jeudi 25 décembre 2008

noël en cabane, pâques aux rabannes

Mardi, à la prison, y'avait un prisonnier qui faisait plaisir à voir : il jubilait, littéralement réjoui d'avoir compris l'essence du programme de rétablissement qui nous est suggéré, après ixe années de dépendances, de toxicomanies, de cures et de séjours prolongés à l'hôtel du caniveau.
Et alors que le plus gros du boulot reste à faire pour lui : ne pas boire quand il sortira du gnouf.
C'est pour le coup que la racaille banale, les pauvres types de base, les vulgum pécusses qui sont dans le déni et/ou trop fracassés pour comprendre ce qui leur arrive, l'écoutaient re-li-gieu-se-ment, bien que dubitatifs.
Il y a ce mystérieux déclic qui se produit ou pas au fond de l'être, irréductible ou pas à la somme de ses manques, qu'il soit vétéran ou pas des guerres psychiques.
A l'automne, j'ai entendu un sociologue dire dans une émission sur l'hyper-alcoolisation des jeunes, que y'avait pas que les produits, mais qu'il fallait regarder les personnes, l'environnement... qu'on vivait aussi dans une société de la toute-jouissance et de la toute -puissance, qu'il y avait un déficit de place pour la jeunesse, un déficit de transmission aussi, que la relation à l'autre était problématique... qu'au lieu de focaliser sur l'alcool, il vaudrait mieux travailler pour que les personnes intègrent le cadre, dans une construction identitaire, de faire émerger l'intégration d'une capacité à réguler ses émotions...
Les sociologues sont une sorte de moralistes dispensés de fournir un remède précis aux dysfonctions qu'ils décrivent, et à ce prix-là, ils disent des choses intéressantes.
Comme quand je disais, après avoir relu Orroz, que le porno était un accident industriel entre la révolution sexuelle et le libéralisme, au sens où Tchernobyl avait été un accident industriel entre la science de l'atome et l'incapacité étatique à gérer l'urgence.
Mon Dieu, préservez-moi de me prendre pour un professeur d'explications.
Quitte à me rendormir ensuite devant Hellboy II en Blue-ray.

mardi 23 décembre 2008

Souffrance au travail et cancer numérique


En cette veille de fêtes, ce blog me semble un peu trop axé sur la souffrance pendant les loisirs.
On souffre aussi au travail, comme l'évoquent fort judicieusement ce film et ce reportage interactif qui rappellent que le XVIIIeme siècle n'est pas fini pour tout le monde, bien qu'au bout d'un moment on se demande s'il ne s'agit pas d'un jeu vidéo très élaboré.
En tout cas on le visualise très bien sur mon nouvel Imac 24 pouces acquis en bossant 10 jours par mois grâce à un métier où je prends toujours autant de plaisir, que ça devrait être interdit.

