lundi 5 octobre 2009

Comment réduire sa consommation

Lu aujourd'hui sur le site du Monde :

Avec la crise financière et le respect de l'environnement, il est de bon ton d'économiser l'énergie.

"Les ménages consomment 47 % de l'énergie produite en France pour leurs besoins domestiques", selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Cette énergie consacrée à l'habitat est utilisée à 65 % pour le chauffage, à 16 % pour l'énergie spécifique (lave-linge, lave-vaisselle, réfrigérateur, éclairage...), à 12 % pour l'eau chaude et à 7 % pour la cuisson.
"La consommation d'énergie varie de 1 à 4 selon le type d'habitat, explique Jean-Jacques Roux, enseignant-chercheur au Centre thermique de Lyon, CNRS. Les logements anciens consomment en moyenne 240 kilowattheures par mètre carré et par an (kWh/m2/an), contre 120 à 150 kWh/m2/an pour les plus récents et 60 kWh/m2/an pour les écologiques."
Consommation : - 30 % dans l'habitat
Trois mesures permettent de réduire de près de 30 % la consommation d'électricité dans l'habitat.
Utiliser des ampoules basse consommation. Ces lampes consomment cinq à six fois moins d'énergie que les ampoules à incandescence et ont une durée de vie sept à dix fois plus longue. Plus onéreuses que les ampoules traditionnelles, elles produisent 80 % de lumière et 20 % de chaleur contre 5 % de lumière et 95 % de chaleur pour les lampes à incandescence. A proscrire, les lampes halogènes, 50 % plus énergivores que les lampes à incandescence.
Opter pour des équipements étiquetés A, A+ ou A++, qui consomment très peu d'énergie. Un peu plus chers à l'achat, ils sont plus économiques à long terme. Dix ans après le lancement de l'étiquette énergétique (qui va de A, la plus économe, à G), les classes inférieures E, F, G ont disparu et le D est quasiment absent des rayons. Un réfrigérateur ou un congélateur classé A permet de diviser par trois la consommation. Des discussions sont en cours au niveau européen pour supprimer, en 2014, tous les appareils de froid classés A au profit des appareils plus performants notés A+ et A++.
Eviter de laisser des appareils électriques en veille en utilisant des multiprises avec interrupteur. La fonction veille, qui permet de programmer la mise en route des équipements électroménagers et audiovisuels, et la commande à distance des appareils comme le téléviseur, la radio, la chaîne hi-fi... sont un gros poste de consommation. "Cette fonction consomme presque autant d'énergie que l'éclairage dans un logement", selon une étude de Science & Décision, "Les économies d'énergie : choix ou nécessité ?", réalisée par l'université Evry-Val-d'Essonne et le Centre national de la recherche scientifique. "A l'échelle de la France, cela représente, chaque année, 0,5 % de la consommation totale d'énergie en France."
Là aussi, une réflexion est menée au niveau européen pour obliger les constructeurs à prévoir une fonction arrêt sur tous les appareils électriques - sans perdre la programmation.
Géothermie et solaire
Inépuisable et non polluante, l'énergie solaire permet, grâce à des panneaux thermiques fixés sur le toit d'un bâtiment, d'assurer une bonne partie du chauffage de la maison et de l'eau chaude sanitaire (à ne pas confondre avec les panneaux photovoltaïques réservés à des bâtiments de grande taille et des surfaces de toit importantes).
Selon la région, le rendement varie entre 50 % et 70 %. Avec 4 m2 de capteurs, un chauffe-eau solaire moyen peut fournir 50 % des besoins d'eau chaude d'un foyer à Lille, 56 % à Paris, 66 % à Bordeaux et 75 % à Marseille.
Capter la chaleur emmagasinée dans le sol, grâce à une pompe à chaleur, permet de chauffer la maison. C'est la géothermie. Cet appareil fonctionne sur le principe d'un réfrigérateur, mais produit l'effet inverse : de la chaleur et non du froid. Solution de chauffage l'hiver, la pompe à chaleur, à condition qu'elle soit réversible, permet aussi de rafraîchir la maison l'été.
Les gestes les plus simples...
Si la diminution de la consommation résulte tout d'abord de l'évolution des techniques, "certains gestes permettent de réaliser des économies importantes", déclare Vincent Fristot, chercheur et porte-parole de l'association NégaWatt, qui plaide pour un usage plus sobre et plus efficace de l'énergie.
Parmi les gestes les plus simples : éteindre les boîtiers des téléviseurs, qui consomment 10 à 20 watts/jour en veille, et installer des barrettes multiprises partout dans la maison. "La veille représente aujourd'hui 20 % de la consommation d'électricité dans les logements", ajoute M. Fristot.
Limiter le chauffage à 19 °C le jour, diminuer la température ambiante la nuit de 1 à 4 degrés, et baisser le chauffage en cas d'absence : 1 °C de moins correspond à 7 % de consommation d'énergie économisée. Et en cas d'absence prolongée, mieux vaut utiliser la fonction "hors gel".
Dans la cuisine, dégivrer régulièrement son réfrigérateur et nettoyer une fois par an sa grille évite l'encrassement, qui peut doubler la consommation électrique de l'appareil.
Adapter la puissance de l'éclairage aux différents membres de la famille : un enfant de 5 ans voit deux fois moins bien qu'un adulte de 20 ans, alors qu'un adulte de 60 ans a besoin de six fois plus de lumière qu'un jeune.

Sur le même sujet



Sur le Web :

- ademe.fr
- negawatt.org
- science-decision.fr


lundi 24 août 2009

Ma vie sans Internet 4/4


Etre ou ne pas être cyberdépendante ?
LEMONDE.FR | 27.08.09 | 08h08 • Mis à jour le 28.08.09 | 08h11

Un grand soleil d'été inonde la cour intérieure de l'hôpital Sainte-Anne. Il est 15 heures. Une dizaine de patients en pyjama discutent sous les marronniers en fleurs. J'ai rendez-vous avec le docteur Dervaux. Psychiatre plutôt costaud dans sa blouse blanche, il est spécialiste en addictologie. Grâce à lui, je vais peut-être enfin comprendre ce qui m'arrive.

• Mission n°4 : Savoir diagnostiquer son état

A peine assise, je déballe tout : ma frustration, mon ennui et mon sentiment de déprime naissante. Lui écoute, les mains croisées sur le ventre. J'insiste. Mes propos n'ont pas l'air de le surprendre. Quand j'ai fini, il hausse les épaules, laisse échapper un sourire. "Vous voyez cette ligne, mademoiselle. – Oui – Sur une échelle de 1 à 10, vous seriez plutôt là : au niveau quatre. – C'est-à-dire ? – C'est-à-dire qu'Internet fait partie intégrante de votre environnement socio-professionnel, mais son usage n'a pas d'impact sur votre entourage. – Donc ? – Vous n'êtes pas cyberdépendante."
Oubliée, la toxicomanie numérique. D'après le docteur Dervaux, seuls 0,5 % à 2 % de la population souffre réellement d'addiction à Internet. "Les vrais accros passent plus de cinquante heures par semaine sur le Web en dehors de leur vie professionnelle. Ils sont rares, à peine 6 % des usagers." Leur dépendance, ou plutôt leur maladie, se traduit par une envie intense, obsessionnelle et irrésistible de se connecter. Le plus souvent, elle se dissimule derrière une addiction à la pornographie, aux chats ou aux jeux vidéo en ligne.
Difficile pourtant de dégager un profil type de l'internaute cyberdépendant. "Autrefois, il s'agissait majoritairement d'hommes âgés de 25 à 35 ans (…). Maintenant, il semble y avoir une certaine parité entre les hommes et les femmes", observe le psychologue canadien Jean-Pierre Rochon. Dans son ouvrage sur Les Accros à Internet, le créateur du site psynternaute.com précise que les adolescents sont proportionnellement plus nombreux à souffrir de troubles obsessionnels que les adultes.
Malgré cela, rares sont les études consacrées exclusivement à la cyberdépendance. Les plus sérieuses, publiées en Asie et aux Etats-Unis dès le milieu des années 1990, se fondent sur le résultat de tests, généralement accessibles en ligne. Le premier de ces questionnaires, mis au point par le docteur Kimberly Young en 1994, se présente sous la forme d'un questionnaire à choix multiples (QCM) en vingt points. Alain Dervaux accepte de m'y soumettre. Avec un résultat de 57 sur 100, je me classe dans la catégorie des usagers abusifs, mais curables.
"Le problème de ces tests, c'est qu'ils s'appuient sur des critères trop larges pour évaluer précisément la cyberdépendance d'un individu", tempère mon docteur. Pour la plupart des internautes, et j'en fais partie, le Web agit plutôt comme une drogue douce. Socialement obligatoire mais rarement néfaste pour la santé, c'est avant tout un instrument de liberté.
Dans le pire des cas, il agit comme un accélérateur de narcissisme. Comme le précise mon docteur, "tout en offrant l'anonymat, Internet permet de diffuser une projection de soi contrôlée, valorisée, sculptée et optimale. Rompre avec ce miroir, c'est se couper de la meilleure partie de soi-même. Un processus d'autant plus douloureux, narcissiquement, qu'on s'exclut de la communauté des internautes". Mais Alain Dervaux en est convaincu, "ce sentiment de frustration dont vous m'avez parlé finirait par se dissiper si vous prolongiez l'expérience".
J'en conclus donc que la consultation est terminée. En quittant l'hôpital, le cœur un peu plus léger, je croise le long des arbres une jeune fille en habit bleu. Elle a le regard vague et les cheveux en bataille. "Vous avez du feu ?" Je crois, oui. Je cherche, farfouille, renverse mon sac, m'excuse. La jeune fille sourit. "Vous êtes hospitalisée ?", me demande-t-elle. Non, juste un peu déconnectée.
Pour en savoir plus :
- Lire La Cyberdépendance en 60 questions, de Jean-Charles Nayebi (Retz, 2007).
- Les Accros d'Internet, de Jean-Pierre Rochon (Libre Expression, 2004).
- Ces dépendances qui nous gouvernent. Comment s'en libérer ?, du Dr William Lowenstein (Le Livre de Poche, 2007).
- Une étude belge sur la cyberdépendance, pédagogique et complète.

