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vendredi 30 janvier 2015

Arrogance & humiliation, le retour

Réflexions nées de la méditation de l’éditorial de Philippe Val, Loué soit son Saint Nom !

Je crois que je viens de piger quelque chose.
Ne riez pas.
Je vous dirai.
Bon, les Arabes, on dirait qu’ils ont un peu la modernité coincée en travers de la gorge.
Et ça ne date pas de cette triste affaire de caricatures.
La modernité, comment s’en accommoderaient-ils ?
Il faudrait rénover l’islam, mis à l’épreuve des réalités du monde contemporain qu'on a au jour d'aujourd'hui.
Je veux dire, mettez-vous à leur place : ça doit pas être évident de concilier les deux.
Takavouar ici et .
Clique, mon ami, clique ! Tu sais pas qui te cliquera !
Et pendant que leurs certitudes s’écroulent, nous on fait rien qu’à ricaner bêtement. 
Ca les énerve d’autant plus. 
La provocation obtient rarement le résultat escompté.
Sauf si le résultat escompté, c’est l'exaspération du camp adverse, jusqu'à sa réaction violente, donc peu humaine, car chaque humain sait bien au fond de lui-même que la violence est une réaction obsolète, un acte de désespoir.
En déclenchant cette réaction disproportionnée, on prouve ainsi à peu de frais le manque d'humanité de l'Adversaire.
Ca en a refroidi plus d'un par chez nous la semaine dernière. 

Ca me rappelle un oncle, un des trois frères de mon père, toujours à faire chier ses frangins.
Même goût pour la provocation, même arrogance de l’humilié…
Ah ça, on peut dire qu'il les a bien énervés, ses Arabes.
(=> ses frères Dalton)
(ah oui, avec la pensée analogique, faut s'accrocher, t’as qu’à prendre des notes…)



Les frères Dalton quand ils étaient petits...
On note à l'arrière plan la présence de Ma Dalton.
Le Prophète doit être occupé à prendre la photo.

Jusqu'où pousser mon parallèle ?
Pas très loin :  
Si l’agressivité de ses frères a isolé mon oncle et l'a marginalisé au sein de sa propre famille humaine, d'abord ils n'ont même pas de pétrole, et puis ils n'iraient pas jusqu'à zigouiller leur frangin, ils se contentent d'être fâchés à mort.
C’est l’avantage du Symbolique sur le Réel, qui permet d’économiser de précieuses vies humaines.
Y z’ont pas encore compris ça, les Arabes.
(Les vrais, pas les frères Daltoniens, ceux qui voient rouge quand on leur agite un chiffon caricatural sous le nez)
Faudrait leur écrire « Le Coran pour les nuls », pour leur permettre d'entrer dans le Royaume de la Pensée Symbolique.
(La semaine dernière, j’avais en projet d’écrire "Le Coran pour les cons », mais la fraction bête, méchante et lourdement armée de Charlie me dit que ça existe déjà, et que ça s’appelle « Le Coran »)
Bref.
Je m’égare.
D’ailleurs, c’est plutôt eux (Jack, William et Averell Dalton, pour ne pas les nommer) qui sont fâchés avec Joe, qui à l'approche de la mort aimerait bien renouer le lien, mais ça ne va pas se faire, et malgré mes velléités passées de faire entendre raison aux uns et aux autres, l’expérience m’a prouvé qu’on ne pouvait être médiateur familial dans sa propre famille.
Alors je laisse pisser, mon oncle Joe comme les Arabes, et en même temps, je me rappelle ce vieux proverbe arabe, justement : « il vaut mieux que le chameau soit dans la tente et pisse dehors plutôt que l’inverse » 
Il ne me reste plus qu'à espérer l'intervention d'une puissance supérieure, genre Batman, bien connu pour son habilité en négociations d'usage sans faire usage d'armes à feu, mais s’Il existe, il n’est pas souvent au bureau.

dimanche 20 janvier 2013

Vieillir

On en a tous soupé de la fin du monde, sauf moi.
J'ai eu 50 ans.
Je ne me suis pas vu vieillir, mais quand je regarde la photo, je ne peux que constater l'accumulation des rides, et pas forcément celles de la rigolade.
50 ans, pour un nombrillidé comme moi, c'est un peu la fin du monde. D'autant plus que je n'ai même pas réussi à concrétiser mes rêves les plus secrets, et qu'il devient malaisé de me faire accroire que j'en ai 30 de moins, car des rêves de cette ampleur, c'est à 20 ans qu'il faut les planifier puis mettre patiemment en oeuvre les moyens habiles qui amèneront à leur satisfaction : devenir un écrivain raté, coucher avec une femme noire.

