jeudi 13 décembre 2007

Démons (5)



Moebius par Moebius (© Moebius)

J’entendais récemment Moebius dire dans un documentaire à lui consacré par Arte “je suis un pépé de 67 ans, j’ai une vie banale et j’aurai une mort banale, mais à un moment donné j’aurais bien aimé être un prophète ou un Saint, bien sûr ça ne me travaille plus, mais à une époque…” c’est un gars qui n’a plus l’air de rien, mais qui a montré son inconscient à tous les passants dans ses créations des années 70… souvenirs impérissables du bandard fou, de la déviation, du garage hermétique de Jerry Cornélius

“Bien sûr nos miroirs sont intègres / Ni le courage d’être juif / Ni l’élégance d’être nègre / on se croit mèche, on n’est que suif” nous rappelle le poète, qui s’est frotté aux mêmes écueils, et la vieillesse venant a ramené notre héros à plus d’humilité.
Dans le film, Jodorowsky dit ne connaitre que l’artiste et se méfier de l’individu Moebius, et de sa part il faut prendre l’avertissement très au sérieux… si un mec comme ça s’est pris à rêver d’être autre chose que ce qu’il était, alors que pour beaucoup de lecteurs c’était déjà un dieu vivant, et que seules ses erreurs et leurs conséquences l’ont ramené à la raison (il semble s’être fait un peu empapaouter par un gourou douteux dans les années 80 et a fini par être la risée de la profession avec ses dessins de cristaux babzamort), alors rien d’étonnant à ce que nous soyons squattés par de fantasques entités qui prétendent nous affubler de leurs prétentions et faire leur beurre sur notre dos…
Il m’est évident aujourd’hui que si j’étais fasciné par la création et la fantaisie, c’est parce que je m’en sentais légèrement tout à fait dépourvu moi-même, et ne pouvais que m’injecter celle des autres pour donner le change, et me donner ainsi une chance d’être accepté. Par qui ? ça, je cherche encore…
Engloutissant tout Jules Verne, le journal Spirou, puis Fluide Glacial, Métal hurlant, la SF, le rock… j’étais surtout un lecteur remarquable, n’aspirant qu’ensuite, les gonades dégoupillées, à me faire sauter remarquer… j’aurais voulu être un artiste parce que j’étais intoxiqué de ça, ivre de la création des autres dont je prenais des surdoses massives… ça s’est dégradé plus tard, avec la goinfrerie (celle qui est stigmatisée plus bas par Saint Murat ) qui dissout l’attention dans la multiplicité et la contingence de ses objets, ce qui fait qu’on finit quand même par se douter de quelque chose et que les ballonements intestinaux nous ramènent à la raison…
Seuls les besoins ne manquent pas, et la Beauté ne se mange pas en salade; incomplets axiomes, et une question à la Henri Michaux : lorsqu’il y a jouissance, QUI jouit ?
Le besoin de reconnaissance n’est pas incompatible avec le besoin de vérité, mais il est plus chronophage… et je suis animateur socio-cul sur un forum pornodep pour sans doute encore un bon moment.

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