Elise Barthet

lundi 17 août 2009

Ma vie sans Internet 3/4

Tant qu'il est en ligne l'article est

Le téléphone sonne. C'est la première fois depuis deux jours. La mélodie me tire d'un état de douce hébétude. E., au bout du fil, manque de s'étrangler. "C'était la projection des filles ce soir. T'étais où ?" Moment d'absence. Nulle part. Ça fait des heures que je tue le temps en jouant au Spider Solitaire, que j'écluse des tisanes. J'ai complètement oublié le documentaire d'A. et C. "L'invitation est quelque part dans ma boîte mail, mais…" Inutile de s'expliquer. E. enfonce le clou. "Tout le monde était là, sauf toi."

• Mission n° 3 : Lutter contre l'ennui

Pour éviter la tentation, je n'ai prévenu personne de ma soudaine déconnexion. Mes amis IRL ("in real life", à savoir dans la vraie vie) sont tous plus ou moins accros au Web. La plupart de nos communications, de nos états d'âme et de nos fous rires passent par la Toile. Pas un jour sans que je ne chatte avec l'un d'eux sur Gmail ou MSN. Pas une semaine sans que je ne visite leur page Facebook. Des parties de Questions pour un champion online au visionnage compulsif des meilleurs clips de Kate Bush, Internet a même envahi nos soirées pour devenir une pratique collective. Impossible de l'éviter. Alors, par peur de la tentation ou par manque évident de volonté, j'ai préféré me calfeutrer.
Mais cet isolement me pèse. Je me demande ce qu'ils font tous. Où se trouve L. ? Quand revient V. ? Je les imagine vautrés devant un film piraté ou pendus à Spotify. Le plus étrange, c'est que je ne pense même pas à les appeler. Habituée à les contacter par mail, j'ai perdu le sens du combiné.
Dans ma chambre, le temps s'est comme figé. L'air est immobile et les heures se dilatent. Pas un bruit ne résonne dans l'escalier. Pas un tintement de clé. Sans connexion, je me sens comme écrasée, abrutie par le vide. Je vis dans un demi-sommeil, prostrée devant mon écran. Le corps engourdi et l'esprit embué. La radio crachote. J'ai l'impression que la lassitude a pris le pas sur la frustration.
Je n'ai pas le cœur à lire. Je n'ai pas de télé. Pas question d'aller au cinéma. Il me faudrait au moins deux séances pour retrouver un semblant de joie de vivre, et mes finances ne valent pas mieux que mon moral. Par dessus le marché, ma chaîne hi-fi est cassée. Ça fait des lustres que je me promets de la faire réparer.
D'après Don Tapscott, auteur de Grown Up Digital, l'usage d'Internet a profondément transformé la façon dont fonctionnent nos jeunes cerveaux. Qu'il s'agisse de notre aptitude à accomplir plusieurs tâches en même temps ou de notre culture du Réseau, nous, "natifs numériques", avons l'habitude de vivre sous stimulation permanente, avec une perfusion digitale. Privée de ces distractions, je m'ennuie à mourir.
Besoin de penser à autre chose, de penser tout court, combler le vide. Je me souviens : les VHS, le rembobinage manuel des cassettes audio, les ondes courtes, les joysticks, les annuaires, les atlas, les bippers, le sacro-saint journal de 20 heures... Je me rappelle les piles de disquettes, le premier ordinateur familial, le bruit strident du modem. Et ma toute première boîte de réception Caramail. Le temps d’attente avant le chargement des pages. Les fils qui couraient sur le parquet. Les connexions interrompues, chaque fois que quelqu’un décrochait le téléphone. Et mon père qui hurlait "Racroooooooche !"
Et dire qu'hier, j'ai failli tout laisser tomber. Je venais d'arriver au bureau. L'ordinateur était allumé. Sans réfléchir, mes doigts ont glissé sur la souris. Une fenêtre s'est ouverte, vite vite, j'ai voulu pianoter. C'est le genre d'envie qui vous vient comme une démangeaison. J'étais sur le point d'y parvenir, quand quelqu'un s'est assis. J'ai tout refermé.
Besoin de partir, de m'aérer. Je nous ai traînées, ma mauvaise conscience et moi, jusqu'à la bibliothèque. Malgré la fin des examens, les allées bruissaient encore du frottement sec des copies doubles et du glissement des semelles sur les moquettes usées. L'étage était plein. J'ai pris place entre une vieille femme passionnée d'art grec et une étudiante en médecine. Devant moi, oublié, un livre au titre évocateur : L'Ennui, d'Alberto Moravia.
"L'ennui, écrit Moravia, consiste principalement dans l'incommunicabilité". C'est comme une gangue épaisse qui vous rend imperméable aux choses. Il "ressemble à l'interruption fréquente et mystérieuse du courant électrique dans une maison : à un moment tout est clair et évident, ici les fauteuils, là les divans, plus loin les armoires, les consoles, les tableaux, les tentures, les tapis, les fenêtres, les portes : le moment d'après, il n'y a plus qu'obscurité et vide."
C'est exactement ça. Privée d'Internet, je suis comme anesthésiée. Aboulie complète. Il faudrait peut-être aller consulter.
Pour en savoir plus :
- Les Nouvelles Addictions, du Pr Michel Lejoyeux (Points, 2009).
- Grown Up Digital. How the Net Generation is Changing Your World (Enfants de l'ère numérique. Comment la Net génération change votre monde), de Don Tapscott (MacGraw-Hill, 2008).
- L'Ennui, d'Alberto Moravia (Flammarion, 2003).
Elise Barthet

lundi 10 août 2009

ma vie sans internet 2/4

LE MONDE | 25.08.09 | 17h39 •


Privée d'Internet, je passe un temps fou à parcourir les quotidiens, à feuilleter les magazines et à dévorer les féminins, sous les regards outrés des kiosquiers. En dehors des sempiternelles couvertures consacrées aux régimes miracles et aux vacances des politiques, une question semble obséder une partie de la presse : Internet nous a-t-il rendus plus bêtes ?
Mission n° 2 : Essai d'appréhension critique de sa propre bêtise
De toute évidence, l'usage quotidien d'Internet a bouleversé nos manières de penser. Le cerveau est un organe éminemment adaptable. Investi par le Web, il a sans aucun doute changé. Mais comment ? Sommes-nous vraiment plus sots que nos aînés ? Internet nous a-t-il transformés en zappeurs compulsifs ? Avons-nous troqué le savoir vrai contre l'illusion fallacieuse de l'immédiateté ? Plus nombrilistes, sommes-nous devenus plus médiocres ? Autant de questions que j'ai désormais largement le temps de me poser.
Depuis la parution en 2008 dans The Atlantic d'un article de l'essayiste et blogueur américain Nicholas Carr, la polémique n'en finit pas de rebondir sur la Toile. "Le Net, écrit Nicholas Carr, diminue apparemment ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais les informations selon la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski."
Pourtant, le QI, dans tous les pays qui le mesurent, est en hausse constante depuis les années 1930. A en croire les résultats de ces tests, nos facultés cognitives fondamentales, comme notre aptitude à penser de manière logique et critique ou nos capacités d'analyse et de raisonnement, n'ont pas été affectées par l'apparition du Réseau. Elles s'en trouveraient même améliorées.
D'après Dan Tapscott, auteur de Grown Up Digital, les enfants du Net possèdent des compétences que leurs parents n'ont pas. "Les natifs numériques" sont plus aptes à travailler en commun, "plus malins, plus rapides et plus ouverts à la diversité". Il relève également que "les habitués des jeux vidéo remarquent plus de choses" et "ont des compétences spatiales très développées, utiles aux architectes, aux ingénieurs et aux chirurgiens".
N'étant pas une fervente adepte de "World of Warcraft", le jeu en ligne le plus en vue, et distinguant péniblement ma droite de ma gauche, je ne me prononcerai pas sur ce dernier point. En revanche, je sais repérer les effets bénéfiques d'Internet sur mon rapport au savoir. Loin d'annihiler ma curiosité, la Toile l'a nourrie et amplifiée. Je peux passer des heures à me documenter sur un événement, un auteur ou une question de société. A force de naviguer, mon cerveau a gagné en plasticité. Je ne mémorise qu'une infime partie de ces informations, mais j'ai appris à les trier.
"Mon esprit, reprend notre blogueur polémiste, ne disparaît pas, je n'irai pas jusque-là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu'avant. C'est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. (…) Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m'agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire."
Enfant de la télé, avant d'être une enfant du Web, j'ai toujours eu la zappette facile. Sans nuire directement à ma réflexion, cette manie affecte évidemment mes capacités de concentration. J'ai du mal à écrire quatre heures d'affilée sans consulter mes mails ou la "une" du Monde.fr. L'extension de Twitter sur Firefox s'affiche constamment au bas de mon écran. Je suis sans arrêt tentée de cliquer, perpétuellement distraite. Pis, je peux regarder trois fois de suite sans me lasser la parodie sur YouTube du clip de Bonnie Tyler, Total Eclipse of the Heart, qu'un ami a eu la mauvaise idée de me montrer.
Pourtant, aussi distractives soient-elles, je ne crois pas que ces pratiques de navigation nuisent à mes habitudes de lecture. En tout cas, elles ne m'ont pas empêchée de dévorer Dostoïevski, d'adorer Duras, Hesse ou Saint-Exupéry. Je parcours quotidiennement des dizaines de journaux en ligne et imprime chaque semaine (au grand désespoir de mes amis écologistes) des pages entières du New Yorker. Bien sûr, ce n'est pas la même chose de naviguer sur le Web et de s'oublier dans un livre. Peut-être faut-il croire Mark Bauerlein – professeur de littérature à l'université d'Emory aux Etats-Unis et auteur de La Génération la plus bête – lorsqu'il dit que les enfants du Net sont moins cultivés que la génération précédente. Il avance que leurs connaissances sont moins assises, leur attention diminuée. Cela n'en fait pas pour autant des ânes. Car, pour nous, Internet agit à la fois comme un poison et un remède. Il nous distrait autant qu'il nous stimule.
Les partisans fervents du 2.0 et les apôtres de la lecture "à l'ancienne" peuvent donc continuer à s'écharper. Ni la radio, ni la télé n'ont tué le livre et je doute qu'Internet m'ait rendue plus bête. Ce qui est sûr, c'est que le fait de m'en priver ne me rend pas plus heureuse.
Pour en savoir plus :
- Grown Up Digital. How the Net Generation is Changing Your World (Enfants de l'ère numérique. Comment la Net génération change votre monde), de Don Tapscott (MacGraw-Hill, 2008).- Le mensuel Books a consacré un numéro spécial cet été à la question : "Internet nous rend-il encore plus bêtes ?"- Un article de Télérama traite également du sujet dans l'édition du 22 juillet.
Elise Barthet

