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lundi 11 avril 2022

Lendemain de premier tour

Pour l'instant, tout se passe comme prévu dans mon article d'avant-hier.
Mickey n’a pas été élu.
L’extrême-droite a fait 30% de scores cumulés, et encore je te mets pas Dupond Teigneux, alors que le président sortant 28%. 
Un tout petit peu plus que les abstentionnistes.
Les macronistes se réjouissent; pourtant, il n’y a pas de quoi, en signe de joie, se passer les paupières à la crème de chester, avec une tringle à rideau de fer. 
It sucks blood sausage (= ça craint du boudin, selon la traduction qu'en a fait Thibaud Nolte dans le 28 minutes d'Arte)
Dans 5 ans, le fruit sera mûr. A moins qu'il y ait un troisième tour dans la rue.
Je ne crois pas qu'on puisse parler de déni de démocratie : comment débattre alors que le vote révèle une polarisation vers les extrêmes ? qu'un tiers des gens qui se sont déplacés se soient exprimés en faveur d'un extrémisme décomplexé me laisse pensif.
N’en profitons pas pour avoir le blues de l’électeur de gauche (l’électeur de droite a autant mal au cul que nous mais il tait sa douleur car il est moins à la pène)
Suspense insoutenable d’ici 15 jours : m’abstiens-je ? m’abstiens-je pas ?
Préféré-je faire le jeu de la droite, ou de l'extrême-droite ?




dimanche 9 mai 2021

Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome (4)

Concernant mon cancer de la peau toujours en cours, et ce n’est pas une métaphore pour désigner l’existence qui m’est proposée en attendant qu’elle ne le soit plus, je suis rendu, comme disent les petits-beurre Lu, à 6 mois de traitement, soit juste au milieu de la durée de soin prévue pour guérir de ma longue maladie. Donc finalement, vu de Sirius, ça sera assez court. En principe.
C’est bien la première fois qu’il me tarde d’y être, plutôt que de regretter de n’y être pas allé. Ou de n’y être plus. Vous faites quoi, vous, en un an ? 
Moi, je guéris d’une grave maladie au nom pas sympa, et ça me laisse du temps pour mettre un peu d’ordre dans ma vie, un jour à la fois. Il ne s’agit pas de brûler mes vaisseaux (= prendre une décision en s'interdisant de revenir en arrière, bien qu’on ne revienne jamais en arrière, sauf à voyager dans une machine à flux temporel inversé, ou de rétropédaler sur mon blog).
Si on sait que c’est notre dernière année de vie ici-bas, on s’agite, forcément, on tente de la remplir à fond, pour conclure et laisser trace. Ce n’est que dans l’ignorance de notre condition mortelle qu’on temporise, qu’on ajourne les grands travaux intimes. 
Si le voile de cette ignorance est levé par l'oncle Olog, quels grands travaux va-t-on entreprendre ? 
Saint-Just disait «les circonstances ne sont difficiles que pour ceux qui reculent devant le tombeau» et il ne parlait pas des défectuosités du samsara, ou plutôt, il dénonçait ceux qui les prétextaient pour ne rien faire. Mes affaires terrestres et spirituelles sont figées, engluées dans une sorte de stase temporelle, ce qui est un peu pléonastique puisque la stase désigne un état de choses marqué par l'immobilité absolue, que l'on oppose au déroulement normal des processus. En tout cas depuis quelques mois, j’évite de m’énerver, parce que ça n’apportera rien de bon, cf tes 50 dernières années, pauvre abruti. Tu permets que je m’appelle pauvre abruti ? que je fasse de l’humour auto-dépréciatif, comme les Juifs s’autorisent et même s’encouragent à en faire à leur endroit ? Tu n’es pas juif. Je sais. Ta mère était pire qu’une mère juive. Je sais. Ca compte pas. Laisse-moi travailler. Remonte à l’étage et va faire suer ton fils jusqu’à ce qu’il se rabiboche avec son ex.

L'année prochaine à Marienbad,  l'année dernière à Contis-Plage.
Et réciproquement.
Depuis l’épisode précédent du feuilleton de mon mélanome que je persiste à refuser d’écrire pour éviter de flatter mes tendances victimaires judéiformes érigées en star-système,
et que vous n’êtes pas du tout en train de lire, puisque vous avez été victime d’une suggestion hypnotique contractée en regardant un vieux film de Cronenberg, et que vous êtes en fait en train d’acheter le formidable recueil « L’été de l’infini » de Christopher Priest à la lbrairie la plus proche, voire directement au Bélial, sur les conseils de ce nouvel ami imaginaire que vous vous êtes fait en discutant de l'adaptation du Prestige, je me suis installé dans la routine des soins, et je dois dire que j’encaisse un peu mieux le traitement qu’au début. 
C’est quand même pas du jus d’orange qu’ils me perfusent. Au vu de mes résultats d’analyse, encourageants, et d’absence de métastases discernables par tomographie, par devant et par derrière, l’intervalle entre les séances d’immunothérapie a été porté de 3 à 6 semaines, mais avec double ration de pembrolizumab® pour l'équipage. 
Ai-je gagné au change ? Comme tous les trois mois, j’ai encore fait des tours de manège dans les scanners la semaine dernière. Un cérébral + un PETscan. (Lors d'un PET scan ou d'un examen TEP, c'est kif kif bourricot, Tomographie par Emission de Positons, la caméra TEP détecte les photons d'annihilation issus du produit radiopharmaceutique, alors que les rayons X issus du scanner fournissent l'image anatomique de la partie du corps examinée.)
Toujours pas attrapé la queue du mickey, malgré tous ces tours de manège gratuit, ou plutôt, pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale au titre d'"affection de longue durée". 

Mon dernier scanner, sans avoir fumé de CBD avant.
Dans les scanners, les mickeys c’est moins facile à attraper que des aliens dans le buffet, parce qu’ils vous font baisser votre pantalon, sans l’enlever, ce qui confère toujours une grande élégance, puis les bras sont ligotés le long du corps avant que vous soyez enfourné dans le tunnel de plastique intelligent qui va dévisager chaque cellule de votre corps dans le blanc des yeux en moins de 45 minutes chrono.
Pour le scanner cérébral, c’est plus rapide, chez moi il y a beaucoup moins de neurones à inspecter que dans le temps, mais le produit qu’ils injectent avant le scan donne des nausées, je me suis fait avoir la première fois, maintenant j’y vais à jeun.  Cette fois-ci, j’ai osé demander auprès des techniciens de l’hôpital pour connaitre mon poids informatique, et contrôler ainsi si j’avais grossi. Ils m’ont dit que ma base de données faisait quand même 40 Gigaoctets. Prochaine étape : insister pour savoir combien est facturée chaque session de tomographie à la Sécu par le centre de cancérologie, et être empli d'une terreur sacrée, qui ne fasse toutefois pas reculer devant le tombeau.
J’étais curieux de la représentation graphique de la base de données de mon petit corps malade en 3D, ils m’ont même remis une image de contrôle du scanner. Mon oncle Olog trouve le résultat très satisfaisant, bien que comme tu le vois, je porte à gauche, mais ça, ça ne date pas d’hier. Encore que dans le temps, j'avais la trompe bien au milieu. 

Un PET scan plus ancien, quasiment pré-bloguien

Blasphémer Ganesh plutôt que risquer de dé-voiler le visage d’Allah, c’est plus prudent, bien qu’avec les suprémacistes hindous actuellement au pouvoir et l'Inde submergée par une deuxième vague ravageuse, on se demande un peu ce qu’ils foutent, tous ces dieux hindous qui semblent se désintéresser de leurs fidèles… à part Kali, qui poursuit son job, quoi qu'il en coûte.
Après avoir vu des images de corps incinérés sur le parking d’un crématorium de New Delhi, je me demande comment font les gens pour continuer à lire du Stephen King. Pour s'évader ? s'évader où ? il n'y a plus d'ailleurs. Il n’y en a jamais eu, en fait. Je pourrais faire un billet néo-dépressif sur ce thème, mais à quoi bon ? c’est pas ça qui me ramènerait Marie-Louise.

