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mardi 30 mai 2023

Les adieux au music-hall de Mélanie Mélanome (8)

Résumé : Les épisodes précédents des aventures de Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome sont accessibles d'un simple clic en tapant le hashtag Mélanie Mélanome dans la zone "RECHERCHER DANS CE BLOG" dans la colonne de droite. Je peux pas être plus clair. Mais je peux l'être beaucoup moins.

Le jour où j'ai vu mon oncle maternel de 85 ans marcher cassé en deux, comme après une fracture du bassin, je lui ai demandé pourquoi il n'utilisait pas sa canne, qu'il conservait toujours à portée de main. Il m'a répondu que c'était parce qu'il craignait d'en devenir dépendant. 
Il m'a dit ça avec son demi-sourire permanent à la Fernand Raynaud, en respirant à toutes petites goulées, comme un plongeur descendu à une grande profondeur qui se demande s'il aura assez d'air pour remonter.
papa dans son bel uniforme de polytechnique
un peu avant qu'il devienne un séducteur de la CGT
J'ai apprécié la blague de ce prince sans rire, mais aujourd'hui, c'est moi qui marche comme lui, j'ai chopé une lombalgie de la mort, avant-hier matin, sur le même siège sur lequel je suis assis sous vos yeux, pieds nus dans les courants d'air, au mépris du danger vertébral, j'étais en train d'envisager de dire du mal de mon géniteur à quelqu'un qui venait de l'évoquer, mais le temps de me dire que ça valait pas le coup et de lâcher l'affaire, crac. 
D'habitude il me faut être confronté à la présence physique du Malin, et à Sa Parole Toxique, pour subir des atteintes dans ma chair (pied cassé pendant une réunion de famille ourdie à l'insu de mon plein gré, lumbago de Noël, crise bipolaire de la Saint-Sylvestre menaçant de tourner à la Saint Barthélémy, etc…), là il m’a suffi de réagir par écrit au portrait ancien qui m'en était esquissé "ton père, paraît il, séducteur et à la CGT" et d'ironiser sur la transmission de cet héritage caractériel pour choper une lombalgie carabinée. 
C’est de la magie noire lacanienne, ou je ne m’y connais pas. J'en ai bien pour huit jours, pour les lombalgies, c'est le minimum syndical; à la CGT comme ailleurs.

une bédé agréablement débile de Lupano
Et maintenant j'attends que ça passe, allongé dans le canapé avec des anti-inflammatoires téléchargés sur un serveur russe et des BD agréablement débiles de Lupano délivrées sans ordonnance à la pharmacie du rond-point virgule; j'ignorais qu’à partir de 60 ans, le survivalisme devient une philosophie concrète, indispensable pour négocier chaque virage du Réel, dévoilant un nouveau platane en approche. 
La plupart de mes confrères et consoeurs de blog que l'auto-addiction n'a pas confinés dans la démence précoce et qui ne sont pas encore internés à l'asile d'Arkham-sur-Loing ont fermé leur échoppe depuis longtemps, ou sont déjà morts d'autre chose. 
Je reste quasiment seul à pouvoir témoigner, au risque d'essayer de faire mon intéressant avec l'aveu de mes déficiences. D'autant plus qu'avec mon dos pété, je ne peux pas faire de jardin, de toute façon c’est très venteux, avec toutes les graminées en suspension dans l'anticyclone, j'ai une belle rhinite, et ma femme fait des crises d’asthme spectaculaires. 
Plus jeunes, on n'y était pas sensibles. Cet après-midi, on est vraiment les naufragés du canapé de la Méduse, heureusement que personne ne peut nous surprendre en flagrant délit de larvitude, le fils est au boulot avec ses autistes, et la fille en Italie avec son nouveau chéri de chez Tefal qui n’a pas de poële, en tout cas sur la photo que j’ai réussi à obtenir. 

une bédé agréablement intelligente de Lupano
(se lit dans le même canapé)
Le deuxième jour de lombalgie me voit démarrer la journée du mauvais pied, avec la démarche chaloupée qui m’a rendu célèbre parmi les marins approximatifs débarqués à Ciutadella de Menorca un 15 aout à la recherche urgente d'un chiropracteur, mais je retrouve une boite non utilisée de Tramadol, offerte par le CHU de Saint Nazaire pour toute fracture du pied pendant les fêtes de fin d'année dernière. Le Tramadol ! le célèbre anti-inflammatoire opioïde déjà culte qui provoque 100 000 morts par an et par overdose aux USA ! J'avais hâte de l'essayer. Heureusement que je n’ai aucune tendance addictive. Je regarde le dosage, ok, j'y vais mollo, ça me soulage un peu. Mais la somnolence liée au fait que le produit ralentit le système nerveux est plaisante, donc un peu relou. Dans l'absolu, je m'en moque, de ce retour du refoulé vertébral, car je viens d'archiver mon dossier cancer, nananère, désormais clos jusqu'à nouvel ordre. La rechute ? le plus tard possible. Après ma mort, ça serait carrément top-moumoute. Merci d'avance, Esprit de l'Univers, Seigneur des Métastases.


