le titre ferait croire à un tome inédit et surnuméraire de "Introduction à la psychologie de Bazar" de Daniel Goossens, mais en fait pas du tout. |
compte-rendu du 26 juin 2023
(adressé au père D* du prieuré de L*)
05h30
Je rêve que tu te transformes en femme. Allons bon. Loin de résoudre nos problèmes, cette trahison subite de ton genre scandalise ma conscience onirique, d’autant plus que tu as conservé ta barbe. Ca me dégoute tellement que ça me réveille.
La fluidité des genres, c’est comme la tolérance, y’a des maisons pour ça.
07h30
je profite de la fraicheur pour recâbler une partie du réseau d’arrosage du jardin, en remplaçant les sections de tuyaux non-poreux par d’autres, que j’espère plus poreuses. Je pense que le problème de fond vient du fait que j'attaque le réseau avec 4 bars de pression au lieu de 1.5, mais ce n'est pas cette année que je vais trouver la solution.
09h30
ça y est, ils sont tous partis bosser. 8 grammes de Pajaritos, force 3/5.
11h00
Passé un certain âge, pour ressasser les évidences au cyber-bistrot du coin, ah, ça, on est là. |
11h30
quelques distorsions visuelles. Et j’ignorais que King Crimson avait enregistré la Traviata avec les chœurs de l’Armée Rouge. c’est joli, et quand je ferme les yeux sur mon siège de méditation, mes intérieurs semblent immensément spacieux. ça ressemble aux pétards des débuts, en fait. à part que la conscience de soi perdure.
11h50
c’est tout ? ça frise la supercherie, alors je prends les 7 grammes restants, j’ai fini le ménage de la maison, j’étends la lessive, petites pertes de mémoire immédiate, mouais, j’ai déjà ça à jeun, je vois pas l’intérêt. Le passé nous oblige, sans doute, en observant nos réactions, nous sommes ses obligés. Mais il nous oblige à quoi, exactement ? J’essaye d’écouter Wish you were here, du Floyd, c’est spatial, mais je le connais par coeur, c’est trop téléphoné. Jon Hassell ou Sigur Ros m'emplissent d’une délicatesse ineffable, parce que j'ai moins pratiqué leurs harmonies que celles du Floyd, dont mon cerveau sait très bien précéder la perception par la projection, décevant par anticipation mon extase programmée.
Je me sens soudain plein d’une grande bienveillance envers mon pauvre chat et ses troubles cognitifs (suite à une enfance cauchemardesque en zone de guerre, il vit dans une insécurité permanente), j’essaye de lui expliquer que chez nous il n’a rien à craindre, mais il reste muet. Par contre je me sens raccord avec l’épitre aux Corinthiens de Saint Paul, c’est toujours bon à prendre, la bienveillance, c’est une direction rassurante, quand c'est pas le responsable des Ressources humaines qui se croit obligé de t'en parler. J’ai hâte d’essayer avec ma femme quand elle rentrera du travail.
quand je donne des champignons à mes poules elles me font des Picasso de la période mauve. |
note manuscrite : c’est à qui cette main de vieille, qui est en train d’écrire ça ?
après enquête, à tous les coups tu vas voir que c’est la mienne.
il faudrait être deux pour en ricaner, tout seul c’est un peu limité.
14h20
je me suis rappelé de sortir les poules, qui avaient attrapé la couvade (elles peuvent rester au nid pendant des jours et mourir de soif si je ne les fous pas dehors du poulailler puis en condamne l'accès jusqu'au soir)
et si je refaisais un peu de méditation, avant que ça se barre ?
16h00
retour à la mornale. Quelques sourires, mais globalement déçu. pas de grand bouleversement, d’irruption de Surmoi, travesti ou non, d’effondrement monopolaire… à aucun moment je ne me suis senti en difficulté, ni dans un univers qui aurait perdu sa cohérence.
le spectre diraisonnable qui m’a hanté au printemps sous microdosage était bien plus consistant. mais c’était dans la durée, et avec l’écriture comme support, ce que j’ai refusé de faire aujourd’hui.
prochaine tentative samedi, avec des Valhalla séchés la semaine dernière, force 6/5, et mon copain bluesman. Je vais lui proposer un trip champêtre à pied, je ne veux pas aborder la conduite automobile tout de suite, ni prendre le risque d’aller à la mer et d’y rester médusés.
réponse du père D* :
Quelques remarques saisies au vol comme ça en réponse à ta chronique:
d'abord, en ce qui me concerne prendre 2 demi doses l'une après l'autre n'équivaut pas du tout a prendre une dose complète en une seule fois. Quand je prends une demi dose je trouve généralement la montée très agréable mais la descente plutôt pénible.