lundi 3 août 2009

ma vie sans internet 1/4

LE MONDE | 24.08.09 | 17h39 •

La rédaction du Monde.fr
Regardez bien cette salle. C'est la rédaction du Monde.fr. Une forêt d'écrans, de gens qui vivent Web, parlent Web, respirent Web ; des êtres constamment connectés, à l'affût de la dernière information, à l'écoute du Réseau. D'ordinaire, je suis comme eux : habituée à sentir battre le monde depuis mon écran. Mais aujourd'hui, tout cela m'est interdit. J'ai commencé une diète : ma semaine sans Internet. Et comme mon rédacteur en chef goguenard se tue à me le répéter : "pour que l'expérience fonctionne, tu n'as pas le droit au moindre écart !"

Au départ, c'était une idée simple, banale. On se demandait en riant "comment c'était, avant ?" Avant ou plutôt hier, il y a 15 ans à peine. Comment vivait-on sans Internet ? Comment travaillait-on quand on était journaliste ? Comment faisait-on pour être en contact avec ses amis ? Qu'est-ce qu'on inventait quand on s'ennuyait ? Plutôt que de demander à d'autres, j'ai décidé de jouer le cobaye. De passer une semaine sans connexion. Ça a l'air idiot, on en rêve tous quand on est en vacances. On veut se couper du monde et de ses objets aliénants : l'ordinateur ou le téléphone portable. Mais pour une jeune journaliste de 23 ans, nourrie aux mamelles du numérique, c'est l'enfer, une plongée dans un monde sans lien, lent, fragmenté.

Mission n° 1 : Ecrire un article
Le problème commence ici. Jamais je n'ai travaillé sans navigateur ni onglets. Il faut réapprendre les fondamentaux. Comment trouver un sujet ? Je prends les journaux. Mes collègues sont hilares. "Il s'est passé des trucs au Groenland ce week-end, jette un œil." Effectivement : les habitants de la "terre verte", sous férule danoise depuis trois cents ans, ont célébré, dimanche 21 juin, leur nouveau statut d'autonomie élargie. Si j'arrive à grappiller quelques éléments de contexte et à joindre deux spécialistes, je pourrais m'aventurer à écrire quelque chose.
Le hic, c'est que la rédaction ne possède aucun annuaire. Il n'y en a même jamais eu. A quoi bon s'encombrer de livres quand on a sous la main un moteur de recherche. En temps normal, je taperais "autonomie du Groenland" dans Google. Après un passage express sur Wikipedia, je traînerais sur quelques-uns des milliers de sites consacrés à l'île arctique, ses habitants, son artisanat et son sous-sol, potentiellement riche en hydrocarbures. J'absorberais une quantité effroyable d'informations – dont certaines inutiles – de manière concentrée. Mais aujourd'hui, je suis seule et mon cerveau est en manque. Un collègue m'encourage : "Tu n'as pas le choix, file au journal".
Le temps de prendre un café, un bus et de traverser le 13ème arrondissement de Paris, j'émerge, mal réveillée, boulevard Blanqui. Heureusement, la maison mère a gardé le goût des vieux imprimés. Le long des murs du service de documentation s'étalent des centaines de dossiers classés. J'espère trouver mon bonheur au milieu de ces milliers de pages consciencieusement dépouillées, mais j'ai beau chercher, le Groenland fait rarement les gros titres de l'actualité. Direction le sous-sol.
"Ici, m'explique la documentaliste, c'est l'antre du journal, sa mémoire vive." Mis à part quelques habitués, rares sont les journalistes à y pénétrer. Nous longeons les armoires coulissantes. Quatre niveaux entiers sont consacrés à Jacques Chirac, mais pas la moindre trace de l'île nordique. Je commence à perdre espoir quand la documentaliste extrait une fine pochette d'un vieux dossier cartonné. A l'intérieur, une cinquantaine de coupures jaunies. Je tiens mon trophée, ma dose d'info.
Trois étages plus haut, un collègue a pris soin de débrancher mon ordinateur. "Comme ça, dit-il, tu ne seras pas tentée". Mais je suis bien trop absorbée par mon sujet pour penser à me connecter. Des premières missions polaires emmenées par Paul-Emile Victor aux reportages de Robert Guillain et Robert Pommier au-delà de Thulé, station la plus au nord, j'explore les moindres recoins du pays esquimau.
En deux heures, j'ai emmagasiné suffisamment d'informations pour cerner un peu mieux mon sujet. Reste à en discuter avec les personnes concernées : experts, marchand de pétrole ou simple Groenlandais. Commence une longue série de coups de fils aux renseignements. Je vous épargne la retranscription fidèle de ces entretiens calibrés avec les agents du 118 xxx. Tout ce qu'il en ressort, c'est qu'il n'y a personne à l'ambassade du Danemark, personne à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), personne à Thulé.
La marque du combiné s'est profondément imprimée sur ma joue et je n'ai toujours rien pour commencer mon papier. Partagés entre l'hilarité et la compassion, mes collègues tentent de me remonter le moral. "Il ne se passe rien sur Twitter. Rien qui vaille vraiment le détour…" D'autres ironisent : "C'est un bizutage ? Ils veulent te punir au Web ?" Je ne relève pas. Il serait tellement plus simple de pianoter un nom ou de me rendre sur le site d'une publication spécialisée. Au lieu de ça, je traîne ma cécité de répondeurs saturés en standards occupés.
Je dégotte enfin un numéro au Groenland. Mon interlocuteur est censé plancher sur les questions énergétiques au sein du gouvernement autonome. Bref instant d'excitation. Je me lance. "Bonjour, je souhaiterais parler à Ioan Skolnielsen." Réponse glaciale : "je suis en réunion, rappelez demain". Trois appels et deux messages plus tard, Yves Mathieu décroche. Il travaille à l'Institut français du pétrole. La discussion dure une trentaine de minutes. J'ai des chiffres, quelques citations à placer, un embryon de perspective. Reste à écrire le papier.
Dehors, une douce lumière de fin de journée berce le boulevard Blanqui. Le métro recrache par vague son lot de messieurs cravatés. Des jeunes filles pendues au téléphone trottinent sous les arbres en fleurs. Je suis restée seule à la rédaction avec mes clopes, mon carnet de notes et mes sept cafés. Les mots ne viennent pas. J'ai perdu un temps fou (trois heures, peut-être quatre) à pêcher des contacts. Le sentiment d'avoir passé la journée à me battre contre des moulins. Et tout ça pour quoi ? Un article que personne ne lira jamais. Je n'ai pas réussi à le finir à temps.
(Demain, mission numéro 2 : essai d'appréhension critique de sa propre bêtise)

Elise Barthet

lundi 20 juillet 2009

Internet rend-il bête ?

NOUVELLES TECHNOS -
Comment notre cerveau s'adapte-t-il au Net ?
Certains craignent l'avènement d'une pensée zapping et la mort de la lecture “à l'ancienne”.
Un scénario que d'autres estiment alarmiste.