J'ai bien rempli les intercalaires de mon livret d'accueil,
mais je n'ai jamais croisé cette sémillante quinqua
pendant sa chimio à la cafétéria du centre.
Encore de la publicité mensongère.
Quelques jours après mes adieux à la cardiologue du centre de cancérologie qui n'oubliait rien, j'ai passé un dernier IRM de contrôle thorax + cerveau, avec l'injection de produit de contraste rigolo qui fait vomir dans le scanner à 500 000 $ si on a mangé du cassoulet avant, examen toujours suivi d'un bilan avec l'oncologue. Elle m'avait prévenu par avance que sauf récidive, c'était la dernière fois qu'on se verrait. 
Je lui avais répondu "tant mieux, parce que ma femme commence à se douter de quelque chose", mais j'ai encore failli oublier le rendez-vous, j'avais une échographie inguinale à réaliser juste avant dont je n'avais pas vu que l'heure en avait été avancée, heureusement que j'avais commencé à classer une pile de papiers administratifs sur mon bureau et que j'ai retrouvé la convocation juste à temps pour sauter dans ma voiture, comme la semaine précédente, et après le Seigneur des Patients à l'Heure m'a pris en charge et mené à bon port en un temps record. Mais le parking était plein, la cancérologie est une industrie florissante, et il y avait un embouteillage de malades à l'accueil, comme si toutes les ambulances de Loire-Atlantique avaient déversé leurs passagers devant l'hosto en même temps, pour faire un espèce de happening de cancéreux, heureusement tout le monde était à peu près valide et présentable, et on est restés dignes. L'oncologue m'a dit que mes résultats étaient bons, elle ne prononce ni les mots de guérison, ni de rémission, mais elle me confirme qu'on ne se verra plus, ou alors ça ne sera pas bon signe, elle me colle un suivi bi-annuel avec une dermatologue, elle ne me dit pas que je ne peux plus me mettre au soleil mais j'ai bien compris que j'avais dilapidé mon capital, je ne m'expose plus sans chapeau, ni crême, ni vêtements anti-UV. Je n'ai pas envie de refaire un tour de manège. Celui qui s'achève a duré trois ans. C’est la première fois que je contemple la face de Mélanie Mélanome sans masque anti-Covid, c'est con, ça mettait un peu d'Eros dans tout ce Thanatos, je trouve qu'en voilant leurs femmes pour s'interdire de désirer celle du voisin les Musulmans se sont rajoutés une couche de difficulté, le mystère émanant d'une paire d'yeux émergeant d'un masque FFP2 est d'autant plus irrésistible qu'insondable, en tout cas avec Mélanie on est un peu émus tous les deux pour cette fin de chantier, je sais qu'elle s'en remettra avant le prochain patient, surtout si elle doit lui annoncer une mauvaise nouvelle, et je suppute qu'elle ne dit pas adieu à tous ses malades de façon aussi apaisée. Je m'en sors bien. Beaucoup d'amis de mon âge, et plus jeunes, n'ont pas cette chance. J'en tire des conclusions assez laïques sur l’absence de justice divine, sans sombrer dans le nihilisme, qui serait fatal à des types dans mon genre. 
D’abord parce que peut-être que la justice divine existe, mais qu’elle n’est pas perceptible à des humains, vu qu’elle satisfait à des critères divins, on n'est peut-être pas dans le bon angle, ni assez intelligents pour comprendre, auquel cas c’est guère étonnant qu’elle nous apparaisse comme une grosse pute vérolée sans foi ni loi. Ensuite, parce que l'absence apparente d'intervention divine dans nos petites affaires ne justifie pas tout. Par exemple, ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse, ça m'a l'air un principe assez sain, et à conserver, de même que son corollaire : sois bon avec autrui comme tu aimerais qu'il le soit avec toi, mais ne force pas ta chance, et reste élégant.

J'ai découvert par hasard dans la semaine où j'essayais de rédiger l'article
que mes ruminations recoupaient celles d'Averroes, philosophe médiéval andalou. 
C'est un peu rassurant. D'être un chien d'infidèle andalou. Arf.

Dans l’article réservé aux abonnés « Dieu et la connaissance du monde » : Averroès, l’altérité divine et la liberté humaine, le plus célèbre théologien de l’islam sunnite critique avec véhémence les philosophes, en particulier le Persan Avicenne (980-1037), qu’il accuse ni plus ni moins d’être des infi­dèles. Cette condamnation vise leurs positions sur trois points : ils soutiennent que le monde n’a pas été créé, rejettent la résurrection des corps dans l’au-delà et, donc, affirment que Dieu ne connaît pas les choses du monde dans leur particularité. (..) Si Dieu ne connaît pas le monde dans sa particularité, si, dans l’acte de connaître, Il ne sort pas de Lui-même, alors Sa providence ne s’étend pas au monde des hommes. Cette conséquence a des implications politiques importantes. Il en va de la liberté de l’homme et de la possibilité qui lui est accordée de fonder une cité qui soit la cité des hommes et non celle de Dieu.
Dans le Politique, Platon convoque le mythe de Chronos pour expliquer que, lorsque la providence divine abandonne les hommes, ils doivent alors se prendre en charge et instaurer les conditions qui rendent leur vie commune possible. Si la loi des hommes est nécessaire, c’est parce que les hommes ne sont plus guidés par la loi divine.

Me voici contraint d'abandonner au bord du chemin mon identité de cancéreux. Soi-même est pourtant un des mythes les plus tenaces de l’Occident Chrétin. On passe sa vie consciente à se bricoler des histoires, à quémander le regard de l’autre pour validation, au moins de loin en loin, alors qu’il n’y en a aucune qui tienne la route dans la durée, et qu’elles ont tendance à s’évaporer comme qui rigole en mangeant de la neige au soleil. Ce qui me semble exister avec plus de consistance, ce sont des identifications successives, terme dont je me croyais l'inventeur avant de le lire sous la plume du président du gRRR, (le groupe de Réalité Réelle Ratée) qui me signale l’avoir emprunté à Lacan, m’épargnant le souci d'expliquer comment elles coulissent l’une dans l’autre à condition de ne pas s’y attacher, et combien elles sont un heureux substitut à ce malheureux concept d’identité, qui continue à faire des millions de victimes hagardes (et la fortune des psys) de par le monde.
Franchement, je vois pas pourquoi en faire un tel fromage; y’a quand même pas de quoi se passer les paupières à la crème de Chester avec une tringle à rideau de fer ! Et si j'emprunte un autre uniforme, et ma casquette de dépendant, plus ou moins sauvé par le programme des 12 étapes, c'est un groupe identitaire où l'on n’est pas dans la recherche d'honnêteté par vertu, mais pour le confort. Si on ment, on meurt. En repassant par la case produit. Le programme de rétablissement qui nous est proposé nous aura au moins appris ça. Dans d'autres programmes, comme le Vipassana, mentir, c’est juste alourdir la barque karmique. C’est une entorse au règlement intérieur, au cœur de l'intimité de notre être, régie que nous le voulions ou non par la loi de cause à effet. Et que notre être soit rongé ou non par l’obsession égotiste, et que pendant ce temps, Dieu soit au bureau ou pas, ok ?
Putain de moine, j'aurais dû faire théologien.