- Mélanome !
- Pembrolizumab® ! Echec !
A côté, je me sens chanceux avec mon cancer : chanceux d'avoir été dépisté à temps, chanceux qu’il soit peu étendu, qu’il soit pris en charge à 100%, que le traitement ne soit pas débilitant, et qu’après une entrée douloureuse dans le royaume des cancéreux, mes semblables, mes frères, mes soeurs, aussi, si tu pouvais remettre ta perruque, merci, chanceux que cette grave maladie survienne pendant une période de chômage, de blacklistage et de Prud'hommes qui tardent à émettre leur délibéré en faveur d'un CDI, comme si c'était une machination complotiste pour me faire retourner écrire des bêtises dépitées ici et dans d'autres endroits encore plus secrets, m'enfin grâce à ça je puis gérer mon planning de soins sans trop avoir à jongler avec un agenda professionnel, puisque j'occulte ma maladie à mon employeur, qui sinon me trouverait bien moins sexy comme CDD, bien que comme je l'ai dit je suis aussi blacklisté qu'un mélanome puisse l'être; dans d'autres circonstances, j'aurais certainement couiné ma race que j'étais sans emploi et avec un cancer, et pourquoi pas bipolaire et alcoolique, aussi, pendant que j'y étais ? 
Et ça n'aurait pas été beau à voir.  
Alors que là, non. Et je l'ai dit, j’ai bon espoir d’en être sorti à la fin de l’année. Le cancer me contraint à rédiger des billets optimistes. C'est le monde à l'envers. Plus jamais ça !!
D’ange annonciateur de mort, ma célèbre oncologue Mélanie Mélanome est devenue au fil de nos entretiens une sorte de Sainte Laïque, qui m’absout des mes péchés (en particulier celui qui m'a mené chez elle : m’être mis au soleil pendant 40 ans au mépris de toute crème solaire) au fur et à mesure que recule pour moi l’échéance fatale jusqu’au-delà de l'horizon de l’improbable, bien que personne ne soit encore jamais mort, et que je peux tout à fait périr d'autre chose dès ce soir, ou alors mi-juin d'une thrombose lors de ma seconde injection d'Astra Zeneca, ce qui ne manquerait pas de piquant, tandis que son quotidien à elle reste solidement rythmé par des annonces de mauvaises nouvelles à faire à des patients moins chanceux que moi. 
J'aurais bien aimé qu'elle me fasse une ordonnance pour acheter du ouiski sans alcool à la pharmacie, en prévision de la murge de déconfinement que Napoléon IV ne va pas tarder à promulguer, parce que avec mon cancer, dans d’autre pays j’aurais déjà eu droit à des pétards sans tabac, alors faut pas déconner, mais je n'ai rien pu lui dire, à ma Sainte Métastase, elle n'aurait rien répondu, et m’aurait regardé avec son sourire triste et masqué. Alors j'ai préféré me taire, parce que j'ai les mêmes à la maison, et que je n'ose pas leur faire des blagues comme ça non plus.
Question de tenir la route ou la brouette, pour contrer les effets invalidants du traitement, qui se manifestent par de la fatigue et des courbatures diffuses et permanentes, j'ai décidé de vivre comme si je n'étais pas malade, pas comme un putain de poutine de négationniste, mais que la maladie se rappellerait à moi bien assez tôt, et du coup je n'entretiens plus le besoin compulsif d’y penser. (A part le fait d'écrire sur mes blogs, où je décèle toujours une dimension de comorbidité, mais ça datait de bien avant le mélanome, et j'ai quand même bien ralenti mon débloggage, en fréquence et en intensité.) J’ai remarqué qu'au bout de deux heures d’efforts des bras, des jambes et des reins, je n’ai plus de jus dans les membres, j’ai brûlé mon gasoil pour la journée, et qu'il est alors temps d’aller faire autre chose, voire de m’allonger avec un bouquin. Du coup, je m’astreins chaque jour à pratiquer ces 2 heures d’activité physique ! et le potager n'a jamais été aussi propre; quand j’étais bien portant, je n’en faisais pas autant.
Et il est clair que plus j'ai d'activité, moins je subis les courbatures. J'ignore si j'en ai moins, mais je les ressens moins, un peu comme avec les acouphènes dont l'intensité subie diminue quand on apprend à ne plus les écouter (ce qui les renforce quasi-mécaniquement) et à dissocier la gène du percept.

C'est loin du chef d'oeuvre annoncé
par télérama, babelio et sens critique.
Et ce n’est pas la maladie, mais le traitement, qui m’affaiblit. Apparemment, on ne booste pas impunément le système immunitaire sans fatiguer son hôte. Et si ça se trouve, c’est même pas le traitement, qui a bon dos, c’est la vieillerie. Mais je ne le saurai qu'après avoir cessé le traitement.
C'est comme ça que suis parti jouer de la débroussailleuse à Albi, chez mémé Rimpoché, après avoir sérieusement potassé la notion de motif impérieux au sens juridique du terme car le long du parcours de 650 km, le danger le plus périlleux n'était pas d’ingérer une salade aux germes dans une station d’autoroute aux restaurants fermés, mais plutôt d’affronter les redoutables Sphynx en goguette de la maréchaussée en ayant coché la bonne case dérogatoire et développé le bon argumentaire.
A 93 ans, et vivant seule chez elle, ma belle-mère se réjouit difficilement d’écouter ses vieux Pink Floyd à fond la caisse toute la sainte journée. 
Et elle ne m’a toujours divulgué aucun mantra secret sur la pratique de Longévité. Pourtant, il serait temps !
Elle reste tout aussi discrète sur le mantra encore plus secret qui lui permet de continuer à survivre à une existence d’une grande aridité entre nos visites, pour ne pas dire une vie de merde, et je lui en sais gré.
C’est peut-être ça, le Grand Secret : attendre et reporter la plainte jusqu’à la tombe. 
Dans le caveau, personne ne vous entend couiner. En attendant, on passe de bons moments ensemble. J’ai passé la semaine à débroussailler et délierrer son jardin. Y'a 2500 m2, y'avait de quoi jouer, y s’agit pas d’effleurer les racines, un pote local m’avait prêté une débroussailleuse, et hardi petit. On y a passé quelques jours loin de chez nous, ça fait du bien. Les gosses ont gardé la maison et le nouveau chat. J'avais emporté mon petit banc de méditation : la difficulté, c’est juste de s’asseoir et de faire croire à la viande qu’elle peut s’identifier à l’esprit. Même 25 minutes par jour, c’est affreusement compliqué tellement ça serait trop simple. Tout le mois de janvier j'y étais, mais là j'ai du mal à m'y remettre (sic). J'en conclus aisément que même si je n'ai pas connu de vortex dépressionnaire depuis l'invention du lithium, en 2015 en ce qui me consterne, je reste le variant breton.  Ma prison n’a qu’un seul barreau, et il fait 27 pouces. Mais je cesse de tourner autour quand je veux. En principe. Quand je fournis l'effort, en tout cas. Et le scanner du cerveau de l'autre jour a quand même révélé que l'énorme tumeur, évoquant à s'y méprendre une bite en érection et qu'ils avaient diagnostiquée inopérable lors du précédent contrôle, est apparemment en voie de résorption.
Ce qui confirme mes progrès dans l’intention de pratiquer le bouddhisme.
Et contrairement à ce que j’annonçais dans le précédent épisode de Loukoum et Tagada, je ne me suis pas lancé à corps perdu ou retrouvé dans le Qi Gong pour Stimuler Mon Systême Immunitaire.
Une amie qui en faisait depuis 30 ans a attrapé un cancer du sein. Ca m'a tout coupé, bien que ça soit une excuse un peu facile, je n'en disconviens pas. Peut-être que grâce à la pratique du Qi Gong, où elle doit être un peu plus assidue que moi avec la méditation, elle a évité tout un tas d'autres maladies.
 « La pratique du Qi Gong a aussi mené quelques amis à des maladies ou à la mort, comment savoir ce qui est souhaitable ? Comment savoir si c’est un échec ou un succès ? »
- Tu ne peux pas dire ça. Enfin, je crois que c’est pas ça que tu voulais dire. Le Qi Gong n’est pas cancérigène. En principe. Tu peux dire « la trajectoire de certains amis impliqués dans la pratique du Qi Gong a été impacté par des maladies à métastases, sans permettre leur rétablissement ».
comment savoir ce qui est souhaitable ?
- « souhaitable » du point de vue de qui, c’est là la question. Quand le cancer triomphe, l’individu hôte meurt. En principe. Le souhait d'épanouissement de la maladie signe sa fin. Le cancer semble alors aussi concon que le scorpion qui était monté sur le dos de la grenouille pour traverser la rivière et qui la pique à mi-parcours, prétextant que c’est dans sa nature. Comment la nature pourrait-elle être porteuse de mort et d’extinction ? si  nous cessions de l’anthropomorphiser, on aurait une chance de le voir. Du point de vue du patient, certains cancers (le plus célèbre restant Fritz Zorn) témoignent d’un désir de mort.
Comment savoir si c’est un échec ou un succès ?
- du point de vue du patient atteint du cancer, que désire-t-il vraiment ? et puis j’ai tellement tronçonné tes trois lignes que je ne vois plus que tu parles de l’effet du Qi Gong sur le cancer. 
Je pense que certains cancers aussi invasifs que dopés aux stéroïdes se moquent bien de pratiques énergétiques. Il n’y a pas d’études sur le sujet.