Télérama / Le 23 juillet 2009 à 10h00


« Ces dernières années, j'ai eu la désagréable impression que quelqu'un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Je ne pense plus de la même façon qu'avant. C'est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. [...] Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. [...] Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski. s» En écrivant ces lignes dans un article du magazine The Atlantic de juin 2008, l'essayiste et blogueur américain Nicholas Carr a déclenché un immense débat, qui n'en finit pas de rebondir sur la Toile et à la une des magazines. Son article s'inspirait de son expérience personnelle de lecteur, pourtant averti, à l'ère de la révolution numérique. Peut-on généraliser cette expérience ? Sommes-nous en train de devenir des obèses mentaux, gavés d'informations, au sens où notre cerveau serait en train de subir les mêmes effets que nos corps déformés par la surconsommation et la malbouffe ?
On objectera qu'à chaque révolution technologique ressurgissent les mêmes questions : avant Internet, l'invention de l'écriture avait, déjà, soulevé les craintes des penseurs. Ainsi, dans le Phèdre de Platon, le personnage de Socrate se livre à une attaque en règle de l'écriture. Il reconnaît bien sûr que celle-ci présente l'avantage de faciliter la remémoration. Mais il craint que l'on se repose de plus en plus sur les mots écrits, sur la masse de ces informations « stockées » sur le papier comme substitut à la connaissance réelle. C'est ce que Platon appelle un pharmakon : c'est-à-dire à la fois le poison et le remède, le problème et la solution. Le spécialiste des technologies de l'écrit Alain Giffard a justement entrepris d'évaluer, loin des querelles entre pro- et anti-Internet, ce nouveau pharmakon qu'est le Web, et a livré ses conclusions dans un vivifiant chapitre du recueil Pour en finir avec la mécroissance.

Entre les mails, les alertes, le relevé de nos fils RSS…,
nous sommes bel et bien entrés dans l'ère
de la distraction perpétuelle.

C'est un fait : lorsque nous sommes connectés au Web, nous lisons. Mais de quelle lecture s'agit-il ? Certainement pas de celle entendue comme exercice spirituel préparant à la méditation, telle que Sénèque la décrit dans la Lettre 84 à Lucillius, où il conseille de recopier sur des tablettes des extraits des textes lus, de les classer, de bien les digérer, afin de les faire passer « dans notre intelligence, non dans notre mémoire ». Il ne s'agit pas non plus d'une simple consultation comme sur un écran de distributeur d'argent pour contrôler des opérations, mais d'une lecture d'un genre nouveau, qu'Alain Giffard nomme « lecture numérique ». Votre­ lecture se fait alors avec un temps plus long consacré à la navigation, à la lecture « en diagonale », non liné­aire, à base de liens hypertextes, plus sélective et parfois en interaction avec d'autres lecteurs. Une lecture qui est aujourd'hui assistée par de nombreux petits logiciels, filtres ou agrégateurs de nouvelles (Netvibes, Google Reader). Une lecture où vous pouvez mettre en commun vos marque-pages et vos notes.
Or, chacun d'entre nous en a fait le constat : entre les mails, les alertes et, pour certains, le relevé de nos fils RSS et des messages sur les sites de partages sociaux (Twitter, Facebook...), nous sommes bel et bien entrés dans l'ère de la distraction perpétuelle. La lecture ayant une influence déterminante sur les structures d'activité dans notre cerveau, on ne peut alors s'empêcher de se demander : est-ce grave, docteur ?
« Plus que tout autre organe, le cerveau est conçu pour évoluer en fonction de l'expérience - une fonctionnalité appelée la neuroplasticité », rappelle Roland Jouvent, qui dirige le Centre émotion du CNRS, à la Salpêtrière, et qui vient de publier Le Cerveau magicien. De même qu'il s'est adapté à l'arrivée de la radio, du cinéma, de la télévision, il se modifie sous l'effet de nos pratiques de lecture en ligne. On sait généralement que les capacités d'apprentissage sont spectaculaires chez l'enfant, mais elles peuvent l'être tout autant chez l'adulte. Une étude récente réalisée chez des chauffeurs de taxis londoniens a montré que les zones de leur cerveau qui contrôlent la représentation de l'espace sont particulièrement développées. C'est que, pour obtenir leur licence, ces chauffeurs doivent passer un examen très sévère afin d'évaluer leur connaissance des milliers de rues de la ville. En ce qui concerne Internet, nous disposons déjà d'une étude pilotée en 2008 par Gary Small, de l'université de Californie. Selon le centre de recherche sur la mémoire et l'âge, la lecture et la navigation sur le Web utilisent le même mode de mémorisation et stimulent les mêmes centres d'activité du cerveau. Mais la recherche sur Internet stimule également des secteurs liés à la prise de décision et au raisonnement complexe. Ce qui constitue à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : avec l'âge, surfer sur la Toile vous aidera à entretenir et à aiguiser vos capacités cognitives, un peu comme les mots croisés.

Les sollicitations par le biais du Web - une information
par e-mail ici, une vidéo sur YouTube là, un twitt ailleurs -
nous permettent de cliquer toute la journée à la poursuite
des meilleures récompenses...

D'un autre côté, les multiples prises de décision que ce surf implique consommeront une partie de votre énergie mentale... Un épuisement qui peut être renforcé par la dimension potentiellement addictive du Net : on le décrit souvent comme une « boîte de Skinner », conçue dans les années 30 par le psychologue du même nom pour mettre au jour les mécanismes de la dépendance. Ce dispositif montrait que les plus irrésistibles des récompenses ne sont pas celles qui reviennent invariablement, mais celles qui arrivent au hasard. Les sollicitations par le biais du Web - une information par e-mail ici, une vidéo sur YouTube là, un twitt ailleurs - nous permettent donc de cliquer toute la journée à la poursuite des meilleures récompenses... Katherine Hayles, professeure de littérature à la Duke University, en Caroline du Nord, a constaté, il y a quelques années, qu'elle ne parvenait plus à faire lire un livre de Faulkner à ses étudiants. Elle en a fait un article - longuement commenté par le philosophe Bernard Stiegler dans son livre Prendre soin de la jeunesse et des générations -, dans lequel elle distinguait l'attention approfondie de « l'hyperattention », caractérisée par des changements soudains d'objectifs et de tâches, une préférence pour les flux multiples d'informations, la nécessité d'un haut niveau de stimulation et une faible tolérance de l'ennui. Elle préconisait de construire un pont entre l'hyper­attention et l'attention approfondie, et tente depuis de l'expérimenter en s'appuyant sur certains jeux vidéo, qui nécessitent de faire cohabiter ces deux types d'attention.
A tous les Cassandre du Net annonçant l'effondrement total de l'attention et l'avènement de la pensée morcelée, il suffirait donc de rappeler la nécessité d'apprendre à bien diriger et à moduler son attention. Mais en sommes-nous vraiment les maîtres ? Une nouvelle donnée est venue bouleverser le paysage ces dernières années : vous n'en avez peut-être pas pris conscience, mais la lecture est devenue une industrie. Et c'est avec ce nouvel environnement, « l'espace des lectures industrielles », qu'il faut aujourd'hui compter, explique Alain Giffard. Un espace régi par le modèle économique de Google, lequel repose ni plus ni moins sur la commercialisation des actes de lecture et permet le financement du Web par la publicité. « Le moteur de recherche est une machine de lecture automatique, quasi universelle, qui pratique une double lecture : lecture des textes et lecture des lectures. » Grâce aux cookies implantés sur les ordinateurs des internautes, il peut enregistrer les parcours de lecture et constituer automatiquement des profils individualisés qu'il peut revendre aux annonceurs. Ainsi, son service de publicité contextuelle AdSense se caractérise par sa proximité non seulement avec le texte, mais aussi avec le type de concentration spécifique à l'activité de lecture. On se souvient de la célèbre expression de Patrick Le Lay : « Nous vendons du temps de cerveau disponible. » Aujourd'hui, la lecture commercialisée devient elle aussi le support d'orientation du temps de cerveau disponible. Mieux : elle vend du temps de cerveau actif. Sur le Net, ce qui vaut de l'or, ce n'est pas votre disponibilité, mais votre attention. A partir d'informations sur vos lectures, Google tire des informations sur vous, lecteurs, qu'il échange contre de la publicité. Dans cette logique, chaque acte de lecture est considéré comme un « hit » : c'est la quantité qui produit la qualité. De la sorte, une majeure partie de la concurrence entre les grandes entreprises présentes sur le marché Internet a pour enjeu la rapidité du flux d'informations, nous amenant à cliquer plus pour penser moins.

Les plus jeunes, qui ont grandi devant un ordinateur,
risquent de prendre la lecture industrielle
comme lecture de référence.

Il se trouve que la lecture de consommation est compatible avec la lecture d'information, cette lecture non linéaire, fragmentée. La lecture d'étude chère à Sénèque, par contre, présente peu d'intérêt commercial. N'est-elle pas de ce fait menacée ? Pour Alain Giffard, les lecteurs numériques confirmés continuent d'aimer la lecture « à l'ancienne », tout en aimant la singularité de cette expérience nouvelle, individuelle et collective, où des sociétés de lecteurs se constituent autour de la publication et de l'échange de lectures : « Ils ont appris à suspendre la navigation et à clôturer un texte pour se con­centrer. Ils savent imposer des détournements de la technique permettant de reconstituer la lecture d'étude. »
Mais la situation est bien différente pour le lecteur débutant, même si l'on manque de recul pour mesurer les conséquences de ce phénomène. Les plus jeunes, qui ont grandi devant un ordinateur, risquent de prendre la lecture industrielle comme lecture de référence, ce qui devrait entrer directement en conflit avec les exigences de l'école. Pour prévenir ce danger, Alain Giffart, Bernard Stiegler et toute la communauté qui s'est formée autour de l'association Ars Industrialis - une « association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit » - en appellent à l'intervention de la puissance publique. Pour l'instant, les politiques se sont limitées à favoriser l'accès à Internet et à offrir des débits de connexion toujours plus importants. Mais pour quoi faire ?