Je pense même que dans cette vie-là, c'est un peu baisé, bien que je continue à me dire que n'est pas pauvre qui désire beaucoup.
Tout a une fin, même ce qui n'a pas toujours eu de début discernable à l'oeil nu.
Pourquoi l'écrivain raté ?
Ecrivain parce qu'en créant des mondes, on jouit de l'illusion d'échapper à la condition de mortel.
Raté parce que ça ne peut que foirer, et pas que vers la fin, quand plus personne ne vous lit.
Et pourquoi vouloir cesser d'être mortel ? Heureusement qu'on meurt, putain de moine, et qu'une fois le vase brisé, tout l'air contenu dedans regagne l'atmosphère.
Enfin je peux toujours essayer me refaire ici, mais je n'ai plus guère le temps d'entrer en littérature autrement qu'en attentif lecteur.
La lecture, cette geekerie préhistorique, c'est a dire datant d'avant la télé et l'ordinateur.
D'ailleurs, pourquoi jalouserais-je cette aptitude à créer des mondes par la plume ?
Au moins, j'ai cessé de vivre dans un roman de Houellebecq, c'est déjà pas mal.

Pour ce qui est des femmes noires, je peux me l'accrocher.
Ou plutôt la laisser partir, en lui souhaitant bon voyage.
Et alors ?
Dans les faits, vu les démons auxquels je me suis frotté, je crois que je ne mesure pas la chance que j'ai eue, et que je continue d'avoir dans mon parcours de vie. Merci qui ? Si je fais encore de l'oeil à certains précipices thiéfainesques et simule le vertige au bord du trou fumant, il s'agit plus des vestiges d'une complicité contrainte du fait des années de captivité en leur compagnie que d'une réelle sympathy for the debvils, et il s'en faut pour l'heure que je trébuchasse devant et choyiasse dedans.
Nonobstant, j'ai eu droit fin décembre à un clin d'oeil du destin. Papa nous envoie alors un message enthousiaste : sa nouvelle amie, soi-disant rencontrée après la mort de maman, vient d'être grand-mère. 
Il nous communique même son numéro pour qu'on lui envoie des SMS de félicitations. Ca me surprend, mais pas tant que ça. 
Cette femme que nous n'avons rencontrée qu'une fois et qui garde une distance prudente avec la famille, que papa ne nous présente d'ailleurs que très parcimonieusement, au demeurant charmante & classieuse au point qu'on peut se demander ce qu'elle lui trouve, s'attendrait à ce que nous la congratulassions comme si nous étions de vagues neveux ou beaux-fils d'occasion ? Papa a dû paumer un joint d'étanchéité émotionnelle, il a souvent connu des bouffées de positivisme délirant, rarement  suivies d'effets.
Renseignements pris, le fils de la dame en question a 40 ans, vit en Afrique, et vient bien d'avoir un enfant avec une blackette de 20 ans, et la grand-mère trouve ça moyen-moyen au niveau de la différence d'âge, oui
J'ignore ce qu'elle pense de la couleur. Les métis sont vraiment des enfants de l'amour : selon la société dans laquelle ils vivent, leurs parents prennent quand même le risque que leur enfant soit ostracisé des deux côtés : trop blanc pour les noirs, trop noir pour les blancs.