J'avais en mémoire que "es tut mir leid" c'était "ça me fait de la peine", 

mais mon fils m'a dit que c'est plutôt "je suis désolé"

j'ignore si "es tut mir leid für dich" est plus correct, 

ou si c'est de l'allemand petit nègre.

Même si l'expression "petit nègre" est sans doute

désormais interdite par les ligues de vertu.

Es tut mir leid au Q.

Mon amie malchanceuse, je l’ai baptisée « Miss Tutmirleid ». Ca ne fait rire que moi, et son mari, qui lui a collé un badge, et qui ne parle pas très bien allemand. Je lui fais des tartines d'exposés oncologiques, on se marre bien. Il ne faut pas s’acharner thérapeutiquement à faire rire les cancéreux trop fort, sinon les métastases se dispersent dans tout l’organisme, au gré des secousses provoquées par la rigolade. 
Ce qui est cool, par contre, c’est que les cancéreux ont le droit de faire des vannes sur le cancer comme seuls les Juifs ont le droit de faire des blagues sur les juifs Palestiniens.
Chanson découverte trois mois avant d'apprendre que j'avais un crabe, qui ne m'a pas moins fait rire ensuite. Mauvais esprit, mais assez bien faite, malgré quelques facilités d'écritures (je suppute//qui rime avec femmes de petite vertu)

Sinon, cette semaine on a fait la sépulture d’un pépé punk-farceur de nos connaissances, dont tout le monde pensait que c’était le cancer qui avait eu sa peau, et ils se sont rendus compte presque après-coup qu’il avait succombé au Covid, personne ne s’en est aperçu avant qu’il soit trop tard et le mystère reste entier sur le vecteur de transmission, personne autour de lui n’était atteint.
Et en plus, il avait reçu les 2 piqûres de vaccin Pfizer.
Heureusement que je suis pas Francis Lalanne, je l'aurais mal pris.
Sinon, ça va.

Y'a pas un mec des X-Men qui a le même bob, Bob ?
A part qu’avec mon cancer de la peau, je suis maintenant contraint de faire du jardin et de l'ordinateur avec un chapeau à la con, et ne plus m'exposer au soleil never again quand l'indice UV dépasse 1.
Ce sont des petites misères, par rapport à ce que ça pourrait être.
Et pour pouvoir relancer la saison de jogging, à laquelle la chirurgie, le confinement et le chocolat à l'orange ont porté des coups difficiles à parer, je teste depuis deux semaines un régime dont je parle depuis des années, en remplaçant le repas du soir par un fruit, un yaourt. Les oncologues proscrivent les jeûnes pour les malades du cancer, ils ont bien raison, mais un régime comme ça, Mélanie n'a rien dit, ce qui me freinait dans l’application de cette méthode c’était surtout la crainte de fâcher Jeannette et sa politique des bons petits plats quoi qu’il en coûte, là avec mon statut (mon cancer de Schrödinger, même) je jouis d’une certaine immunité diplomatique, concernant l'alimentation je fais un peu ce que je veux, bref y’a cabane. Profitons-en : le corps vit très bien avec un seul repas par jour. Le mien, en tout cas. En deux semaines, j'ai déjà perdu 3 kgs. En conservant ce rythme, dans moins d'un an j'aurai totalement disparu.

[EDIT]

Raoul Cauvin, le vénérable scénariste (82 ans) des 65 tomes à ce jour des aventures des Tuniques bleues (dans Spirou) n’a pas eu besoin d’un roman fleuve pour annoncer, même pas dans un article mais dans les commentaires de son blog, qu’il arrêtait de travailler, pour des raisons impérieuses :
« Il doit détruire pour survivre » :
Enfin le biopic du mélanome Mélenchon
"Disons simplement que je m'apprête bientôt à rejoindre les grands parents de Greg et Leslie (des lecteurs du journal qui venaient de perdre leur grand mère). L'oncologue est formel. Encore quelque mois à vivre avant d'aller, là-haut, rejoindre tous ceux qui m'ont précédé. Fallait bien que ça m'arrive aussi un jour. Contrairement à certains, je n'ai pas voulu partir cash, créer la surprise... J'ai préféré prendre un peu de temps pour vous avertir. Voilà qui est fait... J'espère m'en être bien tiré... Bien à vous et, tant que je peux encore le faire...vous dire... A+ »

 Une grande leçon de sobriété, donc, à l'intention du public restreint des amateurs de chroniques d'auto-nécrologie. De toute façon, c'est pas un concours de vitesse. On vient tous du même endroit, on va tous au même endroit. Le premier arrivé attend les autres. En principe. Moi, plus je vois mon oncologue, moins elle est formelle; j’aimerais bien voir le bas de son visage, un jour. J’ai pas l’impression qu’elle ressemble à Alien.


[EDIT_2]

 "Du coup, je m’astreins chaque jour à pratiquer ces 2 heures d’activité physique ! et le potager n'a jamais été aussi propre; quand j’étais bien portant, je n’en faisais pas autant." La peste soit des blogs : depuis que j'ai écrit ça, je me retrouve à nouveau très fatigué depuis la semaine dernière, juste bon à regarder des vieux films à la téloche, lire des Christopher Priest très adjaçents, et écouter des Steve Roach quand les enfants dorment. Je ferais mieux d'utiliser mon clavier à autre chose qu'à fabuler.


(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

jeudi 26 novembre 2020

Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome (3)

Résumé
Blacky le vilain mélanome me menaçait de son arme : 
ma femme l'a neutralisé en m'envoyant chez la dermato
et m'a sauvé la vie. J'essaye de ne pas lui en tenir rigueur.

