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samedi 2 octobre 2021

Loukoum et Tagada contre Mindhunter

L'affiche me fait penser à Richard Corben.
Qui n'a pourtant rien à voir.
Y aura-t-il une saison 3 de Mindhunter, la glaçante série de David Fincher sur le profilage des tueurs en série dans les années 60 ? La controverse ne me passionne pas. 
Je veux dire, il faut éviter de se nourrir uniquement de cochonneries toxiques. Les deux premières saisons sont bien menées, mais malaisantes à souhait. Après avoir joué les otages consentants des séries télé pendant une vingtaine d'années, le sortilège qui nous liait s'est un soir défait, évanoui dans l'azur, un soir de pandémie où j'avais perdu la foi dans les vertus du téléchargement, après une énième série dont les promesses, susurrées par les journalistes spécialisés, n'engageaient que ceux qui y croivaient.
Depuis, le soir, on est au lit, et on lit des livres. 
Tagada me récite à voix haute un passage de "Criminologie", de Maurice Cusson, que je lui ai trouvé sur l'extraordinaire librairie en ligne "Ali-baba et les 40 bibliothécaires en rut" : https://fr.1lib.fr/ pour nous éviter la ruine bibliographique depuis qu'elle a repris ses études après son départ à la retraite. (Depuis que j'ai écrit l'article, les antipirateures ont rendu le site inopérant, mais à l'heure où je mets sous presse, ils sont relocalisés par ici : https://fr.b-ok.cc/ mais sont susceptibles de disparaitre à nouveau du multivers. Auquel cas il faudra les rechercher à partir de l'argument "Partie du projet Z-Library. La plus grande bibliothèque électronique du monde entier" dans google.)

Entre 1935 et 1960, la criminologie de langue française est dominée par la figure d’Étienne De Greeff. Médecin anthropologue à la prison de Louvain à partir de 1926 et professeur d’anthropologie criminelle à l’Université de cette ville dès 1929, son influence se fait sentir notamment sur J. Pinatel, C. Debuyst, A. Hesnard et M. Fréchette. De Greeff prend ses distances avec les positivistes en se délestant de leur lourd déterminisme et en s’efforçant de voir les criminels comme ils se voient eux-mêmes. Dans une œuvre très riche qui déborde la criminologie, deux thèmes retiennent l’attention : le processus de l’acte grave et le sentiment d’injustice subie du criminel.
Chez de très nombreux meurtriers, De Greeff (1935-1942 ; 1948-1955) étudie de l’intérieur la maturation psychologique qui débouche sur le crime passionnel. Il insiste sur le fait que le processus du passage à l’acte s’étale dans le temps. La plupart des hommes qui en viennent à tuer la femme qu’ils disent aimer mûrissent leur crime pendant des semaines, des mois, quelquefois même des années. Leur évolution se déroule en trois stades. Elle commence par l’assentiment inefficace. L’idée que leur compagne pourrait disparaître s’infiltre peu à peu dans leur esprit sans qu’ils n’osent admettre devenir eux-mêmes les agents de cette mort. Dans un deuxième stade, la possibilité qu’ils suppriment la femme s’impose à leur esprit et ils en arrivent à l’accepter : c’est l’assentiment formulé. Puis vient la crise ; la décision, pour ou contre, est imminente. Écartelés, ils sont dans un état de tension extrême ; ils dorment mal ; mangent mal ; leur contact avec la réalité se détériore ; ils souffrent. Finalement, il suffit d’une maladresse ou d’une provocation de la part de l’éventuelle victime pour lever brusquement les dernières inhibitions. Le champ de conscience se rétrécit alors ; ils entrent dans un état de transe. Ils attaquent avec sauvagerie et, souvent, portent des coups répétés à la femme (De Greeff, 1942 : 243-7).
Cette issue fatale n’est rendue possible que par une évolution qui a conduit le meurtrier à se détacher de la femme qu’il prétend aimer et à se désintéresser de son propre avenir. C’est le « processus suicide ». De plus en plus désespéré, le meurtrier éventuel perd le goût de vivre. Il se désengage de tout ce à quoi il était attaché. L’idée de finir ses jours en prison cesse de lui faire peur. Devenu indifférent à tout, il devient capable de tout.
Parallèlement, au cours de ce que De Greeff appelle le « processus de revendication », le criminel projette tout le blâme sur sa future victime pour se sentir ensuite autorisé à se venger : elle a abusé de sa confiance ; elle l’a épousé par intérêt ; elle l’a humilié ; elle l’a honteusement trompé. Pour se persuader que la femme qu’il prétend aimer mérite la mort, il la dévalorise, l’accable de tous les torts et la réduit à une caricature haïssable.
De Greeff a aussi décrit la personnalité du criminel. Il a surtout insisté sur le sentiment d’injustice subie. L’homme engagé dans le crime nourrit des griefs contre l’univers entier. Il est convaincu d’avoir subi une longue succession de préjudices immérités. Il affirme qu’il a dû lutter durant toute sa vie contre les iniquités et les injustices. De ce fait, il adopte vis-à-vis d’autrui une attitude revendicatrice et justificatrice qui débouche sur le refus de pactiser. Convaincu que ses propres crimes sont des actes de justice, il les légitime en se persuadant qu’il est plus juste et plus honnête que ses juges. 
[...] Disciple de De Greeff, Pinatel présenta, en 1963, puis en 1974, une systématisation qui devait exercer une réelle influence sur la criminologie de langue française sans pour autant échapper à la critique. Selon Pinatel, il n’y a pas de différence de nature, mais de degré, entre les criminels et les autres. Ils se distinguent des gens normaux sur quatre dimensions du « noyau central de la personnalité criminelle » : l’égocentrisme, la labilité, l’agressivité et l’indifférence affective. Ces quatre traits doivent tous être présents pour qu’un crime grave soit possible.

1. L’égocentrisme est la tendance à tout rapporter à soi-même, l’incapacité « de juger un problème moral d’un point de vue autre que personnel » (Pinatel, 1975 : 597) et la propension à réagir à la frustration par le dépit et la colère. L’égocentrisme permet au criminel de se persuader de la légitimité de son forfait et le rend indifférent à l’opprobre qui s’attache au crime qu’il s’apprête à commettre.

2. La labilité est une combinaison d’imprévoyance, d’inorganisation dans la durée et d’instabilité du caractère qui empêchent le délinquant d’être inhibé par la menace de la sanction. Il se laisse asservir par le désir du moment sans tenir compte des conséquences lointaines de ses actes.

3. L’agressivité est l’énergie permettant au criminel de surmonter les obstacles rencontrés au cours du passage à l’acte et la combativité nécessaire pour passer outre à l’odieux de la réalisation du crime.

4. L’indifférence affective est un manque d’émotion altruiste et sympathique qui rend le criminel insensible aux souffrances de sa victime et incapable de ressentir de la culpabilité. Imperméable aussi bien à la pitié qu’à la compassion, il n’est pas retenu au cours de l’exécution du crime par le spectacle du mal qu’il inflige. Cet état de froideur psychologique peut provenir de carences éducatives ou constitutionnelles. Il arrive aussi qu’il soit le résultat d’un processus de désengagement affectif.

La théorie de Pinatel est en même temps une analyse des traits de personnalité qui distinguent les criminels des autres et une description des attitudes psychologiques qui rendent possible l’exécution du crime grave. Et elle est moins une explication qu’une identification des conditions subjectives du passage à l’acte : être indifférent à la réprobation, à la perspective de la peine, à la souffrance de la victime et à l’odieux de l’exécution du crime. À ce titre, elle n’échappe pas tout à fait à la tautologie : ce qui sert à expliquer le crime est contenu dans le crime lui-même.