Aaah moi aussi quand j'avais 40 ans je suis été en Afrique et j'ai pété les plombs pour une jeune femme de couleur, et je lui aurais bien fait un enfant aussi si je n'avais été retenu par les liens du mariage et un certain réalisme, qui consistait essentiellement à me rendre compte que cette histoire de nouveau départ c'était juste une projection de ma part, simplement parce que je n'étais qu'un champignon de Paris qui avait pris un coup de soleil sur la cafetière, plus habitué à errer dans les caves du Destin en s'interrogeant sur l'embranchement à prendre qu'à faire le kéké en motard ravageur de l'Afrique subaustrale, circonstances assez radicales sur les joints d'étanchéité du carburateur émotionnel, et pas insensible aux charmes déployés par ces indigènes d'un naturel débonnaire, rieuses et manifestement moins inhibées que moi, avec qui le changement ça serait maintenant.

Et je ne peux même pas féliciter ce demi-frère d'occasion (le fils de l'amie de mon père) que je me suis vu octroyer par indiscrétion paternelle, d'avoir su aller au bout de son idée et de son engagement : se tremper la quéquette néocoloniale est une chose, fonder une famille à partir d'un couple mixte en est une autre.
A l'époque, je suis rentré d'Afrique avec tout dans la tête et rien dans les mains, me sentant coupable au-delà du dicible, n'ayant péché qu'en pensée mais c'était déjà trop : me constituant prisonnier d'un crime non encore commis, je n'ai réussi qu'à me faire interdire de nouveaux voyages en solitaire. 
Rions.

D'autant plus que selon notre envoyé spécial en Guinée, "L’économie libidinale n’est à Conakry qu’un lien social dégénéré bien que délibéré ; une sorte d’avatar hypocrite de la relation drague homme / femme en Afrique de l’ouest. S’il paraît si normal aux fifilles, (aux poupées à longues jambes et entrejambes prometteurs) de recevoir - comme un dû -, tant de présents, c’est que quelques imbéciles, qui s’étaient fait des sous de manière indécente aux bons temps de la dictature du Général Conté, avaient inondés ces demoiselles de téléphones portables, de minijupes, sous-vêtements et talons hauts, ainsi que des parfums de marque, quand , pour les plus belles, ce n’était pas des Rav4 Toyota, (très utiles pour se faire sucer par les plus prometteuses d’entre elles.) Ces pratiques, (couplées à des rituels de griots vieux de plusieurs siècles) se sont finalement vite propagées à Conakry et sont passées pour ainsi dire, dans le mode relationnel des relations de drague si ce n’est de couple.
Ce qui gênerait en occident, - tant il paraît évident que les rapports d’argent pour s’attirer les faveurs d’une femme dont on cherche la vertu d’une relation suivie, est vulgaire -, va ici quasiment de soi !
C’est une culture vraiment différente et prompte à se propager par la survie imposée en pays pauvre. Le premier des métiers c’est…
Comme tu en fais si bien la remarque, il semble que dans la dépendance il n’y ait pas de rencontre de «l’autre », rien qu’un rapport égoïste à Soi en instrumentalisant le « baisé » qui devient littéralement un
objet sexuel et rien de plus…mais oh ! c’est terrible ! Quel vide ! La dépendante est soumise aux même tracas que le dépendant mâle semble-t-il : leur séduction est le produit infantile d’émotions perpétuelles, tout est sexualisé, n’importe quel homme rencontré devient une proie potentielle avec envie « de se le faire » ; et cette séduction dont les règles sont imposées aux autres n’est que la somme de nœuds émotionnels de l’enfance jamais résolus. Il s’agit là de fuir la réalité, toujours la fuite comme point central des dépendances."

Et puis, la Beauté ne se mange pas en salade, à moins d'être un loup, un prédateur.
Et moué, je serais plutôt né l'année du Mouton de Métal (hurlant).
Bêêêêê.