lundi 22 décembre 2008

Noel chez les geeks

Trouvé sur un forum "plus geekissime tu meurs" ("ma pile à lire urgente ne comporte que trois livres mais dépasse les 3000 pages. Aussi haute que mon organe reproducteur sous son effet") des nouvelles fraîches de tous les romans de Neal Stephenson que personne jusqu'à présent n'a voulu se ruiner à traduire chez nous, et que j'ai découverts, esbaubi, mais imbitables, cet été dans une librairie de San Francisco.
lu sur http://bragelonne-le-blog.fantasyblog.fr/post/2/2502 :
"Dans son nouveau livre, Stephenson effectue un retour vers des thèmes très familiers de la SF, mais avec une approche assez novatrice. Il nous présente un monde entièrement imaginaire, Arbre, avec sa propre trajectoire historique et intellectuelle, mais qui est en quelque sorte parallèle à notre monde - voire un peu en avance. Un des aspects les plus bizarres est qu’on y trouve des institutions semblables à nos monastères, les « concents », sauf que ce ne sont pas des religieux qui y vivent, mais des savants rationalistes. Suite à une série de désastres dont le reste du monde les rend responsables, ces scientifiques peuvent certes se livrer livrer à de la recherche pure dans l'enceinte de leurs communautés, mais ils sont privés de moyens technologiques et on leur a imposé des limites quant à la communication de leurs résultats à la société. En gros, ils ont eu trois mille ans pour développer leurs théories, mais sont dans l’incapacité de leur donner des applications pratiques. Mais lorsque quelque chose de complètement inattendu arrive, la société est obligée de les appeler à l’aide car ils sont les seuls à pouvoir comprendre le phénomène et y faire face.
Je trouve tout ce dispositif fascinant et étrangement attirant. Certes, en commençant la lecture, il faut laisser certaines idées préconçues au vestiaire et apprendre un petit peu de vocabulaire. Mais la plupart des amateurs de Science-fiction et de Fantasy sont déjà habitués à ce genre de déchiffrage et aiment rentrer dans les détails du fonctionnement des mondes imaginaires. Et comme toujours dans le cas de Stephenson, ces précisions ne sont nullement des inventions gratuites et révèlent un vrai système philosophique. J’ajoute que les personnages principaux sont tous des hommes et des femmes (eh oui, les concents sont mixtes !) très jeunes, des ados à vrai dire, qui au début du récit ne connaissent quasiment rien de leur monde et qui ont les préoccupations typiques de leur âge – s’amuser, tomber amoureux, etc. Ce n’est pas un hasard si certains ont comparé ce roman avec Le Nom de la Rose d’Umberto Eco. D’autres ont trouvé des points en commun avec La Stratégie Ender d’Orson Scott Card. En tout cas, c’est avec cette bande de jeunes gens qu’on va découvrir, petit à petit, comment les choses marchent dans ce monde, et résoudre la grande énigme qui plane au-dessus de leurs têtes…On va de révélation en révélation, l’action accélère vivement après les 200 premières pages, tout ce qu’on a cru comprendre est remis en question plusieurs fois, et les effets spéciaux sont époustouflants. Anathem contient tous les éléments qu’on souhaite trouver dans un roman de science-fiction, mais sous une lumière nouvelle. Ce roman m’a vraiment frappé et je suis convaincu qu’il va marquer les esprits d’autres lecteurs, ici, en France. On attend d’un roman de SF qu’il soit dépaysant pour le grand public. Mais qu’il le soit tout autant pour un lecteur averti en matière de Science-fiction, et même un peu blasé parfois (oui, je l’avoue !), cela relève de l’exploit…Coté ventes, Anathem est arrivé à la première place sur la liste des best-sellers du New York Times, tous genres confondus, la semaine du 22 au 28 septembre. Dans les autres classements (Washington Post, Publishers Weekly…), il est numéro 2 ou 3. Ce qui est une performance pour un roman de SF dit "intellectuel".

Et le site de lancement du bouquin.
Un grand moment de web marketing : le "trailer" (apparemment une pratique courante aux States : le lancement d'un livre par la réalisation d'une bande-annonce) qui résume pourquoi le cinéma accuse toujours cinquante ans de retard sur la littérature de SF

Voici des ouvrages qui vont me faire fantasmer un moment, parce qu'il ne vont pas être publiés tout de suite et que ma bibliothèque en retard atteint déjà un mêtre quatre-vingt linéaire (au repos).

dimanche 21 décembre 2008

Zorba the Geek (original soundtrack)