Mais dites donc, voyez-vous ça, c'est qu'on ne s'embête pas, chez les criminologues. On dirait bien que quand Pinatel regarde l'abîme, Michel Fourniret le regarde aussi. Des défauts de caractère, des ruminations un peu poussées, comme chez les gens normaux mais en plus intense, et puis un jour de marée haute pulsionnelle, CRAC, passage à l'acte. Et COUIC, dans le journal. Et re-CRAC, au gnouf. Ou pas. Tagada me glisse gentiment que je présente au moins 3 des 4 conditions psychologiques requises pour passer à l'acte. Elle est bien gentille, mais moi, Loukoum, j'ai checké pendant sa lecture à voix haute, et j'ai bien les 4. Sur le moment, on rigole comme des jeunes mariés. Le lit, insuffisamment rigidifié, commence à grincer, et le chat, mécontent du barouf, se barre de sur nos pieds. Plus tard, quand elle me parle d'autre chose le dos tourné, dans la cuisine, et que j'ai l'épluche-patate à la main, une sorte de vertige me prend, mais c'est un flash forward, c'est depuis qu'elle m'a lu l'article. Je me dis qu'en fait, mon père présente les 4 traits de manière flagrante, mais au fond, je sais bien que ce qui me déplaît chez lui, c’est que je lui ressemble beaucoup.  Même si je n'irais sans doute pas faire chez lui ce qu'il vient de venir faire chez nous et dont je ne dirai rien, par décence tardive, après trois ans de mise à l'écart pour cause de pénibilité. Et pas question de botter en touche en usant du subterfuge de Flopinette, qui disait jadis sur un forum disparu que j'ai bien mis 5 ans à déterrer dans les cyber-gravats : 
Et même lorsqu'il y a offense, il faut savoir que les gens sont rarement conscients de faire des offenses. Comme qui dirait, c'est "inconscient", et la part de l'inconscient dans le comportement humain est énorme. J'ai une expression pour ça : "ils sont de mauvaise foi de bonne foi". Et cela, tu n'y peux absolument rien. Si leur économie psychique nécessite qu'ils ne soient pas conscients de l'offense, ils auront des hallucinations plutôt que de voir le mal qu'ils font. Le mal n'est jamais conscient. [...] Où as-tu vu que je condamnais J. ? Ton imagination se révèle fertile. Je dis simplement qu'il doit avoir quelques problèmes relationnels et que s'il se demande d'où ils viennent, la réponse est simple. Mais son karma n'est pas le mien, et ne peut pas le devenir, tant que je ne le condamnerai pas. Et je ne le condamne pas, car pour sûr je ne le souhaite pas."

J’ai longtemps trouvé ça bien vu, mais aujourd’hui je me dis : qu’est-ce que c’est que cette croyance que ne pas condamner autrui va me préserver du sort de celui que je dénigre ? ça sent le pharisien pas libéré, qui se retient de médire pour éviter le retour de boomerang karmique, un truc qu'il a intégré dans ses croyances; si j'évoque un effroyable connard qui n'a rien capté à sa vie, même si c'est mon père, ce n'est pas de le dire qui va y changer quelque chose, ni pour lui, ni pour moi. Sauf si je le lui dis en face, mais je m'expose alors à des troubles que je préfère éviter. Ce type a passé sa vie à nous inférioriser, mon frère et moi, il ne pouvait exister qu’en nous enfonçant, en entrant en compétition avec nous, et en se dévoilant à lui-même comme le meilleur, comme si nous le menacions, alors que nous étions ses enfants, pas ses concurrents. On peut se demander pourquoi il n'a pas trouvé d'autre solution pour avoir l'impression de vivre, mais c'est une autre histoire. Je ne parviens à l’apprécier ni comme homme ni comme père, il a le don de me perturber émotionnellement comme toute bonne relation toxique, mais au fond je ne peux rien lui reprocher qui ne ressemble comme un frère de ta soeur aux remarques blessantes dont il a parsemé notre éducation, moi et mon cadet. Or, Jésus et Flopinette ont dit « Aime ton ennemi » , pas « deviens comme lui ». C'est un pervers narcissique incurable, il est trop tard pour l'en prévenir car tout son système d'auto-conservation est maintenant solidifié. La rencontre n'a pas eu lieu, et vu les mécanismes de protection à l'œuvre, elle n'aura jamais lieu. Il m'arrive encore de le regretter, et c'est là que je suis fragile, et susceptible de me refaire baiser. Je peux juste me tenir au large et faire des choix différents des siens. Le puis-je vraiment ? A la lecture de mes interactions avec mon fils depuis une quinzaine d'années, pas tant que ça. Mais je peux continuer d'essayer. 

(Loukoum et Tagada® sont une création John et Jeannette Warsen®)

mardi 2 janvier 2018

2018, l'année du chien (2)

Ci-gît le post que je n'écrirai pas (et que beaucoup de lecteurs me réclament nonobstant à corps et à cri) sur le match retour du réveillon montpelliérain de l'an dernier,  réveillon de la saint Barthélémy Sylvestre qui a eu lieu cette année dans nos locaux nantais, dans la nuit du 31 décembre 2017 au 1er janvier 2018.
Réveillon suivi de la traditionnelle cérémonie des voeux de bonne année, santé et sobriété, voeux à l'issue desquels j'ai engueulé mon père comme un chien galeux, parce qu'il le valait bien, sur ses insuffisances en tant que père, et aussi en tant que grand-père, parce qu'il se demandait ingénument - et nous interrogeait avec pas mal d'insistance par la même occasion - sur pourquoi donc est-ce que son petit-fils évitait prudemment toute interaction avec lui depuis l'an dernier.
Sur le moment ça m'a fait énormément de bien de lui en mettre plein la tronche, animé que j'étais de la Colère des Justes.
Surtout qu'il me répondait des absurdités perverses et narcissiques d'une mauvaise foi éhontée, qui ne faisaient qu'alimenter le feu de mon réchauffement du rable et du reste, au lieu de m'aider à regagner mes pénates de Dépressif Chronique, dans lequel tout le monde semblait jusqu'à une période récente trouver son compte est bon, moi inclus.
A un moment donné, ma femme m'a suggéré d'aller exprimer ma Juste Colère dans le jardin, parce que ça commençait à barder assez fort pour son beau-papa, d'autant plus que l'accusé se disculpait avec sa toute petite voix de jésuite-pas-celui-que-vous-croyez en avançant l'idée que peut-être, c'était pas son petit-fils qui était le problème, mais que son père semblait souffrir de perturbations endocriniennes, je les ai donc laissés poursuivre leurs morbides agapes en vociférant calmement dans l'escalier du jardin que moi au moins je connaissais ma maladie et je me soignais, mais que lui il serait peut-être temps qu'il aille consulter.
Dix minutes plus tard ma femme me rejoignait dans le jardin, éclairée par la clarté diaprée d'une lune alphane et bipolaire dans son dernier quartier, m'avouant qu'elle n'en pouvait plus et qu'elle préférait quitter la table elle aussi avant de péter les plombs, et après on se serait retrouvé dans le noir.
C'était un temps à ne pas jeter son beau-père dehors la nuit du réveillon, ou alors c'est qu'on n'avait pas vraiment l'Esprit de Noël, qu'on n'aurait fait que simuler, pour complaire à la pression sociale, assez forte en fin d'année, malgré le côté un peu lancinant de toutes ces injonctions à la Joie, et c'est vil, de simuler.

Le journal de ce matin, c'est n'importe quoi.
En plus, je vous jure que c'est pas moi,
parce que ma mère elle est dans une urne,
alors y'a cabane !
mais pas pour moi.

Alors du coup, comme on s'est retrouvés sous la lune sans les deux vieux cons restés à l'étage, un peu embêtés mais entêtés à avoir raison tous seuls, si on fait abstraction des nains de jardin en plastique sur la bûche fondue qui se tenaient un peu cois, je vous le demande, ben on a un peu ri, et on se serait presque réconciliés si on avait été fâchés auparavant, mais ce n'était pas le cas.
Evidemment, j'aurais dû faire ça y'a trente ans, mais que voulez-vous, à l'époque j'avais l'âge de mon fils aujourd'hui, je n'étais guère en position de force pour négocier une sortie de table durable, et puis j'ai un peu l'esprit d'escalier.