Gérard Jugnot cachetonne dans des publicités douteuses.
Ou alors, c'est Gérard Manchié, qui ne vend plus de disques.
Anyway, enlève tes lunettes, Gérard, on t'a reconnu.
Au centre de cancérologie où je me rends toutes les 3 semaines pour me faire perfuser 10 cl de pembrolizumab, je remarque ce dépliant sur un présentoir; j'en apprécie d'abord la direction artistique et le bon goût du publicitaire qui a affublé le patient d'un polo couleur pisse-tache, je n'aurais pas fait mieux. Ensuite, je regarde le produit. Il n'est pas judicieux sur le plan karmique de rire des maladies qu'on n'a pas encore (sauf à considérer mes fuites urinaires sur blog, mais j'arrête quand je veux, et puis ça c'est du virtuel, moins embarassant que dans la Réalité Réelle Ratée), mais je ne crois pas que le fabricant de cet ingénieux étui pénien + poche de recueil puisse grand-chose pour moi. Bon, d'accord, imaginons que ça me coule dans le slip, et que je ne le vive pas bien, m'affranchirais-je de cette gêne en m'en réclamant sur cette tribune hyper-secrète assidûment scannée et cartographiée par des nanobots soviétiques ? Plus de 1000 vues par jour, selon les stats. C'est dingue. Avant d'en déclarer un, le cancer me terrifiait. Et pour paraphraser Jacquard, j’ai beaucoup aimé les Africaines, jusqu’à ce que j’en rencontre une. Comme quoi, on ne le rabâchera jamais assez avant de s'exciter sur des fadaises, le passage de l'imaginaire, de peur ou de désir, à la réalité, est toujours un peu décevant; comme à Deauville sans Trintignant
Et c'est le principe même de la Réalité Réelle Ratée, je devrais le savoir, j'ai participé à la conception du truc, je dois d'ailleurs rédiger un billet sur la genèse du gRRR, mais j'attends l'inspiration, qui reflue un peu, après un mois de novembre un peu frénétique (quand je tombe du lit à 4h30 pour honorer mes blogs ou mes correspondants, c'est pas bon signe, et la clarté consciencielle s'en ressent, je suis obligé de l'admettre puisque l'écriture est ma seule pratique spirituelle régulière, aussi curieux que ça paraisse en l'énonçant de la sorte, et bien que souvent, les doigts cavalent après la pensée, mais c'est pas grave elle tourne en boucle.)

Pour en faire une carte de voeux, 
penser à rajouter le bouton "2021"
"Ce qui semble avantageux dans l'immunothérapie qui m'est proposée comme traitement après la chirurgie, repompai-je éhontément des commentaires de l'article précédent, c'est qu'elle vise à lever en moi une armée de leucocytes qui vont aller foutre la pâtée aux cellules infidèles et métastasées. Au lieu de s'attaquer directement aux cellules tumorales, il s'agit d'aider le système immunitaire à les reconnaître et les détruire. J'espère ne pas en faire un feuilleton sur ce blog, même si en même temps c'est une façon d'essayer de rendre ça intéressant pour les autres. Mais on est souvent peu intéressé par le sujet du cancer avant de s'en choper un."
Franchement, il y a des jours où lâcher mon clavier, ça serait vraiment aider mon système immunitaire à faire le ménage, et le renforcer dans ses convictions de ne pas se laisser enfoncer les défenses, même les back doors. Je n'épuise pas que mes lecteurs, je m'épuise aussi. Je dois me mettre sérieusement au qi gong. Pas "faire du qi gong sur internet", comme disait ma fille. J'ai promis. J’attendais ma 2ème séance d’immunothérapie pour voir si j'avais quelque chose à en dire, dans ce feuilleton que j'essaye de ne pas écrire; elle a eu lieu la semaine dernière, et c’est pas pire. Je veux dire que je ne ressens rien de particulier, ni ne subis pour l'instant d’effets secondaires parmi ceux qui m'ont été présentés, violente diarrhée, fatigue épouvantable, bubons et démangeaisons, et ne me sens pas plus malade que d’habitude, je veux dire, qu'avant le cancer. J’ai de la chance, je ne suis pas du tout anxieux devant la maladie. Ma femme l’est, enfin, l’a été, beaucoup plus que moi.

Les éditoriaux tonitruants, c'est bien fini pour moi.
Au moins jusqu'à l'année prochaine.
Faut dire que les oncologues, comme ils ignorent comment tu vas réagir au traitement, sont un peu avares de notes d’espoir. Leur pronostic est toujours très réservé. Donc, en principe, au cours du traitement, on n'a que des bonnes nouvelles. Je leur pardonne : leur métier, c’est quand même la maladie, plus que le rétablissement. Comme le vrai métier de Freud était plus la pathologie que la santé mentale. On est moins intéressants pour eux quand on est guéris. Pardon, en rémission.
Les cancers de la peau, c’est tenace, et c’est un peu comme Alien, une fois arrimés en surface, ils creusent leur chemin à l’insu de ton plein gré, et même si on les opère avec une bonne marge autour, on n’est pas toujours débarrassé du problème... comme ils ont trouvé une micro-métastase dans mon ganglion sentinelle, une sorte de pavillon témoin incisé dans l'aine, dans le doute ils ne s'abstiennent pas de traiter, et je suis donc parti pour un tour complet d’un an dans la grande usine à cancers.
De l’aveu même de l’oncologue, la science médicale ignore si j’ai d’autres métastases que celle détectée , tapie dans le pavillon témoin. La sentinelle n’a pas révélé la position des troupes. Ni même avoué leur existence. C’est peut-être des métastases de Schrödinger, qui fonctionnent comme le chat éponyme https://fr.wikipedia.org/wiki/Chat_de_Schr%C3%B6dinger auquel cas il faudrait ouvrir tous mes ganglions pour savoir si y’en a d'autres, avec un vieil épluche-légumes rouillé, parce que le rire stimule lui aussi les défenses immunitaires (penser à regarder si j’ai eu mon rappel tétanos, quand même). Pour l'instant, je m’y refuse, mais dans cette entreprise, c'est pas moi qui ai les clés du camion. Le patient est la matière première de l’industrie oncologique, c’est dingue le nombre de rendez-vous, d’analyses et d’examens. Je suis impliqué dans un process industriel sensiblement chronophage, entre mes séances d'immuno je fais et refais des tours de scanner, pour vérifier que le pembrolizumab ne se trompe pas de cible, de la tomographie, des prises de sang, des électrocardiogrammes, "heureusement" (sic) j'ai très peu de contrats CDD en ce moment, et c'est pas vraiment le moment d'aller gueuler au planning, vu que j'assigne mon employeur aux Prud'hommes pour abus de CDD, ça fait quand même 23 ans que j'ignore si j'aurai du boulot la semaine prochaine, l'audience a lieu en janvier prochain. Ce qui fait qu'en attendant, je jongle entre les propositions de contrats et les rendez-vous médicaux, ah non là je peux pas bosser, lundi j'ai scanner, mardi j'ai immuno, désolé. Je ne la joue pas comme ça, non, j'essaye de passer entre les gouttes. D'ailleurs je ne vous ai rien dit. C'est juste une fuite, pardon, c'est les Warsen Leaks. Juste avant mon Black Friday, où je vais commencer à solder mes organes encore potables sur le darkweb.
Clique sur l’image. N’aie pas peur. Ce n’est pas sale.

Et la fiche pratique, concoctée par Jeannette Warsen, sans laquelle cet article ne peut être vendu car il ne serait que du vent avec la bouche :
Stimuler Votre Systeme Immunitaire Grâce Au Qi Gong : (Le Matin)
https://www.youtube.com/watch?v=AoGOZ48jM0g
Stimuler Votre Systeme Immunitaire Grâce Au Qi Gong : (Le Soir)
https://www.youtube.com/watch?v=vQmVBVJeDZM
Stimuler son système immunitaire du matin au soir sur la Riviera vaudoise en faisant bien attention de ne pas tomber dans le lac Léman si on recule d'un pas :
https://youtu.be/p-UjZqumT-w
- le quizz qui va bien d'auto-dépistage du mélanome :
https://dermato-info.fr/fr/la-recherche/m%C3%A9lanome-%C3%A9valuer-l%E2%80%99urgence-%C3%A0-consulter#quiz_1

Non, petit scarabée, ne clique pas sur l'image. 
Ce n'est pas que ce soit sale, mais c'est un jpeg. 
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(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

lundi 12 octobre 2020

Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome (2)

J’avais un truc bizarre, genre un raisin sec qui veut se faire passer pour un grain de beauté, qui me poussait dans le bas du dos. Je n’en savais rien, ne le voyais ni ne le sentais. 
Mais ma femme, qui me met aussi souvent la puce à l’oreille que si elle était la réincarnation de l’inspecteur Colombo, m’avait dit pendant le confinement « va donc montrer ça à un dermatologue ». 
Je ne sais pas pourquoi, pour une fois, je l’ai écoutée. Dès qu’on a déconfiné, j’y suis allé. 
A la consultation du généraliste, passage obligé pour négocier une visite chez le dermato, le médecin m’a dit « c'est pas la peine d'y aller, ne vous inquiétez pas, c’est un angiome, c’est inoffensif ». 
J’ai insisté. 
J’ai bien fait.
Je tombai sous le charme de la dermatologue : ça faisait longtemps qu'une jeune femme ne m'avait pas demandé de me déshabiller à notre premier rendez-vous.
Elle fut plus dubitative. 
Mais dans le doute, elle ne s’abstint pas. 
Elle m’opéra du raisin sec. 
Biopsie. 
Bingo. 
Mélanome.