Une seconde prise pendant cette phase n'adoucit pas les effets mais simplement les prolonge. Dans mon cas il y a toujours un aspect hasardeux dans la prise d'une dose complète. Je ne sais jamais à quoi m'attendre à l'avance parce que les effets varient en fonction du moment, du produit, de mon questionnement et sans doute aussi de facteurs aléatoires. Par contre, je serais bien incapable d'aller me promener dans la campagne sous une dose complète ne serait-ce que pour des raisons de coordination motrice.Tu me diras ce qu'il en est dans ton cas.
il faut dissocier la poule de l'œuf, mais aussi de l'œuvre. |
MOI :
oui, les demi-doses à la file, c’est pas super, j’ai lu ça.
c’était un peu désordonné, comme une première fois, avec une fille qu’on connait pas.
et au lieu de m’abandonner à l’invitation au silence et au recueillement, j’ai voulu « faire des trucs », parce que je suis dans une phase où je mets un frein à l’immobilisme, en essayant de mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu ces 20 30 dernières années en tant que pionnier de la N.A.O (Négativité Assistée par Ordinateur) dont je me sens un peu, tu vas rire, coupable et redevable. Envers qui ? ça, je t'en cause même pas.
expérience du 1 juillet 2023
message transmis au fournisseur :
Grosse déception avec ces TRUFFES MAGIQUES VALHALLA commandées le 1 juin 2023, conservées 2 semaines au frigo, séchées au tapis chauffant Zamn*. (poids divisé par deux) conservées dans un bocal étanche et opaque, puis consommées une semaine après. Pris un sachet entier séché, aucun effet.
L’ami avec qui j’ai expérimenté avait acheté des TRUFFES MAGIQUES ATLANTIS, consommées fraiches après 3 semaines de frigo, il n’a rien senti lui non plus.
A part qu'on a marché 17 km et qu'on a eu mal aux pieds.
détails techniques qui pourraient jouer :
- nous avons bu un peu de café avant de consommer les truffes, nous n’avons rien mangé, mais beaucoup marché. Nous avons bu une gorgée d’eau gazeuze chacun avant de nous rappeler que le gaz carbonique était nuisible, et ensuite nous sommes restés à l’eau plate.
Je ne cherche pas un remboursement, j’aimerais comprendre !
(à la suite de mon commentaire, le fournisseur me fait parvenir en dédommagement 6 nouvelles doses de truffes à titre gracieux, en train de périmer rapidement au frigo)
7h30
je pars de bon matin vers la dune sacrée repérée à jeun en bordure de la forêt du Mordor, au nord de la péninsule de Contis-Plage (c'est dans les Landes). J’ai mâchouillé 15g de PAJARITOS qui ont plus d’un mois de frigo. Que Benalla me vienne en aide. La veille, sur le belvédère dunaire qui domine la plage, j’ai entendu un père dire à son fils « mon seul objectif, en tant que parent, c’est que mes enfants me dépassent en tout. » Après enquête, c’était extrait d’un épisode de Game of Thrones qu’il était en train de lui raconter, mais quand même, ça m’en a bouché un coin, faisant le rapprochement avec mon propre père, dont il m’apparait spontanément que celui-ci a tout fait pour que ses enfants ne le dépassent en rien, en tout cas les 2 ainés mâles.