Depuis quelques mois, souterrainement hanté à l'approche de mon demi-siècle qui allait enfin sonner le glas de l'adolescence et me contraindre à solder mon déficit d'aventures pour ne pas sombrer plus avant dans l'indignité morale, je me suis aperçu que je mimais une forme subtile de décrépitude intellectuelle, comme pour m'y préparer, encore de l'anhédonisme là dessous si vous voulez mon avis.
Je tentais d'anticiper l'inéluctable, ce dont il n'a franchement nul besoin, en tout cas pas comme ça, pas celui-là.
Là encore je n'ai réussi qu'à inquiéter mes proches, qui ont cru que je virais neu-neu.
Pas question de leur avouer que c'était à moitié expérimental, et complètement à côté.
J'ai jusqu'à présent été bien plus apte à me projeter dans le passé que dans l'avenir.
Depuis mes 18 ans et l'écoute trop attentive pour ne pas être désastreuse de la chanson "les Vieux" de Brel, je souffre de crainte 
1/ raisonnée : le temps finira par me transformer en viande froide, et là plus question de regretter ma jeunesse, donc j'avais bien raison de le faire de mon vivant, comme j'ai pu le comprendre en me gargarisant des plus affreuses chansons de Gérard Manset, mais nul réconfort n'est à attendre de cette compréhension qui m'a pris un peu jeune
2/ irraisonnée : y'a une fichue pyramide de névroses et de dépressions familiales avec son bout pointu s'enfonçant plus hardiment dans mes dorsales avec les années,  malgré des traitements divers et variés
et il me reste de moins en moins de temps et d'énergie pour y faire face.

Comme d'habitude dans ces cas-là, j'en conclus qu'il ne me reste plus qu'à chercher refuge sous les ailes poilues des archanges laïcs de la méditation Vipassana en gratouillant des accords toltèques sur ma guitare monocorde, pour évacuer ce radotage que je pensais avoir déjà laissé derrière moi.
Mais ne serait-ce là qu'un fantasme de plus que je caresse ?
La peur n'empêche pas le danger.
Bonne année à tous et à toutes.


Edit : suite à la parution synchrone de l'article "Rajeunir", je me vois contraint de retitrer cet article.
c'est un sale boulot, mais il fallait que quelkon le fisse.

samedi 28 avril 2012

Du 25 au 28 novembre 2010


La seule volonté que maman ait exprimé de son vivant, c'est le souhait de ne pas aller pourrir dans la terre, mais d'être incinérée.
Peur inconsciente et typiquement occidentale qu'une forme atténuée de conscience du moi survive et se voie lentement digérée par les vers ?

En tout cas, voilà qui est fait.
Tout est consumé.

Le corps du délit, cette affreuse conséquence de l’inexcusable faute de savoir-vivre qu'elle a commise en mourant sans préavis, a été atomisé, et nous a été remis après refroidissement dans une urne bleue pastel emballée dans un carton qui n'est pas sans rappeler les cubitainers familiaux de petits vins de l'Hérault dont ils étaient friands.
Dès lors que nous n'avons plus affaire à un corps, mais à un concept cubique de 25 centimêtres de côté, ce carton devient sacrément encombrant.
Qu'en faire ? Nous n'avons pas encore de sépulture régionale. On s'oriente donc vers le frère survivant de maman, celui dont on pensait qu'il partirait le premier, et qui reste aujourd'hui le dernier survivant de la tribu maternelle.

Différentes hypothèses sont émises.
Dispersion des cendres dans un « jardin du souvenir » prévu à cet effet.
Inhumation dans le champ de tonton, qui accueillait jadis des patates ; ces pommes de terre à la cueillette desquelles maman avait pu échapper en gravissant les échelons de l'Ecole Normale.

R* n'est pas très chaud pour cette dernière option : "oui mais après ma mort, quand le terrain sera vendu ?"
Il n'a pas tort.
Il propose alors le caveau familial du cimetière de Saint-Antoine, où reposent ses ascendants ainsi que Y*, la belle soeur de maman qui elle aussi s'est barrée en loucedé, huit ans plus tôt.
(cf Un dimanche de Toussaint)
"Elle sera bien, là."