mardi 10 janvier 2017

Esprit de Noël (7)

lettre reçue ce matin par moi et ma soeur

Cherzenfants,

Il m'a fallu me retenir de vous écrire plus tôt, dès le 27, tant mon envie était grande. Mais le passage à Marcellaz n'était guère propice, ni la suite, via Villeneuve, Barbizon, le Chesnay, Rouen ... puis j'avais en point de mire ce concert du 7 janvier, où j'avais la plus grosse charge, et la remise en ordre du 8 bis (je viens tout juste de retirer la rallonge de la table de cuisine, mais les lessives -nappes, draps, serviettes, ...- ne sont pas terminées).
Ouf, le concert (s') est (plutôt bien) passé ! Et j'ai pu, un brin vanné, me poser dans un fauteuil, devant une bière, des restes de chips, et, en priorité, téléphoner à mon fils souffrant. Puis, avec Elisabeth, nous sommes allés hier "tirer les rois" chez Viviane, et lui souhaiter bonne année, notre incontournable B.A.
Donc je ne me retiens plus pour vous dire combien votre venue m'a fait du bien, surtout succédant à la "réunion" précédente de novembre 2010. Que de la gaieté, des beaux petits enfants, qu'Adrienne aurait tant aimé voir grandir et s'épanouir! Bonheur tempéré toutefois par les "maux" de Hugo et John, que chacun voulait voir passagers.
Pourquoi cela fait-il tant de bien ? pas facile à expliquer précisément. Le rapprochement soudain avec ceux que j'aime, sans  avoir eu à me déplacer, occulte sans doute l'éloignement, qui me semblait terrifiant, fin 2010, et dont on ne peut jamais s'accomoder, de toute façon, même si l'on sait que le destin en est seul la cause. Et se voir tous dans la joie évoque toutes les autres joies passées. Sans doute aussi que voir grandis ces enfants et petits enfants, tels qu'ils sont maintenant, apporte la preuve que les espoirs que nous y avions mis à leur naissance et pendant leur enfance se sont en bonne partie réalisés.
Il faut dire aussi que cela s'est produit dans une "période faste", alors que j'en ai connu de difficiles, notamment 1983, 1993, ..., 2005, 2006, les disparitions de certains de nos meilleurs amis, fin 2010, été 2011 ...etc.
Période faste où je connais à peine les misères du vieillissement: tout juste quelques "VPPB" guère inquiétants. Mais zéro  souffrance physique, une vue qui se maintient, une autonomie totale, et une activité sociale quasi sans précédent, avec ... la musique, où j'ai  réellement "changé de dimension" au cours des deux dernières années. Sans parler de l'incroyable réussite du pari de 2011, avec Elisabeth, en nous embarquant ensemble pour la "traversée du troisième âge". Son dynamisme et sa gaieté inoxydables, des occasions de voyager, et une "famille d'accueil" chaleureuse !
Bref, la meilleure période de la vie ? comme dirait FOG, ajoutant "dommage que cela se termine toujours mal !".  Non , tout de même pas, car le malheur de 2010 ne peut être effacé. A un rêve que j'ai fait il y a 3 nuits, j'ai réalisé  que je m'étais  résigné seulement après plus de six années, et avais petit à petit relancé une sorte de nouvelle vie, à partir des décombres et de l'affection de ceux qui m'ont entouré.
Tout cela pour vous dire aussi que s'il m'arrive de geindre de ne pas vous voir souvent au 8 bis, il ne faut pas vous en formaliser. La vie l'a voulu comme ça. Revenez quand cela vous chante. 
Tournée générale de bises

Papijami

Une lettre qui se lit à deux :
un qui la tient, et un qui ouvre la fenêtre.
Je nous déconseille de répondre à cette provocation policière.
Commando Bouilloire

[Edit]

Le 10 janv. 2017 à 21:39, e.v. a écrit :

Oyé ! Oui je confirme.  Après son passage à R*** où il m'à chanté la même chanson plusieurs fois jusqu'à ce que je lui dise que ce n'était pas la peine d'insister compte tenu du comportement inapproprié qu'il avait eu à notre égard qui était de nature à nous infantiliser complètement et qu'on avait franchement passé l'âge et pas besoin de ça mais plutôt de détente. J'en suis à me demander si son vice ne va pas jusqu'à prendre un malin plaisir à se rendre insupportable avec son entourage. Pendant le peu de temps qu'il est resté chez nous, on a eu une très bonne copine à déjeuner qui le connaît un peu pour avoir séjourné quelques jours à la marina ces dernières années. Même elle a décelé en quelques heures qu'il y avait un vrai pb d'égo et de centrage sur sa propre personne alors qu'on ne lui avait rien dit de ce qui s'était passé les jours précédents. 
Bref, un bel exemple à ne pas suivre pour nous comme pour les gosse.  C'est dur de devoir leur dire que si ils détectent des symptômes ressemblants, ils doivent nous alerter pour que nous préserver de ce gendre de travers là.

Je ne répondrai donc pas car il sait ce que j'en pense.  A moins qu'il n'ait pas entendu ce que j'ai dû lui dire parfois ... ce qui m'étonnerait guère puisqu'il n'écoute pas grand monde d'autre que lui ... Pas la peine donc de répéter s'il n'a pas entendu les 2 itérations précédentes.

Pour ton info, Renaud à décidé de venir à la maison en avril et papa était au courant presque avant moi  ... ce sera du 20 au 23 avril. Donc si vous voulez venir aussi, vous êtes les bienvenus ! On lui montrera que "notre territoire " n'est pas une maison de verre en cristal en Baccarat et que c'est possible dans le calme. Et avec un peu de chance' si vous veniez, on pourrait même lui faire admettre que l'hôtel est complet. Comme ça on pourrait s'entraîner à  faire Noel entre frères et soeur pour voir si c'est possible aussi sans lui !  P'tain là je deviens un peu cinique non ? Parce qu'il le vaut bien !  Mais si c'est pour être stressée qd il est là,  franchement, je préfère qu'il reste chez lui. 

Bon aller j'arrête,  tu vas finir par croire que je le prends pour un gros pervers narcissique !
Bises, je vais coucher ma chouette à roulettes. 
Soeur

Envoyé depuis mon appareil mobile Samsung.

Objet: Rép : Traversée ...

Allo ma soeur
Je comprends toujours pas comment tu parviens à rédiger des pavés sur un appareil mobile.
Au risque de quelques coquilles comme le « gendre de travers », qui doit apprécier.
C’est pas grave.
C’est admirable (de lapin) de ta part.
Pas grand-chose à ajouter.
gros pervers narcissique ?
il n’est pas gros.
Je partage ton diagnostic, et je me contente d’essayer de ne pas lui ressembler, un jour à la fois.
Si je lui rentrais dans le chou, je me ferais plaisir, mais ça ne serait d’aucune utilité.
Le Christ a dit « aime ton ennemi ». Il n’a pas dit « deviens comme lui », lol.
Et de toute façon, comme papa l’a démontré, et le démontrera encore, il n’entend rien. 
Ne peut ni ne veut.
Je crois que ces tendances étaient latentes chez lui depuis pas mal de temps, et ne font que se renforcer avec l’âge et le manque de stimuli externes.
Et je crois que c’est encore et toujours la peur (la peur de tout ce qu’il ne maitrise pas, dont la quantité va croissante, et qu’il pressent vaguement menaçante et au-delà de sa compréhension) qui le fait réagir de façon agressive envers nous, tout en prétendant que nous sommes ce qu’il a de plus cher, et qu’il passe vraiment de bons moments avec nous.
On pardonne beaucoup aux personnes âgées, parce qu’elles ont été jeunes, et qu’elles nous ont engendrés.
On leur pardonne même de nous avoir engendrés (c’est du boulot !)
Il manifeste les symptômes de l’âge tout en prétendant en être épargné à longueur d’antenne.
(Maman avait bien raison de dire qu’il ne connaissait que le mode « émission »)
What the fuck ?
Faut-il tirer sur l’ambulance ?
Prenons un autre exemple : la vieille chatte à ma femme est condamnée par le vétérinaire, qui a diagnostiqué une tumeur de la thyroïde inopérable.
On arrête donc de lui fourguer des croquettes light de chez light à 27,50 € les 2,5 kgs qu’on lui administrait jusqu’à présent pour prolonger son existence par un régime hypocalorique (elle avait été condamnée par le vétérinaire  qui avait diagnostiqué une cirrhose du foie dans un épisode précédent remontant à plusieurs années) et on passe aux succulentes pâtées de chez Félix pour pouvoir lui mixer sa chimio et ses anti-douleurs dedans.
Moyennant quoi elle est trois fois plus infernale qu’avant, ne pense plus qu’à manger, et nous harcèle pire qu’un gang de démarcheurs téléphoniques bourrés et en rut au Salon International de la Bière et des Gonzesses.
On est carrément obligés de se barricader dans la cuisine pour faire à manger, sinon on lui marche dessus. 
Elle n’est plus qu’une petite vieille obsédée par la bouffe, qui nous engueule à longueur de journée pour avoir plus que ce qu’elle pourrait avaler.
C’est vrai que pour les chats difficiles, Fido Boulettes a inventé le coup de pied au cul, mais allons-nous frustrer cette pauvre bête (qui ne semble pas du tout) en fin de vie ? 
Non, nous continuons à lui témoigner notre affection inconditionnelle.
Je vais essayer de me représenter papa en chat, tiens. 
Avec des moustaches.
Ca sera peut-être plus facile à gérer.
Pour le rdv d’avril, avec Renaud, je le note, mais je peux rien dire pour l’instant.
a+
Frêre.  