A Malin, Malin et demi : fais ton dépistage toi-même,
avec ce tuto et un rétroviseur cassé (source : "Le mélanome pour les Nuls")

"Agressif, nodulaire et ulcéré", furent les premiers mots de bienvenue de l'oncologue pour définir mon affection de longue durée, comme dit pudiquement la Sécu avant de me prendre en charge à 100%.
J’ai un peu stressé, et je me suis dit : 
crottalors, si le pronostic vital est engagé, faisons donc un petit bilan :
- qu'est-ce que j'ai reçu ? 
- qu'est-ce que j'ai transmis ? 
- et comment vais-je faire pour entrer dans la bienveillance, dans le temps qui me reste ? 
Malheureusement, cette bienveillance s’est silencieusement évanouie au bout de quelques jours, car après le premier tour de scanner, les médecins m’ont laissé entendre que je pourrais ne pas en mourir dans la semaine. C'était la porte ouverte à toutes les fenêtres.
Je saisis néanmoins l’occasion pour décréter la fin de mes illusions consenties, le cancer du virtuel que j'ai développé quand j'ai arrêté de boire avait engendré une certaine dés-affection du réel, dont je me suis longtemps plaint (je veux dire longtemps avant d'en prétexter pour poursuivre de quasi-inconnus croisés sur Internet de mes assiduités.)
Maintenant que j'ai contracté une belle saloperie dans le réel, je crois préférable de dés-affecter le virtuel, selon le principe des vases communicants, qui fait que je ne puis être partout à la fois. Malgré cette illusion d'omnipotence et d'omniscience engendrée par le fait de parler tout seul devant mon écran depuis des lustres. 
Communiquer sur mon affection, ne serait-ce pas ajouter l'infâmie à la malchance ? j’ai un collègue qui vient d'être emporté par une grave maladie, il n'en a pas du tout parlé, ni à lui-même, ni à son entourage, tant que cela a été possible. Pour lui, c'était un non-évènement. Il était dur au mal, et je l'imagine bien capable de dire à ses métastases, paraphrasant Platon sans que ça se voie trop : "vous pouvez me tuer, mais vous ne pouvez pas me nuire". Il ne voulait ni chimio ni traitements, qu'il jugeait dégradants, et il en connaissait un sacré bout sur le principe vital en médecine, vu qu'il était ostéopathe et vétérinaire. 
So long, Degré Chien. J’étais président de son fan club, mais je n’avais jamais osé lui dire que je n’avais pas vraiment lu ses deux romans. Lire ou écrire, il faut choisir. Sans parler des séries télé. Maintenant je vais prendre le temps de me les infuser, ses manuscrits. Y'en a un, j'ai l'original relié en peau de phoque depuis 30 ans.

Non seulement Gonzague a l'oeil et le bon, mais en plus, il sait parler aux femmes, lui.
Mais bon, elle est plus facile à dépister que moi, elle, elle l'avait sur l'épaule.


Quelques tours de scanner et une intervention chirurgicale plus tard, je comprends que les oncologues restent très réservés dans leur pronostic, leurs protocoles sont très au point mais les réponses des patients aux traitements varient beaucoup, je pars sur une immunothérapie, j’en ai sans doute pour un an, je commence à bien connaitre le centre de cancérologie du Phare Ouest qui soigne les vrais cowboys mais pas les coyotes à foie jaune (qui ont sans doute une hépatite), et je m'y habitue. La preuve, j'en parle. Mais ça me saoule. Je ne vais donc pas faire longtemps de la littérature sur mon voeu de silence. Ca ferait ricaner Dieu, comme l’observe Emmanuel Carrère dans « Yoga », lui qui persiste à se mettre en scène de livre en livre alors qu’il n’est jamais meilleur que quand il décrit d’autres vies que la sienne. Quand il louche et insiste sur ses propres défauts, ça devient gênant. 

J’ai longtemps fait un peu pareil sur ce blog, et je suppose que le résultat obtenu était du même tonneau, à part que je n’en ai pas tiré le moindre kopeck : c'est tragiquement hilarant pour les lecteurs en empathie, mais on plaint quand même l'auteur d'en être réduit à de telles orgies d'indiscrétions sur ses déroutes les plus intimes, sous couvert d'honnêteté.
Il n’y a guère qu’aux Alcooliques Anonymes, que la prise de parole en public sur notre maladie nous permet parfois de nous envoler en tirant sur nos lacets. C'est la magie de la thérapie de groupe. Mais l'homme se retrouve ensuite seul devant Dieu, devant la mort et devant son blog.
Sauf à vouloir devenir l’Emmanuel Carrère de l’indice de Breslow.
J'ai eu beau envoyer 10 € à Wikipedia, ils ont persisté à ne me donner que deux chances sur trois d'être encore là dans 5 ans.
La meilleure interaction que j'obtienne sur le sujet, c'est avec des gens qui sont passés par là, le reste du temps j'ai l'affreux sentiment d'être dans la victimologie, et d'attirer l'attention sur des phénomènes qui ne le méritent pas, sauf si c'est l'occasion d'une désidentification aux formes, mais pour l'instant, ça ne l'est pas.
Le seul message à caractère informatif de cet article, c’est que si vous vous êtes imprudemment exposés au soleil pendant des années sans crème anti U.V, et que votre femme trouve que vous avez une pustule bizarre qui éclot ici ou là, je vous suggère vivement d’aller consulter tout de suite, parce que ça s’étend très rapidement. Depuis l’épiderme, où il s’est discrètement installé, le mélanome creuse son chemin comme s’il connaissait déjà la maison, et après, pour lui faire comprendre qu’il est un hôte indésirable, c’est du boulot. Que je laisse aux spécialistes : la médecine est mieux armée que moi pour combattre la maladie, je la laisse faire son travail, et j'essaye de faire le mien, qui est de combattre mes représentations de la maladie. Et de mener une vie décente.
Implicit lyrics : si vous n'avez pas de femme pour dépister votre mélanome, trouvez-en une, toutes affaires cessantes. Ou un mec. Ou une entité humanoïde issue de la diversité LGBTQIA+, du moment qu'elle vous inspecte amoureusement les parties du corps situées dans l'angle mort de votre vision.
Ma femme m’a sans doute sauvé la vie, ce qui me contrarie fort : 
comment lui rendre la politesse ? 
hein ? quoi ? 
la bienveillance ? 
j’entends pas, j’ai mes acouphènes. 

En plus, au lieu de se tirer sur la nouille sur son blog, Gonzague c'est un homme d'action :
après ce puissant rituel de guérison, retour d'affection de l'être aimé 100% garanti !
Travaux occultes et maraboutage pour unir les couples. 
Devis gratuit, travail soigné. Appelez-le !