J’étais un jeune séminariste plein d'avenir en route vers l’abbaye de Rostrenen, 
quand je me fis rouler dessus par ma première concubine
 à bord de son tramway nommé désir, qu’elle conduisait d'une main leste.
Y’a jamais eu moyen de faire un constat à l’amiable, et maintenant c’est baisé.

Le temps que je vous explique ma guérison miraculeuse sans même porter la médaille du Curé d'Ars, je reçois la réponse de mon employeur, qui ne m’accorde pas les congés nécessaires à mon stage de Vipassana début aout, les deux périodes ne se chevauchaient qu'imparfaitement et il me fallait un peu de rabe. A coup sûr, c'est le Bon Dieu qui m'a puni de blasphémer devant mon ordi tôt le matin dans les courants d'air dans mon pyjama rayé. Vais-je pour autant me ruer sur mon armoire à pharmacie, contenant le lithium consolateur et surtout régulateur, ce népenthès de l’âme ? Je ne pense pas. Je vais plutôt jouer ça dans le bon sens : le prochain cours de 10 jours qui ouvre, je saute dessus et je pose mes congés après.
Et le cancer numérique ? En début de cancer réel, j'avais dit que j'arrêtais celui qu'était virtuel. 
Hé bien on y travaille. Il vaut mieux s’affranchir du mensonge que de faire fi de ses conséquences. Je n'écris plus que quand je suis coincé, et que je ne peux pas faire autrement. J'avoue qu'en ce moment, j'ai l'air souvent coincé. A se demander si je ne me coince pas exprès le nerf sciatique dans la rainure, histoire de relancer l'usine à blabla. 

(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)



[EDIT du 1/6]
j'ai un peu oublié l'essentiel, peut-être implicite dans mes lyrics, je ne sais pas, mais ça m'est apparu en discutant avec la dentiste ce matin, qui est que je suis beaucoup moins prisonnier de mes états dépressifs qu'avant. Avant quoi ? ben avant le mélanome, les deuils, la fracture du pied, la reprise du blog... un peu comme si le cancer avait joué le rôle de régulateur d'humeur, en remettant de l'ordre dans l'échelle des priorités, des joies simples aux plaisirs compliqués. Mais je n'en suis qu'à 5 mois sans lithium, et qui serais-je pour me juger ? faut voir dans la durée. 

jeudi 18 mai 2023

Mélanie Mélanome et la cardiologue qui n'oubliait rien (7)

Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome, le résumé intégral des épisodes précédents :

Episode 1
https://johnwarsen.blogspot.com/2020/09/loukoum-et-tagada-contre-melanie.html

Episode 2

Episode 3

Episode 4

Episode 5

Episode 6

Episode 7
Attendez un peu, je commence tout juste à l'écrire.

Ce matin, levé à 6 heures pour accompagner les travailleurs dans leur élan, je ne bosse pas aujourd'hui, je n'ai toujours pas obtenu mon plein temps auprès de l'employeur que j'ai attaqué aux Prud'hommes en 2020 pour obtenir un CDI après 22 ans de CDD, et je peux m'en réjouir secrètement, ici même, en ce non-lieu, d'avoir obtenu un temps partiel, même si financièrement c'est pas le Pérou, j'en ai fini avec les affres du vieux CDD dont le téléphone ne sonne plus beaucoup, et je gagne quand même de quoi vivre décemment, je me réveille tôt parce que en ce moment, quand je descends à mon bureau pour écrire à une certaine personne la veille au soir, ça me met en tension, ne pouvant m'empêcher d'espérer glandulairement une réponse dont je sais bien intellectuellement qu'elle ne viendra pas (oui, comme Madeleine dans la chanson de Brel) eu égard à la façon dont j'ai asséné mes questions, qui sont plutôt des affirmations assez péremptoires pour suspecter une posture, d'ailleurs elle m'a dit que ça lui faisait penser à Faulkner, t'as qu'à voir, et je me réveille spontanément de cause à effet le lendemain entre 4 heures et 6 heures du matin, il va donc me falloir choisir entre correspondre avec cette personne (en fait, l'assommer de mes monologues faulknerisants, en guettant les moments où elle va passer la tête dans l'ouverture de ma boite mail et faire "oui, oui" de la tête, ce qui déclenchera une nouvelle salve), choisir entre brûler mon essence en vaines contorsions et retrouver le sommeil, mais choisir c'est renoncer, et renoncer c'est chiant, donc au final choisir c'est chiant, mais je trouve ça quand même bien pratique pour ne pas rester encombré des choix non-valides avant qu'ils deviennent franchement moisis. 
Quand je perds le sommeil, en descendant à 4 heures par nuit sur des périodes de plusieurs semaines, comme en mars et avril, c'est souvent lié à une excitation subie, puis saisie et entretenue, et après, je suis délabré, et je me traine. J'ai eu 60 ans, j'ai moins de jus, même si je suis dans le déni, je le sens, et je ne me vois pas "assumer" tout d'un coup mon âge, assertion aussi vide de sens que Macron qui "assume" la réforme des retraites et le déni de démocratie. 
Je dois admettre que les Anciens avaient raison, c'est ennuyant d'être vieux, on est plus souvent fatigué. Ma grand-mère, qui m'aimait beaucoup, a tenté de me prévenir, elle me disait "faut pas vieillir", en crispant ses doigts crochus sur mon avant-bras juvénile, à la fin on a dû l'abattre. 
" Quant au Réel, il fait parfois irruption
dans la réalité. Généralement sur le mode
platane vu de face et de trop près
aux alentours de cent soixante km/h.
Donc, il est prudent de ne pas trop le convoquer. »
me disait mon bon maitre Louis-Julien Poignard.
J'en conclus qu'en allant au bureau,
on peut poser le vélo
contre le platane du Réel,
le temps d'assouvir un besoin naturel,
mais qu'il ne faut pas s'éterniser.