Sophie Lherm

A lire :
Pour en finir avec la mécroissance, Quelques réflexions d'Ars Industrialis, de Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré, éd. Flammarion, 20 euros.

The Shallows, Mind, memory and media in an age of instant information, de Nicholas Carr, (à paraître à l'automne).
Le Cerveau magicien, De la réalité du plaisir psychique, de Roland Jouvent éd. Odile Jacob, 23 euros.

Numéro spécial juillet-août de la revue “Books”, “Internet rend-il encore plus bête ?”
Le blog d'Alain Giffart : http://alaingiffard.blogs.com/

lundi 13 juillet 2009

Peur d'une planète vide


Oh là là à cause de mes épanchements incoercibles sur mon autre blog j'ai découvert un groupe qui fait aujourd'hui du métal progressif (semi-dur) après être passé par bien des stades de pinkfloyderies semi-molles.
Rien que leur histoire, dont on peine à distinguer le vrai de la rumeur auto-entretenue, semble un concentré de simulacres qui récapitule l'histoire du buzz rock'n'rollien aussi surement que l'ontogenèse récapitule la phylogenèse.
Encore un groupe qui "traite du mal-être de la jeunesse actuelle, accro à la Ritaline, à la violence banalisée, aux jeux vidéos et à Internet" avec une musique triste et anxiogène à se la mordre qui renvoie au même univers que celui qu'il dénonce.
Prout.
Il fut un temps où la western culture n'était pas ce cimetière de poisons.
A ce propos, notons les différences d'attente entre lui et lui.
Bien qu'à un certain niveau c'est uniquement une divergence de moyens et une convergence des besoins qui s'exprime.
(et devinons lequel des deux j'ai trouvé sur le blog de Jerry Frissen, chantre lui de la culture western en direct de Los Angeles)
Il y a de la candeur chez les deux, mais ils ne cherchent pas dans la même direction.
La candeur, ou l'innocence, c'est le premier truc qui disparait quand tu regardes du porno, comme la dignité est le premier truc qui disparait quand tu es SDF.
Et c'est remplacé par quoi ? quand tu découvres la vérité, tu te rends compte qu'il n'y a rien de personnel là-dedans, et que toute culpabilité est inutile : il suffit de se retirer.
On n'est pas au bon endroit. Il n'est pas utile de continuer à subir cet Hiroshima émotionnel.
C'est Todd Rungren qui s'exclamait Oops ! Wrong Planet !
Dommage que ça soit l'excuse facile pour ne faire que le minimum.
D'ailleurs je devrais être en train de faire les valises pour l'Ile De Beauté au lieu d'hébéfréner ici.

lundi 6 juillet 2009

Pense-bête trouvé dans une poubelle

Personne n'atteint la liberté en se reniant. (...) Ceux qui sont dans le trip de la lumière sont très fiers d'y être, puisque partout on leur dit que c'est bien. La seule chose qu'ils renient c'est leur côté obscur, mais il est tellement bien renié qu'ils ne s'en aperçoivent même pas, et si par hasard ils écrasent quelqu'un avec leur voiture ils disent "ah ben je l'ai pas fait exprès, mais rassurez-vous, je suis assuré". Ca me fait penser à cette folle qui avait laissé crever sa mère soi-disant parce qu'un guide de lumière l'avait conseillée, mais visiblement c'était plutôt pour toucher sa pension. Par contre ceux qui sont attirés par le côté obscur ont toujours la tentation de se renier parce que tout le monde n'arrête pas de leur dire qu'ils sont vilains et que c'est pas bien. Ou alors ils ont la tentation de devenir pires, ce qui n'est pas non plus une solution. A mon sens, ils sont strictement dans la même structure et dans la même quantité de problèmes à résoudre (il est aussi difficile de ne pas s'approprier ses qualités que d'assumer ses défauts), sauf qu'il y a beaucoup plus d'aides pour les premiers que pour les seconds, car beaucoup de maîtres étaient au départ des gens qui voulaient devenir des saints. Donc karmiquement, on trouve plus facilement un maître quand on veut devenir un saint. Quant aux gens du milieu, ce sont les gens qui ont conscience que parfois ils sont sympas et que parfois c'est des enfoirés. Ils ne sont pas particulièrement attirés par l'angélisme parce qu'ils voient bien qu'ils ne sont pas des saints, et ne jugent pas trop ceux qui font de mauvaises actions, parce que parfois, ils en commettent eux aussi. Leur problème, c'est plutôt la tiédeur.

lundi 29 juin 2009

La vie d'un homme

La vie d'un homme est peu de chose / Et Pierre la passe en prison
chantait Maxime Le Forestier sur l'album Saltimbanque, grâce à qui je viens juste d'apprendre simultanément ce que c'était que le point de Godwin et découvrir que le mien est ridiculement bas : à une époque récente, chaque fois que j'entendais quelqu'un dire "je n'ai pas le choix", je lui répondais "c'est ce que disaient les nazis en 44" ... je me lassai tout seul du jeu, qui ne m'amusait même pas, quand je compris en un éclair chocolaté que faire prendre conscience aux gens des absurdités auto-carcérales qu'ils profèrent ne peut se faire avec violence.
Bref.
Plus je vois des gens en prison (s) plus j'apprécie ma liberté relative.
Il y a des domaines de ma vie où j'ai été libéré sur parole, grâce aux groupes éponymes (les groupes de parole, comme on dit dans le jargon) d'autres où je suis libérable, d'autres où y'a pas grand chose à gratter pour aujourd'hui.
En passant, de l'utilité de demander à Dieu de me donner un coup de main pour ce qui peut être fait, lui que je ne pense pas croiser dans le bus prochainement mais sans qui, resté seul avec mon égoïsme, je risque fort d'avouar le dessous dans cette étrange mêlée.
Ce qui est sans doute une façon assez égoïste de concevoir Dieu, mais bon, apparemment c'est mieux que de ne pas le concevoir du tout.
Une pensée et une respiration aussi pour ceux qui sont en prison, pas celle qui n'a qu'un seul barreau autour duquel nous tournons, l'Autre.
Et un merci aux auteurs de ce récit multimédia :
Le corps incarcéré.

Entre deux incarcérations, notre héros retrouvait les siens.

lundi 22 juin 2009

Les Nouveaux Prolétaires

article de Courrier International :
"MAROC • Sexe sans frontières"


Les plates-formes téléphoniques à destination de la France, de la Belgique et de l’Espagne emploient plus de 25 000 personnes au Maroc. Elles ont trouvé un nouveau créneau avec les services érotiques.

“On te voit le bout des seins à travers le chemisier ?” Henri, un Français d’une cinquantaine d’années vivant à Lyon, envoie ce SMS à un numéro de téléphone abrégé. Cela lui coûte 1 euro. Son destinataire est une belle brune qui vient de lui transmettre par MMS une photo d’elle vêtue d’un haut blanc très moulant. Henri entame alors une conversation érotique, via des textos tapés sur le clavier de son téléphone, avec une femme qu’il croit être une Française de 32 ans, nommée Sylvie et habitant près de sa ville. Mais Sylvie n’existe pas. A l’autre bout du fil, ou plus exactement d’un clavier d’ordinateur, c’est un jeune Marocain de 22 ans, Reda, qui alimente ses fantasmes. Il travaille comme téléopérateur érotique à Casablanca. A ses côtés, une vingtaine de garçons et de filles du même âge sont engagés dans des conversations similaires avec des clients qui se trouvent en France et en Belgique.

Il y a une dizaine d’années, la baisse du prix des télécommunications et les faibles salaires au Maroc ont poussé les sociétés qui offrent des services téléphoniques – renseignements, vente par correspondance et autres – à déménager leurs plates-formes dans ce pays. Selon des sources proches de cette industrie, elles réduisaient ainsi leurs coûts de 30 % à 40 %. Les premiers à débarquer ont été les mastodontes français du secteur. Puis les espagnols Atento et Grupo Konect ont ouvert des sièges à Tanger, à Tétouan et à Casablanca. Aujourd’hui, on trouve au Maroc 140 plates-formes, qui génèrent 25 000 emplois.

Les téléopérateurs sont payés 1,90 euro de l’heure

Il y a quelques années sont venues très discrètement de France d’autres sociétés du même secteur, mais spécialisées dans ce que les Français appellent la “messagerie rose”. Elles se sont enregistrées comme fournisseurs de services téléphoniques, sans préciser qu’elles se consacraient à la messagerie érotique. Il ne leur a pas été facile de recruter des salariés dans un pays musulman, où elles ne pouvaient pas passer d’annonces dans la presse. “C’est par le bouche-à-oreille que j’ai appris qu’elles embauchaient”, se souvient Reda, étudiant en économie, engagé il y a deux ans. “On m’a proposé de passer un test pour un emploi dans les télécommunications culturelles, mais il était très clair qu’il s’agissait seulement de parler de sexe, poursuit-il, bien qu’aujourd’hui nos services se soient étendus à l’astrologie et à la voyance par SMS.” Reda, un garçon costaud et jovial, et Samira, une frêle étudiante en pharmacie de 23 ans, sont les seuls téléopérateurs qui aient accepté de me parler. Mais à condition que je ne publie pas leur vrai nom ni celui de leur entreprise. Les contrats qu’ils ont signés interdisent de divulguer le contenu de leur travail, que leurs parents ignorent aussi. “Je ne l’ai dit à personne, même pas à mes meilleures amies, avoue Samira. J’ai honte.”

