Affichage des articles dont le libellé est vous ne m'avez crue vous m'aurez cuite. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est vous ne m'avez crue vous m'aurez cuite. Afficher tous les articles

mardi 14 mars 2023

Je te salue, Marie (3)

...brouillon de courrier aux parents de Marie après sa disparition, dans l'espoir de les faire mourir de chagrin, assorti d'une magnifique photo d'elle à 22 ans. Suggestions de passages à enlever surlignés en jaune par sa jeune sœur, sollicitée pour relecture avant envoi; lettre ni finalisée ni envoyée; et l'article est complètement antidaté, j'ai rédigé ça dans la semaine qui a suivi la mort de Marie, et ça fait déjà un an qu'elle nous a quittés. Enfin, je fais le malin, mais ça faisait 30 ans qu'on ne s'était pas vus.

----------------

Bonjour M*,

Bonjour H*.


H*, je suis désolé de n’avoir pas trouvé le temps de te saluer le jour de l’enterrement de votre fille, quand j’ai révélé ma présence à M* juste après l’inhumation, les vannes se sont ouvertes, son accueil chaleureux a déclenché en moi un petit tsunami, et j’y suis allé de bon coeur, après tout les funérailles sont des endroits où l’on peut pleurer aussi fort que pissent les vaches, et conserver néanmoins une certaine dignité, voire y accéder un peu tard, comme dans la chanson de Brel sur les toros, quand il évoque les épiciers qui se prennent pour Montherlant au moment de la mise à mort, ou un truc du genre.


Et après ça, je me suis laissé porter par le moment présent, et puis il fut l’heure de raccompagner W* au train de Guingamp, et de la remercier pour m’avoir suggéré de venir à la cérémonie, alors que à l’annonce du décès huit jours plus tôt je ne me sentais pas tellement légitime de m'y rendre, après 40 ans de silence peut-être attentif, en tout cas partagé, après une relation interrompue en 1983 et qui n’avait pas repris, pour des raisons dont on peut désormais se tamponner raisonnablement le coquillard, avec toutes les choses qui apparaissent soudain inutiles et vides face au départ d’un être cher et irremplaçable.


La Marie que j’ai connue, au sortir hésitant de nos adolescences, était une insoumise, une sauvageonne. Une vraie Peau-Rouge. Et moi je me sentais comme un petit Blanc...bec, ravi d’avoir été capturé et rééduqué à la culture indienne, après avoir craint un délicieux moment d’être purement et simplement dévoré à la sauce barbecue cheyenne, c'est-à-dire tout cru et sans même une pauvre feuille de salade. Nous avons ensuite vécu une relation magique et trouble, confuse et saccadée, trois années de rang : nous étions ivres de notre liberté de jeunes adultes, entièrement soumis au principe de plaisir et voulant tout ignorer ou presque des conséquences de nos actes, tant que cela a été possible.


A tel point que nous ne pûmes nous pardonner certaines erreurs, et dûmes nous séparer. 

Bref. Je vous la fais courte, j’aimais beaucoup Marie, je crois bien qu’elle aussi, elle a beaucoup compté pour moi, avec sa fantaisie, sa générosité et sa cheyennité, on pensait naïvement que la liberté consistait à faire ce qui nous plaisait et l’apprentissage des responsabilités de la vie d’adulte, et des épreuves qui attendent les gens qui se mettent «en couple» nous intéressait bien moins que d’expérimenter des trucs et des machins, quitte à se faire mal et à en tirer des leçons de vie, mais pas toujours. C’est ça qu’est chouette, dans la vie, finalement : on fait ses choix, et quand on se trompe, on peut en changer.

Tant qu’elle met longtemps à devenir courte.


Alors que quand on est mort, tout se fige sous la glace de l’irréversible.

Et je dis pas ça pour réinventer la pâte à tartiner les regrets éternels, je suis pas le mieux placé pour ça, avec ma tenue de petit ami défraichi, resté auto-confiné dans un placard d’absence depuis 83. Ma mère me l’avait pourtant bien dit : il vaut mieux faire envie que pitié. Tant pis. J’ai toujours conservé cette méfiance vis-à vis de mes envies de renouer le contact avec Marie : me connaissant, je ne parvins jamais à croire à la pureté de mes motivations, et craignant de vouloir renouer au risque de me rependre, je préférai rester à distance pendant ce que j’ignorais alors être le reste de l’existence qui lui fut proposée. Je ne voulais pas lui nuire, ou faire tort à d’autres, ni à la mémoire de notre amour passé.

Comme le rappelle aussi un lama qui ne s’appelle pas Serge, « Il est des souffrances inévitables, et d'autres que nous nous créons. Trop souvent, nous perpétuons notre douleur, nous l'alimentons mentalement en rouvrant inlassablement nos blessures, ce qui ne fait qu'accentuer notre sentiment d'injustice. Nous revenons sur nos souvenirs douloureux avec le désir inconscient que cela sera de nature à modifier la situation – en vain. Ressasser nos maux peut servir un objectif limité, en pimentant l'existence d'une note dramatique ou exaltée, en nous attirant l'attention et la sympathie d'autrui. Maigre compensation, en regard du malheur que nous continuons d'endurer. » 

Ce risque de lui nuire s’étant éteint avec elle, je suis venu lui rendre un dernier hommage.

Pour tout dire, je la croyais fâchée. J’appris cette semaine qu’elle avait conservé un intérêt constant pour mon parcours, qu’elle s’en informait auprès d’amis communs, et qu’elle me nommait parfois « son amour de jeunesse ».

Que demander de plus, dans ces circonstances ? Je me sentais juste un peu ballot, voire concon, et sa soeur F* ajouta à mon trouble, quand je lui avouai n’avoir trouvé aucun prétexte valable pour reprendre contact, elle me regarda comme si je me moquais d’elle (alors que je mimais une honnêteté sans doute un peu contrite) « aucun prétexte ? un gars comme toi ? avec toute l’imagination que tu as ? » elle n’avait sans doute pas tort, mais la messe était dite. Et j’ai dit que je vous la faisais courte.