Moyennant quoi, au passage, je suis toujours tendu vers l'objectif du plein emploi, je fais 25 bornes par jour sur un vélo normal, tant que j'en suis capable, pour aller et revenir du travail trois jours par semaine, et j'ai plus la niaque que si j'avais passé les 30 dernières années écroulé à plein temps au fond de cette grande boutique de l'audiovisuel public régional.
Hormis ces périodes de trous bleus insomniaques, ça fait des années que je n'utilise plus de réveil, je m'éveille "naturellement" à l'heure qu'il faut, le secret c'est de m'être couché tôt la veille; et comme la veille je me suis levé aux aurores, je commence à somnoler devant la télé vers 22 heures, et je vais rapidement au lit; et donc ce matin, après avoir préparé le petit déjeuner des travailleurs, j’ai bien fait d’ouvrir mon agenda, j’avais un rendez vous de contrôle, pris il y a plus d'un an, avec le cardiologue du centre de cancérologie, dans une heure et de l’autre côté de Nantes, sinon c’est pas drôle. Complètement zappé. Je ne suis plus dans le mood de mon identité de malade du cancer, qui est tombé de mes épaules comme un paletot usagé. Téléportation jusqu'à la voiture. Ruses de Sioux pour éviter la partie du périphérique complètement coagulée jusqu’à 9h45 tous les jours que Dieu et la DDE font, traverser Rezé pour rattraper le pont de Cheviré par la porte de Bouguenais, fallait y croire, ça l’a fait, je suis arrivé pile poil à l’heure au centre de cancéro, j’y croyais pas mais j'y étais quand même. Dans ces cas-là, j'ai l'envie imbécile de remercier, selon l'humeur, ma Puissance Supérieure (concept AA), l’Esprit de l’Univers, la DDE, alors que je sais bien que la justice divine est absente de ce monde, ce qui m’évite de me croire maudit quand les choses ne tournent pas à mon avantage, cf ma vieille blague sur le fait qu’avant je me prenais pour un artiste maudit, et qu’un jour je m’ai aperçu que je n’étais que maudit, et encore, que par ma femme.
Quand à la justice humaine, avec Dupont-Moretti et Darmalin et demi aux manettes, vaut mieux pas trop lui avoir affaire à elle. Après l'électrocardiogramme, la cardiologue me dit que tout va bien, l'hypertension a reflué, elle voulait la soigner avec des médocs que j'avais refusé de prendre, l'hypertension qui était due selon moi (après une rapide recherche sur google "hypertension + cortisone") aux 6 mois d'anti-inflammatoires stéroïdiens enchainés suite à l'invalidante pneumopathie induite par les effets secondaires de l'immunothérapie, cette hypertension s'est évanouie dans l'azur de mes artères, elle a pris l'aorte, alors la cardiologue me libère de ces visites annuelles, c'est une fin de chantier, un an après la fin du traitement pour me guérir de l'autre traitement, tant mieux. En me rhabillant d'un air mélancolique, je lui dis que j'aime bien la peinture affichée au mur de son cabinet, une immense tortue peinte sur batik dans un camaïeu de couleurs naïves.
dans ce genre-là.
un truc que j'aurais trouvé moche

et kitsch avant le cancer.
Elle me dit qu'elle l'a ramenée de Bali, et que je lui ai déjà fait cette remarque l'an dernier, alors je m'étonne qu'elle se rappelle d'une observation faite par un patient il y a un an, et elle m'explique qu'elle se souvient de tout, tout le temps, que le soir elle peut retranscrire à son mari les quatre conversations qu'elle a entendues autour d'elle en déjeunant à midi, d'ailleurs son mari en a un peu marre, et elle est obligée de faire plus d'une heure de sport par jour pour gérer cette hypermnésie.
D'un autre côté, ça a pu l'avantager pour ses études de médecine, mais ne rien oublier, jamais, ça fait peur. C'est une malédiction qui ressemble aux pouvoirs psychiques de certains mutants dans les illustrés américains d'avant-guerre (celle avec l'Ukraine). C'est un truc à reprendre du lithium. Ou de la paroxétine. Ou pire. Des psychédéliques, en avalant tout le microdosage d'un coup. Ma récente cure de psilocybine a eu des effets imprévus : une amie qui a pris pas mal de champignons dans une vie antérieure à sa découverte des fraternités en 12 étapes m'a suggéré d'aller plutôt faire une retraite vipassana telle qu'enseignée par S.N. Goenka dans la tradition de Sayagyi U Ba Khin
https://www.dhamma.org/fr/about/vipassana
et je m'y suis inscrit ce matin même, après avoir accompagné les travailleurs dans leurs rituels matinaux, la camarade femme et le camarade fils, il ne faut pas louper le créneau, trois mois pile poil avant le début de la session, les inscriptions ouvrent, et c'est rapidement plein, souvent en une seule journée. Le cancer semble donc avoir eu un effet positif sur mes progrès dans l'intention de pratiquer le bouddhisme. Faut dire à ma décharge publique que ça fait au moins deux décennies que je tourne autour du pot, en reluquant le site du centre de méditation Goenka comme si c'était de la pornographie spirituelle. Ca doit être un reste de paganisme anticlérical mal digéré. Misère. 
Maintenant que je suis un peu redescendu du microdosage et de ma cuite émotionnelle au cimetière, c'est une raison supplémentaire pour ne pas reprendre de lithium, qui m'interdirait l'accès au centre vipassana, qui pratique une politique d'immigration assez stricte par rapport aux chtarbés de la spiritualité, c'est la tolérance zéro pour tous ceux qui prennent des médocs pour la tête. Vu comment je lui ai présenté les choses, le psychiatre n’a rien trouvé à y redire, à part me rappeler qu'il ne tenait pas à me ramasser à la petite cuiller… Je n’oublie pas ce que je lui dois, ni à mon lui, ni à mon traitement.
Mais je me rappelle aussi que « mon » traitement, (8 ans de lithium, et j'ai eu très beau temps) c’est moi qui lui ai suggéré de me le donner, parce que le sien ne marchait pas.
Par rapport au stage de méditation, il me faut encore passer plusieurs épreuves éliminatoires :
- le tirage au sort (du fait de la surabondance de candidats)
- le bon vouloir de mon employeur pour obtenir une rallonge de congés, qui ne chevauchent que partiellement les dates du stage.
- remettre mes féfesses sur mon siésiège de méditation une heure par jour, ça peut pas me nuire, comme lors du récent moratoire sur le cyber, de septembre dernier à fin décembre, moratoire interrompu par la fracture du pied.