Rendez-vous est donc pris dès le lendemain, papa et F* vont transporter l'urne en voiture jusqu'en Dordogne.
Moi qui me fais une fierté secrète de fréquenter le frère de maman un peu plus souvent qu'à mon tour, je trouve le procédé un peu cavalier. Ils ont prévu de rester chez R* une demi-journée en tout et pour tout. C'est vrai qu'il n'y a pas grand-chose à faire chez lui, à part évoquer les maigres souvenirs communs, car on l'a finalement très peu fréquenté au temps de sa splendeur (toute relative), et subir les disques d'Aznavour ou de Joe Bassin dont il reste un grand admirateur. Mais de la part de mon père et de mon frère, je trouve ça un peu léger comme service après-vente. J'imagine déjà tonton au salon, perdu dans la contemplation de l'urne de sa soeur au lieu de la sieste réparatrice devant la 5.
Alors je me propose de descendre passer la fin de semaine à ses côtés, dans ce moment difficile entre tous.
Entre-temps, la petite communauté se disloque. Chacun retourne à ses occupations pré-mortem. Nous reprenons le TGV pour Nantes, fastidieux voyage de retour à peine égayé par une explosion de vomi de la cadette au milieu du wagon.
Le lendemain, je retourne au bureau et j'y croise une nouvelle stagiaire qui vient de perdre sa mère dans des circonstances analogues. Ca crée des liens. On discute le coup.

Samedi 27, je me lève avant l'aube pour parcourir les 400 km qui me séparent de tonton.
Comme je m'y attendais, les cendres de maman trônent dans le cubitainer sur la table du salon, là où papa et F* l'ont déposé hier avant de repartir comme des livreurs Darty pressés.
Tonton me dit : « c'est marrant, dans le temps ici c'était la chambre de nos parents, en fait ta mère est née à quelques centimètres. »
C'est effectivement tordant.
En plus, il me dit ça dans demi-sourire à la Fernand Raynaud, en respirant à toutes petites goulées, comme un plongeur descendu à une grande profondeur qui se demande s'il aura assez d'air pour remonter.
Il est tout aussi économe de ses gestes, de ses déplacements et de ses idées.
La vieillesse, chez lui, c'est une publicité vivante pour le développement durable.
Son dernier lien avec la vie, c'est sa femme de ménage, à l'efficacité douteuse, aux horaires aléatoires, et au problèmes existentiels insondables. Récemment encore, elle s'était acoquinée avec un mafieux corse de 3e catégorie, qui a fini par lui siphonner sa cuve à fioul à l'entrée de l'hiver.
Je compatis.
C'est pas grave, tonton trouve ainsi l'occasion de claquer sa retraite pour une bonne cause. J'espère que comme dame de compagnie, elle est plus crédible que comme femme de ménage, parce que c'est un peu cracra chez tonton. Il faut relaver toutes les assiettes dans le placard quand on veut manger dedans, et je pense qu'il faudrait même laver le placard, saupoudré de sciure de vers. Heureusement qu'il n'y voit plus grand chose.
On va se promener au fond du jardin, ce qui nous prend une bonne petite heure aller et retour, on va voir si le voisin qui a construit une nouvelle maison n'a pas empiété sur le terrain de mon oncle, parce qu'il a fichu la clôture en l'air en 2005 et que personne ne semble s'en être préoccupé depuis, ni mes cousins qui vivent en Nouvelle-Calédonie, ni ma cousine qui vit en Corse et dont le mari ex-gendarme semble plus soucieux des bouteilles qu'il a mises au frais dans la cave de tonton que de l'intégrité des frontières territoriales du patrimoine.
Papa a alerté tout le monde hier au téléphone (famille, voisins) sur ce scandale immobilier en cours, il a décidé qu'il fallait absolument résoudre cette affaire de façon définitive, puis il est rentré à Montpellier.
L'émeute a fait long feu.
Au fond du jardin, R* m'explique que dans le temps, les arbres servaient de bornes naturelles, et tu vois, ce vieil orme définit bien l'alignement de la limite de la propriété, donc tout va bien, on va laisser ton père se calmer, je comprends qu'il soit un peu énervé en ce moment.
Tout cela à demi-mots et à petites goulées, parce que ça fait des années qu'il n'a pas tenté pareil exploit sportif : un 200 mètres en ligne droite à pas comptés.

