Avec “L’Archéologie du futur”, paru en 2005, Jameson s’interroge sur l’avenir de l’«élan utopique» dans une époque marquée par l’abolition de toute distance entre culture et marché, mais aussi de toute distance critique propre à forger un autre monde possible - ce dont l’anti-intellectualisme contemporain est selon lui la traduction. Cette fois, c’est l’évolution de la science-fiction qui lui sert de terrain. Jameson se demande pourquoi ce genre ancien porteur d’utopie, florissant dans les années 1960, a été peu à peu remplacé soit par un imaginaire dominé par la magie et la nostalgie médiévale (qui culmine avec le succès de Harry Potter), soit par le Cyberpunk. Il y voit le symptôme d’une idéologie qui évacue toutes les alternatives au capitalisme et par là même mine notre «puissance d’agir». C’est à la préserver que tend cette oeuvre, dont la richesse montre que le désespoir n’est pas encore à l’ordre du jour. Aussi postmoderne soit-il, l’intellectuel peut toujours l’interpréter. Mais aussi rêver de le transformer.”
C’est ce que je kiffe dans ce genre d’articles : une débauche de mots et d’effets spécieux plus sombrissimes les uns que les autres, faisant appel aux mânes des Grandes Lignées d’Intellos du Pléiostène pour justifier et mettre en garde contre le Crépuscule T’amer des Consciences qui s’Annonce, ambiance “la fin du monde a commencé avant-hier et j’y étais”, puis abruptement une phrase de conclusion toute platounette comme même France 3 n’ose plus en pondre à la fin de ses reportages, ” mais tout cela n’est pas grave, avec un peu d’entrain et deux doigts d’huile de coude, on s’en sortira” ou, comme le psalmodiait rageusement l’autre soir dans les couloirs d’une rédaction régionale un reporter saisi par le virus du cynisme, “devant l’ampleur de la catastrophe, une cellule psychologique a été mise en place !”
Ca donnerait presque envie de jouer les Cassandre anti-Cassandre, mais avec qui et dans quel but ? Serais-je en train de succomber aux sirènes de l’anti-intellectualisme décriées dans l’article ? Quand on coupe la tête d’un intellectuel, il meurt, la cause est entendue. Et ceux qui le lisent ne sont pas à l’abri d’une migraine persistante, pour ne rien dire de ceux qui se le cognent en pension. D’un autre côté, nous sommes tous construits par des croyances inconscientes pas plus retorses mais pas moins faciles à déboyauter (verbe inventé par ma fille pour décrire ce que le chat de la maison fait subir aux souris du quartier) que celles énoncées ici. Hier, il m’a fallu plus d’une heure et demie de course à pied pour réaliser à quel point j’étais persuadé que rien ne pouvait se faire par le corps. Sans cortex, j’aurais été bien embété pour en prendre conscience. Zblwux.
Ceci dit, le journaliste, peut-être dans un sursaut d’humour désacralisant, a écrit “l’intellectuel postmoderne peut l’interpréter, et rêver de transformer le monde” et non “peut transformer le monde”. Tiens, non, je croyais qu’il parlait du monde, et en relisant mieux, il ne parle que du désespoir, qui étant une posture à priori ne dit rien du monde, le journalisme postural répondant alors à la littérature éponyme.
Dans un monde où la productivité a pris le mors aux dents, Tintin et Milou se soulagent comme ils peuvent sur le monsieur de France Télécom qui venait leur proposer une connection 8 Mo (allégorie)
1le philosophe Jean-François Lyotard, prenant acte de la disparition des « grands récits » de la modernité (progrès, nation, sujet, oeuvre…) estimait en 1979 que nous étions entrés dans un univers « postmoderne ».
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