8h00
ça me vient comme ça en abordant les contreforts du la forêt du Mordor, qu'il me plait d'appeler ainsi parce que les pins y sont extrêmement rapprochés et n’ont pas été éclaircis par les exploitants de cette forêt industrielle dénoncée dès le XIXeme siècle par Félix Arnaudin, du coup ils laissent peu passer la lumière, comme papa qui a réussi à me faire détester en moi ce qu’il détestait en lui (qu’il avait peut-être appris à détester de son papounet) et qu’il choisissait de dénoncer en nous plutôt que de voir en lui : la petitesse, qu’il assimiliait à la médiocrité. C’était un jugement de valeur, s’il avait entendu parler d’humilité, on n’en serait pas là, 60 ans après le drame. ça me vient comme ça, et ça repart pareil.
selfie "j'apprends à mémé", réalisé sous influence. Une fois déshalluciné, j'vois pas trop c'qu'y a de drôle, mais ça c'est à chaque fois pareil, faut y être, quand on raconte après, ça le fait moins. |
Après avoir lu des vieux bouts de mon blog, Yvan C*, sans doute pernicieusement influencé par son séjour à l’ashram, m’a dit qu’il fallait s’aimer, et il a pieusement recopié dans le Dalva de Jim Harrison des phrases qui l’ont fait penser à moi : « l’auto-dénigrement haineux n’a jamais fait le moindre bien à personne » « l’étude de toutes les permutations de la chimie du cerveau et de leurs conséquences sur le comportement ne vous dispense pas d’être une victime, même si vous souffrez en sachant de quoi il retourne » « les dimensions de la souffrance paraissent excéder celles des plaisirs compensatoires », je retrouve ses post-its manuscrits dans mes poches, alors arrivé au bord de l’océan je lui fais un selfie « comme tu le vois je suis tes conseils, et j’apprends à mémé », après quoi je manque m’étouffer de rire tout seul comme un con. Le ciel au dessus de mon beau chapeau de Laurence d’Arabite a quelque chose d’extra-laiteux, renforcé par les hallucinants, et je suis surpris que mon smartphone en ait capté la texture, ou alors c’est moi qui la projette à chaque fois que je mate mon selfie (c’est pas le but)
et me revient le dialogue père-fils d’hier soir, « que tu me dépasses en tout » c’est ça que t’as pas compris, papa, d’aller dans le sens de la vie au lieu de contraindre la vie à aller dans le sens que tu voulais lui imposer (et où tu voyais tes propres enfants comme des concurrents)
je photographie la végétation dunaire comme en extase, et remercie les plantes, grâce à qui nous entendons les dieux, la nature et nous-mêmes (sans majuscule, on se tutoie et on se congratule les uns les autres)
j’ai choisi cet endroit car il y a 3 semaines j’y suis venu sous un ciel d’orage et fus saisi par la majesté du site, embrasé de teintes ardentes jetées sur la toile du Réel par des divinités courroucées : la mer turquoise virant au vineux, le ciel d’obsidienne grondant d’éclairs foudroyant l’océan au-delà de l’horizon, tout présageait d’un accès de colère liquide, que je pris d’ailleurs sur la tête au retour, heureusement, j’étais pas en sucre.
là, ça le fait moins, mais revenez il y a trois semaines, c'était terrible. |
Ce matin, y’a juste une dame qui traverse mon champ visuel avec son chien, elle parcourt 200 mètres (sur les 4 km qui nous séparent de toute construction humaine des 2 côtés), elle se déshabille entièrement, fait quelques postures de yoga et va se tremper dans les vagues.
Heureusement que j’ai enlevé mes lunettes et qu’aucun détail de la scène ne me permet de me sentir voyeur; et puis je suis quand même un peu extatique, je sens que la lubricité me ferait grave redescendre.
Enthousiasmé par son initiative, je me dévêts à mon tour, et fais quelques pas vers les rouleaux de bord, animés d’un sac et d’un ressac indifférents, ici on dit « tu crois que tu connais l’océan, mais toi il te connait pas » et comme je sens bien que je suis sous influence et que les vagues sont quand même grosses, je me rassois prudemment, ça fait longtemps que j’ai pas été fumé à 8h du matin, je n’ai plus l’habitude, mais je suis encore assez lucide et conscient pour percevoir qu’elle est froide et inhospitalière, je n’ai amené ni palmes ni banc de méditation, il est plus sage de rester au bord de la noyade virtuelle pour aujourd'hui.
Je m’allonge sur le sable et regarde les nappes nuageuses défiler dans le ciel laiteux et y créer des figures d'interférence fluorescentes en découpant la lumière solaire, car ceux du dessous vont beaucoup plus vite que ceux du dessus. J’ignore si ce sont eux qui sont flous ou moi, et ça ne me préoccupe pas.