(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

vendredi 22 mai 2020

Un homme à la mer (exercice de sauvetage tiré des cahiers de vacances du gRRR)

Hier je suis allé à la mer. C’était le seul jour de la semaine où j’étais disponible pour m’y rendre, la fenêtre météo + heure de marée étaient idéales, et après une heure et demie à écouter ce que je voulais sur les petites routes des marais au volant de ma clé mp3, j’ai passé 3h30 à alterner les stations du vieux homard de plus en plus grillé sur la plage et les séances de natation dynamique où je faisais l’amour avec les vagues en essayant de ne pas trop penser à Marie-Louise, mais évidemment formulé comme ça j'y pensais deux fois plus. 
Pour que la Réalité Réelle soit un peu Ratée quand même, j’y suis allé tout seul, à la mer, car personne n’était disponible dans mon entourage proche, constitué :
1) d’une préretraitée acculée à tirer ses derniers feux de détresse périmés à la face des cadres dirigeants de l’association de protection de l'enfance financée par le conseil régional qui fait semblant de remettre l’enfant au coeur du dispositif alors qu’en fait ils sont dans la méconnaissance totale des réalités du métier et font des déclarations à la édouard philippe d’une véracité à se tordre, et
2) d’un jeune travailleur de force dans un foyer pour psychotiques bercés trop près du mur, sans compter ceux qui ont pris feu tout petits et qu’il a fallu éteindre à coups de pelle, qui dit qu’il vient passer la journée, et puis qui ne vient pas, mais par contre y’a 12 kgs de linge sale dans ma bagnole que je lui ai prétée toute la semaine, les papiers du véhicule ont disparu, et je n’ose pas ouvrir le coffre mais pour l’instant aucune odeur suspecte ne s’en dégage.
donc je suis allé à la mer tout seul, sachant pertinemment que tout plaisir non partagé mène à la dépendance, comme le serinait mon bon maitre Orroz à l’école talmudique de Villeneuve-la-Vieille, je me disais que du coup ça allait être une belle après-midi de merde au paradis, essayant par avance de ne pas m’en tenir rigueur, et puis finalement, nécessité faisant loi je me suis un peu dissocié d'avec moi-même de façon à pouvoir me témoigner un peu d’empathie dans ce moment de solitude subie, et entamer un dialogue fructueux sur les phénomènes impermanents en cours, leurs échos du monde d’avant et leurs implications dans le monde d’après, j’ai même fait quelques selfies avec mon téléphone pas smart pour faire bisquer Marie-Louise, mais au vu du résultat, quand le photographe m’a rendu la pochette avec les négatifs et les tirages, j’ai préféré tout brûler au fond du jardin.
J’avais consulté le site du Journal des Femmes /santé avant de partir, y’a moins de hoax que sur celui des hommes, et j’avais découvert horrifiée au chapitre activités interdites à la plage, les mesures sanitaires de l’été 2020 :

  • Les visiteurs des plages doivent respecter le principe de "plages-dynamiques": 
  • sont interdites les activités statiques comme prendre un bain de soleil, construire des châteaux de sable, faire un pique-nique, ainsi que les activités de groupe style badminton. Seules les activités "non statiques" comme les baignades, les balades, le surf, le paddle ou le jogging sont autorisées.

  • Les visiteurs des plages doivent respecter les gestes barrières, notamment le fait de maintenir une distance d'au moins 1 mètre avec autrui.
  • Les regroupements de plus de 10 personnes sont interdits. 

  • Les commerces de bord de mer doivent mettre en place des couloirs de file d'attente pour maintenir les règles de distanciation physique.  

  • Des drones sont également prévus pour rappeler de manière sonore les gestes barrières et les mesures sanitaires en vigueur sur les plages. En cas de non-respect de la loi, les contrevenants risquent une amende de 135 euros.
Ainsi donc, la posture la plus ultra-gaucho de cet été allait consister à s’allonger mollement sur une serviette éponge pour se retrouver en train de bafouer la loi, tout suintant de crème solaire indice de protection 30 ? Une heure de bronzage allait équivaloir à une grosse manif de Denfert à République en scandant un message fort au gouvernement ? et pour commencer, où vais-je pouvoir trouver un maillot de bain jaune fluo avec des bandes réfléchissantes ?
Comme j’avais choisi la plage des Lays, qui me va bien parce que mon corps a été un peu le dindon de la farce pendant le confinement, et à laquelle on n’accède que par un sentier de chèvres au fond d’une forêt perdue, je n’ai pas vu l’ombre d’un gendarme, juste quelques Vendéens qui ne respectaient pas les distances de sécurité. Menacez de supprimer leur grégarité aux Vendéens, et la révolte des Chouans, qui a fait 200 000 morts, n'aura été qu'une promenade de santé.
Aucun drone n’est venu me dénoncer à ma voisine de bain de soleil, naturellement distante d’une dizaine de mètres, ou la prévenir que j’avais entamé une reptation reluquante vers son sac de plage, d’où dépassait un paquet de choco BN.

Les premières victimes des tirs de drones sur la plage des Lays (témoignage exclusif dans notre prochaine édition)
A l'arrière-plan, on distingue une marielouise, qu'il est rare de pouvoir observer dans son habitat naturel.
C'était bien la peine de se miner le moral à regarder Black Mirror, alors que la dystopie s'étale aussi complaisamment sur le sable, avec l'affectueuse familiarité d'un cauchemar lu dans le journal.
Je repensais au dernier message de Louis Julien Poignard, travesti pour l'occasion en Marguerite Duraille : « pour la réalité réelle, ce qui fait son charme c'est justement qu'elle est ratée. insupportable prévisibilité de la réalité virtuelle, son ennui mortel tient à sa réussite. pas de risque, pas de coup de pinceau irrévocable, pas de conséquence fatale. quand tu auras bien révisé les principes du ratage tu pourras tenter le concours d'administrateur honoraire du gRRR. je te souhaite beaucoup de succès. »
Je m’aperçois en nageant que je m’y entraine ardemment, puisque tout mon trouble nait de mon désir frustre de ramener le corps du virtuel sur la plage du Réel.
Quel beau ratage en perspective ! Bien avant que d’être interrompu dans ma besogne par les drones militarisés et les gendarmes assermentés, la sirène qui surfait sur l’onde pixellisée se serait racornie en une triviale morue, puante et couverte de mouches. 
Et voilà pourquoi votre fille est muette ! (expression employée au sujet d’un discours, d’un raisonnement obscur, peu rigoureux, et qui n’aboutit à rien.) 
N'empêche, cette révélation lors de ce bain vigoureux sur plage dynamique est un soulagement, et je me mets à chaleureusement remercier l'univers entre deux brasses coulées, et là encore nul drone ne vient interrompre mon épiphanie liquide.
Allons bon, je voulais t’écrire un mot, et me voici quasiment à la tête d’un nouvel article de blog alors que j’avais juré mes grands dieux. ah tiens non, je m’étais laissé une porte ouverte.
On va dire que le démon de l’ordinateur m’a encore frappé. 
Il parait que pour faire contrepoids, il y a aussi des anges d’ordinateurs, mais qu’ils ne se manifestent que quand il est éteint ! 
les enculés de bâtards de leur mère !


Louis Julien m’envoie un nouveau caillou en cours de finitions depuis son atelier de Wuhan.
« un jour calme comme une imposture
un jour de paix comme une grenade mûre a explosé ».
Je vais le prendre à la mer, voir si ces salopiauds de drones sont aussi résistants que le prétend le fabricant.

samedi 14 avril 2018

Mon nombril, ma bataille (1)