Vous trouverez ci-joint la photo de Marie que j’ai exhibé mardi dernier comme un passeport justifiant ma présence, elle date de fin aout 1982, votre ainée y apparaît radieuse. Elle le fut. Je suis témoin; pendant plusieurs jours cette photo a alimenté mon trouble grandissant et mon chagrin, et je ne voudrais pas vous accabler de ce poison. Les images, sont à la fois vraies et trompeuses, tout dépend en définitive des intentions de celui qui les regarde. Quand il s’agit de nos chers disparus, un simple cliché comme ce pauvre instantané noir et blanc délavé peut nous fendre l’âme, ou alors nous émouvoir positivement, en nous rappelant le devoir d’essayer de vivre à la hauteur des combats menés, même si le départ définitif semble une défaite, et même si l’impression qui domine pour l’instant est celle de l’accablement devant la perte.

J’espère avoir tiré assez d’exemplaires pour que vous puissiez en distribuer à la fratrie, aux conjoints et ex-conjoints, aux enfants de Marie, que je ne connais pas mais que j’aurai plaisir à croiser si l’occasion se présente; encore un peu encombré de mon problème de fantôme, je ne vais pas vous courir après, mais j’aurai plaisir à échanger avec vous si vous me sollicitez.


En vous remerciant encore de votre accueil et de votre écoute,

Chaleureusement votre,


Christophe 



vendredi 10 mars 2023

Je te salue, Marie (2)

Printemps 1981.
De dos, on devine sa soeur cadette.
Sauf qu'on peut pas deviner.
Je te salue, Marie, mais si je retrouve tes lettres dans ma boite à courrier de Pandore, d'où j'ai déjà exhumé le photomaton qui tue, je vais perdre le peu d’étanchéité qu'il me reste; par chance je crois bien les avoir toutes brûlées.
J’irais bien à ton enterrement, mais je me vois mal débarquer, la gueule enfarinée, après presque 40 ans d'un silence partagé, ni explosif ni vraiment complice, plutôt indifférent. Je me sentirais comme un vieux crocodile, ou un requinou riquiqui tardivement attiré par l’odeur du sang qui  s'attarde un moment au-dessus du lagon, et cet irrépressible besoin qu’ont les survivants des événements tragiques de manifester leur grégarité (et réaffirmer leur solidarité une et indivisible !) quand l’un d’entre eux tombe à la baille. C'est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases. 
Bref, je me sens suspect. 
Indépendamment de ma peine. 
Et j’ignore tout de l’accueil qui me serait fait dans ta famille. 
Quand à savoir si ça te ferait plaisir de me voir là, je n'en sais rien.
Quand tu étais vivante, je progressais parfois dans l'intention de reprendre contact avec toi. Je n’avais pas encore trouvé de prétexte satisfaisant. Même avec le cancer devenu un de nos dénominateurs communs, je ne me voyais pas revenir vers toi, affichant la chaude camaraderie qui rêgne au sein des amicales laïques de métastasés. C’est pourtant très enrichissant pour les malades de parler avec d’autres malades, comme aux AA. 

Requins et métastases : "si vous mangez, vous serez mangé.
Tout est nourriture et tout se nourrit, au niveau de la multiplicité.
Au niveau de l’unique, éternel et infini océan,
rien ne mange, rien n’est mangé."
(Tintin Desjardins, "A la recherche du Soi
dans le lac aux Requins")
Désormais, la messe est dite.  Et bien que le terme "être morte" me semble inexact pour désigner un passage plutôt qu'un état, je n’ai plus besoin d’aucun intermédiaire pour te reparler. Allons-y gaiement, alors, autant que faire se peut dans le respect de la dignité de la personne humaine fraichement décédée et pas vue depuis 40 ans. Enfin, ça, c'est ce que je croyais, avant d'en discuter avec ma femme, qui évoque nos rencontres, apparemment fréquentes, avec toi, tes enfants et ceux de la tribu Bar**x dans les années 90, réunions dont je n'ai pas remembrance, mon inconscient fait fait fait c'qu’il lui plait plait plait pour te mythifier maintenant que tu es partie, la voie est libre pour occulter tous ces souvenirs dérangeants pour ta légende en cours de réécriture frénétique, car j'aimerais parvenir à une conclusion bien-pensante et bien pensée du genre « pleurer les morts, ok, mais prendre soin des vivants, c’est au moins aussi utile » avant l'inhumation prévue mardi prochain, mais je n’ai aucune garantie d’atteindre ce but dans les délais. Et hors délais, ça serait encore pire.


on n'a pas fumé que des Camel, 
mais elles étaient à 3,10
alors que la baguette de shit
(soit-disant à prix coûtant !)
frôlait déjà les 100 FF.
Quand je t’ai connue, étudiante rennaise resplendissante et dorée au retour d'un voyage en Crète, tu m’apparus libre, délurée, drôle, enthousiaste, tu têtais goulûment tes Camel dans un nuage de fumée bleuâtre qui n'était pas encore cancérigène, bref, un assortiment de qualités dont je me sentais dépourvu et qui m’attiraient irrésistiblement, comme le lapin pris dans la lumière des phares du 4x4.
De plus, tu fus tout de suite très amoureuse. Au point d'abandonner la fac de Rennes, et de me rejoindre à Montpellier, où je démarrais d'incertaines études de psychologie. 
Je t’avais séduite en t’écrivant des lettres. Une par jour, pendant plusieurs semaines. Auxquelles tu répondais avec le même empressement, et des collages de photos découpées dans des magazines. 
C’est dire si on était loin du Réel. Mais en artisan du bla-bla orienté badinage artistique, j'en avais sous la godasse,  même si j’en suis toujours pas revenu que ça ait marché. 


Dès que nous fumes en couple, je compris rapidement que les femmes n’étaient pas ces créatures éthérées se nourrissant de Claire Lumière et de bisoux dans le cou avec lesquelles je les confusais, du haut de mes 17 ans de branleur qui avait beaucoup lu, mais encore rien vu, ni bu, mais bien des êtres de chair et d'os, de sueur et de larmes, incarnées dans l'ici et le maintenant avec intensité et ténacité, et dont la santé exigeait des soins et une attention délicate et bienveillante, ce à quoi mon éducation de geek petit-bourgeois / Narcisse en pot m'avait peu préparé. 
C'est à tes côtés que j'en pris conscience, et c'est à toi que je le dois. 
Grâces t’en soient rendues. 
Les travaux sont toujours en cours.
Découvrant et cédant ensemble aux joies simples d’une sexualité épanouie, d’une consommation effrénée de stupéfiants et de la miséricordieuse hébétude qui s’ensuit si tu l’accompagnes du disque de King Crimson qui va bien, il serait tentant de céder aux sirènes de la nostalgie, et d’étiqueter tout le pack comme nos meilleures années étudiantes, même si nos notes n’étaient pas très bonnes quand nous nous rappelions d'aller passer les partiels à la fac.