Franchement déçu d'avoir dû passer une semaine à traquer des seeds pour enfin parvenir à télécharger un Steve Roach live qui s'avère aussi soporifique que l'énoncé le laissait craindre, genre le pauvre a dû assurer un set tremblotant et court sur pattes de 45 minutes, complètement stressé de passer entre Peter Hammill et King Crimson dans un festival de rock progressif; d'ailleurs il suffit de se ballader sur des forums consacrés au progrock pour voir les rats terrifiés par la lumière que c'est :
http://www.progressia.net/
http://www.dragonjazz.com/progindex.htm
http://www.gutsofdarkness.com/god/home.php
Plus jeune, on trouvait que c'était une musique énergétisante, et là on se retrouve entre tarlouzes claustrophiles.
Ce qui est plus étonnant encore que de découvrir des morceaux de Steve qui durent moins de 74 minutes, c'est d'entendre des applaudissements, vraisemblablement issus de mains humaines, sur ses rêveries telluriques.
C'est aussi inattendu que de voir Michael Chiklis sourire dans une interview.
Heureusement, quand on a trippé sur un album imaginé, on ne retombe jamais plus bas que ce qu'on était montés.
Après ça, je peux bien ricaner des problèmes de riches de la pauv' fille qui dit : "Ce matin, je me suis réveillée et j’étais morte (..) on est vraiment morte quand la musique ne suscite plus aucune émotion en vous (..) passé l’excitation de regarder l’évolution de la barre de téléchargement, mon cœur reste froid.(..) Sur le réseau, la boulimie a eu raison de ma curiosité. (..) Pourquoi la musique a t-elle perdu son pouvoir enchanteur ? Parce que la technologie a tué tout désir en moi."
Et tous les commentateurs de l'article, qui sont plus vrais, mais moins drôles, que Hector Kanon.
Bref c'est "la chair est triste hélas et j'ai lu tous les livres" de notre époque c'est à dire "j'ai fait tous les plans meetic et téléchargé tous les mp3, et il me reste de l'insatisfaction"
J'étais comme ça l'an dernier à la même époque, et je ne mets pas ça sur le dos de la technologie, moi, môssieur Astérix, mais sur le compte de l'avidité.
5 milliards d'années d'évolution cosmique pour arriver à ce dépit !
Dieu nous en préserve !
Je vais finir comme Albert Jacquard, qui aime la nature et qui n'est pas rancunier.

samedi 20 décembre 2008

Indignation vertueuse et Bruit blanc

Reçu ce jour une offre mirifique de crédit "pré-accepté quels que soient vos projets : 2200 €" de chez Cetelem.
Comme chaque mois.
Et un appel au secours de Handicap International, pour qui la crise financière "est particulièrement difficile et nous concerne tous. Si je me permets de vous écrire aujourd'hui, c'est parce que la situation de certains de nos programmes d'urgence est préoccupante... au Nord Kivu = dizaines de milliers de réfugiés sans rien... en Birmanie, le cyclone Nargis a fait 138000 morts... en Haiti après trois ouragans et une tempète tropicale, 800 000 personnes ont besoin d'aide humanitaire..."
(comme je ne vois pas le lien de cause à effet, je le suppose implicite : baisse des dons )
J'écris à Cetelem :
Vous profitez de la misère et de la faiblesses humaines. J'en ai vraiment marre de recevoir vos publicités mensongères. Alors maintenant, à chaque fois, je renvoie l'enveloppe, ça vous fait dépenser un timbre. Bien sûr ça ne sert à rien, et à terme vous risquez d'augmenter encore votre taux de crédit.
Mais moi, ça me soulage.
Je vous souhaite de trouver un métier honnête, et de bonnes fêtes."
Et j'envoie 50 € à Handicap International.
Mais j'aurais pu aussi suggérer à Cetelem de prêter à Handicap International, ou inverser le contenu des enveloppes, ou tout mettre au panier puis m'attrister de mon indifférence... en écoutant "A deeper silence" de Steve Roach à fond.
Je me suis laissé guider par ce que me dictait ma majorité silencieuse en trois secondes chrono, il suffit d'être aware, sinon les débats parlementaires n'auraient jamais pris fin.

mardi 16 décembre 2008

Matérialisme affectif (2) : Avant Internet

"Oh, mon Dieu, faites que je rencontre un jour le cul qui me fera bâtir le Taj Mahal ! "
Apparemment, un texte de jeunesse d'un philosophe contemporain.

