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vendredi 10 juin 2022

Comment utiliser des toilettes en gravité zéro

Dans The Expanse, un feuilleton télévisé de science-fiction qui a récemment raté ses adieux au music-hall, ils expliquent bien comment faire l'amour avec un Mormon dans l'espace, mais ils passent sous silence les problèmes qui surviennent quand on tente d'assouvir d'autres besoins naturels (tout aussi légitimes et parfois plus impérieux) en gravité zéro. 
Et pourtant ils passent leur temps à se tirer la bourre entre la Lune, Mars, et la ceinture d'hémorroïdes astéroïdes de Jupiter, donc ça doit bien leur arriver d'aller au petit coin, c'est pas des surhommes. Alors, à force de rechercher obsessionnellement, compulsivement et désespérément un vieux dessin de Daniel Goossens sur une exposition d'art nazi (dans un cimetière) dans mes vieux Fluide Glacial, j’ai retrouvé ce mode d'emploi d'un mini-wc portatif, que j’avais punaisé dans les cabinets d'aisance jouxtant alors la salle de bain dite "des Arabes" que nous appelions ainsi car nous entassions plein de bazar dedans, dans le vaste appartement de la rue Roudil où j'habitai jadis au sein d'une famille unie par de très nombreux goûts communs, dont celui de la scatologie. 
Cette gravure ancienne peut être considérée comme une sorte d'ancêtre à la science des toilettes en gravité zéro.

clique sur l'image, sauve un jipègue, imprime-le et punaise-le dans les cabinets.
Des heures de rire en perspective.
Les amateurs de figuration narrative reconne étron sans pen le style pipi cafka d'Edika, le frère maudit de Carali. Si on avait archivé les œuvres de ces deux scribes égyptiens aux profils pas très grecs dans la bibliothèque d'Alexandrie, les Chrétiens n'y auraient jamais foutu le feu, comme ils le font avec une noire allégresse dans Agora, Mists of Time, le péplum philosophique hispano-maltais réalisé par Alejandro Amenábar en 2009, qui érige une stèle filmique à Hypatie d'Alexandrie, la célèbre philosophe et mathématicienne héllène (célèbre depuis hier soir, quand j'ai regardé le film) qui s'apprête à faire une avancée majeure dans la compréhension du cosmos (en réhabilitant le modèle héliocentrique d'Aristarque et en ayant l'intuition de l'orbite elliptique des planètes) lorsque la situation politique prend un tour dramatique avec la conversion de l'empereur au monothéisme, et elle finit massacrée en l'an 415 de notre ère par un groupe de moines enivrés de christianisme.
la tache sur la conscience de l'Eglise
n'est pas plus Hypatie au lavage
que celle sur la robe de Rachel Weisz,
qui pourtant lave plus blanc.
En principe.
Elle incarnait tout ce qu'ils exécraient : elle était femme, elle était libre, elle était belle et côtoyait les hommes de pouvoir tout en étant femme d'influence, son monde n'était pas peuplé de dogmes édictés par un dieu jaloux à partir de "vérités" préétablies, elle allait aux cabinets quand ça lui chantait. 
Et si ça se trouve, elle avait pressenti les Mystères des Toilettes en gravité zéro, irrémédiablement perdus dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie.
Le film est courageux, mais un peu chelou, et prend beaucoup de libertés avec la vérité historique. Oncle Wiki rappelle en tirant sur sa cyber-pipe que Hypatie a été massacrée de façon bien plus cruelle que ne le montre le film. On peut retrouver le récit de sa mort dans le livre septième de l'Histoire de l’Église écrite par Socrate le Scolastique. Jean de Nikiou au viie siècle apr. J.-C. écrit : « Et ils (les chrétiens menés par Pierre le Lecteur) déchirèrent ses vêtements et la firent traîner dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'elle mourût. » Le film ne dit pas que ce lynchage est resté une tache sur la conscience de l'Église, comme l'ont écrit des théologiens chrétiens dès cette époque.
C'est bien triste. Et beaucoup plus tard, dans mes cabinets du boulevard de Belleville, j’ai longtemps affiché le dessin de Charb "Non à la légalisation du cannabis" paru dans Charlie Hebdo au début des années 90. C'était de mon âge. D'autant plus que j'étais en train de devenir malade alcoolique, et qu'à chaque fois que je fumais un pétard, je prenais cosmiquement conscience de ma dépendance croissante à l'alcool, alors j'avais cru prendre une décision d'adulte en m'interdisant tout à fait les cigarettes mal roulées.

clique sur l'image, sauve un jipègue, imprime-le et punaise-le dans les cabinets.
Et va plutôt t'acheter un pied de peyotl chez Zamnesia.
Evidemment, Edi(pipica)ka, le chantre de l'obscénité politiquement correcte, est toujours vivant, alors que Charb, qui aimait bien mettre de l'huile sur le feu, voire transformer les bouteilles d'huile de Rachid en cocktails molotov, couic. Ou plutôt Vrououf. Victime des fondamentalistes monothéistes, comme Hypathie.
Alors maintenant, dans les cabinets, j’ai une pile des derniers numéros de Téléramadan, comme papi et malou, et je gagne un temps précieux en lisant toutes les critiques des films et des séries télé dont je pourrais ainsi parler sans les avoir vus si j’avais des amis.