9h30
je rentre à pied par la plage (4 km pieds nus dans le sable mouillé), j’ai entendu le bas de ma colonne vertébrale faire un « krouïkk » discret, je me dis qu’il faudra être vigilant sur les lombaires. 4 jours plus tard je passerai une journée entière paralysé du dos en vomissant de douleur mes antidouleurs, j'ai sans doute fait un peu trop de sport ces derniers temps, entre la natation la marche et le jogging c'est vrai que je n'y suis pas allé très mollo, mais n'étant pas précognitif j'ignore tout de cette lombalgie à venir et suis exempté de compassion pour mon moi futur, pour l’instant je croise les premiers surfeurs de la matinée à la recherche du spot idéal, leur planche sous le bras, maxillaires serrés, traduisant l’effort et la détermination, j’ai envie de leur glisser « bonne journée au bureau ! » tellement ils ont l'air de ne pas être là pour rigoler, mais je m’abstiens en ravalant mes gloussements.
Je ne voudrais pas épiloguer, si tôt dans la journée, mais pour l’instant, c’est aussi décevant que Deauville sans Trintignant, ça ressemble juste à de l’auto-analyse sauvage, quarante ans trop tard, madame Placard.
Le jour où je vais prendre une dose efficace, ça va me faire bizarre.
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6h30
Café, biscuit, 15 g de truffes Tempanensis, dans le frigo d'un ami provençal, que je suspecte d'être un peu périmés. Je pars avec mon banc de méditation démontable dans le sac à dos, en direction de la crête de L*. Question illuminations, on va voir ce qu'on va voir, l'infini n'a qu'à bien se tenir.
7h10
après être allé au bout du chemin des Evêques, je me trouve une petite grotte de méditation, en fait un abri sous un pin, d'où je vois le soleil se lever derrière la vallée de la D*.
il est pas beau mon ermitage ? on dirait un packshot publicitaire pour mon banc de méditation. |
7h20
Vertige, fatigue, bâillements, légère nausée.
8h00
Fourmillements assez désagréables. Incapable de rester sur le siège, je m'allonge avec mes nouveaux amis fourmis. Quelques visions, mais je me sens assez peu concerné, comme si elles parvenaient à quelqu'un d'autre. Un abîme s'entr'ouvre, un mec passe la tête "ah, c'est vous ? désolé, il y a erreur sur la personne, c'est pas votre jour." Et la fenêtre se referme. Il faut que je mange moins de melon et plus de yaourt, ma flore intestinale n'est pas super florissante.
9h00
Il ne me reste plus qu'à redescendre au village avec les intestins un peu secoués. C'est l'occasion de me réjouir du paysage, et de me rappeler ce mantra amérindien :
Avec la Beauté devant moi, je marche,
Avec la Beauté derrière moi, je marche,
Avec la Beauté au-dessus de moi, je marche,
Avec la Beauté en-dessous de moi, je marche,
Avec la Beauté tout autour de moi, je marche,
La Beauté est partout,
Puissions-nous tous marcher dans la Beauté.
Avec les champignons, ça serait peut-être encore plus beau, mais c'est une question d'intensité, pas de nature. J'en déduis que ce rendez-vous raté avec le produit ne l'a pas été tout à fait avec moi-même. Et tac.
Sinon, j'ai fait pas mal de jogging sur la crête de L*, mais l'inconvénient majeur c'est que tous les chemins de randonnée descendent dans la vallée, et qu'après il faut tout remonter à pied. |
Mon avis c'est que tu ferais mieux de faire la même chose sans produit et de rester plus longtemps sur ton banc de méditation... je dis ça en n'ayant jamais expérimenté le moindre produit.
RépondreSupprimerPour le dos, tu ferais bien de moins courir... marcher suffit ou nager.
Peut-être qu'effectivement je me donne l'illusion de rester jeune (prouvant ainsi que je suis un vioque mal mûri, comme ces filles sexagénaires qui s'entêtent à porter des jupes ras la moulette, affichant l'inverse de ce qu'elles prétendent) en faisant des expériences qui ne sont pas de mon âge.
RépondreSupprimerLa méditation est complémentaire, elle m'apporte un supplément d'âme que les psychédéliques ne m'inspirent pas pour l'instant.
Il est un peu tôt pour conclure.
Il m'en reste dans le frigidaire, et j'ai des cactus sur la fenètre, qui ont bien poussé cette année.