jeudi 21 août 2008

usa 2 : san francisco


L'été est propice au fog, qui reste parfois en suspension 
toute la journée à 30 mètres d'altitude

Je me rappelle qu'à l'été 1984, Peter Principle, le très novateur bassiste du très novateur groupe musical Tuxedomoon m'avait dit lors d'un concert à Montpellier au cours duquel j'avais eu la chance de les approcher de près sur mes jambes tremblotantes de fan idolâtre, que si le groupe avait quitté la Baie de San Francisco, c'était parce que les gens y étaient too stoned or too lazy et qu'il n'y avait rien de plus triste sur cette terre qu'un potentiel humain gâché, qu'il soit détérioré ou qu'il ne trouve pas son vecteur d'extériorisation.Leur musique expérimentale et bougrement excitante mélangeait à l'époque l'expressionnisme allemand, la new wave, et un certain nombre d'ingrédients maison, qui n'étaient pas vraiment dans l'air du temps californien, mais qui leur avaient assuré un succès d'estime en Europe parmi les branchés musiques arty et vaguement tristouilles.
25 ans plus tard, les fenètres des maisons de San Francisco sont opacifiées de rideaux cosy qui protègent l'intimité des résidents (à ne pas confondre avec les Residents, autre groupe underground et arty de la Baie) et abritent les familles des cadres de Pixar. Les laissés-pour-compte naufragés de la vie et autres fracassés de la dope pullulent sur les trottoirs du quartier de Tenderloin, où ils alpaguent sans joie les touristes émoustillés par l'idée de s'encanailler dans Frisco la sulfureuse.
Au moins, la ville accueille ses éclopés et tente de les gérer, à la différence de beaucoup d'autres métropoles où les clodos sont purement et simplement interdits de séjour.
Cruelos déceptioning ? ça dépend, les mythes, en tant que production de l'imaginaire, ont la peau dure, mais s'accomodent malaisément du passage au réel, souvent synonyme pour eux de passage à tabac.
Je n'avais pour seul repère que le voyage qu'y avait fait ma chérie il y a 20 ans, dont le récit culminait dans le combat qui l'avait opposé à une mouette qui voulait ingurgiter ses burritos sur le port. Ce qui m'a un peu gavé, c'est d'y passer une semaine, parce que l'architecture si particulière de la ville me faisais moins de zigouigouis dans mon petit ventrou que les Béances du Grand Canyon. A la surprise générale, Tuxedomoon s'est reformé il y a quelques temps, produisant toujours les mêmes plaintes hallucinées. Je n'ai jamais rencontré de gens aussi joyeux produisant une musique aussi triste.
Je me suis remis de ma vision un peu négative de San Francisco, en partie d'y avoir découvert et hanté une incroyable librairie de comics.
Et la maison bleue chantée par Maxime Le Forestier et ses habitants humanistes, je l'ai trouvée en fin d'été, pas loin de Paimpol.


"c'est une maison bleue/accrochée à la colline"
on voit pas bien la colline, parce que la maison est devant.



un va-pied nus local, qui a pris bien trop d'acide entre 65 et 70

mardi 12 août 2008

USA 1 : radio-cochon



Je rentre, ou plutôt nous rentrons de quatre semaines dans les grands espaces américains, et je me jette sur mon ordinateur comme la vérole sur le bas-clergé breton.
Las ! L'impression des grands espaces ne sera pas dissoute par les petits pixels !
3500 milles à bord d'un 4*4 Toyota, et seule l'écoute de radio-cochon tranchait dans le paysage musical uniformisé de la FM américaine, sur laquelle on n'entend que du rock au beurre de pâté de graisse, des vieux AC/DC, des Van Halen antédiluviens, entrelardés de publicités pour des fonds de pension. Comme si musicalement, le temps s'était arrété en 1978.
D'accord, ça se passe sur la côte Ouest, et tout est tellement Big par ici que seul le lyrisme chromé du rock seventies semble à même de traduire la rutilance visuelle qui s'offre partout sur le plan acoustique.
D'ailleurs, pour être raccord, j'ai pris 5 kilogs, leur cuisine étant horriblement bonne.