L’appartement de la rue Louis Figuier, derrière la gare de Montpellier, 

où nous fûmes mal heureux, et n’eûmes point d’enfants, ce qui est heureux. 

Nous dégradâmes aussi le mobilier, et ne récupérâmes jamais la caution.


Nous fumes insouciants, inconséquents, et finalement inconstants l'un avec l'autre, et ce fut un beau gâchis. Nous rîmes, nous bûmes, mais surtout nous fumâmes, bien plus que de raison. Nous ne tombâmes point dans l’abîme, mais on ne pouvait pas impunément s'injecter autant de Thiéfaine par les oreilles et inhaler autant de chanvre indien, et en même temps demander à sortir de notre brouillard par le haut. On a partagé entre 1981 et 83 un goût immodéré pour l’amour physique, les cigarettes mal roulées, le rock progressif. On bricolait un peu pour pouvoir payer le loyer. On aurait pu devenir les Leslie et Kevin de notre génération, mais c’était surtout pour financer notre consommation personnelle, et on n’avait clairement ni l'ambition, ni les moyens. Et l’époque était moins violente. 

Leslie et Kevin : non seulement ils sont morts,
mais en plus ils sont pas du tout ressemblants.

A l'époque, je me suis retrouvé une fois à l’arrière d’une voiture avec un flingue sur le ventre et un rasoir sous la gorge pour conclure une transaction commerciale qui a tourné court, mais j’étais déjà retourné chez mes parents la queue basse, et ce n’était plus lié à ma relation avec toi, mais une aventure avec mon Pygmalion, pour qui je faisais une Galatée pas tout à fait présentable, mais en fait ça l'arrangeait bien. Et ça a été riche d’enseignements, de me faire dépouiller de mes économies, et bien plus efficace qu’un clip de prévention du ministère de promotion du CBD.

je n'ai rien compris à ce schéma, 
mais je le trouve très réussi.

Je n'ai pas été son Arthur H aspiré.
Bien que ma science de la tectonique des Blacks ne soit guère plus pénétrante qu'à l'époque, je dirais que Marie fut pour moi une sorte de négresse blanche. Etre aimé de cette femme, c'était au risque permanent du tremblement de terre. Elle était animée de forces telluriques. Si je lui touchais un sein en étant pieds nus, je me prenais toute l'électricité. Elle n'était pas bien isolée du tout. 
Pauvre Marie, pauvre de moi avec mon cyber-hubris à la con, et pauvres de nous et de nos amours disparues au vent mauvais. 
J’ignore totalement quelle personne tu es devenue ensuite, et n'ai pas cherché à l'apprendre. 
Comment tu as aimé tes enfants. 
Comment tu as géré la vie qui t'était proposée. 
Ce qui fait chier, surtout, c'est que tu n'auras pas longtemps profité de ta retraite, bien que j'ignore si tu l'avais atteinte.
Tu serais une raison nécessaire et suffisante pour que Macron enterre sa réforme, mais au lieu de ça, c'est toi qu'on va enterrer. C'est injuste.
"Le monde est l’endroit dont nous prouvons la réalité en y mourant.” disait Salman Rushdie, et ça se vérifie à chaque fin de vie, plutôt rapprochées ces temps-ci. Et c'est de mon âge.
Il corroborait ainsi Louis-Julien Poignard, le président à vie autoproclamé du Groupe de Réalité Réelle Ratée, qui se console actuellement de son récent veuvage en Thaïlande, et que j'avais sollicité à l'époque pour m'aider à me tirer du guêpier toxique qu'était devenu pour moi la rue Louis Figuier.
Ce jour-là, Louis-Julien m'avait rendu un fier service en validant mon malaise et me suggérant que oui, je ferais mieux de me tirer de là.  Brusquement, trente ans plus tard,  un autre jour où je l'interrogeais sur la différence entre la réalité et le Réel, parce que les lacaniens dans son genre semblaient faire le distinguo et pas mal de chichis autour, il me répondit : « Quant au Réel, il fait parfois irruption dans la réalité. Généralement sur le mode platane vu de face et de trop près aux alentours de cent soixante km/h. Donc, il est prudent de ne pas trop le convoquer. »
Et le disque des Sax Pustuls que Marie avait ramené de Rennes, et qu’on écoutait en boucle, commençait par : « absurdité du réel... brutalité des sentiments », et c’était tout elle.
Il est en vente gratuitement dans cette salle, ou plutôt à l’annexe.
Pour le reste, ici s'arrête cette évocation de "ma" Marie, celle que j'ai connue et aimée.
Que la terre lui soit légère.

jeudi 9 mars 2023

Je te salue, Marie (1)

Mi-février, à J+45 de ma fracture du 5ème métatarse droit, comme disent les chirurgiens orthopédistes, j’avais beau savoir que mon handicap était temporaire, je l’ai brusquement ressenti comme permanent, j'ai eu un bon coup de mou dans les béquilles, et j’ai cru pendant quelques jours que je ne pourrais plus jamais remarcher. Y’a des jours comme ça. Vaut mieux en être conscient, ça nous traverse plus vite que si on résiste à l’idée. Abusé par les lenteurs du corps à se remettre de l’accident (en fait c’était une double fracture : du pied, puis de la belle-mère le mois suivant, 

Ouille. Vive les photos de vacances
prises aux Urgences du CHU.
et sans vouloir la ramener, je me remettais de deux ans de traitement d’un mélanome)
https://johnwarsen.blogspot.com/2021/12/le-petit-noel-de-melanie-melanome-6.html
c’était sans doute l’effet « coup de pompe funèbre », bien que je combattisse ce sentiment en songeant à tous ceux pour qui le handicap est vraiment permanent dans la Réalité Réelle Ratée, mais as-tu déjà combattu un sentiment ? en général, c’est lui donner l’avantage, puisque lutter contre lui le renforce.
Par ailleurs il était temps d’admettre et d’accepter que si j’étais depuis 7 semaines un boulet pour les miens, ne pouvant ni préparer les repas, ni faire les courses ou le ménage, ni mettre la table, ni la débarrasser, ni participer de quelque façon que ce fut aux menus travaux d’entretien que réclame une maison individuelle nichée au coeur d'un écrin de 1000 m2 de verdure, cette hérésie écologique de l’an 2050, mon impunité à ne rien branler était totale, mais que ça ne durerait pas, et que c’était l’opportunité à saisir tant qu’elle s'offrait à moi.
Aux innocents les mains pleines de béquilles, j’étais prié de m’en réjouir et de remercier mes proches pour le surcroît de travail induit par ma bouche inutile à nourrir, j’étais intouchable, j’attendais que ça passe, comme le reste, puisque tout passe, hélas, pardon, tantpistantmieux voulais-je dire.

la plupart du temps, je gardais le moral en lisant des livres déprimants.