"Sans mentir, l'ange Gabriel il en avait une grosse comme ça"
J'essaye de provoquer les fondamentalistes de Télérama,
pour déclencher une guerre sainte en reprenant les recettes les plus éculées de Hara-Kiri,
mais ils me voient venir, et ne réagissent pas.
Mon style parodique est définitivement has been.
Et tout cela ne nous dit pas quelles précautions prendre pour utiliser des toilettes en gravité zéro. Mais au fait, ça me revient maintenant, c'était là, sous nos yeux, en évidence dès le début, ce truc qui manque dans The Expanse et qu'il y avait sous forme de gag très sérieux dissimulé en plein écran à la vue de tous par Stankey Lubrik dans 2001, l'Odyssée de l’espace.

dans une séquence de 2001, l'Odyssée de l'espace, le Dr Haywood Floyd lit très attentivement
les instructions affichées avant d'utiliser des toilettes à gravité zéro.
C'est vraiment de la science-fiction, car les humains ne lisent jamais les avertissements
ou les modes d'emploi avant utilisation. Surtout dans des toilettes.
Ce commentaire est insultant (les geeks lisent tout ce qui leur tombe sous les yeux), et erroné : je me souviens très bien avoir lu il y a bien longtemps, dans une autre galaxie et dans les toilettes en gravité 1 de la Rockfabrik de Stuttgart un truc en allemand qui disait sur le côté de la chasse d'eau "appuyez ici, et si possible avec la main". On pouvait y jouer de l'air guitar en bois, et pisser partout dans les toilettes, à condition d'appuyer ensuite avec la main. On se serait alors cru dans une bédé d'Edika.

La Rockfabrik de Stuttgart était en fait à Ludwigsburg, mais elle a fermé ses portes en 2019.

Concernant le tutoriel (qui peut s'avérer si précieux dans le futur) pour se soulager en gravité zéro, une bande de geeks a bien sûr exhumé l'intégralité des instructions dissimulées à la vue de tous dans le photogramme du film de Kubrick.
https://boingboing.net/2021/08/17/instructions-for-the-zero-gravity-toilet-in-2001.html
En voici une traduction automatique assez fidèle :

Les toilettes sont du type standard à gravité zéro. Selon les besoins, il est possible d'utiliser le système A et/ou le système B, dont les détails sont clairement indiqués dans le cabinet de toilette. Lors de l'utilisation du système A, appuyez sur le levier et un éliminateur de dalkron en plastique sera distribué par la fente immédiatement en dessous. Lorsque vous avez fixé la lèvre adhésive, fixez le raccord marqué par le grand tuyau de sortie “X”. Tournez l'anneau argenté d'un pouce sous le point de connexion jusqu'à ce que vous sentiez qu'il se verrouille.
Les toilettes sont maintenant prêtes à l'emploi. Le nettoyant Sonovac est activé par le petit interrupteur sur la lèvre. Lors de la fixation, remettez l'anneau dans son état initial, de sorte que les deux lignes orange se rencontrent. Déconnectez-vous. Placer l'éliminateur de dalkron dans le réceptacle à vide à l'arrière. Activez en appuyant sur le bouton bleu.
Les commandes du système B sont situées sur le mur opposé. L'interrupteur de déverrouillage rouge place l'uroliminator en position ; il peut être ajusté manuellement vers le haut ou vers le bas en appuyant sur le bouton bleu de déverrouillage manuel. L'ouverture est autoréglable. Pour sécuriser après utilisation, appuyez sur le bouton vert qui active simultanément l'évaporateur et ramène l'uroliminator dans sa position de stockage.
Vous pouvez quitter les toilettes si le voyant de sortie vert est allumé au-dessus de la porte. Si le voyant rouge est allumé, l'une des installations sanitaires n'est pas correctement sécurisée. Appuyez sur le bouton d'appel « Hôtesse de l'air » à droite de la porte. Elle sécurisera toutes les installations depuis son panneau de contrôle à l'extérieur. Lorsque le voyant de sortie vert s'allume, vous pouvez ouvrir la porte et partir. Veuillez fermer la porte derrière vous.
Pour utiliser la Sonoshower, commencez par vous déshabiller et placez tous vos vêtements dans le portant. Mettez les pantoufles velcro situées dans l'armoire juste en dessous. Entrez dans la douche. Sur le panneau de commande en haut à droite en entrant, vous verrez un bouton “Joint de douche”. Appuyez pour activer. Un feu vert s'allumera alors juste en dessous. Sur le bouton d'intensité, sélectionnez le réglage souhaité. Appuyez maintenant sur le levier d'activation Sonovac. Baignez-vous normalement.
Le Sonovac s'éteindra automatiquement au bout de trois minutes, sauf si vous activez l'interrupteur de neutralisation "Arrêt manuel" en le retournant vers le haut. Lorsque vous êtes prêt à partir, appuyez sur le bouton de déverrouillage bleu “Joint de douche”. La porte s'ouvrira et vous pourrez partir. Veuillez retirer les chaussons velcro et les placer dans leur contenant.
Si le voyant rouge au-dessus de ce panneau est allumé, les toilettes sont en cours d'utilisation. Lorsque le feu vert est allumé, vous pouvez entrer. Cependant, vous devez suivre attentivement toutes les instructions lors de l'utilisation des installations lors d'un vol en roue libre (Zero G). À l'intérieur, il y a trois installations : (1) le Sonowasher, (2) le Sonoshower, (3) les toilettes. Tous les trois sont conçus pour être utilisés dans des conditions d'apesanteur. Veuillez respecter la séquence des opérations pour chaque installation individuelle.
Deux modes pour Sonowashing votre visage et vos mains sont disponibles, le mode « serviette humide » et le mode nettoyeur à ultrasons « Sonovac ». Vous pouvez sélectionner l'un ou l'autre mode en déplaçant le levier approprié sur la position “Activer”.
Si vous choisissez le mode “serviette humide”, appuyez sur le bouton jaune indiqué et retirez l'article. Lorsque vous avez terminé, jetez la serviette dans le distributeur sous vide, en maintenant le levier indiqué dans la position “active” jusqu'à ce que le voyant vert s'allume… indiquant que les rouleaux ont complètement passé la serviette dans le distributeur. Si vous désirez une serviette supplémentaire, appuyez sur le bouton jaune et répétez le cycle.
Si vous préférez le mode de nettoyage par ultrasons « Sonovac », appuyez sur le bouton bleu indiqué. Lorsque les panneaux jumeaux s'ouvrent, tirez vers l'avant par les anneaux A & B. Pour le nettoyage des mains, utilisez dans cette position. Réglez la minuterie sur les positions 10, 20, 30 ou 40… indiquant le nombre de secondes nécessaires. Le bouton à gauche, juste en dessous de la lumière bleue, a trois réglages, bas, moyen ou haut. Pour une utilisation normale, le réglage moyen est suggéré.
Une fois ces réglages effectués, vous pouvez activer l'appareil en basculant sur la position “ON” l'interrupteur rouge clairement marqué. Si pendant l'opération de lavage, vous souhaitez modifier les réglages, placez l'interrupteur de dérogation "arrêt manuel“ en position ”OFF". vous pouvez maintenant faire le changement et répéter le cycle.