jeudi 10 juillet 2008

Ingrid

Mon fils vient d'obtenir son brevet des collèges, malgré mes remarques blessantes et culpabilisantes à chaque fois que je l'observais n'en branler pas une.
Evidemment, je faisais ça inconsciemment, parce que je ne m'étais pas remis que mon père le fasse.
Après tout, si on n'en branle pas une à 16 ans, quand est-ce qu'on va s'y mettre, hein ?
Il enterre donc élégamment sa vie de collégien et se dirige vers un BEP Sanitaire et Social.
Il me parle d'idolâtrie à propos d'Ingrid Bethancourt qui vient d'être libérée et montée au pinacle par les médias, et dans sa bouche, ce terme fait soudain méchamment recherché.
Ca m'évoque cette photo envoyée par un ami d'une de ses clandestines supposées.

Sur cette photo, j'avais été frappé de la concentration de stéréotypes au centimètre carré de ce que nous pouvons projeter émotionnellement sur les blackettes - je parle pour lui, moi, et les deux qui la tiennent, lol - elle regarde vers un ailleurs improbable, un au-delà d'elle-même, de la pose peu naturelle qu'elle prend, sans doute suite à une suggestion du photographe, elle aspire à une décontextualisation (elle quitterait peut-être bien l'Afrique, sa misère et ses plans galères, fût-ce au bras d'un blanc cacochyme et/ou blackophile) qui transcenderait les catégories communément admises et vaguement nunuches de l'espace et du temps.
Il y en a, ça leur fait ça devant une photo de facture de gaz de Leonard de Vinci.
D'autres, c'est en arpentant les forèts berrichonnes.
Mais la sexualité, c'est quand même le support d'imaginaire qui vient le plus facilement à l'esprit.
Sauf à Ingrid ces dernières années, évidemment.

samedi 5 juillet 2008

Yo ! c'est mythique



La semaine prochaine, on s'envole en famille pour la Californie. Souffrant d'une intoxication de The Shield, série américaine se passant du mauvais côté de L.A, je flippais eu égard à la criminalité rampante, jusqu'à ce qu'un voisin ait la bonne idée de tuer et découper sa femme en morceaux, puis de la jeter à la baille dans une valise en plastique (pas de pot pour lui, le plastique ça flotte) en tout cas "on" utilise l'argument pour me faire comprendre que je n'ai rien à craindre de ce voyage (c'est une preuve par l'absurde)
A Los Angeles, justement, je me taperais bien un rail de coke sur le cul d'une black à l'arrière d'un taxi, mais ma femme refuse de me signer une décharge. Il me faudra donc me contenter de faire griller des marshmallows sur un feu de camp au fin fond du parc national du Yosemite, en écoutant les derniers amerindiens hululer en cuvant leurs cruchons de mezcal dans l'obscurité miséricordieuse.

mercredi 25 juin 2008

Connard de chat

Planetary © Warren Ellis/John Cassaday

Faut bien voir que les facultés de récupération décroissent avec l'âge.
Ainsi, mon chat de 15 mois a été incapable de se remettre d'un choc frontal avec la voiture d'un voisin. La veille encore je l'ai filmé en train d'éclater des lézards dans le jardin, et puis son côté James Dean a pris le dessus, et je me retrouve presque avec un snuff movie "Jeudi 12, la veille..." il n'avait même pas fini de me rembourser les frais vétérinaires consécutifs à sa castration, cet enculé. Il venait toujours se fourrer dans nos pattes aux moments les moins opportuns, se faisait donc marcher dessus et poussait des miaulements scandalisés peu en rapport avec sa taille. Il était "trop gentil trop con" pour comprendre les lois du code de la route devant la maison, qui empruntent autant à celle de la gravité qu'à celles de la conservation de l'énergie cinétique. Il pouvait passer plusieurs heures à nous escorter dans le jardin, comme si notre seule compagnie le remplissait d'aise; un vrai clébard.
Hugo, qui a 16 ans révolus, a été exemplaire de sobriété : il l'a trouvé, l'a emballé dans un sac poubelle, et m'a laissé un message à caractère informatif sur mon portable. Clara a pleuré un bon coup, et le lendemain c'était fini. Acquis. On avait souvent prévenu les enfants qu'un de ces jours cet abruti se ferait ratatiner, vu sa grande nonchalance devant le ruban de bitume qui passe devant la maison.
Moi, une fois que je l'ai eu sorti du sac poubelle pour le mettre en terre, j'ai chialé quelques gorgées tièdes, ce qui a conforté mon fils dans l'idée que son père est une vieille tarlouze avec toute l'étanchéité à refaire, et il s'est éloigné silencieusement pour me laisser perdre ma dignité tout seul, et j'ai eu beau lui expliquer que la façon la plus simple de gérer l'émotion c'était de la laisser me traverser sans m'attacher à elle, je sens bien que je n'en sors pas grandi.
Toujours le même effet-miroir troublant (c'est troublant, ces trous noirs) devant la mort : ai-je enterré une blessure narcissique de trois kilogs avec les poils raidis ?
Connard de chat.

