mardi 4 avril 2023

Estropiés se remettant dans le sens de la marche (1)

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Louis Aragon , "Est-ce ainsi que les hommes vivent"

Dans la Légende des Siècles rapportée plus tard par vos deux familles, on raconte que dans votre enfance vous viviez dans le même lotissement de la banlieue de Perros, cette petite voisine avait deux ans de plus que toi, et elle t'apprit à marcher dans le quartier. Presque soixante ans plus tard, tu tangues un peu en prenant appui sur ta béquille, mais enfin, tu marches à nouveau, et tu apprécies ce début d'autonomie retrouvée, en te dirigeant à l'estime vers le cimetière inondé d'un soleil printanier et équanime, qui prodigue lumière et chaleur aux morts comme aux vivants endeuillés. 
C'est pas le moment d'en jubiler sous cape, ça foutrait par terre ta couverture de VRP du chagrin qui revient de loin, du haut des décennies qui te séparent de la dernière fois où tu crois l'avoir vue vivante. La disparue. Qui n'a jamais été aussi présente dans ton esprit, depuis bien longtemps.
Dans ton dernier souvenir de votre interaction, elle n'était pas de très bonne humeur. 
La rupture n'était pas sereine. 
La relation non plus. 
Sinon, vous ne vous seriez pas séparés.
Et tu te dis qu'à nouveau, elle guide tes premiers pas, après cette nouvelle naissance, cet accident bête dont tu te relèves, après une maladie plus grave et plus sérieuse, il t'a fallu apprendre sa mort pour te remettre debout pour de bon, tu aurais bien aimé savoir ce qu'elle était devenue, tu caressais l’idée de reprendre contact, pas de te rendre à son enterrement après en avoir appris la bien triste nouvelle, comme on dit dans ta famille. 
Des fois ça part en live, des fois ça part en death. On choisit pas toujours.
D'ailleurs, sur ce coup-là, si j'avais le choix, il ne serait pas funéraire.
Tu reconnais que tu ne maitrises pas grand-chose, tu peux seulement moduler un peu tes réactions face à ce que la vie te propose, y compris quand c'est l'option dernier hommage, non négociable.
Tu sentais que tes motivations étaient troubles, tu n’avais pas encore trouvé de prétexte crédible pour l'appeler, alors tu n’as jamais vraiment tenté de renouer, une fois votre histoire finie, sachant que pour toi, dépendant affectif de classe IV, renouer c'était prendre le risque de te rependre, et qu'il te semble aujourd'hui préférable de défaire les noeuds émotionnels, énergétiques, existentiels, tous ces noeuds générés en t’agrippant aux autres pour assouvir tes besoins contradictoires d’intensité, de paix, de sécurité, de folie, d'harmonie, de sagesse et de souffrance. Et comme le disait une amie, rien de tel pour dénouer les nœuds que de le faire sur la corde où ils ont été faits. T'es là pour ça, en fait. Alors merci qui ?
Parti à l'heure où blêmit ta compagne, tu es arrivé au bled en fin de matinée, et comme le rendez-vous pour la sépulture est à 14 heures à l'église, tu passes à la plage, celle avec laquelle tu as un lien fort, que tu ne t'expliques pas, tu t'allonges sur le banc blanc qui claque sous le soleil de Mars, et tu toques à sa portes, et tu talkes à la morte. 

Trestrignel pour moi tout seul, et toi en direct live, ou c'est tout comme.
Que demander de plus ? ah si, que la température de l'eau s'élève au-dessus de 15°.
Sans vouloir abuser de Votre Bienveillance, ni du réchauffement climatique.

Comme elle n'est plus géolocalisée dans son corps, elle est un peu partout, et tu n’as plus besoin d’intermédiaire pour échanger avec elle. En principe. Et surtout pas d'une relation médiatisée par les pingouins sacerdotaux qui t'attendent tout à l'heure avec leurs rituels et leurs fumigènes.
Fais gaffe, quand même : Quand un homme parle à Dieu, on dit qu'il prie. Mais si Dieu lui répond, on pose le diagnostic de schizophrène. Thomas Szasz a dit ça dans Ouest-France, entre deux horaires de marée d'équinoxe. Mais parler à une humaine, morte ? Tu feras quoi si elle te répond ? tu reprendras du lithium ? tu pondras un article sur ton blog de gros tocard ?

nature morte : 
la disparue
Je suis venu te laisser partir // avec mes regrets // De n'avoir pas su t'aimer mieux // on est tous passagers de l'A320 de Germanwings // que le copilote dépressif va écraser sur la montagne // Merci pour ton amour // tu n'y es pas allée de main morte // c'était y'a longtemps mais ça sent avant-hier // ma période sex and drugs and rock'n'roll // suivie en toute logique de ma période "porno partout, désir nulle part", Fraternités de 12 étapes et dark ambiant // tanpistanmieux // Sans déconner, ce coup-ci, je suis vraiment venu te dire adieu // Dans mon bureau de la pièce du fond, où je m'enivre encore à la fumée noire de ta combustion lente // en brûlant des quartiers de chêne humide // dans cette cheminée qui contrairement à nous // n'a jamais bien tiré même quand elle était jeune // j'ai ton photomaton de 82 qui m'accroche l'oeil, mais sur la cheminée y'a aussi une photo de ma femme et de mon fils // ils m'attendent à l'étage // peut-être ont-ils l'oeil moins vif que sur les agrandissement que j'ai fait retirer en grand pour tes parents // mais ils sont vivants // et s'inquiètent pour ma santé.//


