Résumé
des chapitres précédents :
Après avoir rédigé son testament et légué son disque dur à sa
femme, Warsen part travailler un week-end à Orléans grâce à son GPS de voiture.
Pendant le trajet, je ne puis m’empêcher de songer que toutes
ces trépidantes péripéties électro-ménagères, qui ont vu le Triomphe in
extremis de la Volonté sur l’Entropie, ont été un peu téléguidées de Là-Haut,
car enfin,
1/ si d'une part ma chaudière n’avait pas pris feu, induisant le
passage dans les recoins les plus salissants de mon domicile d’une armée
mexicaine de mercenaires de la dépollution qui ont plongé mon chauffe-eau dans
un profond sommeil,
2/ si d'autre part j’avais eu du liquide sur moi quand l’électricien
est venu réveiller le chauffe-eau endormi,
3/ je n'aurais pas eu à m'enquérir par avance de l'état de
mon GPS pour aller le payer,
4/ je ne me serais pas aperçu qu'il était inutilisable,
et 5/ je me serais
retrouvé comme un (gros) con dès vendredi soir, au moment de partir pour
Orléans, avec d’un côté une adresse d’hébergement sibylline, délivrée par
bribes par un standardiste ivre et d’après son accent prononcé, probablement maghrébin, adresse située dans
une zone orléanaise suburbaine non documentée sur les cartes routières, et de l’autre un
GPS hors d’usage...
et qu’aurais-je fait, moi qui me prétends si drôle et si
malin et demi ? hein ?
Tout en maudissant mon incurie dans le jour déclinant, j’eus été
contraint de remettre la main sur un vieux grimoire que les Anciens dénommaient
craintivement « Atlas routier », de préparer mon itinéraire sur papier, puis de
partir à l’Aventure en remettant mon sort à la Divine Providence, vis-à-vis de
laquelle je ne nourris, je dois l'avouer, aucune confiance excessive.
Or chacun sait, et nul n’ignore, que les fonctions cognitives les
plus naturelles, comme le fait de concevoir un trajet d’un point A à un point B
à partir d’une carte d’état-major, se sont beaucoup dégradées depuis que nous
avons collectivement abdiqué notre sens de l’orientation devant une armada de
petites machines portatives remarquablement astucieuses, (toutefois dotées de
branchements fragiles à manipuler avec précautions), dont l’invasion dans notre
quotidien a précipité l’effondrement de notre capacité à naviguer « à l’estime
», comme on disait dans la Marine Royale au XVIIème siècle.
Mon établissement d'itinéraire aurait à coup sûr été aussi laborieux que la rédaction de cet article,
qui je vous l'assure, est tout sauf une partie de plaisir coupable.
Alors que là, l'enchainement des causes et des effets a produit
des circonstances favorables à l'évitement d'une catastrophe logistique.
C'en est pour ainsi dire miraculeux.
Je me dis que l’Univers me fait un petit cadeau, pour me prouver
son amour.
Que Dieu me tapote gentiment l’épaule en me faisant un gros clin
d’œil.
C’est si rare, que c’en est ineffable.
Je me rappelle d’un directeur d’agence de communication qui
m’avait raconté dans des circonstances très particulières qu’il croyait en Dieu dur comme fer depuis qu’un jour, violemment agressé à son domicile par un malfaiteur et sentant sa fin
prochaine, il n’avait dû son salut qu’à l’irruption inattendue d’un voisin, qui
avait entrainé la fuite de l’assaillant.
Plus de trente ans ont passé depuis l'incident. Je jette un œil sur l’agence de comm' en question, elle existait toujours en 2006 et s'était spécialisée dans le Marketing de la Permission et du Désir, et dans
La Stratégie du Sherpa au service de l’Inbound Marketing.
La Révélation reçue par
Gabriel S. n’a pas l’air d’avoir fait beaucoup dévier le parcours de sa life marketée Permission/Désir (vis-à-vis de laquelle je ne m'inscris pas en faux, mais c'est une autre histoire.)
Et si je crois vraiment que Dieu Se Manifeste à travers des
évènements aussi triviaux que la Guérison Miraculeuse et Préventive des chargeurs
allume-cigares USB, vraiment, je suis foutu et bon pour le cabanon.
Si je me crois béni des Dieux, même momentanément, à ce compte-là, le neveu de 21 ans de Matt Brilland (mon peintre en bâtiment du dimanche), qui se prend un arbre sur la tête sur une piste verte au cours de la tempête de fin décembre et qui en décède sur le coup est lui maudit des Dieux, et alors c'est la Grande Loterie, et à quoi bon se raser ? et l'hérésie de la déréliction n'est pas loin.
C'est pas qu'on soit Godless, comme l'éponyme série Netflix, divinement photographiée mais piètrement scénarisée, mais enfin, quand même, aucun évènement advenant dans la sphère humaine ne peut prétendre avoir été programmé par Dieu, ou alors Il Est Bourré la plupart du temps, comme le chantait Tom Waits avant d'être rattrapé par la foi du charbonnier.
Bourré, ou en congés maladie de longue durée; et il faut se résoudre à ce que, s'ils sont connexes, les mondes humain et divin soient disjoints, et très peu communicants ; et l'aphorisme selon lequel "bienheureux soient les fêlés car ils laissent mieux passer la lumière" est débile, des fêlés j'en connais, ils laissent passer la souffrance et la confusion, end of transmission.
Enfin, je suppose que c'est toujours plus charitable que de parler de cet enculé de Dieu qui n'existe toujours pas, selon mon très malsaint père.
N'empêche.
Si le coup du chargeur USB/12v ne relève pas d'une Intervention Divine, c'est quand même vachement bien imité.