dimanche 22 juin 2008

Le nazaréen empalé



A côté de chez moi avait lieu ce week end le Hell Fest, un déluge de métal sonique pour aficionados - j'ai monté un reportage dessus pour la télé locale, c'est essentiellement des boutonneux affectant la joyeuse morbidité de rigueur à c'tâge-là. Hier après midi, il faisait méchamment chaud sur la scène de plein air et les pompiers arrosaient généreusement le public à la lance à incendie - en l'orientant à 45° par rapport à l'horizontale, pour que la douche ne soit pas trop violente, quand même. Malgré la remarquable cohabitation symbiotique entre vieux vendéens réacs et jeunes teutons blasphémophiles, le clergé local s'est élevé contre certains noms de groupes à l'affiche du festival : Pourriture de Christ, le Nazaréen Empalé...
Je me suis dit que le camion citerne que les pompiers déversaient sur la foule était peut-être rempli d'eau bénite... C'est marrant que le festival se déroule dans une cité qui a su mettre en valeur son patrimoine médiéval, parce que ça situe le niveau du débat - à fleurets mouchetés - entre provocateurs et indignés : on se croirait de retour au moyen age, alors qu'on sait très bien que dès lundi, les champs désertés de la campagne clissonnaise porteront bien plus de canettes vides que de cadavres éventrés encore fumants, éviscérés de par leur incroyance trop flagrante...
"le pal, ce supplice qui commence bien et qui finit mal" disait Cocteau... et je pense aussi à je ne sais plus quelle andouille qui prétendait que si le Christ avait été empalé, la religion aurait eu une autre gueule... et je pense à cette blague idiote qui me ravit, qui consiste à prendre la posture d'un ancien égyptien de profil mais en plus penché, en demandant "tu sais c'que c'est qu'ça ?" - la réponse c'est "jésus christ sur une croix gammée"
... mais tout ça c'est des apparences et des blagues à trois balles !
et ça ne dit rien de la nécessaire quète du sens, avec ou sans sacré.
L'aspect revanchard du blasphème moderne, qu'il soit articulé intellectuellement comme chez Onfray ou éructé chez les groupes de death métal dont l'impiété le dispute parfois à l'ébriété, tout ça c'est parce que les Eglises et leurs dogmes ont longtemps eu le monopole du foutage de gueule et du broyage des peuples et des consciences, instrumentalisés par lers pouvoirs politiques en outils d'asservissement et d'oppression, bien longtemps avant que Marx dénonce le pornopium du peuple.
N'empèche, les membres du groupe Impaled Nazarean n'ont sans doute pas choisi de s'appeler comme ça à la suite d'une crise d'humour fin et sophistiqué, que requièrent pourtant les circonstances et dont font preuve par exemple Hayseed Dixie quand ils reprennent "Ace of Spades " de Motorhead en bluegrass, réhabilitant le mot "hommage", à cent lieues des catastrophiques tributes à pink floyd récemment exhumés et tout aussi vite réinhumés.

jeudi 19 juin 2008

cruauté ou compassion













Le dessin sur les terroristes privés de RTT, je suis tombé dessus parce que l'ado allemand qu'on hébergeait depuis une semaine au titre des échanges linguistico-scolaires a mis les bouts l'autre matin après s'être longuement bidonné devant un Best of charlie hebdo de 2006 qui trainait dans la pièce du bas qui lui servait de chambre.
Je l'ai trouvé irrésistible de cruauté (le dessin, pas l'allemand, dont je me demande bien ce qu'il a pu comprendre à l'histoire franco-française en petits dessins cryptiques), alors qu'un pote y a trouvé matière à compassion.