nature morte :
femme au foyer
avec enfant
Et que viens-tu faire à son enterrement ? De ce que tu en sais, elle n'a pas eu par la suite une existence très facile, mais elle laisse le souvenir d'une battante. Même si tu traines la pénible impression de chialer sur toi-même et sur ta jeunesse qui va être inhumée là, sans préavis, que tu te sens englué comme un cormoran mazouté dans ce retour vers le passé, auquel nul ne te demandait de participer, ça va sans doute te passer, dès que tu iras au-devant des vivants, des survivants, tu es venu rendre un dernier hommage à la défunte, et tu en profites pour faire u
n peu de rééducation fonctionnelle, et émotionnelle. 
Respire, puisque ça t'est encore possible.
Au départ, une sœur de la disparue s'est exclamée "on a oublié de prévenir John", son propos t'a été rapporté, ça t'a un peu mis le feu aux poutres : si tu le voulais, tu avais une place dans l'histoire, et une lente alchimie s'est amorcée en toi, comme une levure (de bière !) qui fermente et qui gonfle, tu aimerais qu'elle finisse par ranimer la morte, en même temps ça serait un peu flippant, tout le monde affiche un petit air de sépulcre et y va de sa larme, une résurrection miraculeuse ferait foirer la cérémonie...
Tu reconnais que le risque est minime.

Dans ton beau pyjama froissé de fantôme sorti trop tard du placard, tu ne te sens pas très légitime, mais pas vraiment déplacé non plus, tu reconnais certains visages, même artificiellement vieillis par le logiciel du Temps manipulé par Chat_GPT3 ou une autre entité démente à l'humour un peu noir, d'autres sont méconnaissables, et toi tu es juste surnuméraire. 
Les jeunes sexagénaires arborent les stigmates des expériences qu'ils se sont infligées pendant des décennies, tentant de se soigner par l'auto-médication et par des produits aux effets secondaires parfois pires que la mélancolie qu'ils prétendaient combattre. Pas la peine de t'être préparé d'arrache-pied une mine d'enterrement, comme on dit au Cambodge : pour renouer avec tes fantômes, pas de doute, tu es en terrain connu.
Le beau temps se maintient tout l'après-midi. C'est important, car si des funérailles pluvieuses ou venteuses semblent convenir au chagrin funéraire, le soleil persistant nous suggère que la vie peut, et doit, continuer; que parfois la vie doit s'arrêter avant de pouvoir repartir. Tu sembles mûr pour inventer de nouveaux proverbes frappés au coin du bon sens, qui fleuriront le calendrier des marées dans l'almanach du marin breton.

l'église de Saint-Juéry-le Haut
n'est pas très engageante.
Elle est pourtant chaleureuse,
une fois qu'on a poussé la porte.
C'est toujours pareil, 
c'est le premier pas qui coûte.
Tu te dis que quand même, tu progresses : le mois dernier, tu étais en fauteuil roulant dans l'église glaciale de Saint-Juéry (81) pour la messe de funérailles de ta belle-mère, et tu n'en es même pas ressorti avec des pneus neufs. Le seul miracle fut le burn-out poignant du curé, qui prit les vivants à partie par dessus le cercueil de mamie d'Albi, témoignant qu'il était désormais le dernier curé du Tarn, le dernier de son espèce, en chaire et en os, plus que déçu par le refus implicite des participants de partager avec lui le miracle de la transsubstantiation. Seules deux ou trois grenouilles de bénitier s'avancent dans l'allée pour communier par le pain et le vin, alors que cinq minutes plus tôt, tout le monde a chanté les psaumes de bon coeur. 
Enfin, ceux qui s'en rappelaient encore les paroles. 
Il propose alors un amendement à la règle ancestrale jamais dépoussiérée par Vatican II, celle qui stipulait qu'on ne pouvait communier sans s'être confessé avant. Pas d'effet notable. Tu ne te sens pas concerné, tu n'es pas baptisé, t'aimes bien le Christ, tu souhaites ardemment son avènement 2.0, mais tu n'appartiens pas à cette confession. 

l'église de Saint-Juéry-le Bas,
par contre, est passée du côté obscur :
on y célèbre un culte hideux
à des entités cosmiques oubliées.
Ça te donne juste envie de revoir Fleabag, la série anglaise dépressive et si émouvante, avec sa folle perdue et son curé en chaleur, et sa galerie de monstres existentiels, qu'elle apprivoise avec une empathie peu commune dans la fiction contemporaine. 
C'est quand même autre chose que mon curé chez les Thaïlandaises Albigeoises, qui se dit maintenant prêt à endosser les erreurs récentes de l'Eglise, si les paroissiens voulaient bien retrouver le chemin de la messe. Nul ne peut qualifier le silence attentif qui s'ensuit, mais personne ne se précipite non plus pour s'étouffer sur le champ avec des hosties consacrées.
Heureusement que Jankélévitch n'était pas là, sinon il aurait sorti sa blague sur le pardon qui est mort dans les camps de la mort, et ça aurait un peu cassé l'ambiance.