C'est quand même d'une autre envergure que la blague d'Edika sur le mini-wc portatif; mais attention (lire attentive ce que ici-en bas) :

De toutes façons, quel que soit le degré de sophistication des blagues de cabinet en gravité zéro, c'est un peu l'ironie du désespoir, car je nous sens collectivement assez mal engagés pour aller essaimer, et donc déféquer, dans l'espace. Ou alors, une petite élite ultra-nantie, comme Elon Musk et ses happy few à la fin de Don't Look up
Tant qu'on reste le chainon manquant entre le Singe et l'Homme, on est une espèce assez nuisible, pour elle-même comme pour la planète, et on risque de suffoquer sous nos propres déjections d'ici peu, qu'elles flottent autour de nous en apesanteur ou qu'elles gisent au sol.

Sinon, pour se chier dessus en partant dans l'espace, y'a aussi les plantes enthéogènes.
Grâce à la mondialisation, j'ai planté Peyotl et San Pedro sur ma fenêtre,
mais tant qu'il ne fait pas 50° en permanence, la chair des dieux n'y pousse que très lentement.
Dans l'attente du réchauffement climatique, je suppose que cela fera l'objet d'un prochain épisode.

[EDIT] : quelques semaines plus tard, je m'aperçois qu'écrire sur ce blog, pendant 15 ans,
ça a vraiment été une expérience assez proche de la défécation en gravité zéro. 
No comment.

lundi 11 avril 2022

Lendemain de premier tour

Pour l'instant, tout se passe comme prévu dans mon article d'avant-hier.
Mickey n’a pas été élu.
L’extrême-droite a fait 30% de scores cumulés, et encore je te mets pas Dupond Teigneux, alors que le président sortant 28%. 
Un tout petit peu plus que les abstentionnistes.
Les macronistes se réjouissent; pourtant, il n’y a pas de quoi, en signe de joie, se passer les paupières à la crème de chester, avec une tringle à rideau de fer. 
It sucks blood sausage (= ça craint du boudin, selon la traduction qu'en a fait Thibaud Nolte dans le 28 minutes d'Arte)
Dans 5 ans, le fruit sera mûr. A moins qu'il y ait un troisième tour dans la rue.
Je ne crois pas qu'on puisse parler de déni de démocratie : comment débattre alors que le vote révèle une polarisation vers les extrêmes ? qu'un tiers des gens qui se sont déplacés se soient exprimés en faveur d'un extrémisme décomplexé me laisse pensif.
N’en profitons pas pour avoir le blues de l’électeur de gauche (l’électeur de droite a autant mal au cul que nous mais il tait sa douleur car il est moins à la pène)
Suspense insoutenable d’ici 15 jours : m’abstiens-je ? m’abstiens-je pas ?
Préféré-je faire le jeu de la droite, ou de l'extrême-droite ?




mercredi 22 décembre 2021

# Balance ton Z€MM0UR

1/ Introduction
(qu’on peut sauter en allant directement au chapitre suivant sur la télécommande, parce que personne ne lit les préfaces dans les bouquins, alors sur ton blog on va pas se gêner)

c'est la fin du dernier James Bond

J'ai trouvé le dernier James Bond mieux moins pire que ce que je craignais, mais finalement ce que je préfère dans les films de James Bond, plus encore que les petites pépées bien délurées ou les grosses voitures qui ont tout plein d'accidents, ou le sous-texte en forme de chant d'amour à l'industrie du luxe qui tente de légitimer auprès des pauvres le capitalisme financier mondialisé pourtant à l'agonie, fouettant l'air de sa queue de reptile aux abois avec des soubresauts mortels entre lesquels nous cherchons une porte de sortie vers un monde décarboné pour éviter à la planète d'entrer dans l'irréparable et de ne plus pouvoir nous porter en ses flancs,
 
en tout cas le dernier avec Daniel Craig

nan mais moi ce que je préfère dans les James Bond, sans déconner, c'est les génériques, ces petits film-dans-le-film qui recèlent des trésors de créativité, quand le directeur artistique est inspiré et bien luné, avec des flingues et des seins animés redessinés en silhouette avec des éclairages psyché, toutes ces pépites confectionnées aux petits oignons par les créatifs du studio, directeurs de la photo, illustrateurs, musiciens, monteurs et truquistes, conjuguant leurs talents en une synergie proactive pour réaliser des œuvres certes fragiles et éphémères, et que tout le monde aura oublié quand le rideau sur l'écran sera tombé et que le film sera terminé, que je réveillerai mon voisin qui dort comme un nouveau-né bien qu'il ait comme moi payé sa place près de 15 balles pour voir "Pourrir peut t'attendre" au Forum des Halles le mois dernier, car James Bond est une entreprise industrielle transnationale qui perdure depuis 1962 - l'année de ma naissance ! et qui compte bien faire un retour sur investissement d'au moins 8 %, car les actionnaires ne s'en laisseront pas compter.