C’est à ce moment de découragement commençant à vouloir ressembler de loin par temps de brouillard à la Nuit Obscure De Saint Jean De La Croix
que j’ai démarré les séances de rééducation. 
En quelques jours, grâce à un kiné bienveillant et efficace, je suis passé à une seule béquille. Joie de boîter en couinant « ouille », Joie sans mélange.
Et samedi dernier, à J+63 du jour où je n’avais pas porté assez d'attention à l'endroit où je posais le pied, prenant la présence du sol pour un fait acquis sans nul besoin de fast-checking, j'avais fait de tels progrès grâce au kiné, que j'ai pris ma voiture (après deux mois sans pouvoir conduire), et je suis allé au marché sans béquille du tout, la laissant dans la voiture, punie et privée de sortie, tout content de pouvoir discuter avec mes commerçants préférés (légumes, poisson, huitres d'Oléron, terrine de canard à damner un vegan) et échapper à l’influence délétère de ma nouvelle famille d’adoption de ces dernières semaines.

à J+45 du début de l'année, j'ai passé plus de temps avec ma nouvelle famille que je ne l'aurais souhaité.
Ils sont très volubiles, mais ils radotent tout seul. Comme moi.

Revenu à l’angle droit des allées centrales du marché, celle qui mène à la buvette et l’autre qui conduit au caddie à roulettes qui se prend pour un présentoir mobile des Témoins de Jéhovah, je pense avoir fini mes courses, mais je tombe en arrêt devant un éventaire de salades, en entendant soudain l’Ave Maria interprété au violoncelle. Ça change du salopard cacochyme qui joue d'habitude, et ce depuis des années, le générique de L’inspecteur Gadget sur un violon lui-même parvenu au bout de la route, et qui provoque tant de dépressions, de malaises vagaux et d’acouphènes chez les commerçants et les riverains du marché, obligés qu'ils sont de le supporter plusieurs heures d’affilée tous les samedis et dimanches matins que Dieu fait, sans doute grâce à la présence complaisante des Témoins de Jéhovah en bout d'allée.
j'ai demandé aux Témoins
s'ils avaient cette brochure, 
mais elle n'est toujours pas disponible.
Comme par hasard.
L’Ave Maria, je le reconnais entre Emile, il m’a toujours ému, sans doute un reste de mon passage aux Jeunesses Communistes, quand on organisait des battues aux curés. Je me suis récemment entiché d'une version a cappella par de jeunes Américains sortis de nulle part, c’est-à-dire d’une série télé dont je suis sûr que le showrunner en est Patrick Somerville, si c’est pas Maniac alors c’est Station Eleven, même en déployant toutes les ressources cachées de iTunes et de tunefind, ma capacité à mémoriser et restituer des informations inutiles est en échec, il faudrait que je fasse une petite sieste et ça me reviendrait peut-être, je ne dors pas beaucoup en ce moment. Les infirmières qui m'ont quotidiennement shooté aux anticoagulants jusqu'à J+60 pour m'éviter la phlébite m'ont dit que c'était normal, et imputable au manque absolu d'activité physique.
Sur le marché de ma petite ville de province, et même en étant joué un peu tzigane, l’Ave Maria ça reste l’Ave Maria, j'en suis pétrifié devant la boutique du primeur, et c’est ainsi qu'ouvrant les yeux sur ce qui m'entourait vraiment, à la faveur de cet éveil spirituel micro-dosé par le lied de Schubert dont j'apprendrai plus tard qu’il n’était pas vraiment destiné par le compositeur à soutenir la prière traditionnelle de l'Église catholique romaine,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ellens_dritter_Gesang
j’ai finalement acheté deux laitues pour 1,70€ et j’ai donné 2€ au musicien, ça me semblait une somme conséquente mais intelligemment dépensée.


(finalement, c'était dans Station Eleven)

Deux jours plus tard, j’apprends qu’une toute autre Marie, ni vierge ni divine, une humaine dont j’ai trivialement partagé l'existence plusieurs décennies plus tôt, vient de nous quitter, des suites d’une longue maladie. Nous ? Je ne l’avais quasiment pas revue depuis 1984. Je suis peiné quand même, la mort de quelqu’un que j’ai connu jadis, même si le lien de la vie s’est complètement défait entre nous, c’est le démenti froid et d'une précision chirurgicale, de mon sentiment (illégitime et usurpé) d’immortalité - un handicap psychologique ressenti là aussi de façon permanente alors qu’à l’évidence, ce biais cognitif est très temporaire, et la mort de Marie en est une nouvelle preuve, de plus en plus fréquemment rencontrée à mesure que j’avance en âge.
Bref. J'ai bien l'impression que j'en parlais plus clairement en 2007, même si ça fait un peu « je le sais parce que je l’ai lu sur mon blog »
Je n’ai jamais cherché à renouer le lien avec Marie, près de 40 ans après qu'il se soit défait, nos ruptures furent amères, « ne partons pas fâchés », ben si, quand même un peu, et bien que je m'en sente tout à fait apte et capable, je me vois mal aller verser des larmes de crocodile, ni même d'alligators 427, le jour de ta sépulture, il est trop tard, et toutéfoutu.com. 
Mais alors, qu’est-ce que je fais ici, qu’est-ce que je tente de dire ?