la blague sur le pardon de Jankélévitch
(nombre minimum de joueurs : 2)


Ensuite, le curé revient aux figures imposées par la liturgie : « le Seigneur nous l’a donnée, le Seigneur nous l’a reprise. » ...aah ça, pour se mettre une grosse tôle à base d’un bouquet fané d’émotions tristouilles et branchées regrets, pertes et deuils, on est là. Faut pas nous en promettre. Ton fils, qui est venu spontanément aux funérailles de sa grand-mère, malgré la distance et une logistique compliquée par des grèves récurrentes à la SNCF, t'avait jadis déclaré, fier de sa trouvaille : "je sais ce que t'es, papa, t'es un regretteur." Il t'avait bien capté, ce jour-là. Aujourd'hui, tu ne regrettes rien. Pourvu que ça dure. Et on sort en rangs, pour aller au funérarium, et l'église redevient une coquille vide et froide. 

nous réconcilier ? on n'était pas fâchés.
C'est inutile de se fâcher avec la mort, 
elle a toujours le dernier mot.
En principe.
Presque un mois plus tard, dans les jours qui précédent l'inhumation annoncée de ton ancienne compagne, avec qui tu partageas une vie littéralement antérieure tellement ça te semble ailleurs et concerner d'autres personnes, une fois é-mu au point que s'impose à toi l'inquiétante évidence d'aller rendre un dernier hommage à la disparue, tu as trouvé au dernier moment un CDD disponible pour te remplacer au bureau le jour où tu devais reprendre pied vers le plein emploi, après deux mois et demi de convalescence dans ton canapé, à parler à tes télécommandes, à ton ordinateur plein d'amis imaginaires et bourré ras la gueule d'images de choses qui ne sont pas ces choses, quand l'inspiration te contraignait à descendre l'escalier qui mène à ton bureau sur les fesses, parce que tu as testé les béquilles dans les escaliers, et c'était pas concluant. Sauf à vouloir en finir, en faisant peur au chat et un barouf du diable, mais pas au point de réveiller les morts, qui le sont pour la vie. 
Maintenant, tu parviens à n'écrire que quand tu t'y trouves contraint, pour abréagir la douleur, et c'est tant mieux. Même si au passage tu ne peux sans doute t'empêcher d'en remettre une petite dose. Le chagrin, c'est ta came, quand même, tu l'admets, à force de remuer ton doigt dans ton oeil à propos de cette femme qui fut tienne, même si c'était dans une autre galaxie, fort lointaine, tu te rends compte à quel point la tristesse, c'est ton carburant de base, et même si c'est la seule promesse que la vie tient toujourscomme c'est toi le dealer, la peur du manque te pousse à la surproduction. Et quand un dealer ne produit sa came que pour pouvoir la consommer, c'est pas bon pour le commerce...
Seul un producteur de porno t'avait jadis placé un argument aussi faible sur le plan logique, prétendant tourner ses films pour maitriser sa conso, et éviter ainsi de devenir accro... 
C'était n'importe quoi, et ça l'est resté. Pauvre John B.Root, et pauvre de toi. Mais pas de pitié pour les camés : au fond, tu sais bien que dans ton effort malsain pour tutoyer la mort, instaurer avec elle une certaine familiarité, tenter de l'amadouer par une morbidité joyeuse, et t'en faire une copine, tu ne vises qu'à dévaloriser les craintes que tu en éprouves, depuis qu'on t'a alerté, bébé, sur ta finitude. C'est de cette angoisse que te vient tout le mal.
Alors tu vas prêchant que la mort n’est qu'un passage, et non un état. Blah-blah blah.
Tu serines à ta cousine Séverine qu'à ta conne essence, la vie n’a pas de contraire, et qu'il s'agit de bien voir comment ça marche, et qui coulisse dans quoi. Que pour l'instant, aucun mort n'est venu infirmer ta théorie. Tu replaces dès que tu peux le fragment de Saint Francis qui t'est comme un mantra secret, et qui selon toi révèle la nature égotiste de ta crainte devant la chose, crainte qui n'est pas non plus la chose mais qui la recouvre d'un voile d'inconnaissance, comme le ferait une bâche goudronnée sur le piano du salon. Ça serait dommage : par beau temps, on peut y jouer du Chopin, amer remède à la mélancolie. 
le fragment de Saint Francis : « être conscient, c'est être conscient de ce qui est maintenant, et pas être à l'affut de ce qui était hier ou sera demain ou dans cinq minutes ou quand on va mourir (snif, je me manque déjà). »

une blague un peu éculée sur le sujet

Et justement, pendant ce temps, dans le réel, à la maison, à force d'évoquer ton amour de jeunesse à table, devant ta légitime dont tu partages la vie depuis bientôt 35 annuités non remboursables, celle-ci a fini par déclencher une grève surprise du ramassage des poubelles émotionnelles, tu l'as bien cherché, et tu as été prié d'aller bricoler ton unfinished business ailleurs.  Du travail pas fini, tu ne sais pas vraiment s'il y en a, peut-être que tu te prends juste les pieds du cœur pas lavés dans ton passé troubleu. 

