois serait la bonne.
Putain, c’est que j’en souffre quoi.. !!..
Et j’en fait souffrir les autres.
Tellement de merde ingurgitée me file la nausée.
Bon, là pour une fois, je suis déterminé.
Là, j’en suis sûr, je vais y arriver.
En plus, j’en ai fait la promesse.
Donc on va dire que c’est le soir.
Et puis non, on va remonter un peu plus tôt dans la journée.
Il fait chaud.
Il fait si chaud que presque tout le monde a oublié de s’habiller.
Le matin, j’ai croisé une nana qui avait un de ces culs.
A vrai dire, ce n’est pas son cul que je vu.
J’ai revu en l’espace de quelques instants tout un tas de culs.
Tous ces culs qui peuplent mon imaginaire.
Tous ces culs que je collectionne sur mon Pc.
Ou que j’ai collectionné si longtemps qu’il me suffit d’en voir un seul pour qu’ils me reviennent tous à l’esprit.
Je parle de cul mais je pourrais parler de seins.
De talons.
Et puis peu importe.
Je me suis donc promis de ne plus basculer mais voilà ce cul que j’ai vu me fait sérieusement vaciller.
L’adrénaline est montée mais peu importe, je résiste.
Le temps passe et là, je croise un panneau publicitaire avec cette fois, la paire de seins la plus volumineuse que j’ai vu depuis………la dernière fois.
En l’espace de quelques secondes, tout un tas de nouvelles images défilent en moi.
J’oublie de dire que malgré toutes mes bonnes résolutions, j’ai quand même pris le temps de les voir.
Je parle du cul du matin et des seins de l’après midi.
Et non seulement, je les ai vu mais j’y ai pensé.
Rien de grave puisque je suis le seul à l’avoir fait.
Ces images et ces pensées sont en moi.
Ce faisant, je viens de commettre à nouveau la même erreur que toutes les fois précédentes.
Là, sans le savoir, j’ai réveillé de vieux démons.
Des démons qui sommeillent en moi depuis bien longtemps.
Et ce même schéma qui me pourrit la vie depuis aussi longtemps se reproduit.
Les pensées ont pris de la place et à vrai dire en prennent de plus en plus.
Elles finissent même par prendre toute la place.
Et vient l’heure de l’autorisation.
Sans en avoir l’air et peu importe tout ce qui m’en coûtera, je m’autorise à penser plus avant.
Ce soir, je me connecterai.
C’est décidé.
Les remparts sont tombés.
Jéricho est en ruine.


Le soir est proche.
Tant bien même m’était-il déjà arrivé de pactiser avec le diable en journée et de me rétracter par la suite, cette fois, le diable est dans ma poche.
Il attend son heure.
En attendant, je passe une bonne soirée.
Ma p’tite femme est en beauté.
A deux reprises, je lui mens allégrement en lui disant que de toute façon, jamais plus je ne n’irais sur des sites de boules.
Que jamais plus ceci.
Que jamais plus cela.
Qu’elle peut me faire confiance et patati et patata.
J’aime pas lui mentir mais autant ça s’agite dans ma tête autant ça s’agite dans ma poche.
Le diable est là, rappelez vous.
On fait l’amour et alors que la plupart s’endormiraient paisiblement, moi je me pose sur le Pc.
C’est que je me suis fait une promesse.
Elle s’endort.
Là, je ne lui ferais pas de mal.
Comme toute à l’heure dans ma tête, je me retrouve seul.
Et seul, je le suis tellement en fait.
Dans ces moments là, je le suis même toujours.
Depuis toujours.
Je tape quelques lettres qui forment un mot.
Le nom d’un site apparaît.
Je clique dessus et c’est parti.
Ca ne durera pas longtemps.
Juste quelques heures………
Et puis de toute façon, ce sera la dernière fois.
Si je devais déchiffrer tout cela, je dirais qu’au matin, une pensée racine est apparue.
Une pensée qui, reliée au cortège des pensées archaïques qui vivent dans mon crâne, a fini par prendre tellement de place que j’ai fini par m’autoriser à me connecter.
Ce que j’ai fait dès que le moment s’est présenté.
La connexion dans ce cas là n’est que la quatrième étape d’un schéma dont j’ai souffert pendant si longtemps que je pensais le vivre et le revivre éternellement.
En clair, je me connectais dès que la pensée qui me traversait l’esprit me faisait basculer.
J’étais connecté avant même de me connecter.
Fuir le Pc n’est pas la solution que je m’applique.
J’y passe beaucoup de temps.
J’ai compris ce schéma et je m’applique la plus grande discipline.
Je fuis du regard tout ce qui serait susceptible de réveiller Bel Zébu th.
C’est là que je me connectais en fait.
Et si je croise quoique ce soit ou qui que ce soit, je ne m’attarde pas dessus.
Je n’y pense pas.
Je pense à mes résolutions.
Je suis déterminé merde et comme je sais grosso modo comment ça s’est toujours passé, j’ampute le mal à la racine.
J’ai parlé sur un autre site de pensées résiduelles auxquelles nous ne pouvons échapper.
Entre y penser et les matérialiser, il y a un monde, non ?