“Pour le téléopérateur, c’est comme s’il était sur Messenger, explique Reda. Il y a des filles et quelques garçons virtuels, avec un profil préétabli incluant un nom, un âge, un lieu de résidence, des mensurations et, bien entendu, des photos de gens séduisants, mais pas trop beaux, pour rester crédibles. Les clients s’adressent à eux et nous leur répondons comme si nous étions dans leur peau.” Il faut leur envoyer au moins 150 SMS par heure pour exciter leur libido “et obtenir le taux de réponse le plus élevé possible – il ne dépasse jamais 90 % –, faire durer la conversation et se débrouiller pour qu’ils demandent, par exemple, qu’on envoie sur leur portable des vidéos où leur interlocutrice fait un strip-tease”, au prix de 3 euros l’unité. “Les clients sont de tout type, en majorité des hommes frustrés ou immatures, qui cherchent du sexe virtuel, mais aussi parfois de la tendresse, précise Samira. Il y a aussi des gays et quelques femmes qui, souvent, se sentent seules. Ce sont les seules qui préfèrent se connecter à notre salon ‘soft’ pour des discussions moins crues.”

“Beaucoup finissent par demander notre numéro de portable pour avoir un contact plus direct et certains sont si mordus qu’ils vont jusqu’à se déclarer à la fille virtuelle,
poursuit Samira. Cela me donne encore plus mauvaise conscience de faire ce travail.” Les garçons et les filles de la plate-forme s’occupent indifféremment d’utilisateurs des deux sexes, “bien que la plupart d’entre nous préfèrent les hommes, parce qu’ils sont faciles à exciter”, ajoute Reda. La durée de travail est de huit heures au maximum par jour et, lorsque le service est terminé, “un collègue prend la relève avec le client échauffé”. Dans le duplex de Casablanca où la plate-forme a été installée travaillent 150 jeunes téléopérateurs, dont seulement un tiers de femmes. Mais il n’y en a jamais plus de 25 à la fois. Ils répondent aux SMS vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept sous la supervision de chefs français. Selon Reda et Samira, il y a à Casablanca deux autres centres de messagerie rose, plus petits.

Les téléopérateurs sont payés l’équivalent de 1,90 euro l’heure de jour et 2,55 euros l’heure de nuit. Une personne travaillant quarante heures par semaine gagne un peu plus de 330 euros par mois, le tiers de ce qu’elle gagnerait en France. Les revenus de Reda avoisinent cependant les 500 euros. “Je me suis reconverti dans les nouveaux produits, la voyance et l’astrologie, qui sont mieux rémunérés”, explique-t-il.

Comment les filles vivent-elles le fait d’avoir cette “spécialisation” dans un pays musulman ? “Pour la majorité, ce n’est qu’une source de revenus, et il y en a même parmi nous qui portent le hidjab [voile islamique], répond Samira. Mais il y en a aussi qui ne l’ont pas supporté et qui sont parties. Pendant la pause, sur la plate-forme, nous nous racontons parfois ce que nous ont sorti les clients. Mais, à l’extérieur, nous faisons abstraction de notre profession.”


Repères

Vous souvenez-vous du 3615 ULLA ? Au début des années 1990, 500 000 visiteurs par mois faisaient les beaux jours de la star du Minitel rose. En vingt ans d’exercice, la blonde sulfureuse a dégagé 12 millions d’euros de bénéfice, imposant sa suprématie éternelle sur tous les autres services Minitel et plaçant la barre bien haut pour les sites de rencontres actuels. ULLA elle-même s’est convertie à Internet, sur le ulla.com. Mais, malgré 1,6 million de visites par mois et 80 000 abonnés payants, la version web de la belle ne rapporte pas autant d’argent.

25.06.2009 | Ignacio Cembrero | El País


...Autant pour le rayonnement intellectuel de la France à l'étranger.


lundi 15 juin 2009

Pornographie spatiale : Fomalhaut' le bas

Mon père ne dit pas que des conneries mais c'est toujours dans l'idée d'être reconnu comme un des grands Esprits de ce siècle. Ca n'invalide pas le contenu du discours, mais ça en réduit manifestement la portée auprès des auditeurs qui lui restent. Il émet l'idée que la terraformation de la planète Mars, loin d'être un objectif réalisable ou même souhaitable dans un avenir plus ou moins lointain, est une intox répandue par des pseudo-prospectivistes dont c'est devenu le principal business et qui vivent -plutôt bien - de ce rêve, acoquinés qu'ils sont au complexe militaro-industriel, et qu'on ferait mieux de commencer par terraformer le désert du Sinaï.

Sur Vuze, le portail d'un logiciel de téléchargement bittorent qui se prend pour un fournisseur de contenus, on trouve plein de vidéos hd gratoches (dispos aussi ici pour ceux qui sont pas versés dans le bittorent)
Par exemple, celle sur une planète extrasolaire dans le système de Fomalhaut, aux ressources prometteuses, qui m'a fait sourire jaune :
Grâce à la 3D, c'est comme si on y était, et grâce au commentateur, c'est clair qu'on n'est pas près d'y aller :
"Unfortunately, we won't be visiting this planet anytime soon. Although it's actually pretty close to us and the cause makes senses, a spaceship would still take thousand of years to get there. So it's lucky that we have Hubble to give us the next best things : breath-taking images and incredible sights."
J'ai bien peut que papa ait encore raison.
Et le fantasme collectif de recommencer plus loin et mieux ce qu'on est en train de foirer ici-bas a de beaux jours devant lui. Avec une nouvelle planète ou une nouvelle gonzesse, ce n'est qu'une différence d'échelle, pour ce rêve du nouveau départ profondément enraciné en l'homme.

un désert au Tibet

lundi 8 juin 2009

de l'importance de régler le niveau sonore

Je n'ai pas tourné de flim en professionnel de la profession pendant 20 ans, le cul vissé sur mon banc de montage, un peu comme si j'attendais la mi-temps sur le banc de touche pour rentrer sur le terrain, le montage étant une solution ni pire ni meilleure pour mettre hors-jeu tout ce qui se situe hors-champ, et là depuis quelques semaines je repars en tournage sur le terrain, et curieusement j'aime ça, et il semble que ça m'irrigue un peu mieux le cerveau, à moins que ce soit l'ivresse de la vitesse.
Je fais gaffe à ramener de l'image et du son propres, mais comme samedi le fiston me propose de jouer un peu de musique ensemble plutôt que de regarder une énième série B culte (on a vu The Thing hier soir et ça l'a bien secoué), sous le coup de l'émotion qu'il me le propose, j'oublie de remettre les micros de la caméra sur "automatique" de façon à mieux réguler l'influx sonore. C'est ballot !
J'ai plus qu'à ré-apprendre à jouer, aussi.
J'ai su.
M'enfin, ça m'aura permis de faire un peu de Recherche & Developpement sur les capacités HD de Youtube, qui progresssent au moins aussi vite que la faim dans le monde.
(il faut cliquer deux fois sur la vidéo pour afficher la vidéo en Pleine Balle Haute Def.)


Hier, une vieille copine montpelliéraine dépressivo-cyclo-thymique m'écrit "Ohé ! Je me suis pas encore pendue. Et toi, comment va ?"
J'y réponds tout de go et sans réfléchir :
"le meilleur dans la pendaison c'est quand tu te passes le noeud coulant et que tu te jettes de la chaise en marmonnant "adieu, monde de merde" après c'est trop tard pour regretter d'avoir oublié de mettre de la pellicule dans la caméra. Je vais je ne sais trop comment, je rêve toujours d'être quelqu'un d'autre, avec d'autres capacités, une autre histoire... mais ça ne sent plus la souffrance hallucinatoire. Je tourne des vidéos industrielles dans des abattoirs et des usines de saucisses, ce qui me permet de relativiser pas mal de choses. J'essaye de lire des trucs un peu inspirants, et ne pas me laisser submerger par la négativité passée."
Je ne pense pas que mon mauvais esprit, même utilisé à bon escient, l'aide à quoi que ce soit, mais ça ne lui apporte rien ça ne retire rien non plus, comme aurait dit Boris Vian.
Et sans vouloir faire du mauvais esprit plus que de raison, David Carradine, l'acteur qui jouait le moine shinto dans la série Kung Fu qui avait tant fait pour introduire l'esprit bouddhiste chez les pitits occidentaux au début des années 70, (on a les initiations qu'on peut) s'est pendu, lui. Au cours d'un tragique accident de masturbation, et il faut le dire vite pour ne pas rigoler en songeant qu'il ne faisait que nettoyer son arme quand le coup est parti.
Il ne faisait que "jouer", et d'ailleurs il a planté là toute l'équipe de tournage dirigée par un français qui allait peut-être enfin lui donner le rôle de sa vie.
On ne sait pas s'il a murmuré "monde de merde" avant de ravaler son bulletin de naissance.