ma belle-mère m'a toujours caché
que quand elle était jeune, sa soeur
n'était pas mal non plus.
Il a fallu que je trouve sa photo
au fond d'un placard
pour m'en apercevoir.
Elle craignait peut-être que je remonte
dans le passé pour épouser Elvire.
Comment lui en vouloir ?
Anyway tu peux bien mimer l'affliction, puisqu'elle est en partie réelle, ce que tu ne peux pas faire c'est recoudre l’irrémédiable, et c'est pas non plus la peine d'envenimer une situation familiale déjà tendue par tes prises de risques en cours, ta tentative de reconnexion à ton émotionnel, l'arrêt du lithium suivi d'un test grandeur nature de microdosage de psychédéliques, et qui t'a mené à ce qui commence à ressembler à une bonne grosse murge émotionnelle, bien que tu ne sois pas vu franchir la ligne rouge que tu t'étais fixée comme garde-fou, mais avec tous ces dépôts d'ordures sauvages en train de cramer doucement aux quatre coins de la baraque, alourdissant l'atmosphère déjà accablée du deuil précédent, cette belle-maman qui était en fin de vie depuis si longtemps qu'on ne croyait plus vraiment à son départ imminent, va savoir si tu y vois encore quelque chose à travers la fumée noire. 
Tu as donc pris ton unfinished business et ta béquille sous le bras, et ta voiture de l'autre main, et tu as roulé 300 km vers le nord, jusqu’à ce petit village d'Armorique peuplé d’irréductibles Gaulois qui résistent encore à l'envahisseur romain et aux fraternités de rétablissement en 12 étapes. Ce village dont tu es aussi issu, tu t'en souviens maintenant que tu arrives sur le port, ça te fait des zigouigouis partout, comme un retour chez soi, alors que tu l'as quitté en 1979. 
Au début du voyage, voulant t’extirper des embouteillages qui paralysaient le périphérique nantais, et qui te faisaient rouler au pas vers l'Armor, tu as pris un projectile inconnu dans ton aile avant gauche, tu as perçu un bruit avant coureur tugudunn tugudunn Schpofffhh !! un missile anonyme tiré d'un angle mort t’a atteint, sans doute un caillou tombé d’un camion. T'arrêtant sur la première aire pour constater les dégâts, ton aile est toute pétée, n’empêche même que, l’aile avant gauche, sans déconner, ça t’a fait sourire, la symbolique du corps, les organes moteurs n’étaient pas touchés, simplement tu partais le coeur à nu…

T'en auras bien pour 700 € de carrosserie, mais quand on aime on ne compte pas...

Tu repenses à ce que tu as manqué avec l'amie défunte, comme avec d'autres, et qui est suggéré dans cet aparté de Flo, qui te revient hanter à marée haute quand la manie de faire des phrases s'empare des marins restés trop longtemps à quai regarder les enseignes des troquets se décrocher du mur par vent fort...
"C’est très simple d'ouvrir le cœur, pas besoin du kamasutra. Il suffit de regarder l’autre comme une fin en soi, et non comme un moyen (pour reprendre l’expression de Kant). De le voir comme un individu, comme une totalité, au lieu de le voir comme le moyen d’obtenir quelque chose pour soi (de la reconnaissance, des sous, du plaisir…). C’est d’ailleurs pour cette raison que les nanas sont frustrées. Elle sont là comme des huîtres et c’est les mecs qui doivent les ouvrir. Dès ce moment, le mec est considéré comme un moyen (le couteau qui va ouvrir l’huître), donc ça ne risque pas de marcher. D’où la frustration. On a juste pété le bord de la coquille, mais l’huître est toujours fermée. Si l’huître pouvait voir qu’elle a en face d’elle un individu, un vrai, ça irait beaucoup mieux. Et vice-versa. Si les mecs arrêtaient de voir les nanas comme des poubelles où déverser leur frustration, ça irait mieux aussi.


rédigé, raclé & repeint en mars / avril 2023
en écoutant à donf tomber la neige 
sur les lunettes de Jan Bang et Eivind Aarset, 
jusqu'à en pleurer des phalanges,
transi dans mon K-Way.
Grâces leur soient rendues.

(à suivre...)

vendredi 31 mars 2023

Mexico : son chanteur, ses produits du terroir (3)

A l'issue de sa cure de microdosage, et malgré des conditions météo soudain méchamment dégradées sur la façade affective, mon pote âgé, qui avait gagné ses galons de Sage du Sud-Est  en éclairant ma lanterne lors de périodes où le discernement était moins présent dans ma life, semble en retirer assez de bénéfices, a minima une absence de perturbations, pour me décider à suivre son exemple, dès que les conditions seront réunies; souvenons-nous qu'il me faut quoi qu'il en coûte :
- lâcher les béquilles du lithium, sur lesquelles je trottine depuis 2015, pour éviter les interactions sérotoninergiques, réputées désastreuses.
- compter au minimum dix jours pour purger l'organisme, d'après les rares topiques dénichés sur le sujet.
- avant de démarrer la cure, d'une durée suggérée ici et là de dix semaines, 
- en espérant que l'effet escompté soit bien au rendez-vous, 
- sans me faire arracher au passage tous les poils du slip doublé sur sa face interne de laine bi-polaire, 
- sinon finie la garantie, retour au test grandeur nature d'utilisation des toilettes en gravité zéro avec dégâts collatéraux possiblement orageux en fin de soirée.