Je voulais écrire un article sur les vertus détoxifiantes de la sève de bouleau, prélevée à même l'arbre avec une perceuse, des canules en plastique et des bouteilles de vin ordinaire, à condition que votre voisin octogénaire vous en ait vanté les mérites dès le mois de février, parce que ça ne coule que jusqu'en mars.
J'avais alors l'impression de me rapprocher de la Nature, même en devenant une sorte de vampire d'arbre.
J'ai commencé une cure de trois semaines, que j'ai dû interrompre rapidement parce que j'ai refait un lumbago (que j'attribue psycho-somatiquement à la reprise du tabac à fumer après juste 15 jours d'arrêt), et les anti-inflammatoires m'ont mis les tripes en l'air, et je ne voulais pas cumuler ça avec les effets purgatifs de la sève de bouleau, et puis après quand j'ai renoncé aux anti-inflammatoires j'ai voulu reprendre ma cure de bouleau mais ça faisait trois semaines que la sève était au frigo et elle avait un peu fermenté, alors l'effet immédiat ça a été comme si j'avais avalé une marmite de verre pilé, et j'ai tout jeté mon jus d'arbre dans l'évier, bonjour le gâchis c'était navrant mais merci bien.
Depuis quelques semaines, j'erre à nouveau dans les allées du salon de l'auto-apitoiement, suite à une baisse vertigineuse d'activité professionnelle qu'on pourrait assimiler à une quasi-disparition, heureusement que j'ai le lithium parce que sinon ça serait sans doute pire, le médicament lisse les effets de la panique égotiste, à moins qu'il induise de lui-même ces phases alternées d'excitation et d'effondrement entre lesquelles mon cerveau peine à trouver aujourd'hui un juste milieu, accablé par un sentiment d'inutilité induit par le chômage technique et bientôt la diminution subséquente de mes ressources. Je rêve de refaire du documentaire, mais c'est un songe absurde, ça fait vingt ans que j'ai quitté Paris et il n'y a plus aucune sonnette que je puisse retourner tirer. L'éventualité de me remettre sur le marché de l'emploi régional à mon âge, c'est juste une mauvaise blague.
Depuis que j'ai compris que j'étais un vieil aigri, et que c'était moi qui m'étais moi-même fait le coup, je suis un peu soulagé que tout soit une nouvelle fois de ma faute, smiley pendu avec l'oeil qui sort, mais ça ne me rend pas mes couleurs.

J'aurais pu tuer ma poule en lui récitant ce Télérama,
mais ça aurait duré encore plus longtemps.
Une fois encore, la culpabilité, le regret et la négativité sont sans doute des paravents cache-misère à l'immobilisme.
Hier soir j'ai achevé "la jolie petite poule rousse qui ne voulait pas mourir" à coups de gourdin chirurgical, elle avait attrapé la coccidiose dix jours plus tôt, et je ne supportais plus de la voir se tordre au sol nuit et jour, après avoir essayé de la sauver avec des médicaments onéreux qui ne lui ont fait aucun effet. Dans nos contrées, on n'est pas préparé culturellement à tuer un animal à coups de gourdin chirurgical (j'avais peur de la rater à la hache), surtout si il nous a accompagnés pendant des années au jardin, surveillant nos activités d'entretien des bordures d'un oeil vigilant, des fois qu'on mettrait à jour un ver de terre ou une succulente larve de hanneton. Et puis j'ai aussi beaucoup de compassion pour mes poules alors que j'ai du mal à interagir avec les membres de ma famille, et ça c'est pas bon signe non plus. "Ca sent la fin, la cabane est sur le chien" est une ancienne antienne, mais la reconnaitre comme si je l'avais faite n'enlève pas grand-chose à son alacrité.

C'était une erreur de créer ce blog pour mesurer mes progrès à me détacher du virtuel.
Ou alors l'objectif caché c'était de m'enseigner combien je me trompais en me payant de mots, et alors là, c'est réussi, et la leçon ne manque ni de sel, ni de poivre.
Merci à mon fils pour le titre.

mardi 29 novembre 2016

Police partout, Justice nulle part

Quand j’avais 17 ans, je suis allé acheter le vinyle du deuxième album de Police (Regatta de Blanc) au Mammouth de Palavas en vélo, tellement j’en pouvais plus d’attendre sa sortie impatiemment. 22 km aller-retour.
Je me rappelle qu’à la première écoute, le disque me sembla chouette, bien que beaucoup plus élaboré que le premier (Outlandos d’Amour), mais je me rappelle surtout du plaisir de rentrer du Mammouth en vélo avec la précieuse promesse de bonheur musical sous le blouson, en essayant de ne pas l’abimer.
Un vinyle de 30 cm de côté, c’est pas facile, sous un blouson.
Voilà pourquoi la fermeture de What.cd ne m’attriste pas particulièrement, bien que je fus ébaubi d’y être introduit.
Pas plus que je ne pleure celle de Zone Téléchargement.
Le fleuve boueux du mainstream s'y déversait, d'affreux pop-ups y surgissaient, mais de temps en temps on pouvait y attraper un feuilleton ou un film pas trop naze, largement avant tout le monde.
Je vais pouvoir retourner au Mammouth de Palavas en vélo, histoire de retrouver un peu d’émerveillement.
Parce que finalement, si le meilleur moment dans l'amour c'est quand on monte l'escalier, le meilleur moment dans le téléchargement, c’est quand on downloade.

"Quand tu aimes la musique sans la payer, c'est comme si tu allais aux putes, tu t'amuses bien, et au moment de payer tu t'enfuis en sautillant, le pantalons sur les chevilles, parce que les macs c'est vraiment des connards." 

J'avais lu ça sur le forum du cafard cosmique, et ça m'avait bien plu.
Ce genre de remarque promise à l'oubli, car les forums, ça vit et ça meurt, j'aime à les colporter, pour les aider à acquérir la part d'immortalité qu'elles méritent.

[Edit]

dimanche 19 juin 2016

Penser autrement

Les perturbateurs endocriniens vont finir par nous rendre idiots
  • Weronika Zarachowicz - Illustrations Singeon pour “Télérama” Publié le 12/06/2016.

On savait que les perturbateurs endocriniens, ces polluants omniprésents dans notre environnement, affectaient la fécondité, augmentaient les risques de développer des maladies comme le cancer ou le diabète. Et s'ils avaient aussi des effets sur la formation de notre cerveau, et diminuaient notre intelligence ? Telle est la thèse du Cerveau endommagé, état des lieux aussi rigoureux qu'effarant sur les conséquences de la contamination chimique.
Son auteur ? Barbara Demeneix, spécialiste des hormones thyroïdiennes, directrice du département Régulations, développement et diversité moléculaire du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de Paris. Alors qu'à Bruxelles la Commission européenne bloque les efforts de réglementation des perturbateurs endocriniens et qu'à Paris le Sénat s'acharne à reporter l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes, lire Barbara Demeneix est simplement indispensable.

Pourquoi vous être intéressée aux effets de la pollution sur nos cerveaux ?
En 2001, on m'a demandé de représenter la France à l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) pour évaluer le dépistage des substances chimiques pouvant perturber le fonctionnement du système endocrinien, et notamment des hormones thyroïdiennes. Je travaillais sur ces hormones depuis vingt-cinq ans et venais de développer, avec mon équipe du Muséum, une méthode pour pister l'activité thyroïdienne chez les têtards, par un procédé de « mouchards » fluorescents.
En effet, ce sont les hormones thyroïdiennes qui orchestrent la mue du têtard en grenouille, mais aussi elles qui permettent au cerveau humain de se développer et de fonctionner correctement. Elles régulent notre métabolisme énergétique, contrôlent notre poids, et les fonctions de nombreux organes, d'où leur importance cruciale.
J'ai découvert en 2001 que les tests pratiqués étaient obsolètes. Quel choc ! J'ai donc proposé au CNRS et au MNHN d'en élaborer de plus performants. Et, en 2005, nous avons breveté notre technologie permettant d'observer in vivo l'influence d'une substance dans l'organisme. J'ai découvert la complexité de la perturbation endocrinienne et l'ampleur de la pollution. Et je me suis dit que je devais alerter les pouvoirs publics et l'opinion. Aujourd'hui, j'y consacre 80 % de mon temps.

Quelle est cette pollution ?
Mon travail ne porte pas sur les particules fines mais sur les innombrables molécules de synthèse que nous respirons, ingérons ou appliquons sur notre peau, quotidiennement : crèmes, plastifiants, pesticides, dioxines, retardateurs de flammes (dans les voitures, les téléphones portables, les ordinateurs...), etc. Depuis le siècle dernier, des myriades de substances ont été mises en circulation. Aux Etats-Unis, le Toxic Substances Control Act en répertorie quatre-vingt-quatre mille. Et encore, cet inventaire ne comprend pas les pesticides, les additifs alimentaires et les cosmétiques !