Ma tristesse est sincère et non feinte, mais elle s’accompagne sans doute d’un brin de perversité quand je retrouve dans un vieux carton la photo qui va bien s’accommoder de mes demi-mensonges, qui me montent à la gorge au point de me faire tousser comme un chat crevé sur ce blog à tout faire, sauf vivre. Que dire de plus pour honorer ta mémoire et rappeler ta gloire, que de produire et de montrer cette image ? 
Francis le rappelait dans son exégèse : « être conscient, c'est être conscient de ce qui est maintenant, et pas être à l'affut de ce qui était hier ou sera demain ou dans cinq minutes ou quand on va mourir (snif, je me manque déjà). »
Ce qui serait instructif, à ce titre, ça serait de savoir par exemple si tu as fusionné avec le Grand Tout, ou plutôt avec le Grand Rien, auquel cas finis les tracas, et ça valait pas la peine de se faire autant de mouron. Question qui se repose à chaque départ, puisque les nouvelles de l'au-delà sont rares, ça doit être la grève des postiers contre le recul de l'âge légal de la retraite à 65 siècles chez les disparus, associée à une pénurie endémique de timbres à 0,50 NF, et les quelques témoignages soi-disant recueillis de l'autre côté du mur du Trépas ne sauraient nous convaincre, surtout après avoir lu Philippe Charlier, 
gardant à l'esprit que, conscients de notre impermanence, nous obtiendrons la révélation et l’éclaircissement quand ça sera notre heure ultime, pas avant, pas après. En principe.
Au correspondant qui m’informe de ton décès, et qui a tenu à conserver l’anonymat au sein de plusieurs fraternités de 12 étapes, je transmets la photo miraculeuse qui me rend tout chose, qu’il faut que je cesse de regarder, avec pour commentaire « je savais bien que j’avais un vieux photomaton quelque part… ce selfie d'avant les selfies, avec « fin aout 82 » calligraphié au dos, de sa jolie écriture déliée… j’préfère rien dire. »
Malheureusement, la Nature a horreur du vide, et je ne puis m’en tenir là. 
La mort intime au silence, mais rend les vivants bavards. 
Tu sais ce que c’est.

lundi 25 avril 2022

Le jour d'après

(existe aussi en suppositoires aromatisés goût banane)

Tout s'est passé comme j'avais dit début avril. J'aurais dû parier mon Smic revalorisé. 
Y'a plus qu'à retourner à la pharmacie, avant de faire un peu de calcul mental : à partir des résultats du deuxième tour des présidentielles depuis 2002, évalue la date probable de l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir en France, avec une marge d'erreur de 5 ans. 
Défense de copier sur ton voisin, surtout s'il s'appelle Mouloud.






lundi 11 avril 2022

Lendemain de premier tour

Pour l'instant, tout se passe comme prévu dans mon article d'avant-hier.
Mickey n’a pas été élu.
L’extrême-droite a fait 30% de scores cumulés, et encore je te mets pas Dupond Teigneux, alors que le président sortant 28%. 
Un tout petit peu plus que les abstentionnistes.
Les macronistes se réjouissent; pourtant, il n’y a pas de quoi, en signe de joie, se passer les paupières à la crème de chester, avec une tringle à rideau de fer. 
It sucks blood sausage (= ça craint du boudin, selon la traduction qu'en a fait Thibaud Nolte dans le 28 minutes d'Arte)
Dans 5 ans, le fruit sera mûr. A moins qu'il y ait un troisième tour dans la rue.
Je ne crois pas qu'on puisse parler de déni de démocratie : comment débattre alors que le vote révèle une polarisation vers les extrêmes ? qu'un tiers des gens qui se sont déplacés se soient exprimés en faveur d'un extrémisme décomplexé me laisse pensif.
N’en profitons pas pour avoir le blues de l’électeur de gauche (l’électeur de droite a autant mal au cul que nous mais il tait sa douleur car il est moins à la pène)
Suspense insoutenable d’ici 15 jours : m’abstiens-je ? m’abstiens-je pas ?
Préféré-je faire le jeu de la droite, ou de l'extrême-droite ?




mardi 7 décembre 2021

L'espoir n'est pas un steak (2006)

"Au revoir"
(Valéry Giscard d'Estaing, 1981)
Le mois dernier, vers la fin de mon homélie d'auto-addict, j'ai fait une allusion voilée et truffée d'hyperliens planqués sous l'icône de l'éléphant trempant sa petite trompe dans son petit bol, elle-même empruntée à un remarquable ouvrage pour la jeunesse, aux débuts enthousiastes de ce blog, vers 2005, sous l'égide de la lutte contre la cyberdépendance sexuelle. Dure lutte, en vérité, puisque je suis encore là, et apparemment vous aussi. Ca m'a rappelé qu'à l'époque, je n'écrivais pas encore dans l'espoir (qui n'est pas un steak) de pouvoir ensuite lire les articles que je ne trouvais nulle part sur le net. Au contraire, je baignais dans un flot de blogs spiritualistes, au milieu de personnes dont l'expression écrite me stupéfiait d'intelligence et de sensibilité, car j'étais un peu branché auto-dévalorisation. Au moins, ça, ça m'a un peu passé. Ces personnes se sont depuis toutes mises en retrait(e) du virtuel, et j'aurais mieux fait de suivre leur exemple, au lieu de jouer les prolongations. Mais enfin, les paroles s'envolent, alors que les écrits restent. Voici deux petits billets qui m'ont bien profité. Si l'auteur passe devant, je le salue chaleureusement.


L'espoir n'est pas un steak

Par curiosité, je suis allée voir où en était Spirit de sa lutte contre la cyberdépendance, et j’ai vu qu’il avait ouvert un nouveau nouveau blog après sa nouvelle nouvelle rechute. Apparemment, il y a une chose qu’il n’a pas comprise : on ne se nourrit pas d’espoir. L’espoir c’est comme la barbapapa, c’est rose, c’est sucré, ça a l’air bon, mais ça colle et c’est surtout du vent. Si on se nourrit de barbapapa, au bout de quelques jours, on commence à avoir très faim.
Tout le monde a essayé de se nourrir d’espoir un jour ou l’autre. Par exemple, quand j’ai commencé le Tchan, en 1996, je me disais « Allez, aujourd’hui je prends une bonne résolution, je deviens consciente. Et dans 48 jours ou peu s’en faut, je serai éveillée. Voilà. On y croit. Tout va changer. Je peux le faire. ». Quand je lis Spirit, j’ai l’impression de me voir il y a 10 ans. Mais il y avait là une erreur d’analyse fondamentale. C’est que l’espoir est une pensée, contrairement à un steak, ou à un plat de pâtes, par exemple. Et, au bout de 10 jours, on peut bien penser ce qu’on veut, le corps, lui, regarde ce qu’il a mangé entre temps. Et s’il n’a rien mangé, il n’est pas content, et il retourne là où il y a à manger. Donc tout se casse la gueule.
Le problème de nos compulsions, c’est qu’elles nous nourrissent. Si on ne trouve pas de nourriture alternative, il est normal qu’on y retourne, à moins qu’entre temps on se soit habitué à crever la dalle, comme les moines trappistes. Mais alors on vit mal, on est dépressif. Dans les monastères, on appelle ça l’acédie. Bien sûr, on ne cède plus aux compulsions, mais ça ne nous remplit pas pour autant. On est vide, et on ne peut pas se remplir avec de l’auto-satisfaction. Surtout pas, en fait. Car l’auto-contemplation est précisément ce qui empêche Dieu (l’état naturel) d’être présent. On essaie de se remplir de la pensée de soi, ce qui est impossible puisque la pensée est vide, comme le soi, mais le problème c’est qu’en attendant la place est prise, même si c’est par un fantôme.
L’espoir est au fond la même chose que le doute. J’y arriverai, ou je n’y arriverai pas, c’est la même chanson, déclinée sous deux modes différents. Une façon de penser à soi. C’est pour cette raison que les maîtres sont assez peu complaisants envers l’un comme envers l’autre. Qu’on ait l’air tout exalté ou tout malheureux, qu’on s’auto-convainque de ses mérites ou qu’on s’auto-apitoie, il s’agit toujours d’auto-contemplation, de mensonge. Le moi n’a pas d’existence intrinsèque.