(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

jeudi 9 mars 2023

Je te salue, Marie (1)

Mi-février, à J+45 de ma fracture du 5ème métatarse droit, comme disent les chirurgiens orthopédistes, j’avais beau savoir que mon handicap était temporaire, je l’ai brusquement ressenti comme permanent, j'ai eu un bon coup de mou dans les béquilles, et j’ai cru pendant quelques jours que je ne pourrais plus jamais remarcher. Y’a des jours comme ça. Vaut mieux en être conscient, ça nous traverse plus vite que si on résiste à l’idée. Abusé par les lenteurs du corps à se remettre de l’accident (en fait c’était une double fracture : du pied, puis de la belle-mère le mois suivant, 

Ouille. Vive les photos de vacances
prises aux Urgences du CHU.
et sans vouloir la ramener, je me remettais de deux ans de traitement d’un mélanome)
https://johnwarsen.blogspot.com/2021/12/le-petit-noel-de-melanie-melanome-6.html
c’était sans doute l’effet « coup de pompe funèbre », bien que je combattisse ce sentiment en songeant à tous ceux pour qui le handicap est vraiment permanent dans la Réalité Réelle Ratée, mais as-tu déjà combattu un sentiment ? en général, c’est lui donner l’avantage, puisque lutter contre lui le renforce.
Par ailleurs il était temps d’admettre et d’accepter que si j’étais depuis 7 semaines un boulet pour les miens, ne pouvant ni préparer les repas, ni faire les courses ou le ménage, ni mettre la table, ni la débarrasser, ni participer de quelque façon que ce fut aux menus travaux d’entretien que réclame une maison individuelle nichée au coeur d'un écrin de 1000 m2 de verdure, cette hérésie écologique de l’an 2050, mon impunité à ne rien branler était totale, mais que ça ne durerait pas, et que c’était l’opportunité à saisir tant qu’elle s'offrait à moi.
Aux innocents les mains pleines de béquilles, j’étais prié de m’en réjouir et de remercier mes proches pour le surcroît de travail induit par ma bouche inutile à nourrir, j’étais intouchable, j’attendais que ça passe, comme le reste, puisque tout passe, hélas, pardon, tantpistantmieux voulais-je dire.

la plupart du temps, je gardais le moral en lisant des livres déprimants.

C’est à ce moment de découragement commençant à vouloir ressembler de loin par temps de brouillard à la Nuit Obscure De Saint Jean De La Croix
que j’ai démarré les séances de rééducation. 
En quelques jours, grâce à un kiné bienveillant et efficace, je suis passé à une seule béquille. Joie de boîter en couinant « ouille », Joie sans mélange.
Et samedi dernier, à J+63 du jour où je n’avais pas porté assez d'attention à l'endroit où je posais le pied, prenant la présence du sol pour un fait acquis sans nul besoin de fast-checking, j'avais fait de tels progrès grâce au kiné, que j'ai pris ma voiture (après deux mois sans pouvoir conduire), et je suis allé au marché sans béquille du tout, la laissant dans la voiture, punie et privée de sortie, tout content de pouvoir discuter avec mes commerçants préférés (légumes, poisson, huitres d'Oléron, terrine de canard à damner un vegan) et échapper à l’influence délétère de ma nouvelle famille d’adoption de ces dernières semaines.

à J+45 du début de l'année, j'ai passé plus de temps avec ma nouvelle famille que je ne l'aurais souhaité.
Ils sont très volubiles, mais ils radotent tout seul. Comme moi.

