trois générations de Warsen (la plongée accentue l'effet "Gimli, fils de Gloïn...") |
Six mois et quelques sans tabac, une fois de plus. Bah… Je sais bien qu’exalter le sevrage et ses vertus, à part au début pour se motiver, c’est le rendre plus difficile qu’il n’est vraiment, en faisant de la saisie dessus, comme disent les bouddhistes. Le vertige de l’altitude qu’on est censé avoir pris par rapport à ce qu’on était dans l’addiction devenant prétexte à une redescente rapide et pas du tout climatisée (1). Alors, en redescendant de la tête de Parmelan, dans le massif des Bornes (Haute-Savoie) je m’octroie une cigarette virtuelle. Portant deux doigts à ma bouche, j’y introduis une clope imaginaire, et je sens l’herbe à Nicot me brûler les poumons comme si c’était pour de vrai. Il me semble que cette cigarette fictive ne porte pas à conséquence, tant que je ne flambe pas le paquet dans la journée. D’ailleurs, les jours où j’ai un arrière goût de cendrier dans le bec, je me dis que je fume gratuitement et que je nique la Seilta, et je passe à autre chose. Enfin j’essaye, parce qu’un esclavage de 25 ans, même si on l’abandonne “joyeusement” (tu parles) on en ressort quand même abîmé (dans le sens nietzschéen “Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi”). J’ai fait le compte, et j’ai déjà fumé 185 000 cigarettes dans ma vie, et je comprends très bien le sexagénaire Dino quand il me dit “j’ai mis vingt ans à arréter de fumer”, je me sens pareil. J’ai un ami qui a toujours un paquet dans sa poche, mais il l’a acheté il y a deux mois et il en reste quelques-unes dedans. J’en ai un autre qui a cru qu’après 9 ans d’abstinence il pouvait s’en griller une petite, et aujourd’hui il est encore plus accro qu’avant. Comme quoi ça n’a rien à voir avec le produit, tout est dans la compulsion… ” Les cigarettes avaient d’abord provoqué en lui une douleur psychique particulière, puis elles étaient devenues le remède particulier de cette douleur (…) Même si la mort en résulte, la dépendance consiste à effacer la douleur par ce qui la provoque, et comme la mort est quand même au bout du chemin, qu’est-ce que ça peut faire ?” tel est le syllogisme de l’amertume que nous assénait Russell Banks au détour d’un paragraphe… C’est dingue, cette histoire de recherche de plaisir immédiat dans la souffrance. Accro au stress, accro à la souffrance… dans l’appartement vide et parisien que je squattais en janvier, j’avais trouvé “Pour une Vie Réussie, un Amour Réussi” sur la table de nuit, un livre d’Arnaud Desjardins qui en parle très bien. Desjardins, obscur objet de mon ressentiment mes premières saisies spirituelles… Accro à ce qu’on connaît, par peur du reste. Même si on ne connaît que les émotions négatives et les promesses sans suite de la littérature de développement personnel.
(1) “le manque de confiance augmente le nombre de contrôles de l’action qui constituent en fait des interruptions dans la mise en oeuvre de la procedure en question. Un gosse continue de tomber à vélo tant qu’il a pas capté qu’il a intégré la procédure au niveau de ses neurones, alors que ladite integration est effective. C’est le passage de la mémoire procédurale à la mémoire déclarative: on sait qu’on sait, on a alors confiance pour faire ce qui évite de se foirer en plein milieu de l’action en l’interrompant pour vérifier qu’on y arrive” disait Vinz en 2003 sur la liste CL.
Il me semble que la citation de Vinz, c’est le cas contraire de ce à quoi tu l’attribue. Dans un cas, on sait faire du vélo mais on ne le croit pas. Dans l’autre cas, on s’enthousiame de faire super bien du vélo alors qu’on s’est juste assis sur une chaise et qu’on imagine qu’on fait du vélo. Quand on s’en aperçoit, on est sûrement assez déprimé pour se dire que par terre on était aussi bien.
Rédigé par: flopinette | le 28 juillet 2007 à 22:00|Merci de m’aider à mettre le doigt à la fois sur le sujet de cet article et sur ce qui me gênait dans le raisonnement de Vinz : dans les faits il est impossible de savoir faire du vélo tout en feignant de l’ignorer, mais la pratique rend inutile l’énonciation d’une parole cycliste (tant qu’on reste dessus et qu’on pédale). D’ailleurs il me semble que tu as écrit quelque part que le Sage était autorisé à faire le bien à condition de l’ignorer.
Rédigé par: john | le 29 juillet 2007 à 12:16|