Commentaires

1. Le dimanche 12 février 2006 à 23:30, par john

La pensée n'est pas un steak, mais c'est de l'énergie. C'est pourquoi le plaignos qui cherche à changer de crèmerie préfèrera au mot mensonge celui de fiction : le mensonge, il va s'en accomoder à condition que ça soit de sa faute, et risque d'en faire un usage ambivalent, alors que la fiction, il peut l'explorer en étant moins polarisé affectivement, pour finir par découvrir qu'elle est auto-entretenue (il s'en doutait quand même un peu).
Merci du coin de zinc, plutôt bien famé pour une fin de semaine.


Légitimité du "mal"

De blog en blog, une autre évidence m’apparaît. Ce qui trompe les gens dans leur recherche de solution, c’est le fait de ne pas avoir la totalité du tableau. Comme le gars qui touche la queue de l’éléphant, qui croit que c’est un serpent, et qui fonde toute sa démarche sur le fait qu’il a affaire à un serpent. Sur le blog de Roujsend, par exemple, on y considère que le désir de puissance est une mauvaise chose et qu’il a dû apparaître à un certain moment pendant l’enfance. Dans les commentaires, la tendance ne fait que s’amplifier. Mais si l’on remonte le fil, on se rend compte que la réalité est toute autre. Le sentiment de toute-puissance est en réalité celui que l’on éprouve lorsque le corps énergétique est unifié, c’est-à-dire lorsqu’il devient omniprésent – on peut avoir un vague aperçu de ce que ça donne en rêve -. Autrement dit, le désir de puissance que nous exerçons sur nous ou les autres n’est que la dégradation de cet état originel non-séparé (d’avec nous-mêmes) que nous cherchons à retrouver. Mais il y a mieux. La béatitude que nous éprouvons dans ces états d’omniprésence n’est elle-même que le reflet de la béatitude qui est la 3è qualité de rigpa. Autrement dit, le désir de puissance n’est que la dégradation de la dégradation de la nature originelle. Qui s’étonnerait alors qu’il soit si bien accroché ?
Il en va de même pour le désir. Les cyberdépendants combattent leur désir. Pas de chance, le désir de la pétasse sur un écran n’est que la dégradation de quelque chose de plus haut, car la jouissance sexuelle n’est, de nouveau, qu’une version dégradée de la béatitude produite par l’union de la clarté et de la vacuité. Autrement dit, rejeter le désir, c’est jeter l’échelle qui nous permet de remonter à notre vraie nature. Et ça ne peut pas marcher.

Voilà pourquoi tout le monde tourne en rond. On rejette ce qui nous paraît mauvais. Alors que si nous comprenions que ce qui nous paraît mauvais n’est qu’une version déformée – mais pas tant qu’on le croit – de notre nature, ou de Dieu, tout irait bien mieux. De même, on va thérapiser le tueur qui a poignardé quelqu’un en lui faisant subir je ne sais quel traitement basé sur le fait que son geste est totalement mauvais, alors qu’en réalité, il n’est que l’expression d’un désir d’ouverture non compris, qui s’est vécu sur le plan physique au lieu de se vivre sur le plan énergétique. Si les gens pouvaient VOIR ce qu’il y a dans tout ce qui leur paraît mauvais… ils verraient que ce qui est mauvais, c’est leur vue. Mais que le geste, l’acte, ou la pensée, au fond, est parfaitement légitime. C’est toujours Dieu qui se cherche.


Commentaires

1. Le dimanche 12 février 2006 à 23:15, par roujsend

Quand je dis apparaître, je ne dis pas venu de nulle part. Je veux dire en prendre conscience, s'exprimer clairement (enfin clairement dans le langage commun). Le rejet, lui, ne viendra que plus tard, non pas parce que cette puissance me paraît "mauvaise" en elle même, mais parce qu'elle entrera en conflit avec d'autres voiles émotionnels (moraux entre autres)

2. Le lundi 13 février 2006 à 21:47, par joaquim

Salutaire recadrage sur l’ouverture de la porte. Enfoncer des portes ouvertes, c’est parfois utile, surtout quand tant se heurtent au cadre.

3. Le mardi 14 février 2006 à 08:12, par orroz

Je viens de lire et je suis d'accord avec toi : "rejeter le désir, c’est jeter l’échelle qui nous permet de remonter à notre vraie nature". C'est pourquoi je propose aux dépendants de transformer leurs désirs de pétasses en désir vrai d'amour pour leur partenaire car en réalité c'est cette omnipotence du désir qui permet d'atteindre la vraie jouissance.
En revanche, je ne suis pas totalement d'accord avec :
"Si les gens pouvaient VOIR ce qu’il y a dans tout ce qui leur paraît mauvais… ils verraient que ce qui est mauvais, c’est leur vue. Mais que le geste, l’acte, ou la pensée, au fond, est parfaitement légitime."
Car si l'on passe à l'acte "mauvais" c'est que la vue n'est pas la bonne !
Mais ta conclusion est juste :
C’est toujours Dieu qui se cherche.