Revenu à l’angle droit des allées centrales du marché, celle qui mène à la buvette et l’autre qui conduit au caddie à roulettes qui se prend pour un présentoir mobile des Témoins de Jéhovah, je pense avoir fini mes courses, mais je tombe en arrêt devant un éventaire de salades, en entendant soudain l’Ave Maria interprété au violoncelle. Ça change du salopard cacochyme qui joue d'habitude, et ce depuis des années, le générique de L’inspecteur Gadget sur un violon lui-même parvenu au bout de la route, et qui provoque tant de dépressions, de malaises vagaux et d’acouphènes chez les commerçants et les riverains du marché, obligés qu'ils sont de le supporter plusieurs heures d’affilée tous les samedis et dimanches matins que Dieu fait, sans doute grâce à la présence complaisante des Témoins de Jéhovah en bout d'allée.
j'ai demandé aux Témoins
s'ils avaient cette brochure, 
mais elle n'est toujours pas disponible.
Comme par hasard.
L’Ave Maria, je le reconnais entre Emile, il m’a toujours ému, sans doute un reste de mon passage aux Jeunesses Communistes, quand on organisait des battues aux curés. Je me suis récemment entiché d'une version a cappella par de jeunes Américains sortis de nulle part, c’est-à-dire d’une série télé dont je suis sûr que le showrunner en est Patrick Somerville, si c’est pas Maniac alors c’est Station Eleven, même en déployant toutes les ressources cachées de iTunes et de tunefind, ma capacité à mémoriser et restituer des informations inutiles est en échec, il faudrait que je fasse une petite sieste et ça me reviendrait peut-être, je ne dors pas beaucoup en ce moment. Les infirmières qui m'ont quotidiennement shooté aux anticoagulants jusqu'à J+60 pour m'éviter la phlébite m'ont dit que c'était normal, et imputable au manque absolu d'activité physique.
Sur le marché de ma petite ville de province, et même en étant joué un peu tzigane, l’Ave Maria ça reste l’Ave Maria, j'en suis pétrifié devant la boutique du primeur, et c’est ainsi qu'ouvrant les yeux sur ce qui m'entourait vraiment, à la faveur de cet éveil spirituel micro-dosé par le lied de Schubert dont j'apprendrai plus tard qu’il n’était pas vraiment destiné par le compositeur à soutenir la prière traditionnelle de l'Église catholique romaine,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ellens_dritter_Gesang
j’ai finalement acheté deux laitues pour 1,70€ et j’ai donné 2€ au musicien, ça me semblait une somme conséquente mais intelligemment dépensée.


(finalement, c'était dans Station Eleven)

Deux jours plus tard, j’apprends qu’une toute autre Marie, ni vierge ni divine, une humaine dont j’ai trivialement partagé l'existence plusieurs décennies plus tôt, vient de nous quitter, des suites d’une longue maladie. Nous ? Je ne l’avais quasiment pas revue depuis 1984. Je suis peiné quand même, la mort de quelqu’un que j’ai connu jadis, même si le lien de la vie s’est complètement défait entre nous, c’est le démenti froid et d'une précision chirurgicale, de mon sentiment (illégitime et usurpé) d’immortalité - un handicap psychologique ressenti là aussi de façon permanente alors qu’à l’évidence, ce biais cognitif est très temporaire, et la mort de Marie en est une nouvelle preuve, de plus en plus fréquemment rencontrée à mesure que j’avance en âge.
Bref. J'ai bien l'impression que j'en parlais plus clairement en 2007, même si ça fait un peu « je le sais parce que je l’ai lu sur mon blog »
Je n’ai jamais cherché à renouer le lien avec Marie, près de 40 ans après qu'il se soit défait, nos ruptures furent amères, « ne partons pas fâchés », ben si, quand même un peu, et bien que je m'en sente tout à fait apte et capable, je me vois mal aller verser des larmes de crocodile, ni même d'alligators 427, le jour de ta sépulture, il est trop tard, et toutéfoutu.com. 
Mais alors, qu’est-ce que je fais ici, qu’est-ce que je tente de dire ?

Ma tristesse est sincère et non feinte, mais elle s’accompagne sans doute d’un brin de perversité quand je retrouve dans un vieux carton la photo qui va bien s’accommoder de mes demi-mensonges, qui me montent à la gorge au point de me faire tousser comme un chat crevé sur ce blog à tout faire, sauf vivre. Que dire de plus pour honorer ta mémoire et rappeler ta gloire, que de produire et de montrer cette image ? 
Francis le rappelait dans son exégèse : « être conscient, c'est être conscient de ce qui est maintenant, et pas être à l'affut de ce qui était hier ou sera demain ou dans cinq minutes ou quand on va mourir (snif, je me manque déjà). »
Ce qui serait instructif, à ce titre, ça serait de savoir par exemple si tu as fusionné avec le Grand Tout, ou plutôt avec le Grand Rien, auquel cas finis les tracas, et ça valait pas la peine de se faire autant de mouron. Question qui se repose à chaque départ, puisque les nouvelles de l'au-delà sont rares, ça doit être la grève des postiers contre le recul de l'âge légal de la retraite à 65 siècles chez les disparus, associée à une pénurie endémique de timbres à 0,50 NF, et les quelques témoignages soi-disant recueillis de l'autre côté du mur du Trépas ne sauraient nous convaincre, surtout après avoir lu Philippe Charlier, 
gardant à l'esprit que, conscients de notre impermanence, nous obtiendrons la révélation et l’éclaircissement quand ça sera notre heure ultime, pas avant, pas après. En principe.
Au correspondant qui m’informe de ton décès, et qui a tenu à conserver l’anonymat au sein de plusieurs fraternités de 12 étapes, je transmets la photo miraculeuse qui me rend tout chose, qu’il faut que je cesse de regarder, avec pour commentaire « je savais bien que j’avais un vieux photomaton quelque part… ce selfie d'avant les selfies, avec « fin aout 82 » calligraphié au dos, de sa jolie écriture déliée… j’préfère rien dire. »
Malheureusement, la Nature a horreur du vide, et je ne puis m’en tenir là. 
La mort intime au silence, mais rend les vivants bavards. 
Tu sais ce que c’est.