Le reste de sa production :
http://www.philo5.com/Textes%20FB1.htm

lundi 15 décembre 2008

Théophobie et matérialisme affectif

autocollant théophobe pour véhicule automobile
acheté à vil prix par mon fils à Las Vegas à l'été 2008.


Il y a quinze ans, dans une société de post-production vidéo parisienne, je croisai un geek de base, je veux dire qu'il n'avait pas attendu que le mot existe pour incarner la fonction, dont le job consistait à numériser la nuit les rushes des documentaires en cours de montage; il passait le reste de son temps à jouer à Civilization, un jeu de stratégie massivement mono-joueur et résolument chronophage.
Une fois happé jusqu'à l'os, et au bout d'un certain temps, il s'est résolu, la mort dans l'âme, à effacer toutes les copies du jeu dont il disposait, afin de retrouver la paix intérieure. et un semblant de vie. Il a dû aller jusqu'à détruire la disquette master, ça m'a assez impressionné, cette hargne vengeresse, comme on dit.
Quelques mois plus tard, je le recroise, cette fois il était aux anges, il avait retrouvé un exemplaire du jeu maudit qui avait échappé à sa fureur passée, et c'était reparti comme en 40.
Cette histoire m'est revenue en mémoire : à un uploadeur qui proposait récemment le jeu Civilization IV sur un forum de téléchargement communautariste, un downloadeur anonyme rendait cet hommage : "merci mon Dieu je vais enfin perdre toute vie sociale" : la boutade qui voudrait faire d'une catastrophe une bénédiction, outre qu'elle relève d'un anhédonisme éclairé , dissimule une instrumentalisation du divin dans un but érémitique, phénomène ma foi fort à la mode, qui relève en fait d'une forme maligne de théophobie, et je m'y connais au moins autant qu'en phrases difficiles à défragmenter du premier coup.
Enfin, je veux dire, c'est très récent, j'ignorais l'existence même du mot théophobie avant qu'il s'offre à moi dans sa plénitude aussi réjouissante que si je l'avais découvert en feuilletant un dictionnaire médical en me demandant quelle maladie je pouvais bien avoir attrapée.
Dans le temps, sur un forum de partage de fichiers de Q, un autre gars, qui venait sans doute d'avoir un aperçu de l'indicible, avait sorti : "Dear God, my punishment won't be undeserved." Là, c'est une variante, à base d'un masochisme qui ridiculise la notion de justice divine en la réduisant à un cliché kitsch. Y'a pas besoin de réimporter la notion de châtiment, là où les conséquences de nos actes suffisent.
En fait le joueur en réseau est théophobe, parce qu'il choisit de se perdre dans l'illusion groupale sans abandonner la fiction d'un moi, bien plus que le cyber-branleur, qui se délecte intimement de la contemplation du frais minois d'une telle, du coquillage de nacre et autres fruits de mer de telle autre, mais qui comprend qu'un corps qui serait composé d'un tel best of de ses préférences perso repousserait le plus hardi des Priapes et qu'il terre son mépris de l'autre sous une overdose de corps dont aucun n'est vraiment là.
Kant à moi, pour les câlins du samedi soir et les engueulades du dimanche matin, je trouve que ma femme se défend encore bien. Est-ce que c'est du matérialisme affectif ?
Car comme le disait la Schtroumpfette à lunettes, qu'il faut croire sur parole tant qu'on n'a pas eu l'occasion de vérifier ses dires, "si on ne se rend pas compte de sa propre méchanceté, il est impossible d'être habité par l'amour divin en permanence. L'amour divin n'est pas comme de l'eau qu'on se verse sur la tête et qui nous mouille quelle que soit notre attitude intérieure. Il est notre propre attitude."