la vieille chatte à ma femme
(pleine de poussière)



dimanche 8 janvier 2017

Esprit de Noël (6)

Un lecteur attentif me dit que passé un certain âge, les relations toxiques familiales doivent être coupées avec fermeté. 
C'est vrai. 
Mais je me suis un peu dépeint en victime, au cours de cette série d'articles exhibitionnistes dont j'ai le secret. 
Si ça se trouve, ma lombalgie, la gastro de ma femme et l’otite de mon fils sont complètement indépendantes de l’état maniaquo-chiatique de mon papounet, et que c’est mon esprit malade et pour tout dire enfiévré par le lithium qui fait des associations libres au service de ma martyrologie ambulatoire.
Et peut-être bien que Dieu est Amour, aussi, mais ça, je ne le saurai sans doute qu’après ma mort.
D’ici là, si je ne ressens rien, car penser et écrire ne sont pas les meilleurs moyens d'entrer en contact avec le divin, je peux toujours spéculer, et faire des prosternations (ça remuscle le dos), c’est tout. 
Et appeler D., tiens.
Car c’est dans le besoin qu’on reconnait ses amibes (proverbe de gastro-entérologue). 
D. a souffert d’atroces problèmes de dos depuis des années. 
Chez lui aussi je suspecte de la somatisation, mais bon, on va pas voir le Mal partout, non plus, on sait bien qu’il y est.
D'ailleurs je préfère somatiser, quand j'étais cassé dans ma tête c'était bien pire.
Pourtant, la vie de D. avait bien commencé. 
Je me rappelle, en quatrième, au lycée de Lannion, il écrivait un livre sur la Guerre de Sécession. 
Il était passionné par les indiens Peaux-Rouges, il pouvait regarder Little Big Man quatre fois d’affilée dans les cinémas permanents du 5ème arrondissement de Paris, car il en venait, de Paris, et possédait une certaine avance culturelle sur nous autres ploucs armoricains isolés du monde dans la lointaine Réserve de Corée du Nord des Côtes-du-Nord. 
Il avait enregistré la bande-son du film sur un magnétophone portable à cassettes, et nous transmettait son enthousiasme pour la scène de l’attaque du campement cheyenne au bord de la rivière Washita, on entendait surtout les quintes de toux des autres spectateurs du cinéma, mais ça nous faisait quand même rêver.
Le père de D. était restaurateur dans le quartier Saint-Michel, c’était un anar infernal et boit-sans-soif qui passait des nuits entières à jouer au poker avec Boby Lapointe et faisait tourner des chanteurs gauchistes crève-la-faim dans son restaurant.
D’ailleurs, le père de D. était tellement un joyeux luron que sa mère s’était barrée avec D. en Bretagne.
Plus tard, le père de D. est devenu crève-la-faim lui-même, car il se fichait bien du lendemain, et il a considérablement accablé D. de soucis domestiques, du fait de ses dettes accumulées et de sa propension à ne pas gérer ses problèmes logistiques.
Et c’est là que D. a commencé à avoir mal au dos.
Et D., à qui je prédisais un si brillant avenir, a finalement fait une carrière tout à fait banale de postier.
Et n’a rien écrit du tout jusqu’à présent. 
Mais il joue super-bien de la guitare.
Et qui serais-je pour lui en vouloir d’avoir trahi mes espoirs, vu comment j'ai trahi les miens, moi aussi je rêvais d'être écrivain maudit alors que je ne suis que maudit, et encore, que par ma femme, alors on est restés potes. 
Comme on ne se refait jamais d’amis comme ceux qu’on avait à 14 ans, on les garde. 
Ou on se fâche avec, parce que des fois on n’est jamais trahi que par les siens, mais là, non.
Et je vais l’appeler, D., parce que l’Esprit de Noël c’est aussi partager et communier avec les Autres, surtout quand on est cloué au lit et qu’on n’a que ça à foutre, la perspective d’écluser les 1, 5 Téraoctets de films stockés sur un Popcorn Hour A-500 4K Digital Media Player ne me disant rien qui vaille, puisque si l’abondance rassasie, la surabondance écoeure, et puis aussi parce que je ne retrouve pas mon édition de poche du Chemin des âmes de Joseph Boyden que je lui ai prêtée il y a quelques mois lors de son dernier passage avec sa fille de 14 ans à qui on a montré Brazil parce qu’elle ne l’avait pas vu, et on a passé une putain de bonne soirée. Ce film, c'est l'ancêtre élégant de la série Black Mirror.
Et j’aimerais bien faire lire le Chemin des âmes, à ma femme, puisque je la chope en train de lire Les saisons de la solitude, du même Joseph Boyden, sur le canapé.
" Waoulou, c’est vachte bien, Boyden, t’as pas lu le chemin des âmes ?
- Jamais vu. Il est où ?
- Heueueu… il est chez D… enfin je crois qu’il l’a prêté à sa copine…
… mais si je lui en parle il va culpabiliser… et ça sert à rien, de culpabiliser. J’en sais quelque chose.
Mais tu sais quoi, chérie ? D. y bosse à la Poste, y peut peut-être nous le renvoyer pour Noël, et ce en bénéficiant d’un tarif préférentiel ! 
Hein, D. ?"
Je le relance par mail. 
On est alors le 31 décembre, ça fait une semaine que je suis alité, et j’ai le choix entre passer le réveillon tout seul comme un chien d'infidèle, ou suivre ma femme aux Sables d’Olonne pour passer la soirée avec des amis. Mais pour cela, il faut redevenir un bipède à station verticale, et faire 120 km en bagnole.
- Ben oui il est là dans mon armoire le " Boyden", A. me l'a rendu en bonne fille bien élevée. C'est vrai je travaille à la Poste mais je suis un peu éloigné du service depuis le 17 octobre : cata au dos et à la jambe gauche - lumbago, sciatique, cruralgie, protrusion discale (çà veut dire à la limite de la hernie avec plein de souffrances) au niveau L5 S1, affaissement d'une vertèbre, discopathie dégénérative des disques, racine du nerf pour la jambe gauche coincée et en prime abolition du réflexe rotulien au genou gauche !!!
Bon je peux reconduire un p'tit peu (au début que dalle - je faisais pas 5 mètres chez moi sans m'appuyer et me reposer sur le dossier d'une chaise ou le plan de travail de la cuisine, tout ça sans dormir pendant 10 jours, ayant trop mal et ne trouvant aucune position qui pouvait me soulager : le toubib ne m'avait pas donné des cachetons assez fort, on est passé ensuite aux opiacés et à la morphine, faut dire que ça soulage et on se sent bien, bien shooté c'est pas désagréable non plus…