il a juré qu'il n'en tournerait plus, juste avant de partir
à l'Ehpad des anciens acteurs de James Bond

Une nuit où je me faisais suer à relire Schopenhauer parce que je n'avais pas réussi à remettre la main sur ma collection d'Arthur le Fantôme Justicier, je tombe sur ce passage, bien planqué dans Le monde comme volonté et comme représentation (I, IV, §57. Traduction A. Burdeau, PUF, (1966. 2008), p. 394) :
"Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l'effort, un effort continu, sans but, sans repos; mais chez la bête et chez l'homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être; c'est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur; c'est par nature, nécessairement, qu'ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d'objet, qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l'ennui; leur nature, leur existence leur pèse d'un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui."

la preuve : son élégie par Ralph Fiennes
(sans doute mordu par un Schopenhauer) dans No Time to die (2021)

Cette lecture est un choc : je comprends alors que moi aussi, avec mes insomnies dues en partie à une réaction bipolette à l'absorption de tablettes nutritives de lave-vaisselle à la corticoïne, cette substance anti-inflammatoire qui ne peut être qu'une lointaine cousine de la Kryptonite (qui déclenche des crises d'éternuements incoercibles chez Superman) que mon oncologue m'a prescrites pour venir à bout de cette affection pulmonaire résultant d'un truc bien plus grave dont j'ai tartiné l'article précédent, et sans doute aussi celui d'avant, tel que je me connais, je suis menacé d'osciller tel un pendule, de droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo), ballotté de la souffrance à l'ennui pire que dans un wagon de la RATP entre Créteil et Balard. 
Une fois de plus, je ne puis que me laisser faire par la médecine, dont je suis à la fois l'otage, le champ de bataille expérimental, l'espace convivial de R&D, le cobaye au grand coeur dans les espaces inviolés qui s'étendent autour de l'Institut de cancérologie de l'Ouest Sauvage qui se limitent à une pelouse maigrichonne et un espace fumeur surtout fréquenté par les ambulanciers pendant que leurs clients sont en chimio. A ce titre, ayant totalement lâché prise sur l'issue inprédictible de tous ces protocoles, je me sens soudain menacé que ma volonté vienne à manquer d'objet.

D'autres victimes anonymes du soudain manque d'objet de la volonté.
Je sais, ça fait peur.
Pour éviter ça, pendant ces longues sessions de fièvre insomniaque, de passage dans votre cerveau dès 3 heures du matin tous les jours que Dieu fait, je me dis que  ça serait chouette de réunir tous ces génériques de James Bond au sein d'un film rétrospectif et testimonial, au prix de légères entorses au droit international de l'image. En incluant les prégénériques, qui sont souvent de petits teasers du film, ayant pour objectif de donner envie de voir la suite de façon plus ou moins énigmatique, innocentes saynètes où tout le monde s’entretue avec ce fair-play typiquement britannique, et dont le sens sera dévoilé plus tard, et en y insérant des blagues par le truchement de sous-titres parodiques, et puis on y verrait les moeurs du temps progresser de film en film, au tout début de la saga, l’ennemi étranger, qu’il soit jaune, bronzé, peau-rouge ou même caucasien ou encore issu d'une minorité visible de Bételgeuse, est fourbe et manichéen, mais devient plus complexe avec le temps.
Ah tiens non, dans le dernier James Bond, Rami Malek est aussi ravagé que les précédents déments super-malfaisants des films de James Bond. Je le trouve meilleur en geek ayant bac + 14 en schizophrènie dans Mister Robot.
 
John Warsen a eu la flemme de réindexer sa nouvelle bibliothèque,
et a bien du mal à localiser sa collection d'Arthur le Fantôme Justicier,
pourtant l'objet de la volonté. Sauras-tu l'aider à la retrouver ?
Bon mais alors on y verrait la femme passer du statut d’objet (celui-là même dont ma volonté vient à manquer) purement décoratif dans sa version potiche, à celui plus enviable d'allié de l'ennemi, puis d’ami.e retourné par subjugation sexuelle, devenant presque aussi fidèle que le chien ou le cheval quand elle survit à l'épisode en cours.
60 ans d’évolution de la société occidentale, quand même ça se perçoit dans la dimension historique de l’épopée,  même si James Bond ne devient pas trop gender fluid en vieillissant, (blabla sociologique à développeren plus ça me prendrait un temps fou, je ne penserais plus à ma maladie, et elle en profiterait pour guérir, à l'ombre de moi-même.
Je récupère l'ensemble des films, déjà ça me prend quelques nuits sans lune, et mon premier bout-à-bout des 25 prégénériques + génériques de James Bond fait 5h30… alors que mes nuits n’en font que 3 ou 4 (comme celles de PrésidentMacron®)
Le plus long, c’est de trouver des blagues, et de refaire les sous-titres. Puis je teste quelques effets, je substitue ma tronche à celle du lion de la MGM, et je diffuse à droite (Zemmour) et à gauche (Hidalgo)Pour voir si c'est drôle. Zut, ça ressemble à un clip mollasson de Mozinor, auquel je commençais d'ailleurs à songer, sans pouvoir encore le nommer.

Goldfinger (1964)

Sur ces entrefaites, mon frère me met carrément minable, en un clic, en m'envoyant une vidéo hilarante de ce foutu Mozinor, datant de 2006 :


En voyant le boulot que ce monsieur Mozinor a fait sur James Bond, je vois bien que je ne suis qu'une petite bite / un gros geek.
Goossens a pourtant prouvé que tu peux pas
être petit et gros à la fois

Car en plus d'imaginer et d'interpréter une réécriture de scènes dialoguées, comme l'équipe de "le grand détournement", qui étaient les enfants naturels des situationnistes, qui pervertissaient de leur sens premier des BD ou des films de karaté dans les années 60, comme dans "la dialectique peut-elle casser des briques ?", histoire de se moquer à peu de frais du capitalisme, et qui ont bien failli le fiche par terre, d'ailleurs on se demande encore comment il s'en est relevé, Mozinor il a réalisé des modifications sur l'image, alors c'est quand même du boulot. Avec un mauvais goût assumé, à tous les stades de la conception de ses canulars. Par contre, il a foiré le format de sa vidéo, sa vidéo est hideusement anamorphe, peut-être exprès, pour pas se faire choper par Youtube, ou alors à l'époque y'avait pas le matos qu'on trouve maintenant. Je vais lui envoyer mon tuto.