lundi 11 avril 2022

Lendemain de premier tour

Pour l'instant, tout se passe comme prévu dans mon article d'avant-hier.
Mickey n’a pas été élu.
L’extrême-droite a fait 30% de scores cumulés, et encore je te mets pas Dupond Teigneux, alors que le président sortant 28%. 
Un tout petit peu plus que les abstentionnistes.
Les macronistes se réjouissent; pourtant, il n’y a pas de quoi, en signe de joie, se passer les paupières à la crème de chester, avec une tringle à rideau de fer. 
It sucks blood sausage (= ça craint du boudin, selon la traduction qu'en a fait Thibaud Nolte dans le 28 minutes d'Arte)
Dans 5 ans, le fruit sera mûr. A moins qu'il y ait un troisième tour dans la rue.
Je ne crois pas qu'on puisse parler de déni de démocratie : comment débattre alors que le vote révèle une polarisation vers les extrêmes ? qu'un tiers des gens qui se sont déplacés se soient exprimés en faveur d'un extrémisme décomplexé me laisse pensif.
N’en profitons pas pour avoir le blues de l’électeur de gauche (l’électeur de droite a autant mal au cul que nous mais il tait sa douleur car il est moins à la pène)
Suspense insoutenable d’ici 15 jours : m’abstiens-je ? m’abstiens-je pas ?
Préféré-je faire le jeu de la droite, ou de l'extrême-droite ?




mercredi 22 décembre 2021

# Balance ton Z€MM0UR

1/ Introduction
(qu’on peut sauter en allant directement au chapitre suivant sur la télécommande, parce que personne ne lit les préfaces dans les bouquins, alors sur ton blog on va pas se gêner)

c'est la fin du dernier James Bond

J'ai trouvé le dernier James Bond mieux moins pire que ce que je craignais, mais finalement ce que je préfère dans les films de James Bond, plus encore que les petites pépées bien délurées ou les grosses voitures qui ont tout plein d'accidents, ou le sous-texte en forme de chant d'amour à l'industrie du luxe qui tente de légitimer auprès des pauvres le capitalisme financier mondialisé pourtant à l'agonie, fouettant l'air de sa queue de reptile aux abois avec des soubresauts mortels entre lesquels nous cherchons une porte de sortie vers un monde décarboné pour éviter à la planète d'entrer dans l'irréparable et de ne plus pouvoir nous porter en ses flancs,
 
en tout cas le dernier avec Daniel Craig

nan mais moi ce que je préfère dans les James Bond, sans déconner, c'est les génériques, ces petits film-dans-le-film qui recèlent des trésors de créativité, quand le directeur artistique est inspiré et bien luné, avec des flingues et des seins animés redessinés en silhouette avec des éclairages psyché, toutes ces pépites confectionnées aux petits oignons par les créatifs du studio, directeurs de la photo, illustrateurs, musiciens, monteurs et truquistes, conjuguant leurs talents en une synergie proactive pour réaliser des œuvres certes fragiles et éphémères, et que tout le monde aura oublié quand le rideau sur l'écran sera tombé et que le film sera terminé, que je réveillerai mon voisin qui dort comme un nouveau-né bien qu'il ait comme moi payé sa place près de 15 balles pour voir "Pourrir peut t'attendre" au Forum des Halles le mois dernier, car James Bond est une entreprise industrielle transnationale qui perdure depuis 1962 - l'année de ma naissance ! et qui compte bien faire un retour sur investissement d'au moins 8 %, car les actionnaires ne s'en laisseront pas compter.

il a juré qu'il n'en tournerait plus, juste avant de partir
à l'Ehpad des anciens acteurs de James Bond

Une nuit où je me faisais suer à relire Schopenhauer parce que je n'avais pas réussi à remettre la main sur ma collection d'Arthur le Fantôme Justicier, je tombe sur ce passage, bien planqué dans Le monde comme volonté et comme représentation (I, IV, §57. Traduction A. Burdeau, PUF, (1966. 2008), p. 394) :
"Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l'effort, un effort continu, sans but, sans repos; mais chez la bête et chez l'homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être; c'est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur; c'est par nature, nécessairement, qu'ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d'objet, qu'une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l'ennui; leur nature, leur existence leur pèse d'un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui."

la preuve : son élégie par Ralph Fiennes
(sans doute mordu par un Schopenhauer) dans No Time to die (2021)

Cette lecture est un choc : je comprends alors que moi aussi, avec mes insomnies dues en partie à une réaction bipolette à l'absorption de tablettes nutritives de lave-vaisselle à la corticoïne, cette substance anti-inflammatoire qui ne peut être qu'une lointaine cousine de la Kryptonite (qui déclenche des crises d'éternuements incoercibles chez Superman) que mon oncologue m'a prescrites pour venir à bout de cette affection pulmonaire résultant d'un truc bien plus grave dont j'ai tartiné l'article précédent, et sans doute aussi celui d'avant, tel que je me connais, je suis menacé d'osciller tel un pendule, de droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo), ballotté de la souffrance à l'ennui pire que dans un wagon de la RATP entre Créteil et Balard. 
Une fois de plus, je ne puis que me laisser faire par la médecine, dont je suis à la fois l'otage, le champ de bataille expérimental, l'espace convivial de R&D, le cobaye au grand coeur dans les espaces inviolés qui s'étendent autour de l'Institut de cancérologie de l'Ouest Sauvage qui se limitent à une pelouse maigrichonne et un espace fumeur surtout fréquenté par les ambulanciers pendant que leurs clients sont en chimio. A ce titre, ayant totalement lâché prise sur l'issue inprédictible de tous ces protocoles, je me sens soudain menacé que ma volonté vienne à manquer d'objet.

D'autres victimes anonymes du soudain manque d'objet de la volonté.
Je sais, ça fait peur.
Pour éviter ça, pendant ces longues sessions de fièvre insomniaque, de passage dans votre cerveau dès 3 heures du matin tous les jours que Dieu fait, je me dis que  ça serait chouette de réunir tous ces génériques de James Bond au sein d'un film rétrospectif et testimonial, au prix de légères entorses au droit international de l'image. En incluant les prégénériques, qui sont souvent de petits teasers du film, ayant pour objectif de donner envie de voir la suite de façon plus ou moins énigmatique, innocentes saynètes où tout le monde s’entretue avec ce fair-play typiquement britannique, et dont le sens sera dévoilé plus tard, et en y insérant des blagues par le truchement de sous-titres parodiques, et puis on y verrait les moeurs du temps progresser de film en film, au tout début de la saga, l’ennemi étranger, qu’il soit jaune, bronzé, peau-rouge ou même caucasien ou encore issu d'une minorité visible de Bételgeuse, est fourbe et manichéen, mais devient plus complexe avec le temps.
Ah tiens non, dans le dernier James Bond, Rami Malek est aussi ravagé que les précédents déments super-malfaisants des films de James Bond. Je le trouve meilleur en geek ayant bac + 14 en schizophrènie dans Mister Robot.
 