Ben alors là, je suis bluffé : D., qui n’écrit jamais, m’écrit !
Je lui explique que je suis sous corticoïdes et Lamaline (opiacés aussi, mais pas assez), qu’on a passé 4 jours 1/2 à endurer les monologues maniaques de mon père, qu’on n’avait plus visité depuis la mort de maman, qu’ il a été odieux, infect avec nous, avec sa meuf, avec ma soeur et ses gosses… que c’est pour ça que j’ai trouvé la force d’aller prendre l’avion le 26 au matin après avoir passé 36 heures paralysé avec juste la force pour me trainer vomir de douleur aux cabinets et entendre vaguement le  médecin suggérer un scanner parce qu’il croyait à une hernie discale, je voulais pas prendre le risque de rester avec papa à Montpellier, ville arpentée de long en large avant ma lombalgie et où décidément le moche côtoie le sublime…
- Comme te l'a suggéré le toubib de sos médecins à Montpellier, VA PASSER UN SCANNER EN URGENCE !!!
 A savoir que ce genre de problème se règle surtout avec du repos total et pas au boulot ( je sais que pour toi étant indépendant et ton propre patron c'est pas terrible du tout ....).
 Résumé : Va voir ton ou ta généraliste rapidement pour te programmer un scanner et demande lui conseil pour voir un spécialiste du dos ( sur Nantes j'ose espérer pour toi un délai d'attente moins loin que pour moi).
- Yo merci D. pour toutes ces infos, écoute, je vais pas plus mal qu’hier, mais de grandes tâches m’attendent aujourd’hui, comme aller au bureau me faire ma fiche de paye et mon chèque (12 km => jouable) puis au réveillon (132 km => improbable) chez un ami jeune retraité de la SNCF. 
Si je déclare forfait, je t’appelle dans la journée.
- Ben écoute drole de hasard je suis en train de lire également la suite de Boyden, le même bouquin que toi. Moi je serai toi, j'éviterai les 132 km pour le réveillon, 264 km aller-retour si je calcule pas trop mal, même si le retour est pour demain, ils comptabilisent quand même au compteur même si tu n'est pas le chauffeur. Because la voiture c'est fortement déconseillée avec tes pathologies à cause des vibrations. Moi au début je pouvais à peine conduire pendant 15 jours .... Un conseil fais-toi faire une ordonnance par ton toubib pour une ceinture de renforcement et maintien, pour l'instant je conduis toujours avec ma gaine "Playtex" ( c'est pas comme çà qu'elle était intitulée dans nos vieilles pub du siècle dernier).
Ah si sinon je suis aller voir, ne sachant plus à quel Saint me vouer, un mec sur Lannion ( conseillé par une collègue ) qui travaille sur les flux corporels - rien à voir avec notre médecine occidentale - entre le tibétain, chinois, indien et que sais-je encore....
2 séances à une semaine d'intervalle.
- 1ére séance il Il te questionne beaucoup : les blessures du corps sont liés aux blessures psychiques de ton passé. Pas faux. Puis il te manipule très peu que par des points ( j'appellerai d'acuponcture mais avec les doigts et non des aiguilles ) situés sur la tête et le crâne. Il prend en compte l'ensemble du corps et non que tes blessures physiques actuelles pour remettre tout ça d'aplomb. Tu sors de là vidé mais bien.
- 2ème séance, moins de parlotes plus d'action. Tu es allongé sur le dos, torse nu, il te met des petites pierres en partant du front et descendant jusqu'au nombril. A priori ces pierres joueraient un peu - si j'ai bien compris - le rôle de capteurs et transmetteurs lui permettant de se faire un diagnostic sur l'ensemble du corps. Il revient, enlève les petites pierres, les tient dans sa main quelques temps. Puis tu passes sur le ventre et là il t'explique à quels endroits il va agir et dans quel ordre. Ensuite il te manipule énergiquement et trouve facilement les points névralgiques - même là ou tu ne les sentais pas ou plus - en appuyant fortement et tu souffles très fort pour évacuer tout ça. Je dois dire qu'il m'a fait un bien fou !!!
Bon je sais on y croit ou pas.... J'y suis allé sans à-priori en me disant ça ne peut pas être pire ! Bon c'est pas remboursé par la sécu mais quand tu te sens mieux tu es prêt à tout.
Ah si une troisième séance est prévue 3 mois après tout cela. J'ai pris le rdv pour mars, je ne sais pas trop ce qui m'attend, surprise ! 
Bon n'hésite surtout pas à me contacter....

Putain, je l'appelle ! 
Moi qui me cache comme un chat blessé quand je suis malade, je vais pas recommencer mes conneries de cyber-autiste : et l'esprit de Noël, bordel ?
On passe une heure au téléphone. Comme deux vieilles filles. Il me raconte son calvaire, je lui narre le mien avec beaucoup de sobriété. Vous me connaissez. La sobriété, c'est un truc que D. m'a longtemps envié, quand il cautérisait ses blessures intérieures à l'eau de feu. Il trouvait que j'avais du mérite d'avoir cessé de consommer de l'alcool. 
Je lui rétorquais que c'était ça ou crever, mais quand même, la lueur d'admiration refusait de s'éteindre dans ses yeux. 
L'admiration, ce truc qui t'empêche de faire tes propres expériences. 
Bon, D., je sais pas comment il a fait pour se bousiller le dos à ce point, il a quand même pas distribué le courrier à vélo sur des pentes neigeuses, et puis les facteurs, ça fait longtemps qu'ils ont des mobylettes nucléaires, ou solaires, en tout cas je sens qu'il y a de la résilience chez ce garçon qui n'a pas eu la vie facile. On se promet de se tenir au courant. Ca fait longtemps qu'on n'a pas été si proches, pour des amis de 40 ans. Revitalisé par cette communion avec quelqu'un avec qui je ne n'étais plus très intime, je décide de m'arracher à mon grabat, et d'aller réveillonner aux Sables d'Olonne. 
Quelques heures plus tard, j'échouerai sur un canapé, m'évanouissant entre le foie gras et les verrines de saumon, mais qu'importe, j'aurai réussi à m'arracher à la gravité. 
Ma gravité.

Il est beaucoup trop tard pour envoyer chier mon père.
J'aurais dû le faire piquer à la mort de maman, c'est entendu, mais les vétérinaires contactés manquèrent de complaisance.
En l'état, papa reste un repoussoir utile à mes propres débordements égotistes.
"Celui des deux qui reste se retrouve en enfer", chantait Brel dans Les Vieux.
Je pense que papa n'est pas au clair, ni avec ma mère morte, ni avec sa femme vivante, ni avec lui-même.
Et que c'est pour ça qu'il se pourrit la vieillesse, au lieu de la vivre heureuse.
Un peu comme moi, quoi.
Sauf qu'en ce qui me concerne, j'ai encore l'espoir de redresser un peu la barre, alors que lui, ça ne peut que se dégrader, et pour nous (les Warsen) c'est une promesse d'ennuis futurs.
Cela dit, comme disait Flopinette, plus c'est ouvert vers le haut, moins ça se coince en bas.
Par contre, pour l'élégie funèbre de papa, je passerai mon tour.


Ils vécurent heureux,
et eurent plein de petits lumbagos
et de pères toxiques.

écrit assis avec mes mains pleines de doits, et publié après avoir demandé l'autorisation à D.
(mon blog a quand même 5000 visiteurs par jour selon les organisateurs, et 3 selon la police !)

mardi 3 janvier 2017

Esprit de Noël (5)

Ca sort demain.


Voilà pourquoi le cinéma français va mal.
Il est beaucoup trop narcissique.

lundi 2 janvier 2017

Esprit de Noël (4)