Je me renseigne un peu sur un forum de psychonautes, mais c'est quand même le saut dans l'inconnu, une prise de risque que je crois calculée mais qui peut vite tourner vinaigre. Et comment savoir que je ne suis pas la proie de fantasmes égotistes, en visant à la customisation de ce "Moi, en mieux" vanté par les gars du marketing, dans une société qui prône l'efficience ? Rien n'est plus trouble que les motivations humaines.

les truffes magiques :
cet obscur objet du marketing
PACK DE MICRODOSAGE DE PSYCHÉDÉLIQUE : UNE MEILLEURE VERSION DE VOUS-MÊME
Imaginez avoir plus d’énergie, être plus productif, concentré, inspiré et prêt à vous attaquer au reste du monde. (..) Ressentez vos pensées se lier agréablement à vos émotions, et découvrez comment vos capacités de perception et de résolution de problèmes s’intensifient. La psilocybine permet à certaines parties du cerveau qui n’ont pas l’habitude de communiquer entre elles de pouvoir de nouveau « interagir » ensemble et se connecter l’une à l’autre. Lorsque les possibilités dépendent des limites de votre imagination, alors tout est possible.

Alors je refais le tour de l’argumentaire commercial, je scrute les packages Zamnesia, je trouve pour les microdoses une planque éventuelle dans le frigo qui jouxte mon bureau, et qui est bourré de champagne oublié là depuis des années, et tombé en déréliction, dans le charnier des époques charnières, quelque part entre le Covid et la guerre en Ukraine, quand le sens de la fête semble s'être émoussé chez les Français. Même ceux qui fréquentent les groupes de 12 étapes. Parce que si mes proches apprennent ce que je suis en train de tenter, ils vont direct aux Prud'hommes, et vu mes précédents écarts comportementaux à base d'antidépresseurs sur ordonnance, je ne peux pas leur donner tort. 
Etant donné que je ne peux pas poser le pied droit par terre avant 45 jours, mes déplacements de voleur dans la maison vide sont assez laborieux, à base de reptation torsadée pour monter ou descendre l'escalier qui mène à mon bureau, et que j’ai dû remonter 3 fois sur le ventre pour finaliser ma commande de truffes magiques :

- caisses tu fous ?
tu viens pas au lit ? 
-nan, j'commande des vitamines sur internet !
- au moment de payer, j’avais laissé mon smartphone « dictature numérique et paiements de drogues illégales » là-haut
- ah oui, mais arrivé en bas j’m’ai aperçu que j’ai aussi oublié ma CB
- ah oui, mais de retour à l'étage, elle n’est pas dans mon cartable, redescendons elle doit être dans mon blouson
- ah tiens non, je m’en rappelle maintenant que je suis redescendu, elle est restée sur l’accoudoir du canapé.
Merci Zamnesia,  j’avais oublié les bienfaits du sport.
En plus, j’ai fait le ménage de l’escalier avec mon fond de pantalon, ça brille fort.
Ce site qui vend par correspondance toutes les substances imaginables, ainsi qu'un certain nombre de guedros totalement inconnues, est décidément remarquable, et aurait stupéfait le petit con que je z’étions du temps où seuls les livres de Castaneda m'expansaient la conscience - je sens déjà les effets dissociatifs de ma méditation de pleine concierge, qui n'est pas toujours dans l'escalier, bien sûr pas aussi fort que la pauvre fille qui veut que ça s’arrête, mais quand même :
Et pourquoi son calvaire conscientiel n’est-il repris que par des sites de merde ? (qu’on appelle putacliks, en jargon geek) ...après ça, si Madame Figaro se vexe d’avoir été traitée de grosse pute, elle ne pourra s’en prendre qu’à elle même. Elle n’a qu’à relayer les méditations existentielles échevelées de Georges Warsen, plutôt que les relents méphitiques déjà colportés par tout le réseau social d’égouts souterrains à ciel ouvert. Olympe, elle, va aller se faire suicider en Belgique, drapée dans une dignité que Madame Figaro n’atteindra jamais. Ils sont forts, ces Belges.
Et les Suisses aussi, d’ailleurs :
- pas de suisse-ide assisté chez eux, sauf pour Jean-Luc Godard, dont l’inanité du cinéma les avait émus, mais ça : une clinique qui propose un traitement par les psychédéliques, dans le cadre du Service d’Addictologie du Département de Psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève :
https://www.hug.ch/addictologie/psychotherapie-assistee-par-psychedeliques