Moi, c'est fichu d'avance, la pauvreté de mes prémisses me condamne à la misère spirituelle et au naufrage filmique. Je n'atteindrai jamais le niveau de gravité dans la  connerie de chez Mozinor. Mes quelques inserts les plus réussis se hissent avec peine au niveau d'OSS 117, qui était déjà plus faiblard que la série "Au service de la France", pourtant écrite par le même auteur (Jean-François Halin, un ancien des Guignols de l'info.)

"On ne vit que deux fois" (1967)

Est-ce que ce qui me plairait pas, plutôt, dans les James Bond, c'est sa toute-puissance, sa résistance aux bourre-pifs, son impunité, et son absence de conscience morale au service de la raison d'Etat, qui ne lui enjoint jamais que de soutenir et préserver l'ordre établi en éliminant les ennemis de la démocratie parlementaire ? Jamais on va lui demander d'aller dessouder le président syrien, ou celui d'Arabie Saoudite, ou d'aller embêter le brésilien, ou le chinois, et pourtant y'a des jours où ils mériteraient. Et les intrigues sont faciles à suivre, et il couche à droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo) en envoyant paitre sa hiérarchie quand ça le chante, et sauve quand même le Monde Libre, Civilisé et Blanc à chaque fois.
Je monte quarante-cinq minutes de mon film-qui-marche-pas et qui alterne prégénériques détournés et génériques clinquants et pop, puis je me décourage un peu, parce que je me rends bien compte que ce que je déteste, dans les films de James Bond, c'est que ça me plaise, pour les raisons suscitées, alors je me demande pour détourner mon attention, qu'est-ce qu'il devient, au fait, Mozinor ?

(fin de l'Introduction)

2/ La réponse en images



Là, en cette fin année, dans ma période de débordements webinaires qui ne me laisse pas fermer l'oeil de la nouille, je me disais que j'allais faire plutôt de l’image que du texte, parce que après je m’en sortais plus,du fait que je sois obsédé textuel qui génère sa propre glu. Mais je crois que je vais laisser le démon vidéo-parodique à Mozinor, bien que ses petits clips aient sans doute du mal à dérider les Zemmouristes, pourtant moins nombreux que les Mozinoriens. C'est trop de boulot.

merci à Julien pour la vidéo de Schopenhauer.

mardi 2 novembre 2021

Feu mon voisin pyromane (Pourrir peut attendre)

A l'issue de l'harcelante campagne d'automne de l'encyclopédie en ligne qui n'a toujours pas de publicité sur la figure, je viens d'envoyer 15 € à wikipédia. J'esmère que vous aussi. (je viens de retirer j'espère de mon vocabulaire, puisqu'il y a père dedans, et que je l'ai banni de ma vie autant que c'était possible sans lui nuire ni faire tort à d'autres). 
Sinon, vous pouvez me les envoyer à moi, je les transmettrai à Jimmy Wales (qui m'écrit à chaque fois un petit mot de remerciements plein de saveur, bien que je ne puisse pas défalquer mon don de mes impôts, et pourtant wikipedia c'est vraiment une oeuvre de salubrité publique pour ma tête et de manière plus générale pour la connaissance humaine.)
On s'y attend pas forcément, assis dans son salon,
mais quand c'est l'heure, c'est l'heure. Et couic !
Ou à la veuve de mon voisin d'à côté, mort subitement il y a quelques jours. Dans son fauteuil. Sa tête s'est inclinée, il est parti en avant, en saignant du nez. Terminé. Le jour de ses soixante-dix ans. Le cardiologue trouvait que tout allait bien, et il était soit-disant rétabli d'un cancer du foie, qui lui avait occasionné pendant quelques mois une jolie couleur jaune Homer Simpson, avant que les métastases diffusent un peu partout, mais l'oncologie a beaucoup progressé, j'en sais quelque chose, et l'a maintenu en vie et de mauvaise humeur pendant quelques années supplémentaires par rapport à son espérance de vie biologique attendue, vu comment il avait abusé de la boisson. Enfin, dans sa période jaune Simpson, on ne donnait quand même pas cher de sa peau, on avait bien cru le perdre dans la semaine où on l'avait croisé au bureau de vote, en 2019. Et puis non, il s'était remis. 
Nous étions loin d'être proches, dans tous les sens du terme, vu la taille des parcelles, nos maisons sont distantes d'une cinquantaine de mètres, on n'est pas les uns sur les autres, à l'époque où nous avons acheté les propriétés faisaient souvent plus de 1000 m2, c'était avant que les collectivités locales s'aperçoivent de l'hérésie du Plan d'Occupation des Sols, qui leur coûtait une blinde en assainissement, en voirie, en transports scolaires... cet "étalement urbain énergivore", comme je le lis aux cabinets dans le télérama de la semaine d'aujourd'hui en me demandant ce que je vais bien pouvoir télécharger.
Il y a dix ans, mon voisin avait tardivement vendu la moitié de son terrain, il avait besoin de sous après une longue période de chômage, acceptant qu'un primo-accédant bâtisse sa maison quasiment sur son seuil, la division parcellaire c'est une tendance de fond dans nos quartiers périurbains (en fait, la proche campagne, qui chez nous se résume au vignoble, mais on dit périurbain parce qu'on est sur le territoire de la commune et à trois kilomètres du bourg) où les permis de construire ne sont plus distribués comme qui rigole. Bien que la moindre bicoque en ruine se soit vendue comme des petits pains depuis la pandémie, et que les nouvelles constructions et rénovations sortent de terre plus vite que les champignons, parce qu'il n'est pas tombé d'eau en octobre, et que de toute façon comme on n'a pas eu d'été, l'automne aussi est en retard. 