Les filles ont passé un marché non négociable avec papa : pour le réveillon, elles s'occupent de tout, et il n'a pas le droit de pénétrer dans la cuisine. 
Elles ont acheté du poisson et du riz spécial pour confectionner des sushis, des noix de coquilles Saint-Jacques, des fruits en quantité. 
Il a dressé la table dans le salon. Il a mis cette vieille nappe jaune que je n'ai plus vue depuis longtemps, ornée de petits personnages basques qui jouent à la chistera, il a ressorti les vieilles assiettes de faïence bretonne décorées d'un mandala en spirale qui nous donnait jadis l'impression d'être aspiré vers les royaume d’existences inférieurs en mangeant notre purée. 
Il prononce maintenant une allocution qu'il veut solennelle, il explique que si il a sorti cette nappe c'est en mémoire de celle qui n'a pas pu être parmi nous ce soir. Je pense qu'il veut parler de maman, qui est aux cieux, mais je lui demande s'il parle d'Élisabeth et je lui fais remarquer combien sa formulation est ambiguë... Il me répond qu'Élisabeth n’aurait rien à faire parmi nous, et que l'ambiguïté, elle est dans ma tête. 
Notre problème commun tient à ce défaut d'dénonciation. Il ne peut user que de périphrases pour désigner notre mère, la mort de notre mère, la chambre qu'il nous a attribuée et qu'il désigne comme la «grande» chambre alors que de tout temps ce fut «sa» chambre, enfin plutôt «leur» chambre, celle qu'il partageait avec maman, chambre qui a aussi accueilli sa dépouille mortelle, pendant les quatre jours qui ont précédé sa crémation. Il nous fait croire que c'est là qu'il dort d'habitude, mais je pense qu'il a annexé mon ancien studio, qui dispose d'une salle de bains indépendante et qu'il partage avec Élisabeth, qui elle ne dormirait pour rien au monde dans la chambre de la morte. 
C'est la première fois que je dors dans la chambre de mes parents, et tous les matins je me réveille avec un putain de mal au dos. Je mets ça sur le compte d'une literie un peu molle et des nombreux kilomètres que nous faisons chaque jour en chaussures de ville dans ce si charmant et si exotique centre historique de Montpellier.
Bon, après sa remarque assassine sur mon ambiguïté supposée, que j’ai bien cherchée sans doute, moi qui suis allergique à l'implicite, mon mal au dos s'amplifie, au point de devoir quitter la table, pour suivre d'un œil souffreteux la suite des agapes depuis le canapé du salon, jusqu'au moment des cadeaux. 
Deux écoles s’affrontent : les Traditionalistes, dont je suis, qui préfèrent déposer les cadeaux au pied du sapin jusqu'au lendemain matin – d'ailleurs de sapin y en a pas, les Traditions se perdent – et les Réformistes, qui sont pour qu'on fasse la distribution tout de suite maintenant, eu égard aux enfants surnuméraires qui vont aller dormir chez Viviane avec l'insatisfaction dans les yeux. C'est la première fois que je vois mon neveu et ma nièce être aussi discrets et réservés, ils ont compris que quelque chose clochait chez leur grand-père et ils font moins les malins que d’habitude, les bougres.
J'abandonne la partie au milieu de la répartition équitable des cadeaux qui, cette année encore, penche plus du côté du Noël consommable que du Noël durable. Je vais me coucher, j’ai trop mal. 
Dans la nuit, je suis contraint de me relever pour aller vomir. Ce n'est pas que j'aie trop mangé, et encore moins trop bu puisque je suis abstinent d'alcool depuis 25 ans, mais la douleur me rend malade au point de dégobiller mes coquilles Saint-Jacques après m'être péniblement traîné dans le couloir parce qu'apparemment la sciatique m'a mis la main dessus et son gros doigt de feu dedans. 
Ce qui m'inquiète, c'est que ça me brûle autant devant que derrière, à l'aine et à la hanche, comme si il y avait en même temps une cruralgie, cochonnerie dont ma mère a beaucoup souffert durant les dernières années de sa vie. Je me rappelle d’un type qui vivait sous cortisone avec des douleurs de dos atroces et sa vieille mère à charge, c’était une caricature du masochiste, je veux pas devenir comme lui, pitié Seigneur.
En attendant, je passe toute la journée du 25 alité, incapable de bouger ma jambe droite sans ressentir une fulgurance affreuse dans le bas du dos. La dernière fois que ça m'est arrivé, à l'été 2015, j'étais sur un petit voilier au large des Baléares, et je remontais tous les matins une ancre de 25 kg en me pliant en deux sur le gaillard d'avant. Au moins il y avait là une cause que je pouvais comprendre. Quant à trouver un ostéopathe sur l'île de Minorque un 15 août c'était une autre affaire, mais une bonne poignée d'anti-inflammatoires m'avait permis d'achever la croisière, certes courbé en deux et en boitillant comme le capitaine Achab, mais pas dans cet état d'invalidité absolue qui contraint ma femme à appeler SOS médecins un jour férié tellement j'ai l'air en forme. 
Je somnole toute la journée entre deux crises de hurlements, quand j'oublie que je suis paralysé et que j'essaye de me lever avec l’outrecuidante idée d’aller faire pipi. Le médecin diagnostique une hernie, prescrit un scanner, ordonne de la cortisone et de la Lamaline, cocktail d'opium et de paracétamol, le traitement qui a permis à ma chérie d'achever notre tour des Rocheuses en 2013 quand elle-même a subi les foudres d'une hernie discale cervicale. Je réfléchis. Notre avion repart le 26 au matin, et même si je n'ai pas vu grand chose de la magie de Noël, je n'ai nulle envie de rester à Montpellier, à partager des moments privilégiés de rabe avec mon papounet chéri. 
Bon, enfin, si il faut, il faut, mais je préférerais que non.
Alors, dans la nuit qui précède le départ, je parviens à ramper jusqu'à la salle de bains et à me bourrer d’anti-inflammatoires et d’anti-douleurs, pour être sûr de faire partie du voyage. Et ça marche ! J'arrive à me lever ! Au sana ! À monter dans la voiture de ma sœur ! À atteindre l'aéroport ! À monter dans l'avion ! A en redescendre ! A rentrer chez moi ! Cet exploit reste inexpliqué car dès le lendemain, la paralysie me reprend, le nerf sciatique est vraiment coincé et cela fait maintenant une semaine que je vis le plus clair de mon temps allongé, le seul état toléré par ma colonne vertébrale. 
Moi qui voulais faire un peu de ménage dans mon bureau pendant les fêtes, elles sont passés et je n'ai rien vu passer. 
À part cette figure du père que je voudrais aimer, dont je voudrais qu'il m'aime, mais qui apparemment n'aime que lui, et encore ça se passe pas très bien.
Dès notre retour, ma femme déclenche une gastro ainsi qu'une de ces bronchites asthmatiformes dont elle a le secret depuis qu'elle a arrêté de fumer il y a quelques années, je pense que c'est la tension nerveuse du séjour qui retombe, et que vraiment, entre l'otite du fiston, la lombalgie et la gastro, merci père Noël, c’est trop de bonheur, et c'est pas demain la veille qu'on retournera à Montpellier. 
En bon lacanien, mon fils a diagnostiqué que son papy, y pouvait plus l'entendre, et que moi j'en avais plein le dos.
Notre fille s'en est bien tirée, elle est passé à travers. Trop saine pour se laisser contaminer.
Le matin du 26, avant d'aller prendre l'avion, sans savoir si j'allais en être capable ou non, j'ai entendu un bout de conversation téléphonique entre papa et Élisabeth. Il était en train de tout lui mettre sur le dos, que tout ça c'était parce qu'elle avait fait tomber le couvercle de la soupière derrière le frigo en le fermant trop brusquement parce qu'elle était énervée, et que c'était de le déplacer qui m'avait fait mal au dos, et patali et patala. 
Cette stratégie de chercher un bouc émissaire en toutes circonstances, elle est vieille comme le monde chez lui, et elle a bercé notre enfance d'une culpabilité frénétique. Mais l'entendre faire le même coup à sa nouvelle compagne, j’en étais malade. Dans les jours qui ont suivi, j'ai appelé Élisabeth pour la mettre en garde, mais elle m'a dit « tu sais je connais ton père, il a des bons côtés, et quand j'en ai marre, je peux m'enfuir » ce qu'elle fait d'ailleurs assez souvent. Je me suis aussi rendu compte qu’elle est un peu comme lui, elle n’écoute pas ce qu’on lui dit, elle en capte un dixième et réinterprète le reste à sa sauce, c’est peut-être pour ça qu’ils sont ensemble, ils ont le même déficit attentionnel.
Plus tard encore, papa m'a appelé pour me dire tout le plaisir qu'on lui avait fait en venant le voir, et que c'est vrai que notre nombre l'avait fait un peu paniquer, mais que quand même ça lui avait vraiment fait du bien.

Ce qui permet à ce petit conte de Noël de trouver la fin heureuse qu'il méritait.

Les sushis de Noël.
Putain, je m'en rappelle même pas !
La douleur est une maitresse exigeante, 
qui accapare toute notre attention.


dicté couché sur mon iPad pour cause de lombalgie aigüe - ouille !

dimanche 1 janvier 2017

Esprit de Noël (3)

Ma sœur nous a rejoints depuis ses montagnes, avec mon beau-frère que j'aime bien, et que j'admire secrètement parce qu'il parvient à supporter ma sœur, et leurs enfants que j'aime moins, parce qu'ils sont élevés gâtés pourris comme des enfants-rois, comme nous l’avons été, et que ça ne peut que leur nuire quand ils se rendront compte que l'univers ne tourne pas qu’autour d’eux.
Elle détend un peu l'atmosphère parce qu'elle sait parler à papa comme si il avait 4 ans sans le mettre en colère plus qu'il ne l'est déjà. Elle ne se laisse jamais déstabiliser par ses remarques blessantes. Le 24, elle propose une sortie collective à l'aquarium de Montpellier. Papa refuse de nous accompagner, au prétexte que les poissons sont des cons, et que cette distraction n’est pour lui qu’une vaine perte de temps. Il propose néanmoins d’imprimer les billets réservés sur internet en prévision de l’affluence, mais il cultive une certaine frugalité informatique nonobstant ses 5000 € par mois de retraite, et il a beau être tout fier de son pc qui marche depuis 17 ans, au bout d’une heure et demie il n’a réussi à imprimer que 3 billets sur 8, et mon beau-frêre lâche l’affaire. On imprimera les billets dans une cyber-échoppe sur la route.