Notre environnement est désormais envahi par des molécules dont la structure ressemble à celle des hormones thyroïdiennes, et qui interfèrent avec les processus de régulation que l'évolution a mis tant de temps à façonner. Certaines se mettent à remplacer les hormones, d'autres amplifient leur action. D'autres encore la bloquent, par exemple lorsqu'elles empêchent l'absorption d'iode par la thyroïde, alors que l'iode est indispensable au développement cérébral du fœtus et de l'enfant, comme au fonctionnement du cerveau adulte.
Ces polluants nous font « perdre la tête », pour reprendre le titre de votre ouvrage en anglais (Losing our minds) ?
Des scientifiques ont démontré que les perturbateurs endocriniens affectent la fécondité, altèrent le développement fœtal, augmentent les risques de cancer, de diabète ou d'obésité. Mais durant la dernière décennie, de nouveaux signaux sont apparus sur nos écrans radars : les augmentations de l'hypothyroïdie, du trouble du déficit de l'attention/hyperactivité, ainsi que des troubles du spectre autistique.
Aux Etats-Unis, le nombre d'enfants hyperactifs a crû de 22 % entre 2003 et 2007 (5,4 millions aujourd'hui), sans modi­fication des méthodes de diagnostic. Quant aux chiffres sur l'autisme des centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, ils sont exponentiels : un enfant sur 5 000 en 1975, un sur 500 en 1995, et un sur 68 en 2014 (un garçon sur 42 !).

Cette augmentation de l'autisme ne s'explique-t-elle pas par des diagnostics plus efficaces ou le recul de l'âge des parents au moment de la conception ?
30 % de cet accroissement peut être attribué à ces facteurs. Mais le patrimoine génétique n'a pas changé ; l'environnement est certainement en cause. Selon l'hypothèse la plus probable, chaque catégorie de maladie a de multiples causes, à la fois génétiques et environnementales — accompagnées de facteurs combinatoires gènes-environnement aggravants. Ainsi, l'organisme a besoin des hormones thyroïdiennes pour réguler les gènes impliqués dans le développement cérébral.
Or, étude après étude, nous découvrons combien ces hormones réagissent à de nombreux contaminants. D'où le défi actuel : sachant qu'une partie des polluants traditionnellement associés à la déficience intellectuelle — plomb, mercure — disparaissent, quelles sont les substances récentes qui interagissent avec les régulations physiologiques et génétiques ? Des centaines de milliers de produits étant rejetés dans l'environnement (sans — ou avant — qu'on teste leurs effets), il est difficile de savoir par où commencer pour percer la complexité de leurs interactions.

Notre laboratoire travaille à partir des cinquante substances chimiques les plus souvent détectées dans le liquide amniotique. Nous avons plongé nos têtards dans les quinze produits présentant les taux les plus élevés chez les femmes américaines, suédoises ou chinoises. Les résultats démontrent des effets conséquents sur le développement neurologique, physiologique...
Un autre chiffre m'inquiète : la forte proportion d'enfants autistes diagnostiqués aux Etats-Unis ayant un QI inférieur à 85, limite de la déficience intel­lectuelle. Si cette tendance est aussi perceptible dans le reste de la population, nous faisons face à un problème plus global d'attaque des facultés intellectuelles, ce que de plus en plus de travaux commencent à indiquer.
L'augmentation de l'autisme ne serait qu'un symptôme parmi d'autres ?
Je suis de près des études sur l'érosion du quotient intellectuel, dont une sur la population finlandaise. La Finlande est intéressante à plusieurs titres. Son système éducatif est l'un des plus performants. Elle organise les mêmes tests de QI depuis des années auprès des appelés au service militaire. Or que voit-on ? Une baisse du QI de deux points en dix ans (entre 1997 et 2006).
Six pays occidentaux enregistrent la même chute, dont la France, avec une érosion du QI chez les adultes entre 1998 et 2006. Une étude de l'université de Columbia a aussi montré que des enfants exposés in utero à des niveaux élevés de phtalates (utilisés dans les textiles, les cosmétiques) présentent un QI inférieur de six points en moyenne à celui d'enfants moins exposés.
Voilà trente ans que les scientifiques nous alertent. Pourquoi avance-t-on si lentement dans la prise de conscience ?
On peut même remonter aux années 1960, avec Rachel Carson et son Printemps silencieux sur les ravages des pesticides sur la biodiversité ! Elle concluait sur cette interrogation : que seront leurs effets sur les humains ?
Aux Etats-Unis, on peut commercialiser une substance en trois mois, mais son retrait peut prendre des dizaines d'années ! Et puis, la recherche prend du temps. Prenez les molécules associées au diabète, au cancer, à l'obésité : il faut une cinquantaine d'années pour vérifier que ces maladies sont favorisées par une exposition maternelle à ces substances.
Aujourd'hui, nous savons. Une étude publiée l'été dernier démontre que les femmes dont les mères furent exposées lors de leur grossesse à du DDT (le fameux pesticide décrit par Rachel Carson) ont quatre fois plus de risques de développer un cancer du sein, cinquante ans plus tard.
Dans le cas du Distilbène (oestrogène de synthèse prescrit aux femmes enceintes jusqu'en 1977), on n'a attendu « que » vingt ans pour comprendre la forte incidence de cancers chez les enfants nés de ces grossesses... Chaque année, les pathologies dues aux perturbateurs endocriniens coûtent 157 milliards d'euros à l'Union européenne (selon une étude de 2015).
C'est sur les troubles du développement neuronal que les scientifiques détiennent les faits les plus solides. Ce sont aussi ceux qui coûtent le plus cher — 150 milliards. Et encore n'avons-nous tenu compte que de trois produits : un pesticide organophosphaté, un plastifiant et un retardateur de flammes...
Vous dites aussi que la recherche se focalise sur les causes génétiques au détriment de l'environnement...
Depuis dix ans, le financement des travaux consacrés aux origines génétiques des troubles autistiques a été deux cent cinquante fois supérieur à celui de la recherche sur leurs causes environnementales. Plusieurs raisons l'expliquent : la réduction des coûts du séquençage et de l'analyse du génome, la preuve de l'héritabilité de certains troubles, le déterminisme génétique en vigueur chez les scientifiques et les politiques...
Pour les décideurs, il est tellement plus facile de dire que l'autisme a une origine génétique. Car ce n'est plus un problème collectif... Pourtant, les avancées de l'épigénétique [qui montre que l'expression des gènes, c'est-à-dire la façon dont sont synthétisées les protéines, peut être durablement modifiée par des facteurs environnementaux — chimiques, physiques, microbiens, NDLR] devraient nous pousser à nous intéresser bien plus aux interactions gènes-environnement.
Que peut-on faire ?
Agir à plusieurs niveaux, de l'individuel au global. Modifier, même légèrement, nos comportements peut limiter notre exposition : s'assurer qu'aucune femme enceinte ne soit carencée en iode, éteindre les ordinateurs en veille, consommer du sel iodé et des aliments bio...
Comme le disait Lin Ostrom, première femme Nobel d'économie et militante du mouvement Penser global, agir local, l'utilisation abusive des ressources communes est à combattre collectivement ; les individus doivent agir au niveau de leurs communautés et pays pour changer et faire respecter les lois. Nous devons faire pression sur l'industrie et les régulateurs pour qu'ils agissent. Et il nous faut une sorte de Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) pour la pollution chimique !
L'intelligence et l'ingéniosité humaines ont produit ces substances potentiellement dangereuses. En toute logique, elles devraient nous permettre de les contrôler et d'éliminer leurs conséquences déplorables. Sinon, les générations à venir pourraient se trouver incapables de le faire : il leur manquera l'intelligence — à tout jamais.

BARBAR DEMENEIX
1949
Naît à Luton, Grande-Bretagne.
1970 à 1979
Travaille six ans en Afrique (deux ans en Afrique de l'Est, 1970-72, et quatre ans au Maroc, 1975-79).
1995
Intègre le Muséum national d'histoire naturelle, chaire de physiologie.
2005
Cofonde la start-up WatchFrog, qui crée des têtards fluorescents, sentinelles de la pollution environnementale.
2014
Obtient la médaille de l'innovation du CNRS.

À lire
Le Cerveau endommagé. Comment la pollution altère notre intelligence et notre santé mentale, de Barbara Demeneix, éd. Odile Jacob, 414 p., 39,90 €.