Dans le temps, feu mon voisin
s'enflammait pour un rien.
Quand on a acheté la maison du ferrailleur, on a vite découvert que notre voisin était un enculé alcoolique qui à l'occasion tabassait sa compagne, alors on n'a pas cherché à copiner plus que ça, déjà qu'il était souvent là à l'heure de l'apéro, comme moi j'étais déjà abstinent d'alcool en arrivant dans la région, on n'avait pas grand-chose à se dire. Même si entre temps, il s'était racheté une conduite, et avait discrètement cessé de boire vu ses problèmes de santé, on n'en a pas profité pour mettre à jour notre relation, on se saluait de loin, sauf la fois où j'avais fait du feu dans le petit bois derrière chez moi un 15
août venteux où il faisait très sec, il était sorti de chez lui et m'avait engueulé comme si c'était moi l'enculé alcoolique, titubant et balbutiant comme s'il était encore ivre, j'avais eu toutes les peines du monde à le dissuader de me dénoncer aux flics, c'était déjà interdit de brûler ses déchets verts, j'avais fini par le calmer en lui montrant l'arrosoir plein, la prudence du chacal, le côté développement soutenable de mon incendie potentiel. 
En effet, je fais partie des vieux cons qui n'ont ni attache-remorque ni remorque pour transporter leurs déchets verts jusqu'à la déchetterie, et que le progrès a relégués au rang de pollueurs casse-couilles ennemis jurés de la planète, car je brûle derrière chez moi ce que je ne parviens pas à composter, avec beaucoup moins d'ardeur et beaucoup plus de discrétion qu'il y a vingt ans, uniquement quand le vent du nord charrie la fumée vers les hectares de vigne inhabitée sans incommoder aucun voisin, de préférence le soir, quand le risque de délation est moindre. 

Ma centrale à charbon / incinérateur de jardin, dans le petit bois derrière chez moi.
Quand j'ai bien laissé sécher les feuillages, mon feu ne dégage même pas de fumée.
On distingue mes deux assistantes à l'arrière-plan.

Quand j'étais gamin, j'allumais des petits feux d'herbe sèche derrière chez moi, ça avait fini par m'inquiéter, cette pyromanie rampante, et surtout l'excitation émotionnelle induite (les risques d'embrasement généralisé étant quand même faibles au vu de la pluviométrie dans les Côtes d'Armor dans les années 60/70), au point que j'avais fini par aller tout avouer à ma mère. 
La coutume d'avouer ses fautes à quelqu'un d'autre est fort ancienne, découvrirai-je bien des années plus tard dans le 12 étapes/12 traditions des Alcooliques Anonymes. Les psychiatres et les psychologues font valoir ce besoin profond qu'éprouve tout être humain de rentrer concrètement en lui-même, d'identifier les faiblesses de sa personnalité et d'en discuter avec une personne compréhensive et digne de confiance. 
Je ne me rappelle plus de ce qu'a dit ma mère, sur le moment je crois qu'elle était surtout gênée par mes aveux qui écornaient l'image du fils parfait qu'elle s'était forgée (alors que ma grand-mère, à la fin de sa vie, n'y allait pas par quatre chemins pour dire que mes parents auraient mieux fait de me montrer à un psychiatre) mais ma confession compulsive et lacrymale à maman sur le thème "je sais pas pourquoi je fais ça mais c'est plus fort que moi" a bien refroidi mes ardeurs de pyromane.
Mais puisqu'on vous dit que c'est interdit.
Après les dictatures numérique et sanitaire, voici l'environnementale.
Pour protester, on peut toujours cramer son ordi devant la déchetterie,
en méditant sur les 6 phases de la dictature mondiale.
https://bouddhanar.blogspot.com/2021/10/les-6-phases-de-la-dictature-mondiale.html
Quel dommage que ce monsieur bouddhanar (de droite)
soit un conspirationniste de la plus belle eau trouble, 
il a de l'énergie à revendre.

Ces dernières années, je brûle sans enthousiasme, presque sans flamme, et généralement dans un incinérateur de jardin plutôt qu'à même le sol, ce qui me vaudra peut-être un tarif dégressif en cas d'amende; qui se monte de base à 750 euros. 
J'ai beaucoup progressé en techniques de compostage, et parviens à recycler presque tous mes déchets verts, sauf les yuccas et les framboisiers. Je fais sécher des semaines tout ce que je ne peux recycler, de façon à ce que ça dégage le moins de fumée possible, et qu'on ne vienne pas me faire suer avec mon empreinte carbone, j'en dégage dix fois plus en brûlant du chêne dans la cheminée du salon d'hiver devenu mon bureau, et ça c'est toujours autorisé.
Mon voisin pyromane alcoolique a longtemps brûlé dans un bidon métallique tout ce qui lui tombait sous la main, même les feuilles et les branches tombées dans le petit bois derrière chez nous, en se foutant éperdument de la direction du vent quitte à nous enfumer, et sa dernière compagne appréciait moyennement que je benne dans le sous-bois déjà abondamment feuillu les brassées de feuilles mortes qui se déposent sur ma pelouse entre octobre et janvier, où mes dizaines de brouettes sont ratissées, absorbées, et lentement converties en humus, la feuille de chêne ne se décompose pas très vite, il faut bien deux ans. Pourrir peut attendre. Et en plus ça étouffe l'herbe naissante. C'est ça qui lui déplaisait. Mes brouettes de feuilles mortes, elle aurait aimé que je les brûle; voilà des gens auprès desquels il n'est pas difficile de se croire un écologiste sensible aux exigences de l'avenir, même sans envoyer 15 euros à wikipédia et sans acheter ni remorque ni broyeur de jardin.