Nous marchons jusqu'à la place de la Comédie, puis montons dans un tramway qui roule à un train de sénateur en sinuant à travers tous ces nouveaux quartiers qui, de mon temps, n'étaient guère qu'une friche très faiblement urbanisée, un no man’s land informe menant vers la route de Lattes et de Pérols, parcours céleste effectué de nuit dans des 2 CV qui nous menaient en brinquebalant au bain de minuit entre Palavas et Carnon.
C'était le bon temps, nomdidj’ou.
L’aquarium est situé dans le quartier Odysséum, une énième zone commerciale sortie de terre du temps où l’empereur le maire mégalomane Georges Frêche voulait prolonger la ville jusqu'à la mer, distante de 30 km, j'ai vu les débuts de cela avec Antigone, imaginé par Ricardo Bofill, une sorte d'agora romaine postmoderne qui venait prolonger d’absurdité architecturale la pyramide de verre du Polygone, mais je n'ai pas assisté aux épisodes suivants de l’étalement urbain qui m’a rendu la ville méconnaissable.
Il me semble qu'elle a quadruplé de volume en s'étirant de tous les côtés possible, déformée au point d'en perdre son âme, ou alors c’est juste un symptôme de désorientation de la personne âgée cyber-dépendante.
La juxtaposition sans continuité de ces strates d'urbanisme hétérogènes confère au trajet une dimension onirique comme ces villes imaginaires que l'on parcourt pendant son sommeil et qui n'ont d'autre solution de continuité que celle que notre conscience de rêve leur confère.
Mare Nostrum, que l'on devine bâti à grands coups de subventions départementales, souffle le chaud et le froid. Il y a un mélange de pharaonisme architectural, et de pauvreté dans le nombre d'espèces et d'espaces proposé au public. Le parcours de visite est balisé de textes scientifiques niveau CE2, et la plupart des spécimens survivent dans des vivariums étriqués, hormis le grand aquarium central indo-pacifique. Le plus réussi, c’est le simulateur de pilotage de bateau dans la tempête, dans lequel nous passons un bon moment de rigolade, car en cette veille de fête l’aquarium est désert et on peut goûter les joies du naufrage pour nous tous seuls (nous les Warsens).

Comble de l’horreur, les manchots du Cap croupissent dans un espace clos qui n’évoque que de très loin leur habitat naturel, ils titubent dans leurs déjections, et de tragiques farceurs ont orné leur caverne d’obscénités anthropomorphes les représentant possédés de l’esprit de Noël tel qu’il est autorisé à se manifester dans une galerie commerciale.
Des manchots avec des cadeaux.
Putain, Blasphémator® est battu à plate couture.
Le déshonneur comme cerise sur le gâteau de l’indignité.

Je repense à Henri Michaux :
"Un bébé crocodile, au sortir de l'oeuf, mord.
Un bébé tigre, lui, assoiffé de lait, avide d'un corps chaud et ami, veut avant tout aimer, être aimé. Mamelles à têter, première innocence des mammifères.
Plus tard, reconversion brutale.
Maintenant, tout à la douceur.
Gare au tigrillon s'il sentait l'agneau.
Heureusement, il sent le tigre.
Avec confiance donc, il peut se frotter sous les pattes terribles, mordiller, déranger, tirailler.
Il ne risque rien.
Assez joué, tout de même.
Mère-tigre le repousse. Maintenant, elle va boire.
Rien qu'à la voir s'approcher de l'eau, on lui donne raison, en tout, et tort à la vache, à la biche, au daim, aux herbivores.
Solennellement, religieusement, prête à tout, elle s'approche du baquet.
Le feu de sa soif rend l'eau sacrée.
Une vache, même mourante de soif, ne peut prendre l'eau avec grandeur, avec considération.
Un certain registre lui a été refusé.
Elle n'ira jamais à l'eau que comme une vache.
La tigresse, elle, ce qu'elle fait, et quoi qu'elle fasse, est important.
Plus que Reine, Roi, un Roi qui a pris une affaire en main, un Roi qui serait en même temps un "dur".
Dans la cage, cependant, tout est dénuement, et l'eau dans le baquet vient d'un affreux robinet rouillé. Mais le tigre est au-dessus du manque.
Le manque, c'est pour toi, le manque et l'agressivité, ce piteux semblant d'audace."
Vu comment il se traine en claudiquant, le manchot n’est pas au-dessus du manque, et si j’ai vu des Américains s’efforçant de mettre en scène des requins « gentils » au SeaWorld de San Diego, on voit ici que dans la hiérarchie militaire des espèces, le manchot est et sera toujours otage.
Condamné à cette existence recluse de zoo par sa vulnérabilité à l’Homme.
On ressort de là un peu sonnés.


L'esprit de Noël par Mare Nostrum


L'esprit du 1er janvier par Xavier Gorce


dicté couché sur mon iPad pour cause de lombalgie aigüe - ouille !

samedi 31 décembre 2016

Esprit de Noël (2)

Au troisième matin de notre séjour de rêve, papa prend la tête à sa copine : elle a placé un Tupperware vide dans le frigidaire pour se rappeler d'emporter la moitié du foie gras qu'elle a confectionné pour le réveillon qu'elle va aller passer chez des amies en Suisse en laissant les Warsen en famille avec l'autre moitié du foie gras. 
Dans sa tête, elle ne sera toujours qu'une pièce rapportée sur le tard et sait s’éclipser sur la pointe des pieds quand elle le sent nécessaire. Des fois, ça ne l'est pas. Mais elle se sentira toujours un peu de trop dans la maison du veuf et de la morte, surtout envahie par la descendance. Qu'on la regarde d'un bon œil, et leur histoire semble aussi chouette que celle de « l'amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez. 

Ce matin, c'est la composante « choléra » qui domine. Papa ne supporte pas qu'elle ait mis une boîte vide au frigo, c'est pour lui le comble de l'hérésie anti- rationnelle lui qui se prend pour un être de Raison et qui aimerait bien voir tout le membres de la famille le suivre en rangs serrés sur cette voie royale. 
Ça commence à chauffer pour Elisabeth qui en entend des vertes et des pas mûres sur un ton qui frise l’hypomanie. Ecoeuré, et voulant laisser un peu d'intimité a leur  différend, je quitte la table du petit déjeuner. Quand je reviens, ça a un peu dégénéré. Elisabeth à dû refermer un peu violemment la porte du frigo suite à un agacement légitime, et le couvercle de la soupière qui le surplombait est tombé derrière le frigidaire. Papa est en train de s'acharner avec un escabeau démesuré et un fil de fer à essayer de récupérer l'ustensile de cuisine. 
Aah, ils ont 78 ans, mais ça ne les empêche pas de se chamailler comme de jeunes tourtereaux. 
Puis il abandonne le chantier car il est l'heure de conduire Elisabeth à la gare. Pendant son absence, je fais délicatement glisser le frigo sur le carrelage pour le sortir de son logement, je récupère le couvercle, et je range l'escabeau une fois mon forfait accompli. 
À son retour, il est furax. Il m'agonit d'insultes, comme quoi ici c'est chez lui, et qu'il ne faut rien faire sans lui demander, qu'on ne déplace pas un frigo plein, alors je lui réponds sur le même ton un peu hystérique que le frigo glisse très bien sur lui-même, que ça m'a paru la bonne chose à faire, et que de toute façon c'est fait c'est fait. 
J'en reviens pas de voir en direct live comment il a du mal à accepter que son illusion de toute-puissance se lézarde avec l'âge, et pourtant il veut rien lâcher. Puisque c'est comme ça, on ira déjeuner en ville, où l'air est plus Respirable. Mon fils est de plus en plus pâle, il s'achète un bonnet, il a mal à l'oreille et ne dit plus grand chose. Le soir même, nous sommes invités à l'apéro chez Viviane, une vieille copine de maman que papa n'apprécie guère mais à qui il rend de menus services en souvenir du bon vieux temps. 
Quand elle était venue me sortir d'un précipice espagnol dans lequel j'étais tombé pendant que lui faisait du bateau, par exemple. 
Je la crois inoxydable, vu tout ce qu'elle a traversé, mais elle est presque impotente maintenant, elle a 84 ans. 
Elle a vécu avec :
- Un mari maniaco-dépressif qui refusa toute sa vie de prendre son lithium au prétexte qu'il n'était pas malade, qui a commencé les travaux de trois piscines autour de leur maison sans en finir aucune, qui un soir de crise maniaque a attaché sa femme sur une chaise avec du fil électrique puis s’est barré sans finaliser cette partie de bondage tardive (ils avaient déjà plus de 70 ans tous les deux) et n'a plus jamais donné de nouvelles depuis.
- Une fille nymphomane et schizophrène qui m'a dépucelé quand j'avais 17 ans, et c'était bien agréable. D'ailleurs elle a été invitée à l'apéro, ça fait bien 35 ans que je n'ai pas vue, ça promet d'être intéressant. Sauf si elle n'a pas pris ses médocs et qu'elle part en live, comme le craint papa.
- Son autre fille, c'est juste une Salope Cosmique, qui fait les pires crasses à sa mère, c'est beaucoup plus banal.
Je raconte tout ça à mon fils dans la salle d'attente du médecin qui nous prend en urgence pour son bouchon de cérumen et qui habite providentiellement juste au-dessus de chez Viviane. Il me répond que c'est le genre de choses qu’un père n'a pas à dire à son fils et que c'est pour ça qu'il consultait un psychologue quand il avait des sous, que j’étais en dépression et que j’étais plus étanche. 
Le médecin est content de finir sa journée avec nous, on plaisante finement, puis il diagnostique une otite, prescrit des antibiotiques et ne nous fait pas payer la consultation, puisqu'on est des amis de sa voisine du dessous. On croit rêver.