Le dimanche soir, je reprends la route, un orage crépusculaire manque emporter la voiture sur la route de Bergerac, France Inter diffuse «ça sent le sapin» de Jeanne Cherhal, chanson marrante et de circonstance :

«Quand on n'a plus goût à rien
Quand on s'lève plus le matin
Qu'on mastique son chagrin
Comme un morceau de vieux pain
Quand on n'a plus dans les mains
Personne pour vous faire du bien
Qu'on veut plus du lendemain
Ben là ça sent vraiment l'sapin
Là ça sent vraiment l'sapin.»

Comme le disait Brassens, «les vrais enterrements viennent de commencer.»

Fini de rire.

lundi 9 avril 2012

Journée du 24 novembre 2010

Les conjoint(e)s et enfants des uns et des autres nous ont rejoints pendant le week-end, faisant passer la population de l'appartement légèrement au-dessus du seuil critique d'un Noël en famille.
Certains vont visiter la morte, d'autres préfèrent conserver l'image de mamie vivante, et ils ont bien raison.
L'intendance encaisse, le Super U est tout proche, mais faudrait pas que le flux des immigrants s'accroisse, les lits vont manquer.
Le délai maximum de conservation du corps ayant été atteint, (4 jours) il faut se résoudre à clôturer le stage.
Le funérarium de Montpellier est situé sur le domaine de Grammont, au sortir d'un chaos de zones industrielles et commerciales. Dans les environs se tenait jadis un complexe culturel dont le nom m'échappe, où j'assistai à un concert mythique de Tuxedomoon en compagnie de Vincent E.
Dès l'entrée, nous sommes saisis par la ressemblance avec 1 aérogare au moment des grands départs.
Des aiguilleurs du ciel à casquette réglementaire tentent de regrouper les familles en lançant des noms propres à la cantonade.
C'est l'usine.
Il faut dire que les usages ont bien changé.

Nous avons préparé un repas pantagruélique, et nous traversons comme des erreurs de casting ce hall de gare encombré de familles affligées; nous ployons dignement sous le poids de sacs Leclerc dégueulant de bouffe, de pinard et de vaisselle jetable, pour disposer notre pique-nique dans le salon de convivialité mis à notre disposition par les services funéraires, sous le regard indifférent de ces groupes d'anonymes prostrés dans leur chagrin.
On fait tache, c'est sûr.
Et alors ?
Maman était une païenne convaincue, et nous lui devons bien ce rituel d'adieu qu'elle n'aurait pas désavoué.
Le salon de convivialité est une pièce froide dont les baies vitrées donnant sur le jardin inondé de soleil sont fermées à clé, et qui pue la mort et le renfermé. 
Ca ne va pas du tout. 
Eric parvient à les faire ouvrir par un employé municipal et les mauvaises odeurs se dissipent.
Nous disposons nos offrandes sur les tables basses. 
Nous refaisons rapidement la déco, à base d'aquarelles peintes par la morte au temps où elle ne l'était pas, et d'une photo prise trois mois plus tôt lors des cinquante ans de mariage, qui nous arrache d'incoercibles sanglots  depuis 4 jours que nous l'avons choisie pour la cérémonie lors d'un vote à main levée. 
Le patron des pompes funèbres avec qui nous avons fait affaire, débarquant à l'improviste alors que nous sommes occupés à accueillir les invités, commence à décrocher les tableaux,  pensant qu'il s'agit des restes de la noce précédente. Malheureux ! Je le détrompe poliment, mais c'est dur de rester zen.
Nous craignons que nos cakes, nos tartes aux légumes et notre vin blanc nous restent sur les bras, mais après avoir donné l'exemple, la soixantaine de personnes qui a été conviée fera finalement honneur à notre buffet froid.
Papa a interprété son texte déicide dans une version soft amendée par nos soins, sa vraie nature de curé laïque se révèle une fois de plus. 
Il faut dire que notre patronyme désigne en breton le recteur de la paroisse.
La vidéo comportant la faute d'accord du participe passé n'a outré personne, tandis que les écrans vidéo retransmettaient en direct l'image du cercueil de maman à l'entrée du four, avant un miséricordieux fondu au noir.
Des représentants éloignés de la famille sont venus de Corse, de Paris, de Pau. 
Des amis proches brillent par leur absence, il paraît qu'ils viennent enterrer leur belle-mère, ils sont crevés. 
Le seul frère de papa qui a fait le déplacement, vu qu'ils est fâché avec les deux autres, me dit ignorer que maman était garée à la maison depuis quatre jours, alors que papa m'a soutenu qu'il avait été empêché de venir.. C'est bizarre, mais c'est leurs histoires.
Après la cérémonie, les seize élus pour le repas déjeunent rapidement dans un restaurant bondé et bruyant. 
Un cessez-le-feu implicite a été déclaré, et les belligérants de longue date profitent de cette trêve pour échanger des civilités. 
Puis nous nous dispersons rapidement dans l'ordre et le calme, échangeant des promesses mensongères de nous revoir rapidement à des occasions moins funestes.
Dans l'après-midi, papa change les draps du lit conjugal avec ma soeur, ce lit qui vient d'héberger son épouse défunte pendant quatre jours. 
Il a décidé de redormir dans leur chambre qui va devenir la sienne sans attendre, il se dit que s'il ne le fait pas dès maintenant, après ça sera fichu. 
Faut avoir la santé. 
Chapeau.