Extrait de la brochure d'accueil, imprimée sur papier buvard.
Mais puisqu'on vous dit que c'est sans danger, bon diou !
Arrive fin décembre, et je crois malin de transgresser l'interdiction d'arrosage du peyotl par la Préfecture, restriction qui s'applique tout l'hiver, je droppe juste quelques gouttes pour voir ce que ça fait, ben je vois assez vite, en quelques jours la base du pied se couvre de moisissure orangée, et le bouton sacré s'avachit rapidement comme une prothèse mammaire défectueuse; chouchouté depuis six mois, mon peyotl meurt finalement par noyade et par excès d'amour, ou plutôt d'attachement, car l'amour sait dire "non" alors que l'attachement est prêt à tout pour prolonger la dépendance; après un deuil d'au moins deux jours, je saisis alors l’opportunité de la réclusion qui me plaçe momentanément hors du monde, pour oser l’aventure microdosée, en achetant directement les produits sous vide auprès de mon concessionnaire le plus proche. 

mon chat GPT 1_1/2
aurait préféré que je continue 
à macrodoser les séries télé.
Ce qui me plairait d'essayer, plus tard, si je me fais à ce produit, c'est d'acheter des trucs un peu plus costauds, de m'en couper de toutes petites portions et de les mâcher très longtemps en prenant un air entendu, et inspiré, mais toujours à l'abri des regards, bien sûr, puisque la seule constante de ma névrose c'est la dissimulation, qu'il s'agisse d'alcoolisme, de cancer, d'auto-addiction, de rédemption de l'objet fascinatoire, ou d'un mépris secret pour les mangas japonais, vu que moi qui vous cause, j'ai vécu l'âge d'or de l'école franco-belge.
Allez, ferme ta bouche, et passe la vitesse, il faut bien accueillir le futur, de façon à ce qu’il puisse se transformer en passé. Je me dis que je vais passer 2 mois chez moi dans le canapé, je suis en sécurité, y peut rien m’arriver, et si il m'arrive quand même quelque chose, si je franchis la ligne rouge comportementale que je me suis fixée, je peux toujours revenir au lithium, dont j'ai des réserves. 
Hors d'état d'aller me dénoncer chez le psy pour cette prise de risque que je veux croire calculée, ne pouvant ni marcher ni conduire, je démarre l’ingestion rituelle d’un gramme de truffes magiques (?) tous les 3 jours, comme indiqué dans les différents tutos de self-help psychonautiques.
On va rapidement savoir si c’est interdit aux bipolaires.
A la première prise, je sens nettement quelque chose, et je passe l'après-midi à bricoler des selfies auto-dépréciatifs sous Photoshop. J'ai très beau temps.

la bipolarité pour les nuls, vol. 1.
(en vente à l'accueil)
"Si vous ou vos proches (parents, oncles, tantes, grands-parents, fratrie, enfants) souffrent d’une maladie bipolaire ou ont eu un épisode psychotique, la Psychothérapie Assistée par Psychédéliques n’est pas recommandée, car les psychédéliques peuvent dans de rares cas induire des états psychotiques ou maniaques."
J'ose espérer que le mot-clé c’est dans de rares cas.
Et encore, au bout de 20 jours de séries télé dans le canapé, un état hypomaniaque en deviendrait presque désirable, si toutefois je reste décidé à lâcher prise sur le passé qui ne passe pas (je dois trop vouloir maitriser le lâcher prise ✊) (mon Dieu qui n'Existez Pas, protégez-moi de venir faire le malin sur mon blog pour compenser mes déficiences, de toutes façons pour ça il me faudrait descendre un étage sur les fesses pour rejoindre mon bureau)
La suite me prouvera le caractère trompeur du concept de sécurité, incapable de tenir la marée plus de trente minutes au sein de la Réalité Réelle Ratée, celle qui fait mal quand on éteint l'ordinateur, mais qui se manifeste aussi des fois quand il reste allumé.

pour une crisette bipolette hypomaniaque de taille moyenne, comptez quatre semaines de micro-dosage.
N'oubliez pas d'inclure dans l'aventure intérieure une fille, existante ou ayant existé.
Si vous êtes membre d'une minorité LGBTQAI+, débrouillez-vous, je ne veux rien savoir.
Et mettez un disque de Steve Roach à bas volume, de préférence avec le mot "Vortex" dans le titre.
C'est un gage de qualité.  Celui-ci passe très bien. 

L'arrêt du lithium, la cure de microdosage démarrée dix jours plus tard, sont suivis de deux deuils successifs en l'espace d'un mois, et provoqueront la réapparition progressive des symptômes habituels d'une crise hypo-maniaque de taille moyenne : diminution du sommeil, qui descend à moins de quatre heures par nuit pendant une vingtaine de jours, grand retour des tendances graphomanes, d'abord à basse intensité; je rouvre ce blog début février, après 9 mois d'un silence reposant,  au cours duquel je n'écrivais plus que lorsque j'y étais contraint par une idéation fluctuante, car j'appliquais l'adage de Kevin Spicy dans un épisode non diffusable de House of Crades : « Il vaut mieux que ça sorte par le chakra du haut que par celui du bas »; puis je relance un certain nombre de correspondants privés et les entraine là où ils n'avaient sans doute nulle intention d'aller, et moi non plus, mais je suis clairement en train de me laisser déborder par le flow.