lundi 1 juin 2009

La fin et les haricots : L'éternel retour

Après avoir connu plusieurs années de gloutonnerie apocalyptique (voir épisode précédent), j'ai récemment découvert que je pouvais aussi regarder les films après les avoir téléchargés, et si je jette un regard compassé sur les chefs-d'oeuvres aux couleurs jaunies de ma jeunesse -par exemple Le survivant d'après Je suis une légende de Richard Matheson (que j'ai dévoré avec Sturgeon et Dick dans ma geekolescence sans savoir que c'en était une et qu'elle me préparait à d'autres délices, car à part AVC gravissime ou théophanie massive (peu déclenchables sur commande) nous vivons plus ou moins fidèles à nos prémisses d'il y a 25 ans, d'ailleurs ils ont été implantés bien avant) avec Charlton Heston, largement aussi ridicule que la version récente avec Will Smith mais pour d'autres raisons, l'un étant vraiment daté "films de blaxploitation" bien qu'il n'en soit pas un (le héros est blanc, la plupart des zombies sont noirs, ont la coupe afro et leurs frêres blancs semblent échappés de la figuration de Easy Rider) et l'autre ayant tout misé sur les trucages numériques (le héros est noir, les zombies sont blancs et échappés encore pas bien recérébrés des films de zombies actuels), ou The Hidden avec un Kyle Mc Lachlan tout minot et autres séries B cultissimes, parmi les milliers de bobines produites par l'industrie du divertissement depuis un siècle et qui m'ont laissé un vague souvenir ou sollicitent mon attention pour tel ou tel prétexte, mais tout ça ne vaut quand même pas le cinéma d'auteur. Parce que souvent on est confronté à un imaginaire mâchouillé et remachouillé, à base d'archétypes "le sacrifice du héros sauve la communauté" qui n'ont rien à voir avec le réel, auquel ils opposent une reconstruction anti-biotique, je veux dire où la Vie n'est pas souvent la bienvenue.
D'ailleurs j'ai emprunté à un ami un documentaire de 9 heures sur l'effondrement d'une cité industrielle au nord-ouest de la Chine. Ca c'est du cinéma. Faut juste trouver le courage et l'énergie de le regarder. Le mieux, ce serait d'inviter un copain.
Je me rappelle avoir entraîné un innocent voir "Nick's Movie", hommage en forme de mausolée bâti par Wim Wenders à Nicholas Ray, qui retrace sans complaisance ni voyeurisme, lol, l'agonie de ce dernier, avec la caméra comme soin palliatif. J'exagère, mais pas de beaucoup. Mon innocent ne l'est pas resté longtemps, a compris de quoi il retournait, a quitté la salle au milieu du film et est allé m'attendre dehors parce que c'était un bon pote.
Mais je comprends que ma femme, quand elle a annoncé dans la journée à deux gamins de 8 et 10 ans qu'ils ne reverront plus leur papa, parce qu'on l'a retrouvé mort depuis 8 jours derrière un meuble, préfère un petit Desperate Housewives à un drame existentiel sur pourquoi et comment on devient terroriste en Palestine.
Alors vendredi j'ai vu et je lui ai fait subir une grande partie du film Home de Yann Arthus-Bertrand parce que d'un seul coup je me sentais écologiquement concerné par l'avenir de la planète, surtout quand je ne serai plus dessus parce que comme disait Henri Michaux :
"Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi. En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller."


Alors évidemment, les travelingues de la terre vue d'hélico qui n'en finissent plus avec la voix off plombée, ma compagne on lui a déjà fait le coup avec les films de John Warsen, et elle a piqué du nez sans demander grâce, la garce.
Home m'évoque beaucoup Koyaanisqatsi, vu à l'époque où j'étais un cinéphile pourvu de mémoire, et ses prophéties Hopi peu optimistes pour les temps futurs, qui constituaient les seules phrases d'explication du film :
1. If we dig precious things from the land, we will invite disaster.
2. Near the Day of Purification, there will be cobwebs spun back and forth in the sky.
3. A container of ashes might one day be thrown from the sky which could burn the land and boil the oceans.
D'ailleurs si on coupe le son de la télé en regardant Home, on obtient un Koyaanisqatsi actualisé et friqué.
Mais le film de Reggio était contemplatif, et ne suggérait aucune lecture plutôt qu'une autre, se contentant de juxtaposer la nature et ses forces millénaires d'un côté, et la technologie et ses effets secondaires de l'autre.
Home, avec sa voix off très didactique, qui nous assène les évidences qui fâchent sur notre consommation déraisonnable de matériaux fossiles etc... y'a comme un décalage entre les images extra-planantes - Par Toutatis, que la misère est belle quand on n'a pas les pieds dedans ! - et le commentaire d'une sorte de demi-Dieu omniscient mais pas omnipotent, qui contemple de haut ses créatures et se stupéfie dignement de leur disparition prochaine, le tout après un bon fix d'héro pour tenir le choc émotionnel (la langueur et la régularité des mouvements de caméra procure l'équivalent cinématographique de cette sorte d'hébétude propre aux opiacés.)
C'est vrai que c'est très soporifique.
Koyaanisquasskouill. Surtout que la musique emprunte désespérément au Philip Glass de l'original sans retrouver cette fluidité dans la pénibilité.
Le film a vocation à toucher un public très très large. Il est en shareware un peu partout, et la cause est non pas noble, mais vitale. Le matin de la diffusion du film, l'auteur disait sur France Inter où il était interviouvé que les choses qu'on pouvait faire à notre niveau étaient très simples : manger moins de viande, brûler moins d'essence.
Comme tout cela me semble avoir été dit et répété depuis 40 ans (et encore je ne remonte qu'à René Dumont et au Club de Rome), avec les effets que l'on sait, et bien que le film de YAB satisfasse à la fois l'esthétique et la comprenette, et comme il a été financé par des marques et des industriels de tous horizons mais des gros de chez gros, que tout le monde se persuade petit à petit de la venue imminente de l'apocalypse sans y croire vraiment, à travers tous ces films de genre, principalement des blockbusters anglo-saxons, sachant que ça ressemblera à l'histoire des grenouille chauffées expérience qui montre que lorsqu'un changement s'effectue d'une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte...sauf pour les Bengladeshis mais sincèrement, y'a pas tellement de pétrole au Bengladesh alors ça m'étonnerait qu'on se mobilise.
Pourtant, il me semblait que quelqu'un qui vivrait dans une incohérence dont il serait l'auteur se ferait interner et placer en observation à titre préventif s'il se voyait dans le même temps ne pas réussir à se sortir les doigts du cul tandis que le mur approche à vitesse grand V.
Mais j'ai tant d'exemples en moi et autour de moi de ces étranges paradoxes que pfff... autant revenir au message de base : moins de viande, moins de pétrole.
Pour voir Home en 1080p et sangloter d'émotion contenue devant son écran HD, je tiens à la disposition du premier qui m'en fera la demande une inscription sur un forum de téléchargement participatif (protocole bittorent), ayant accumulé assez de points pour pouvoir en faire bénéficier autrui sans nuire au cochon.

lundi 25 mai 2009

Gloutonnerie apocalyptique

Chaque fois que je veux allumer le barbecue avec un vieux numéro du Monde datant d'un abonnement déraisonnable entre 2004 et 2006, pieusement archivé en piles dans une armoire du garage pour quand j'aurai le temps de les lire vers 2025, quand Internet sera tombé définitivement en rade, (quel pitch excitant pour tous ces cinéastes de science-fiction embarrassés depuis la Grande Panne de l'Imaginaire Qui Perdure Depuis Lors !) je ne puis m'empêcher de jeter un oeil au sommaire et ça ne loupe pas, je tombe sur des titres d'articles prometteurs, et là ce samedi midi c'est la grosse gâterie, Gloutonnerie apocalyptique signé par Russell Banks semble un billet d'humeur plutôt inspiré, dans le genre éditorial-coup-de-gueule-d'intello-de-gauche-respecté-par-ses-pairs sur l'Amérique évangéliste d'avant-Obama :
"Dans un article inédit pour « Le Monde des livres », l'écrivain américain explique comment la vision du monde séculière et temporelle des Etats-Unis a cédé la place à une vision religieuse intemporelle" ...au moins, si on le lit, on ne risque pas d'être volés sur la marchandise.
Bon, on n'est pas assez près géographiquement pour savoir si le glissement culturel qui motive ce billet d'humeur a changé, à en croire son auteur, le risque de voir la religion dominer la conscience nationale est plus que sérieux...et c'est vrai que quand on voit les fondamentalistes chrétiens, on a du mal avec la religion (je devrais peut-être mouiller ma chemise et reprendre "quand je vois les fondamentalistes, j'ai mal à la religion, c'est à dire à ce qui en moi tente de se relier au grand Tout quand il constate combien ses ressources sont faibles et insuffisantes) en tout cas la leur, et leur façon de se rasséréner/mortifier avec.
Il va de soi que la notre ne saurait être confondue, ni dans ses fins, ni dans ses moyens, avec la foi-sans-soif des évangélistes et autres prophètes auto-proclamés.
En tout cas ils ont bien brouté Russell Banks, mais la conclusion de l'article élargit son propos :
"Quand un groupe de primates supérieurs - chimpanzés ou gorilles - commence à manquer de nourriture, les mâles adultes sont pris de folie dévoratrice, de gloutonnerie apocalyptique. Ils engloutissent toutes les bananes et toutes les baies qui restent sur le territoire du groupe. Et quand il n'y a plus de bananes et de baies, ils envahissent le territoire de leurs voisins et s'en rendent maîtres par la violence. Nous, êtres humains, sommes une variété de primates supérieurs, et notre degré d'évolution ne nous garantit pas d'un accès de folie dévoratrice. Bien au contraire. La seule différence entre les chimpanzés et nous, c'est que nous avons inventé une théologie pour la justifier."
On se croirait à la fin d'un bouquin d'Henri Laborit, quand il laissait son côté Brice de Nice finir la partie, ou noyé dans les pages les plus dépressives du cours d'initiation à l'orthologique, dont je fus un des infortunés étudiants à la fin des années 70.
Allons bon.
A tout prendre, dans ce même numéro du Monde des Livres périmé depuis 2 ans, on vante les charmes d'un Jim Harrison (whisky, putes, spectre de la destruction et existentialisme) ou d'un William Vollmann (whisky, putes, trace indicible de Dieu et SDF), lectures qui me seraient peut-être d'un plus grand profit, les héros des romans de Banks ayant une forte propension à retomber du côté de la confiture tout en étant affligés d'une acuité intellectuelle qui ne les prémunit ni contre leurs malheurs réels ou imaginés ni contre le désespoir qui s'empare alors d'eux à l'idée qu'il va falloir se résoudre à survivre après la fin du bouquin.