Là, j’écris et objectivement je pourrais penser à me connecter.
Je sais donc ce qu’il me resterait à faire.
Penser à un site.
Penser au supposé bien être que cela me procurerait.
Laisser mijoter le tout et me laisser aller.
Je pourrais même ne pas vouloir y penser et qu’une de ces fameuses pensées résiduelles me traverse l’esprit.
Je ne le ferais pas.
Je n’alimenterais rien.
Et je peux même vous dire pourquoi.
J’en ai marre de mourir.
Je suis mort si souvent que jamais je n’imaginais pouvoir vivre.
Je ne savais même pas ce que cela voulait dire.
Et croyez moi, maintenant que je vis, ça non, je n’ai plus envie de mourir.


Pour conclure, je parle de discipline mais celle-ci n’exige pas beaucoup de moi.
Moins en tout cas qu’au début.
Il faut simplement apprendre à chasser ces putains de pensées à la racine.
Et comme je le disais à John Warsen, si je ne le fais pas pour moi ou les autres, je le dois au moins à l’enfant que j’étais qui souffrait de ne pas savoir.
Moi, je sais.
En tout cas, j’essaie de comprendre.
Aujourd’hui, c’est essentiel pour moi d’être le plus transparent possible.
On voit même parfois au travers……
Autrefois et du fait que je n’avais fait aucun lien avec le sexolisme et pour cause je ne connaissais pas ce terme, je n’utilisais pas les termes d’abstinence, de seuvrage, de rechute.
Depuis que j’a pris conscience de tout cela, et parce que je suis malade, je me soigne.
Je fais très attention et parce que cette putain de maladie ne m’avait jamais fait un seul cadeau, je ne lui en fais aucun.
J’ai fait en sorte de comprendre le schéma dont j’ai souffert et du coup je fais tout pour l’amputer à la racine.
Et pour moi, je peux dire que ça marche.
Maintenant et à supposé que je rechuterais et parce que nous vivons dans la transparence la plus totale, je n’hésiterais pas à lui en parler.
La transparence est salavatrice pour moi.
Je sais comment je fonctionne et je sais que c’est la meilleure façon de me protéger."

Amen.

Commentaires

  1. Il y a quelque chose de très intéressant dans ce monologue, mais j’arrive pas à mettre le doigt dessus. Je crois que ce qui ressort, c’est la forte dose d’autocontemplation. On dirait que la personne est en train de se mettre en scène, de se faire son petit film dont il est le héros (ou l’anti-héros, ce qui revient au même dans ce cas). On voit apparaître tout un système de justifications et de contre-justifications.
    Vue la terminologie que je viens d’employer, le parallèle me saute aux yeux avec la notion de “propre importance” de Castaneda.
  2. flo, enlève ton dado, on t’a reconnue ;-)
    il y a trois monologues dans ce post. Banks dynamite le discours amoureux, je stigmatise le manque de perspective des sevreurs et midnite, puisque c’est son pseudo, déconstruit par le langage son rapport au stimulus sexuel. J’ai rapidement parcouru les castaneda qu’on trouve sur internet (http://sannyasa.free.fr/castaneda.htm) et je ne trouve pas de passage clair sur la “propre importance”. C’est dans lequel ?
  3. >> flo, enlève ton dado, on t’a reconnue ;-)
    Tu vas pas nous faire une petite crise de parano bloguesque toi aussi? ;)
    Je ne pense pas que Flo aurait pu écrire ça. Sinon, en effet, on est tombé dans les mêmes marmites quand on était petits.
    En fait, j’étais persuadé que tu avais lu Castaneda.
    L’idée de “propre importance” doit se retrouver dans la plupart des bouquins à partir du “Voyage à Ixtlan”. Dans ce livre, les chapitres 2 et 3 portent sur ce sujet.
  4. non, pas de parano en cours. Oui, j’ai lu Castaneda au début des 80’s comme tout le monde, et j’ai prété la collec’ sans jamais la revoir. J’ai trouvé à l’époque que c’était de la super-littérature initiatique imaginaire. Comme tout le monde chez Flo semble s’y référer, et que la miss elle-même nous fait parfois des lectures commentées, je m’interroge.
  5. Non, en fait j’aurais pas écrit ça. J’aurais plutôt dit que le mec a fait une grande découverte en s’apercevant qu’il était connecté avant de se connecter. Sa solution n’est pas géniale, mais bon… Dado est dur avec son auto-contemplation. c’est sûr que le mec y est, mais j’ai vu bien pire genre “je suis un winner ! je commence une nouvelle vie ! a moi le bonheur !”. ça c’est de la rechute assurée, le mec qui n’a rien compris de lui-même. Alors que le gars, là, il s’est plutôt bien observé.
  6. bien sûr qu’il y a de l’auto-contemplation chez les addicts, même si elle est d’une variété “éprouvante” : ils se regardent tomber.
    A force, celui-ci a compris que la pensée de la chose n’est pas la chose et que s’unir à la pensée “j’ai envie d’une cigarette” ne signifie pas s’unir à la cigarette… pour peu qu’on évite de se fracasser sur l’écueil de l’anhédonie
    http://johnwarsen.blogspot.com/2008/08/les-mots-vols.html

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