De retour à l'étage du dessous, l'apéro s’éteint tout doucement, finalement Sylvie ne s’est pas montrée, ça sera pour une hypothétique prochaine fois, mais au train où vont les choses, ça sera peut-être à un enterrement plutôt que devant un bol de cahouettes.

dicté couché sur mon iPad pour cause de lombalgie aigüe - ouille !

vendredi 30 décembre 2016

Esprit de Noël (1)

J'ai voulu descendre à Montpellier pour fêter Noël en famille avec mon père que nous ne voyons plus beaucoup depuis quelques années. Ma femme n'était pas ravie à cette idée car mon père a un caractère de cochon. Il met beaucoup d'ardeur à nous éviter tout en prétendant que c'est nous qui refusons d'aller le voir. 
Nous on bosse toute l'année alors que lui est en retraite et encore très mobile, cherchez l'erreur. 
Je ne nie pas qu'il ait mauvais caractère, je ne nie pas son côté pervers pépère narcissique, mais quand même, c'est mon père, il ne lui reste sans doute pas beaucoup d'années à vivre, et si je ne vais pas vers lui tout illuminé de l'esprit de Noël, c'est pas lui qui va faire le premier pas. 
En plus je suis né un 25 décembre donc s'il y'a quelqu'un qui doit être investi de l'esprit de Noël c'est bien moi, même si le Christ est apparemment né en moins 7 avant lui-même comme je l'apprends dans le journal de ce matin, information mise sur le même plan que la spectaculaire disparition de la banquise Antarctique qui déjoue les prévisions les plus pessimistes du GIEC...
…je sais très bien pourquoi papa nous invite pas. C'est parce que nous savons d'où vient sa copine actuelle, qui le connaissait bien avant maman, morte il y a quelques années, et dont il nous a fait promettre de ne pas révéler l'origine à mon frère et à ma sœur. Nous sommes donc détenteurs d'un secret de famille, et à ce titre potentiellement dangereux. Bien sûr tout cela se joue dans son inconscient, il n'a aucune idée de cette stratégie d'évitement. 
Nous voilà donc partis pour quatre jours et demi vers Montpellier, avec des billets d'avion hors de prix, 1200 € à 4, mais quand on aime et qu’on veut faire le bien autour de soi, on ne compte pas. 
Même notre aîné que nous ne voyons plus beaucoup, a cru bon de se joindre à la fête. Pour célébrer ce foutu esprit de Noël sans doute, qui semble aussi crédible que la trêve en Syrie quand elle est suggérée par une résolution de l'ONU.. D'ailleurs alors que cette année tout le monde dans notre entourage familial prétendait fêter Noël chez eux et entre-soi, dès que j'ai émis le désir d'aller chez papa, mon frère puis ma sœur se sont exclamés « Wow trop génial nous aussi»
Mais le domicile familial qui nous a tous vu grandir ne peut accueillir l'ensemble de la fratrie comprenant les conjoints et les enfants. Surtout depuis que mon frère, qui n'était pas le perdreau de l'année, s’est marié l'année dernière avec une richissime héritière d'un empire de la maroquinerie de luxe bruxellois déjà munie d'un enfant, c'est donc lui que mon père va dissuader de faire le déplacement. Heureusement qu’il a de quoi se consoler sur place avec sa nouvelle famille et nous ne sommes pas trop inquiets sur son supposé désarroi de s'être fait rembarrer pour la première fois de sa vie à une fête familiale. 
Du temps de l’Empire Warsen nous n'étions pas une famille très fusionnelle mais c'est vrai que depuis la mort de maman les occasions de se réunir sont rares et on ne crache pas dessus, une fois l’an. 
De façon tout à fait spontanée ces échanges ont souvent lieu l’été à Perros-Guirec, où nous habitions avant d'aller à Montpellier en 1979, et où nous en profitons pour croiser la multitude de cousins qui apprécie tout autant que nous la côte de granit rose. Papa ne participe pas à ces grands déplacements saisonniers sous prétexte que Perros-Guirec il n'a rien à y foutre (il y a quand même passé les meilleures années de sa vie, c’est peut-être pour ça) d'autant plus qu'il est fâché avec la moitié de ses frères et considère leurs enfants (nos cousins) comme des imbéciles heureux. 
Bref. 
Nous quittons Nantes et son brouillard glacial pour nous retrouver par la grâce des transports aériens sous le soleil glacial de Montpellier une heure plus tard. Malheureusement, la compagnie aérienne a égaré nos bagages et c'est fâcheux puisque la grosse valise contient tous les cadeaux et la plupart de nos sous-vêtements. Je minimise l'incident, je m'en remets aux divinités du Low Cost pour récupérer nos affaires d'ici le lendemain. On va pas se laisser bousiller le moral par des petits problèmes d'intendance.
Malheureusement, dans l'immense et désormais un peu vide appartement paternel depuis que maman ne l’emplit plus de son constant babil, l'ambiance n'est pas non plus à la fête. Papa fait des maniaqueries et des raisonnements sans fin. Sur la bouilloire qu'il faut remplir avec la carafe qui enlève le calcaire de l'eau du robinet, et qu'il ne faut surtout pas laisser bouillir parce que ça gaspille de l'électricité alors que l'eau est chaude bien avant que la bouilloire s’arrête, sur le régime hypoglucidique qui me permettrait de perdre ces quelques kilos disgracieux, sur ceci est sur cela, et pas de Dali et pas de Gala. 
J'ai connu sa nouvelle compagne plus combative, moins soumise, j'ai bien peur qu'elle prenne le même chemin que maman et qu'elle le laisse dire par lassitude car il revient toujours à la charge et quand il interrompt son monologue au cours du repas pour vaquer à une tache domestique, quand il revient à table il reprend exactement là où il s'était arrêté, aussi précis qu'un magnétoscope mis en pause. 
Pendant son absence, j’ai d’ailleurs prédit le mot-clé à partir duquel il va reprendre, ce qu’il ne manque pas de faire, et qui déclenche le fou-rire de ma fille. 
C’est toujours ça de pris. 
À ce stade, la communication n'est qu'un leurre. Il est l'émetteur, nous sommes les récepteurs. 
Bon, nous savions ce que nous allions trouver, on va essayer de s'en accommoder. 


Nous faisons de grandes balades dans Montpellier, il y a encore quelques cadeaux à acheter, le centre-ville a été réhabilité et les ruelles resplendissent d'ocre médiéval ravivé. 
La ville s’est embellie et boboïsée depuis 30 ans que je n’y vis plus, et les façades de ses lourdes bâtisses occitanes ont toutes été briquées jusqu'au sang. Les voitures et les déjections canines ont été progressivement bannies du centre-ville historique, et c'est un bienfait pour les piétons. Mes frustrations et mes désarrois d'étudiant dépressif – je peux encore les géolocaliser de mémoire en parcourant les boyaux du centre historique – ont perdu le pouvoir de me nuire, ou alors le temps les a enduits d'une patine de miséricorde anti-inflammatoire, le long de ces ruelles aujourd'hui détartrées dans lesquelles on ne pouvait se promener sans tomber sur un marocain qui essayer de vous vendre une barrette de chiite merdique, et d'ailleurs c’est pour ça qu'on y allait. 

Rue Jules Latreilhe, où j’ai vécu les années les plus alcaloïdes de ma vie, la librairie de bandes dessinées d'occasion Moustache et Trottinette, somptueuse cave voûtée qui sentait le vieux papier et où l'on pouvait farfouiller des heures durant dans des caisses où s’était sédimenté tout ce qui s'est publié dans les années 70 ainsi que l'essentiel du polar et de la SF de l’époque a disparu, laissant la place à un graveur. Ce qui aurait jadis été ressenti comme une perte irréparable est aujourd'hui accepté sur l'air de « Toute chose doit partir un jour » (Wild Palms)






dicté couché sur mon iPad pour cause de lombalgie aigüe - ouille !