Un mauvais trip est toujours possible. Si la vierge de Pontmain m'apparait, j'arrête tout.
La nouveauté, c'est que d'habitude ce dérèglement de mon thermostat intime intervient quand j'entre en interaction / résonance avec une personne de l'autre sexe, ce qui induit un bouillonnement émotionnel et créatif exacerbé avec poutres apparentes, étant entendu que la personne visée est vivante, alors que cette fois-ci, ça se joue autour d'une femme qui vient de disparaitre, et dont j'avais totalement perdu la trace depuis des décennies, mais la nouvelle de son décès fait tilt, au vu des conditions d'expérience en cours.

bipolaires ayant suspendu leur traitement :
vers un nouveau départ ?
En quelques jours, une anamnèse assez gratinée me tombe sur la cafetière, dans le sens étymologique que Philip K. Dick confère à ce mot : oubli de l'amnésie.
Je revois alors l'ensemble de ma relation passée avec la personne, causes premières et secondaires incluses, les raisons pour lesquelles ça ne pouvait pas bien se mettre, bien qu'il n'y ait pas de jugement qui s'élève, juste un déroulé des conséquences et incidences karmiques à long terme... 
toute l'histoire me revient, avec un luxe de détails qui n'appelle aucun commentaire, dans l'éclosion silencieuse d'une fleur de clartitude, et il me semble être confronté à ce que j'ai vu décrit dans "Voyage aux confins de l'esprit" comme la qualité noétique de l'expérience psychédélique : 

mon peyotl est mort, mais il me reste
un San José et une torche péruvienne,
cactées d'entretien plus facile.
L'espoir renait, 
même si ça pousse pas vite.
Mais, outre le sentiment d’ineffabilité qu’elle engendre, la conviction qu’une vérité objective et profonde nous a été révélée est un incontournable de l’expérience mystique, qu’elle ait pour origine la drogue, la méditation, le jeûne, la flagellation ou la privation sensorielle. William James a appelé cette conviction la «qualité noétique». Ceux qui l’éprouvent ont le sentiment d’avoir eu accès à un secret profond de l’univers et n’en démordent pas. «Les rêves ne supportent pas cette épreuve; au réveil nous voyons que ce sont des rêves», a souligné William James. C’est probablement pour cette raison que, à la suite d’une expérience de ce type, certains fondent ensuite une religion, changent le cours de l’histoire ou, plus simplement, celui de leur propre vie. Probablement.

Ma fréquence vibratoire s'est élevée de façon conséquente, je suis "up", comme on dit chez nous, les hippopos & enfants d'éléphants s'ébrouant dans le fleuve Limpopo tout bordé d'arbres à fièvre... certes, j'ai réenfilé à toute vitesse mon habit de lumière de Luis Mariano dans "le chanteur de Mexico", sur ce blog et dans ma correspondance privée, j'ai commencé à me chauffer en écrivant sur Chat_GPT3, et je passe progressivement à la vitesse supérieure, ça reste du dérapage contrôlé mais je sais qu'à ce stade, écrire active des circuits de rétroaction cérébrale aux effets addictifs, faudrait pas monter trop haut, parce qu'après, faudra négocier la redescente, pas sûr qu'elle soit climatisée, ni qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices, comme le chante le poète.

mon prochain trip : la réglisse sacramentelle
"Venimeux serpent / qui r'monte le long de tes cuisses
si j'étais partisan / je suis revenu réglisse"
©Dédé et Mireille, "le camp du Schmock"
Je ne me sens pas ivre de ma puissance comme si j'avais avalé du Seroplex® ou tout autre inhibiteur de recapture de la sérotonine déconseillé pour bipolaires par les plus grandes marques de psychiatres, mes comportements restent raisonnables, je freine, je module, je compose, mais je sens bien que ça monte. En paroles plus qu'en actes, à l'écrit plus qu'à l'oral, mais force est de constater que depuis le début de la séquence, des difficultés surgissent, sont surmontées ou contournées avec une certaine aisance, surtout quand je ne pouvais pas me frayer de passage, à la machette ou à la petite cuillère, des concours de circonstances sont gagnés, de lumineuses coïncidences éclosent (éviter de voir des Signes partout quand il est évident qu’ils sont là pour qu'on les remarque, sans ostentation et surtout éviter de convoquer M. Night Shmalayan, ni s'évanouir de joie devant la synchronicité qui se met doucement en branle, ce qui serait le meilleur moyen de la faire se barrer en courant...) Le risque étant de sombrer dans ce que Castaneda appelle l’auto-contemplation, en tout cas selon ce qu'en disait de Flopinette de la Croisette, in « L'espoir n’est pas un steak » circa 2006 : « On est vide, et on ne peut pas se remplir avec de l’auto-satisfaction. Surtout pas, en fait. Car l’auto-contemplation est précisément ce qui empêche Dieu (l’état naturel) d’être présent. On essaie de se remplir de la pensée de soi, ce qui est impossible puisque la pensée est vide, comme le soi, mais le problème c’est qu’en attendant la place est prise, même si c’est par un fantôme. » 