Pendant tout le temps de ma lecture (au mépris du barbecue désormais relégué aux tâches adventices réservées aux besogneux, éternels subalternes de l'esprit) ma chatte se frotte contre ma jambe avec l'ardeur pseudo-câline et opîniatre de celle qui ne pense qu'à son ventre et au plat de merguez crues qui la nargue depuis la table de jardin et son mêtre cinquante d'altitude.
Elle me rappelle tout à fait moi quand je me frotte contre ma femme pour mendier ses faveurs.
Si j'étais down, et néanmoins doté des capacités d'expression littéraires de Russell Banks, je dirais qu'il y a aucune différence entre nous, j'expliquerais en abondants volutes à quel point notre sort est le même, et combien nous sommes promis à la ténèbre et au dépit, mais là, sans être particulièrement up, je suis simplement conscient de la situation globale, aware, ne serait-ce que du fait d'une hygiène de vie relativement saine et de n'entretenir aucun cadavre dans nul placard depuis un certain temps, et de plus il fait beau, les merguez s'annoncent délicieuses, et en plus je suis provisoirement du bon côté du manche de la boite de croquettes.
Y'a pas à dire, le pouvoir, ça aide, pour ressentir la compassion.
La gloutonnerie de ma chatte n'a rien d'apocalyptique, sauf à admettre qu'elle a compris que sa pancréatite qui remonte à deux mois, et son hépathite d'il y a deux jours, signent sa proche agonie et le début de la fin (le vétérinaire m'a fait comprendre à mots couverts que sans foie, la vie devient difficile) et qu'elle veut s'en mettre jusque derrière les oreilles avant de crever, bordel.
M'enfin, là on voit surtout les limites de l'anthropomorphisme.
La faim retrouvée après quelques semaines d'apathie alimentaire dûe à la maladie est aussi contraignante pour elle que la sexualité a pu l'être pour moi quand j'étais addict (je pense à l'histoire d'Hypatia d'Alexandrie racontée par Rita Levi-Montalcini dans Courrier International :"On raconte qu’un jeune élève d’Hypatia en devint amoureux. La philosophe lui montra alors un tissu taché du sang des menstrues. Elle lui dit : “C’est donc cela que tu aimes, mon jeune ami. Cela n’a rien de beau.”) et la pitié teintée d'amusement (et du refus de me faire harceler plus longtemps) me fait lui remplir l'écuelle d'une pâtée peu appétissante.
C'est peut-être aussi ce que ressent ma femme quand elle cède à mes avances envahissantes.
L'histoire ne le dit pas.
On n'est pas chez Russell Banks.
Kant à moi, je me contente de rester concentré sur ce que je puis me permettre en matière de réactions à ce que la vie me propose, mon degré de liberté étant assez réduit, même s'il est bien plus grand qu'il y a quelques années.
cf l'excellent et très récent article de Flo sur le karma.
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(restitué dans sa radicale altérité lors du Grand Ramadan Confiné d'avril 2020)
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10/06/2009
Lorsque nous parlons du karma, beaucoup de gens nous rétorquent qu'il n'y a rien de tel, que si ça existait ça se saurait, et que la plupart des événements sont le fruit de la chance ou du hasard. Nous n'allons pas gloser sur les causes karmiques éventuelles du crash de l'airbus A330, car même si nous étions omniscients, ce que nous ne sommes pas, tout ce que nous pourrions dire serait invérifiable pour le lecteur. Nous allons donc nous en tenir à ce qui est vérifiable par l'expérience immédiate, et qui peut donc constituer la base d'une pratique.
Le karma, c'est la loi de cause à effet. C'est donc l'endroit où notre liberté ne s'applique pas. On n'est plus "plus ou moins libre" : à un instant t, on est libre, ou agi. Afin de déterminer notre part de karma et de liberté, il nous suffit d'examiner notre esprit. Le karma se manifeste par exemple sous la forme de toutes les pensées automatiques que nous avons, celles qui défilent dans notre esprit sans que nous puissions les en empêcher, quand bien même nous le souhaiterions. L'instant de liberté, c'est l'instant précis où nous prenons conscience de ces pensées, en un éclair. Sur une minute, combien expérimentions-nous de micro-secondes de liberté ? Car chacun le constate, l'instant de la prise de conscience ne dure pas. Même si l'on s'essaie à le faire durer, les pensées recommencent à tourner, au sein même de notre soi-disant vigilance, preuve qu'elle n'est qu'un fac simile de la véritable liberté. Cette liberté, c'est l'instant de lucidité qui seul a pouvoir d'interrompre véritablement les chaînes karmiques, et qui se produit plusieurs fois par minutes chez l'individu au karma pas trop chargé, mais seulement quelques fois dans la journée pour nos grands-mères aux gouttes desséchées. L'équivalent de cet instant dans le sommeil, c'est le moment où le rêve devient lucide. Chacun conviendra que c'est assez rare, si cela se produit deux ou trois fois au cours d'une nuit, c'est déjà énorme. Tout le reste est karma, enchaînement à des situations qui ne nous laissent aucune liberté.
La caractéristique du karma, c'est qu'il n'est pas modifié par le désir de s'en débarrasser. Mais c'est déjà un résultat de le voir clairement, car peu s'en rendent véritablement compte.
Afin d'améliorer notre perception, nous pouvons essayer de méditer dans un moment d'agitation usuelle. Un examen honnête nous montre que nous sommes agis par une force qui ne dépend nullement de notre désir de l'arrêter. Au mieux nous la faisons changer de direction, comme un torrent qui rencontre un arbre. Si nous parvenons à rester en place pendant un certain temps, il se peut qu'elle se calme, à ce moment nous sombrons probablement dans la torpeur. Il s'agira de la même force, mais immobile cette fois. Une façon de mesurer cette force sous sa forme immobile, consiste à nous demandez ce qui nous empêche, lorsque nous sommes calmes et apparemment non perturbés, d'être dans l'amour divin. C'est une sorte de mur, ou de glu, quelque chose qu'il est impossible d'écarter d'un geste de la main. Songeons maintenant à ce qu'est notre journée. C'est la même chose, en pire. Si nous pouvons mesurer la force contraignante qui s'exerce sur nous dans les circonstances propices de la méditation, nous pouvons avoir une vague idée de ce qui s'exerce sur nous au cours de la journée quand nous n'y prenons pas garde.
Plus on observe clairement le phénomène, plus il est facile de déterminer les méthodes qui agissent réellement dessus, puisqu'on devient capable de mesurer leur effet. La présence d'un maître, par exemple, est très efficiente, car un maître a le pouvoir de remplacer nos vents contaminés par ses vents purs. En revanche, il a très peu d'influence sur la source de la contamination, autrement dit il faut rester de nombreuses années auprès de lui, du matin au soir, pour que le nettoyage soit important.
Pour nous pauvres occidentaux qui n'avons pas ce loisir, il nous faut soit envisager de mourir idiots, soit nous décider à pratiquer une sadhana digne de ce nom, c'est-à-dire incluant des méthodes efficaces.
Dans les moyens qui sont à notre disposition, il y a deux niveaux :
les méthodes du stade de génération, consistant à cultiver la dévotion pour un maître ou une divinité d'élection. Cette méthode est connue dans toutes les traditions, son inconvénient principal tient à ce qu'elle dépend de notre humeur, autrement dit de notre volonté bonne, ainsi que de notre inspiration. Autrement dit, si nous sommes en colère par exemple, celane fonctionnera pas. Il faudra commencer par des méthodes physiques, yogas ou prosternations, qui remettront un peu d'harmonie dans la circulation des vents. Il faut donc compter deux bonnes heures de pratique au total pour nettoyer une perturbation.
les méthodes du stade d'accomplissement, pranayamas et yoga de tummo, qui ont l'avantage de ne dépendre que d'un minimum de force physique (il ne faut pas être trop malade ou fatigué). Pour le reste, en fonction du niveau de pratiquant et du niveau d'agitation, 10 à 30mn peuvent suffire. Quand on mesure ce qui est enlevé en si peu de temps, c'est proprement miraculeux. Le second miracle, c'est que par la réduction du temps nécessaire pour obtenir un résultat - en l'occurrence le désengluement de toute pensée discursive -, il devient possible de l'appliquer à chaque nouvelle perturbation, ce qui permet de rester dans un état relativement clair tout au long de la journée.
Corrélativement, on n'identifie plus l'ego comme une sorte d'entité mystérieuse qui nous posséderait contre notre gré, mais simplement comme la somme de tous ces mouvements sur lesquels nous avons maintenant un moyen d'action, ce qui inverse totalement la perspective. Il ne s'agit plus de se tancer, de se sentir coupable, de se retenir, de s'obliger... Nous accédons à la perception claire que toutes nos humeurs, sentiments et "opinions" sont l'effet d'une contamination des vents, qu'il nous est possible de purifier. Sur le long terme, l'expérience nous montre qu'il est possible de déraciner nos vasanas les mieux enracinés simplement en approfondissant la méthode. Notre état se ramène à une question de diligence, rendue possible par la purification de nos tendances karmiques, et nous cessons progressivement d'être agis pour devenir acteurs de notre vie.