4. Le mardi 14 février 2006 à 18:07, par Anargala

Tout à fait d'accord sur la métaphore de l'éléphant dans le noir. Tout désir dérive de l'amour du Soi, ou de la nature de Bouddha.
L'univers, c'est "god in the making".

5. Le mardi 14 février 2006 à 20:41, par flo

Waouh ! Les chenilles ne t'ont pas dévoré tout cru, tu as survécu ! 

samedi 23 janvier 2021

Entre ici, Xavier Gorce, avec ton terrible cortège

L'affaire est résumée ici :
https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/affaire-olivier-duhamel/inceste-la-polemique-autour-du-dessin-de-xavier-gorce-publie-par-le-monde-en-5-actes_4266539.html
Xavier Gorce prétend avoir voulu se moquer des propos tenus par Alain Finkielkraut.
Elle est là, l'erreur.
Il ne faut jamais prendre Finkielkraut comme support de blague.
De quoi Finkielkraut est-il le nom ?
de blagues foirées, irrémédiablement.
Même le mec qui avait monté un blog musical cryptobarré Finkielkrautrock a plié sa boutique il y a de nombreuses lunes.
Et que dire des gens qui ont prétendu croire que ce dessin s'attaquait aux victimes d'inceste ou aux personnes transgenres ? d'aller se faire enculer tripoter par leur beau-père dans l'espoir que ça leur débouche les chakras de l'entendement ? ce serait un peu court, et ça apporterait de l'eau à leur moulin.
Et que dire du Monde, qui s'est confondu en excuses devant le choeur des vierges outragées ?
les bras m'en tombent.

samedi 29 août 2020

Coronavirus : pourquoi tant de contaminations et si peu de morts ?

Hier j'ai lu beaucoup trop d'articles d'essence conspi (rats sionistes) sur le coronavirus.
- j'ai retrouvé une revue qui m'avait irrésistiblement attiré dans le rayon du Super U de Lit-et-Mixe cet été, un peu comme la lumière bleue attire les insectes en fin de vie. Je l'avais feuilletée en tremblant, de peur de me souiller ou de me brûler, jusqu'au moment où j'étais tombé sur un slogan respirant l'intelligence : "mettre les masques ? plutôt crever" après quelques pages de fumeux baratin. C'en était assez pour la reposer sur le présentoir. Je n'étais pas client de ça. Quelques minutes plus tard, j'allais faire tomber le cache plastique du rétroviseur d'une voiture immatriculée en Allemagne dans le parking en passant un peu près avec mon caddie, le remettre, le revoir tomber à terre, et quitter la scène discrètement par peur de voir le conducteur arriver. Cet incident avait engendré une inquiétude et une honte à mon avis bien plus intéressantes que la revue interlope feuilletée : avais-je renoncé à tenter de réparer par peur d'une anicroche ou parce que le gars était allemand ? qu'est-ce qui avait déclenché ma peur ? j'avais ronronné quelques jours là-dessus sans arriver à grand chose à part amplifier ma honte. Et je ne suis pas Emmanuel Carrère, difficile de faire de la littérature là-dessus.

- j'ai observé la dérive générale d'un blogueur de fond soi-disant bouddhiste qui me semblait jadis intéressant sur certains sujets et qui semble devenu complètement zinzin. Mais comment un homme qui anime 8 blogs pourrait-il avoir conservé sa raison ?

Je me suis posé des questions, auxquelles cet article publié dans le Monde le 26 Aout a apporté un début de soulagement.
_____________
DÉCRYPTAGES Le nombre de cas confirmés de Covid-19 augmente régulièrement depuis le milieu de l’été, mais le bilan humain reste relativement stable. Rien ne permet, pour autant, de prévoir la fin de l’épidémie.




Un peu plus de trois mois après la sortie du confinement en France, les chiffres de l’épidémie de Covid-19 continuent de rythmer le quotidien du pays. Une tendance s’est installée depuis le milieu du mois de juillet : le nombre de personnes positives au coronavirus SARS-CoV-2 est en hausse. Il retrouverait même, en apparence, un niveau comparable à celui atteint au plus fort de la crise.

Ce glissement n’est pourtant pas encore visible à l’hôpital : le nombre d’admissions en réanimation et le nombre de morts restent, à ce stade, à des niveaux bien plus faibles qu’au printemps.




Pour certains spécialistes, la dynamique actuelle de l’épidémie a de quoi tempérer les inquiétudes face au spectre d’une « deuxième vague ». « Le virus circule mais une épidémie sans malade, moi je ne comprends pas ce que c’est (…). Pour l’instant, il n’y a pas de signe majeur de crise, pour l’instant il n’y a pas de rebond », assurait ainsi l’épidémiologiste Laurent Toubiana, chercheur à l’Inserm, sur BFM-TV le 22 août.

Ce paradoxe interroge : la hausse des cas confirmés est-elle le précurseur de la « deuxième vague » tant redoutée de l’épidémie ou une simple donnée parmi d’autres qui ne devrait pas nous alarmer ? Passage en revue des possibles explications de ce phénomène.

Rien n’indique que la virulence du virus soit moindre


La découverte, à la mi-août, d’une mutation du coronavirus SARS-CoV-2 en Malaisie a relancé cette hypothèse, mais elle s’est révélée être une fausse piste : ce nouveau variant était déjà très majoritaire en France dès le mois de mars. A ce jour, rien ne permet donc d’affirmer que le virus est moins virulent que lors du premier pic de l’épidémie.

La chute de la courbe des morts observée dans plusieurs pays a pu laisser penser que le virus s’était affaibli de lui-même avec le temps. Le 24 août, sur l’antenne de France Inter, la chef du service maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, Karine Lacombe, a pourtant mis en garde :

« L’histoire d’un virus qui serait moins transmissible ou moins grave est une histoire totalement construite, on n’en sait rien pour l’instant. »

On teste nettement plus qu’au printemps

Au début de l’épidémie, la France réservait ses tests aux malades les plus graves. Impossible, dès lors, de recenser les nombreux malades légers ou asymptomatiques. Moins d’un cas de Covid-19 sur dix était donc détecté et comptabilisé pendant cette période, selon des études rétrospectives de l’Institut Pasteur et de l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF). L’augmentation du nombre de tests de dépistage est une autre explication possible de la hausse du nombre de nouveaux cas détectés. En effet, plus on teste, plus on a des chances de trouver des porteurs du virus.




