lu dans Courrier International
MONDE ARABE : Les religions de la haine
Les communautés sont plus préoccupées de s’entre-tuer que de construire des Etats démocratiques.
Depuis que j’ai écrit que les chiites commettaient une grave erreur en persécutant les sunnites d’Irak, de Syrie et du Liban – du moins depuis 2003 –, presque tous les chiites que je connais me disent que je ne suis pas objectif. “Et les chiites de Bahreïn, d’Arabie Saoudite et d’Afghanistan [opprimés par les sunnites] ? objectent-ils. Pourquoi ne parlez-vous pas d’eux ?”
Il est impossible pour un esprit sectaire de dénoncer une injustice sans dénoncer toutes les injustices. Et, puisque chaque secte peut se prévaloir d’avoir été persécutée quelque part à quelque moment de l’Histoire, ses représentants estiment souvent que leur statut de victimes leur donne le droit de tyranniser leurs adversaires. Ce raisonnement alimente la haine entre les sunnites, les chiites et les autres communautés du Moyen-Orient.
Essayez de convaincre un chrétien qu’il a l’obligation morale de soutenir les victimes du régime de Bachar El-Assad, de ses armes chimiques, de ses bonbonnes de chlore et de ses barils de TNT, il vous répondra immédiatement : “Et les religieuses du couvent de Maaloula, alors [elles ont été enlevées en Syrie par des groupes islamistes anti-Assad] ?” Les chiites entretiennent une haine vieille de quatorze siècles contre les sunnites en célébrant chaque année la mort de leur troisième imam, Hussein [commémorations de Kerbala]. J’ai essayé de discuter avec des chiites de l’utilité de maintenir le souvenir d’un épisode aussi sanglant.
L’histoire de la mort de l’imam Hussein à Kerbala ne sert pas à grand-chose d’autre qu’à entretenir le sentiment antisunnite. Les sunnites d’aujourd’hui sont-ils responsables des erreurs commises par les Omeyyades il y a 1 334 ans ? Loin de se laisser déborder par la rhétorique haineuse des chiites à leur égard, les sunnites alimentent eux aussi cette inimitié.
Pour eux, les chiites sont le résultat d’un complot mondial visant à affaiblir une nation islamique harmonieuse. D’aucuns affirment qu’un certain juif yéménite du nom d’Abdullah ibn Saba aurait infiltré la communauté musulmane et créé le mouvement chiite afin de la diviser. Aux yeux des sunnites, les chiites, souvent traités de Perses, se sont alliés avec Israël et l’Occident pour combattre l’islam.
De leur côté, les chiites accusent l’alliance supposée des sunnites et des juifs de faire exactement la même chose. Ces deux communautés attisent la haine contre les juifs, qui le leur rendent bien. Rares sont ceux qui, au Liban, en Syrie et en Irak, comprennent les notions d’Etat, de démocratie, de souveraineté et de citoyenneté. La majorité des pays du Levant sont peuplés d’individus sectaires qui, en dépit de leurs beaux discours sur la coexistence, ne sont en réalité que des bigots prisonniers d’un jeu à somme nulle.
Ils se préoccupent plus de mener bataille contre les sectes rivales que de construire de bonnes institutions de gouvernement. Ces communautés sont conçues pour s’épanouir dans des climats de peur et de haine et pour perpétuer la violence. Tant que leurs fondements resteront inchangés, il sera impossible de ramener un semblant de calme dans la région et la paix ne régnera pas sur terre. Du moins pas au Moyen-Orient.
—Hussain Abdul-Hussain
Publié le 22 décembre 2014 dans Now. (extraits) Beyrouth
Et j'avais oublié celui-ci, excellent :
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