John Warsen a eu la flemme de réindexer sa nouvelle bibliothèque,
et a bien du mal à localiser sa collection d'Arthur le Fantôme Justicier,
pourtant l'objet de la volonté. Sauras-tu l'aider à la retrouver ?
Bon mais alors on y verrait la femme passer du statut d’objet (celui-là même dont ma volonté vient à manquer) purement décoratif dans sa version potiche, à celui plus enviable d'allié de l'ennemi, puis d’ami.e retourné par subjugation sexuelle, devenant presque aussi fidèle que le chien ou le cheval quand elle survit à l'épisode en cours.
60 ans d’évolution de la société occidentale, quand même ça se perçoit dans la dimension historique de l’épopée,  même si James Bond ne devient pas trop gender fluid en vieillissant, (blabla sociologique à développeren plus ça me prendrait un temps fou, je ne penserais plus à ma maladie, et elle en profiterait pour guérir, à l'ombre de moi-même.
Je récupère l'ensemble des films, déjà ça me prend quelques nuits sans lune, et mon premier bout-à-bout des 25 prégénériques + génériques de James Bond fait 5h30… alors que mes nuits n’en font que 3 ou 4 (comme celles de PrésidentMacron®)
Le plus long, c’est de trouver des blagues, et de refaire les sous-titres. Puis je teste quelques effets, je substitue ma tronche à celle du lion de la MGM, et je diffuse à droite (Zemmour) et à gauche (Hidalgo)Pour voir si c'est drôle. Zut, ça ressemble à un clip mollasson de Mozinor, auquel je commençais d'ailleurs à songer, sans pouvoir encore le nommer.

Goldfinger (1964)

Sur ces entrefaites, mon frère me met carrément minable, en un clic, en m'envoyant une vidéo hilarante de ce foutu Mozinor, datant de 2006 :


En voyant le boulot que ce monsieur Mozinor a fait sur James Bond, je vois bien que je ne suis qu'une petite bite / un gros geek.
Goossens a pourtant prouvé que tu peux pas
être petit et gros à la fois

Car en plus d'imaginer et d'interpréter une réécriture de scènes dialoguées, comme l'équipe de "le grand détournement", qui étaient les enfants naturels des situationnistes, qui pervertissaient de leur sens premier des BD ou des films de karaté dans les années 60, comme dans "la dialectique peut-elle casser des briques ?", histoire de se moquer à peu de frais du capitalisme, et qui ont bien failli le fiche par terre, d'ailleurs on se demande encore comment il s'en est relevé, Mozinor il a réalisé des modifications sur l'image, alors c'est quand même du boulot. Avec un mauvais goût assumé, à tous les stades de la conception de ses canulars. Par contre, il a foiré le format de sa vidéo, sa vidéo est hideusement anamorphe, peut-être exprès, pour pas se faire choper par Youtube, ou alors à l'époque y'avait pas le matos qu'on trouve maintenant. Je vais lui envoyer mon tuto.


Moi, c'est fichu d'avance, la pauvreté de mes prémisses me condamne à la misère spirituelle et au naufrage filmique. Je n'atteindrai jamais le niveau de gravité dans la  connerie de chez Mozinor. Mes quelques inserts les plus réussis se hissent avec peine au niveau d'OSS 117, qui était déjà plus faiblard que la série "Au service de la France", pourtant écrite par le même auteur (Jean-François Halin, un ancien des Guignols de l'info.)

"On ne vit que deux fois" (1967)

Est-ce que ce qui me plairait pas, plutôt, dans les James Bond, c'est sa toute-puissance, sa résistance aux bourre-pifs, son impunité, et son absence de conscience morale au service de la raison d'Etat, qui ne lui enjoint jamais que de soutenir et préserver l'ordre établi en éliminant les ennemis de la démocratie parlementaire ? Jamais on va lui demander d'aller dessouder le président syrien, ou celui d'Arabie Saoudite, ou d'aller embêter le brésilien, ou le chinois, et pourtant y'a des jours où ils mériteraient. Et les intrigues sont faciles à suivre, et il couche à droite (Zemmour) à gauche (Hidalgo) en envoyant paitre sa hiérarchie quand ça le chante, et sauve quand même le Monde Libre, Civilisé et Blanc à chaque fois.
Je monte quarante-cinq minutes de mon film-qui-marche-pas et qui alterne prégénériques détournés et génériques clinquants et pop, puis je me décourage un peu, parce que je me rends bien compte que ce que je déteste, dans les films de James Bond, c'est que ça me plaise, pour les raisons suscitées, alors je me demande pour détourner mon attention, qu'est-ce qu'il devient, au fait, Mozinor ?

(fin de l'Introduction)

2/ La réponse en images



Là, en cette fin année, dans ma période de débordements webinaires qui ne me laisse pas fermer l'oeil de la nouille, je me disais que j'allais faire plutôt de l’image que du texte, parce que après je m’en sortais plus,du fait que je sois obsédé textuel qui génère sa propre glu. Mais je crois que je vais laisser le démon vidéo-parodique à Mozinor, bien que ses petits clips aient sans doute du mal à dérider les Zemmouristes, pourtant moins nombreux que les Mozinoriens. C'est trop de boulot.

merci à Julien pour la vidéo de Schopenhauer.