« Ce que l’on voit dans les chiffres des cas confirmés n’est que la partie émergée de l’iceberg », confirme l’épidémiologiste Catherine Hill, chercheuse à l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy de Villejuif (Val-de-Marne). Avec 90 000 tests par jour en cette fin août, contre seulement 5 000 à la mi-mars, les chances d’identifier des personnes contaminées sont aujourd’hui plus grandes. Mais cette évolution empêche de comparer l’intensité de la circulation actuelle du virus avec celle du printemps.

La hausse récente du nombre de cas n’est cependant pas insignifiante. La proportion de personnes positives a sensiblement augmenté sur la période, passant d’environ 1 % par semaine en moyenne à la fin juin à plus de 3 % à la fin août. La multiplication des tests ne suffit donc pas à expliquer l’augmentation des cas.

Le virus circule davantage chez les plus jeunes, moins vulnérables

Pour Ségolène Aymé, directrice de recherche émérite à l’Inserm, la clé de compréhension de la situation actuelle est là : « Il n’y a pas à chercher des explications compliquées à ce décalage entre les courbes. Le virus circule sans doute à un niveau élevé, mais la dynamique est aujourd’hui chez les plus jeunes : c’est pour ça qu’il y a relativement peu de cas graves. Les personnes les plus à risques, notamment les plus âgées, se protègent mieux. »

Durant l’été, le virus a bien plus largement circulé à bas bruit chez les moins de 40 ans, dans des tranches d’âge où la part d’asymptomatiques est plus élevée et où les complications sont plus rares. Une évolution qui s’explique probablement par le fait que les plus âgés ont pris plus de précautions que les plus jeunes. On dit alors que le « patron de transmission » a changé.

Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie des maladies infectieuses à l’université de Montpellier, travaille actuellement sur la décorrélation entre le nombre de cas et le nombre de morts. D’après le chercheur, fin juillet, la létalité du Covid-19 a décliné de 46 % par rapport à ce qu’elle aurait été si le virus s’était transmis de la même manière qu’à la fin mai. « Quand vous changez un paramètre en cours de route, vous obtenez cet effet transitoire, indique le chercheur. C’est un artefact dans les données, qui a été soit complètement ignoré, soit balayé ; c’est pourtant une explication qui mérite d’être connue. »

La particularité de cette situation complique la prise de décision pour les pouvoirs publics. Le fait que le virus ait occasionné peu de morts ces dernières semaines peut inviter à l’optimisme, mais le risque de le voir se diffuser parmi des catégories de personnes fragiles, notamment âgées, est toujours présent. Or, la proportion de cas graves et la mortalité ont toujours été fortement corrélées à l’âge des personnes atteintes du virus (plus de 92 % des patients morts du Covid-19 avaient plus de 65 ans, selon SpF).

D’autant que l’on reste encore très loin du seuil de l’immunité collective, censé pouvoir restreindre efficacement la circulation naturelle du virus. A la date du 11 mai, entre 3,3 % et 9,3 % de la population française avait été infectée, selon une estimation de l’Institut Pasteur, avec de grandes disparités régionales. Ce chiffre doit aujourd’hui être révisé à la hausse, et reste disparate entre les départements où le virus circule activement et ceux qui sont moins touchés, mais il est encore loin de l’estimation des 50 % à 70 % requis pour freiner durablement l’épidémie sans mesures de contrôle.

Il faut plusieurs semaines pour constater les effets du virus

Il existe un décalage logique entre la hausse du nombre de cas détectés et celle du nombre de personnes hospitalisées, ou mortes, en raison des délais d’incubation (cinq à sept jours) puis d’aggravation de la maladie (sept à dix jours). « Il y a en moyenne environ trois à quatre semaines entre la contamination et le décès », explique Mircea Sofonea : quatorze jours entre la contamination et l’hospitalisation, puis huit à seize jours avant l’éventuelle mort, « selon la prise en charge ou le profil des patients ».

Si le virus parvient à davantage circuler chez les personnes à risques et dans les tranches d’âge les plus élevées à la faveur de la rentrée, il est très probable que le nombre d’hospitalisations et de décès augmente avec un tel décalage. Une inertie qui, pour de nombreux observateurs, altère la perception du danger par le grand public et complique le pilotage de la crise sanitaire.


Covid-19 en France : un décalage temporel entre cas, hospitalisations et morts

Moyenne glissante (sur sept jours) des données quotidiennes de l'épidémie, visualisées selon un indice allant de 0 à 100 (correspondant au pic).




Plusieurs autres signaux attestent tout de même d’une circulation large du virus. D’une part, bien que modeste, la courbe des hospitalisations a recommencé à progresser ces dernières semaines.





D’autre part, les cas reliés à des « clusters » (des foyers de contamination identifiés) sont très largement minoritaires, selon les données de SpF : la plupart des contaminations ne sont donc pas suivies par les autorités sanitaires. « Cela veut dire que le virus n’est pas maîtrisé et cela ressemble à une épidémie partie pour s’installer dans la durée. C’est quand même très dangereux », observe Ségolène Aymé.

On prend mieux en charge les malades hospitalisés

« Cela joue vraisemblablement en partie, confirme sur ce point l’épidémiologiste Ségolène Aymé. On a fait des progrès dans la prise en charge des patients au début de la maladie, mais nous sommes incapables pour l’heure d’en mesurer les bénéfices précisément. »

Au-delà des différences observées dans la dynamique de l’épidémie, notamment parmi les populations touchées, les connaissances accumulées sur le Covid-19 au fil des mois ont vraisemblablement permis d’améliorer la prise en charge de la maladie – à commencer par la gestion des « tempêtes immunitaires ». La décrue qu’ont connue les hôpitaux français a aussi vraisemblablement contribué à améliorer les soins par la suite.

Ces progrès concernent surtout l’aspect pratique de la prise en charge des patients, et la façon d’anticiper leur « trajectoire » clinique en cernant les profils les plus à risque. Pour l’heure, aucun traitement thérapeutique contre le SARS-CoV-2 n’a encore montré des preuves solides d’efficacité, et les vaccins devraient se faire encore attendre pendant des mois.

La dynamique estivale de l’épidémie s’explique par une accumulation de plusieurs facteurs, qu’il convient de comprendre pour ne pas sous-estimer ou écarter à tort le risque d’une « deuxième vague » possible à l’automne. Il est aujourd’hui trop tôt pour savoir comment la rentrée de septembre affectera la circulation du virus, et si la recrudescence des cas précédera un retour au niveau de mortalité observé au printemps.