Non seulement brûler émet des particules comme c'est pas permis,
mais en plus le mec s'y est vraiment mal pris,
il a complètement étouffé son feu en bourrant son bidon
avec des trucs pas secs. L'erreur du débutant.

Et les histoires sur Patrick. 
La fois où il était tellement saoul qu'il a fait un délit de fuite au rond-point, et où les flics sont venus le cueillir chez lui parce qu'ils savaient très bien à qui ils avaient affaire. 
Et celle où un soir, soit-disant en ratissant des glands dans son allée, glands dont les chênes très féconds nous bombardent généreusement à l'automne, il avait glissé, et s'était fait une fracture ouverte, et qu'il est resté des heures à brâmer dans le noir avant que quelq'un le secoure (ici c'est la campagne).
La fois où il avait attaché sa copine au radiateur (c'est elle qui nous l'a raconté après) et voulant lui mettre son poing dans la figure, elle l'a esquivé et il s'est juste pété la main en cognant le radiateur (quelques jours après, on l'a effectivement vu avec la main bandée, il nous a dit qu'il avait fait du bricolage qui avait mal tourné)
La fois où les flics sont venus sonner parce que quelqu'un avait appelé pour dénoncer des violences conjugales en cours, sous les yeux du brigadier je me suis tourné vers la cage d'escalier et j'ai demandé à Loukoum, à l'étage, "dis donc, chérie, c'est toi qui as appelé les flics parce que je te tapais ? - ah ben non, c'est pas moi ! - Ok c'est bien ce que je pensais, il y a une erreur, allez donc voir à la maison d'à côté, au 34... "

Les meilleures blagues de Mezzo
dans Picsou Magazine
La fois où... Malgré toutes ces blagues sur Patrick, qui rempliraient un supplément gratuit à Picsou Magazine, et qui maintenaient notre relation de voisinage au point mort du strict minimum d'une cordialité distante et respectueuse, en fait méprisante et vaguement narquoise, et parce que ces dernières années nous avions surtout affaire à sa compagne qui faisait quotidiennement admirer nos poules de jardin à son épagneul tibétain qui en restait muet d'admiration derrière le grillage, et qu'elle était plutôt inoffensive, lui on ne le voyait plus, entre ses séjours à l’hôpital, ses cures de chimio, ses retours fatigués, nos échanges forcément décalés sur le cancer, quand je le voyais devant chez lui sur ses béquilles et que j'allais échanger trois mots, à cause de toutes ces circonstances soudain atténuantes au décès qu'on n'attendait plus de l'infréquentable voisin malgré sa rédemption clandestine, nous nous sommes rendus à ses funérailles, dans un petit cimetière au nord de l'agglomération, un radieux samedi de début septembre. 
Nous sommes restés entre nous, je veux dire nous et les voisins d'en face, qui le tenaient aussi en piètre estime mais qu'on avait embarqués dans l'histoire, ça leur faisait une sortie, à 80 ans sans vaccin ni passe sanitaire on ne sort plus beaucoup, nous ne connaissions personne parmi ses proches, à part le viticulteur du coin, mais on entretient avec lui les mêmes rapports distants qu'avec Patrick, et ma femme ne boit pas de son muscadet, il est trop pas bon. 
Les employés des pompes funèbres ont un peu foiré les intros et outros des chansons d'Aznavour et de Pascal Obistro diffusées pendant la cérémonie, mais les éloges funèbres par sa fille, avec qui il avait été longtemps brouillé, et par sa dernière compagne, qui l'avait réconcilié avec sa fille, en tout cas c'est ce qu'elles ont dit dans leur petit discours, ont été sobres et émouvants, elles ont dressé avec des mots très simples un tableau du disparu qui rayonnait soudain de qualités humaines insoupçonnées, le courage, la probité, la ténacité, l'humour, toutes ces vertus que nous n'avions pas su capter de notre voisin en choisissant de vivre à distance autant que faire se pouvait, et maintenant, évidemment, c'était un peu tard. Au point de me troubler, et de lui consacrer ce billet.
Images d'archives D.R.
En pénitence d'avoir pensé du mal d'un chouette gars qui avait un peu trop picolé pour ne pas être rattrapé par ses excès passés, mais qui a quand même œuvré pour la réduction de mon empreinte carbone en me faisant vivre dans la terreur d'une dénonciation quand il m'arrive de brûler des déchets végétaux dans le bois, quelques jours plus tard je suis allé faire les vendanges bénévolement, pour un ancien collègue en cours de reconversion comme vigneron bio, mais qui démarre modestement, et n'a pas de quoi pour l'instant salarier ses vendangeurs. Je me suis d'abord dit "nan mais il est un peu chié de me solliciter, il sait bien que je ne bois plus" et puis quand même après j'ai réfléchi "nan mais en fait y s'en fout de ta problématique d'alcoolo, il a juste besoin d'un coup de main, et quel plus beau geste pour toi que de donner de ton temps pour un gars avec qui tu n'as pas vraiment d'attaches ? "