dimanche 5 février 2012

Rêve Freudien en Diable : La Très Petite Bibliothèque de mon père

Aujourd'hui comme hier, pas de sentiment de supériorité disgrâcieux et handicapant, issu d'une histoire familiale où l'on se refilerait dans le non-dit cette patate chaude de génération en génération, ce qui est rarement facile à désembrouiller chez la personne âgée dépendante, mais beaucoup mieux que ça : la certitude d'être plus pêchu qu'hier, et je l'espère, si Dieu me prête vie, jusqu'à ce que je la lui rende, plus efficient dans ce qu'il me reste à vivre.
Il aura fallu attendre une pitite cinquantaine damnée, mais ça valait le coup.
Attention à l'aisance et ses fosses : à malin, Malin ennemi, c'est clair.
Le  syndrôme de Francis Lebrun me guette sans doute, tapir dans l'ombre.
Garde-fou de poche :
Comme le disait une amie : « Si tu mets la tasse au-dessus de la cafetière, c’est forcé que ça te tombe sur les pieds », sans compter les dégâts collatéraux.
Aprés essai In Real Life, penser à racheter des chaussures.

Adoncques, ne pas se vanter de ce pour quoi on n'est finalement pas pour grand chose, à part d'être ici et maintenant quand les choses "fall right into pieces" (je ne trouve pas d'équivalent français, veuillez rappeler d'une cabine qui marche à pinces).

Je viens d'être tiré du lit par un songe trou blanc : je faisais chuter par mégarde la bibliothèque paternelle, dont la taille réelle avoisine les 4m de long sur 2 de haut, est vitrée dans un style anglais fait d'un palissandre élégant et boisé qui ressemble à peu près à ça.

Dans mon rêve, le meuble paternel s'était oniriquement réduit aux dimensions d'une petite étagère, que je laissais choir par maladresse du haut d'un autre meuble plus imposant, de provenance non identifiés (encore un coup du non-dit, ce bâtard qui pisse dans mes souterrains) et en tombant, je voyais bien que les angles de la Petite Bibliothèque avaient salement morflé, il y avait des éclats de bois, la porte était fendue, mais je me disais que avec un peu de colle et d'intelligence j'arriverais bien à maquille ma bêtise.
Pardonne l'espoir, dégrisé lecteur.
Faut dire que dans le réel, depuis la mort de maman (penser à rédiger le témoignage ici même) nos rapports ont bien changé, et c'est souvent moi qui l'appelle pour prendre des nouvelles le dimanche soir en lieu et place du coup de fil dominical que nous donnait maman de son vivant.
La nouvelle vie de papa se déroule sous des auspices inédits et heureux à bien des égards.
Les experts en interprétation des songes apprécieront les multiples niveaux d'analyse de celui-ci.