Merci Liberatore !
Dans le muscadet, cette année y’a eu le gel, la grêle, le mildiou, et les récoltes sont perdues à 80 %. Alors son raisin a été vite ramassé, j
'ai passé un week-end dans les vignes avec que des 
quadras, c’est là que tu vois dans leurs yeux que tu ne l’es plus. Comme avec mon voisin, il y a une certaine distance qui s'établit spontanément, mais au moins, t'es en contact avec le monde, un monde post-Covid où les programmateurs de spectacles de jazz et de world music se reconvertissent dans la menuiserie. On s'est retrouvés à discuter de cinéma coréen avec un gérant de label musical de la région qui m'a proposé d'assister à un concert de rock psyché la semaine suivante en laissant une place à mon nom à l'entrée de la salle, ça fait toujours plaisir. Mais je ne suis plus très branché rock psyché. J'esmère simplement récupérer quelques bouteilles de muscadet pour ma femme si Pierre réussit sa première vinification. Réponse dans quelques semaines. Faut qu'ça fermente. Sauf qu’à force de me justifier dans les vignes et au cours des repas de vendangeurs « nan mais moi je bois plus depuis 29 ans », j’avais l’impression de proclamer l’inverse de ce que je prétendais, à savoir de prouver mon attachement hors d'âge au produit, et que si j’avais vraiment envie de me la péter avec mon abstinence, les quadras du cru n’en avaient rien à battre, et j’avais qu’à retourner m’en vanter en réunion Alcooliques Anonymes, ce que j’ai aussitôt fait. 
Même après 10 ans d'absence, les AA t'accueillent toujours comme si t'étais venu la semaine précédente. Et leur chaleur n'est pas feinte. J'y retourne aussi parce que j'ai une collègue de bureau à qui j'aimerais bien transmettre un peu de ce que j'ai reçu quand j'ai poussé la porte du mouvement pour chercher une solution à mon problème avec la boisson, et que j'ai un peu oublié les rudiments d'une transmission efficace.
En relisant parallèlement mes comptes-rendus de séances de psychothérapie de l'époque, il m'apparaît que je picolais pour cause de narcissisme déficient, c’est à dire pour me consoler de n’être « que » ce que j’étais, pas vraiment à la hauteur de mes ambitions. Je me décevais beaucoup, quoi. Le recours au médicament liquide n'arrangeait rien, mais anesthésiait la douleur. Et malgré tout mon blabla, rien ne m'interdit de transférer le programme de rétablissement qui m'est suggéré dans d'autres domaines de ma vie. C'est même recommandé.

Selon ma femme,
je vais pas tarder
à être dans un beau Drap.
Epilogue

La vie continue.
2 Novembre. 
Fête des Trépassés. 
Bonne fête Patrick ! 
C'est ta première, je sais, ne t'inquiète pas, ça va bien se passer, on est là, comme des voisins redevenus vigilants depuis ton départ.
Je me renseigne, sans passer par Wikipedia sinon il va encore me taper 15 balles.
En Occident, la Fête des Morts ou la «Fête des trépassés » est une célébration d'origine celtique qui, étendue ensuite aux peuples européens, a été réaménagée par les Églises chrétiennes depuis le XI° siècle sous le nom de « jour des Morts » dont la célébration est fixée au 2 novembre de chaque année. 
Ça fait bizarre, chaque fois que je vais pisser dans le jardin, et à mon âge c'est souvent, d'observer tes volets qui restent obstinément fermés. Sauf quand ta fille vient de Marseille pour finir de vider la maison. Depuis que tu as quitté ton corps, nous la surveillons. Pas ta fille. La maison. Ta fille, nous ne la connaissions pas, mais elle est sympa. Sa mère aussi. L'autre jour, peu après ton décès, je suis allé l'engueuler parce qu'elle brûlait des papiers sans doute hyper-secrets dans un brasero et que toute la fumée venait sur moi qui étais en train de ramasser des framboises dans ma parcelle, alors avec mon infection pulmonaire je toussais beaucoup, et je trouvais ça scandaleux de me faire enfumer, et elle était désolée, mais il fallait vraiment faire disparaitre ces papiers sans pouvoir passer par la déchetterie, ma femme m'a engueulé que je sois allé lui râler dessus, moi qui il y a vingt ans empuantissais tout le quartier avec mes incendies raisonnés® sans que ça me pose de problème moral ni avec les flics, j'ai beaucoup changé mais apparemment le souvenir de mes méfaits perdure. 

A tous les coups, ma femme se rappelle
du temps où je trempais ma trompe dans le bol
mieux que je ne saurais le faire.
Ahlala Akbar. Ça nous rajeunit pas.
La semaine dernière, en rentrant d'une virée en vélo, on a vu que y'avait du monde, et ma femme s'est arrêtée devant chez toi pour lier la conversation avec ton ex-épouse et ta fille, moi j'ai pas osé vu que je les avais engueulées début septembre, et c'est comme ça qu'on a su que ta maison allait être vendue au beau-père du second fils du viticulteur du coin, dont j'enfume parfois les vignes, du coup ma femme me prédit des difficultés grandissantes à faire du feu dans le bois, je m'en fous, l'autre matin il y avait du brouillard et j'en ai bien profité, j'ai berné tout le monde, le voisin d'en face est sorti parce qu'il trouvait que le brouillard avait une odeur suspecte, mais il n'a rien pu prouver et il est rentré chez lui.  


[EDIT]

Une amie m'envoie ce commentaire et me remet sur la voie de la raison :
Pour les déchets verts, nous allions à la déchetterie avec nos remorques. Mais j'ai acheté un broyeur, et je répands sur le terrain, aux pieds des arbres, dans les haies, et même sur nos mini carrés de potager. Mes pieds de tomates, concombres etc, je les ai arrachés et tout simplement laissés dans le potager. Les vers de terre et autres bactéries recyclent tout, et cela nourrit la terre. donc même si tu déposes tous tes végétaux dans la forêt, ils se décomposent. Je fais de même avec les épluchures etc....tout revient à la terre ou au hérisson. Pour les feuilles, soit on fait un tas autour des plantes, ou sur le potager, et cela les protège un peu de l'hiver et se décomposent avant le printemps, soit on les laisse.... de même pour celles qui pourrissent dans les gouttières. Tout peut revenir à la terre, pas besoin de brûler.

J'étais en train de penser la même chose de la crémation. Quel gaspillage !