J'aurais bien aimé voir ça au cimetière,
mais non, y'a pas eu moyen.
L'insomnie me déglingue un peu, les émotions m'inondent lors des enterrements, mais y'a pas mort d'homme, tout cela reste dans les limites des manifestations acceptables (par qui ?) eu égard aux circonstances, et à aucun moment je n'ai lâché la main de la personne qui m'avait accompagné (j'ai été assez honnête et impliqué pour lui décrire la genèse de mon étrange état sans armure et sans filtre), je ne me suis pas retrouvé à enculer le chat en passant l'aspirateur à trois heures du matin en écoutant Wagner, je n'ai eu aucun des comportements limites que je m'étais fixés comme interrupteurs d'expérience. Et comme le disait la plaquette publicitaire, si la liberté consiste à faire tout ce que permet la longueur de la chaine, j'ai eu l'impression d'y ajouter quelques maillons, de jouir d'un peu plus de libre arbitre que d'habitude dans mes réactions et réflexions.
Et ça, c'est vraiment nouveau, et pas totalement imputable à un éventuel effet placebo, surtout perceptible au moment de la première microdose, mi-janvier.

Certes, j'ai joué sur trop de variables, sur une trop courte période de temps, pour pouvoir attribuer mon élation à tel ou tel facteur, mais la preuve est faite : je suis hypersensible aux psychédéliques ! il faudra en tenir compte lors des prochains protocoles, si je décide de pousser plus avant.
Il est aussi possible qu'en définitive, toute l'expérience m'aie mené où elle voulait par le bout du nez, me faisant miroiter des enjeux de pardon, et de réconciliation, avec des vivants et des ex-vivants, tandis que je me baladais en réalité le long des couloirs carrelés qui alimentent souterrainement en eau et en chaleur une méga-bassine intérieure de larmes rancies d'auto-apitoirement chagriné. Ce que l'on appelle dans notre jargon AA une cuite sèche, ou cuite émotionnelle.
Mais même si c'était le cas, je ne ressens pas pour l'instant le besoin de m'en lamenter compulsivement en me disant que j'ai été roulé par des forces qui me dépassent et/ou des entités invisibles à mes yeux et qui n'éprouveraint aucun besoin de justifier leurs actes, pourtant lourds de répercussions sur nos existences, 
Je pense que ça décantera dans le temps.
la mélatonine, la mélatonine
la bonne tisane pour le foie
Pour l'instant, il est vital de calmer le jeu, et de retrouver un sommeil normal, je vois très bien mon futur immédiat à travers le contenu de ma caisse à outils redéballée dans l'urgence de me prodiguer les 
premiers soins :

- retour à l’emploi et à des interactions sociales réelles (et décroissance des échanges virtuels, ramenés à des doses homéopathiques). Je suis devenu extrêmement volubile, j'ai l'impression d'être dans l'expression de ma vérité intime, or ce n'est pas le lieu rêvé pour faire son coming out psychédélique, vu que je cherche encore à augmenter mon temps de travail, dans l'attente d'un emploi à plein temps. J'espère que mon ange gardien a du poil aux pattes, et qu'il intime le silence quand j'ai des pertes au raccord du joint d'étanchéité.

- réduction des émissions de phrases à effet de serre (du fait d’une prédilection/pente naturelle envers celles à forte teneur carbonée)

- moratoire raisonné sur le cyber et retour à la méditation comme au second semestre 2022, maintenant que le pied est d’accord pour se replier sous les fesses.

---------------
/// End of transmission // retour à la mornale /////
---------------

ou alors, la prochaine fois,
essayer un truc aux extraits de burne ?
Faut voir. Je reste open, 
parce que ça m'a bien débouché les chakras.


des liens pour creuser: 



mercredi 29 mars 2023

Mexico : son chanteur, ses produits du terroir (2)

le peyotl en pot :
cet obscur objet du désir
qui ne grandit que
de quelques millimètres par an.
Vous en connaissez beaucoup, 
vous, des désirs qui croissent
aussi lentement ?
Au printemps 2022, je passe plusieurs semaines à reluquer du coin de l'oeil les différents modèles de cactus et de champignons disponibles sur le marché, et à tourner autour du pot sur des sites spécialisés, aussi confus que si j'étais en rechute sur un site porno. 
Les rédactionnels sont imparables, et très bien traduits : " Il est impossible d'être accro à la mescaline. L'évolution a développé une caractéristique d'anti-addiction à cette drogue."
Voici un slogan qui tient bien compte des désirs contradictoires d’un toxicomane abstinent jusqu’à aujourd’hui (mais il n’est que 10h40) : c’est ce qu’on appelle un argument publicitaire bien pensé.
Mais quand même, je suis troublé, et je n’achète rien, il faut d’abord que je me mette au net avec ce désir de cactus sans épines. D'autant plus qu'une amie des Narcotiques Anonymes qui a goûté un bon nombre de produits exotiques dans sa  jeunesse, mais qui a aussi fait pas mal de méditation depuis, en tout cas par rapport à moi, moi qui moi-même me trahis en parle depuis quarante ans mais ne suis pas foutu de passer 15 minutes par jour sur un petit banc zen, émet un avis défavorable sur les velléités psychédéliques qui me reprennent à un âge avancé, et me suggère d'aller plutôt faire une retraite vipassana d'une dizaine de jours, que ça me remettra le disque dur à neuf bien plus efficacement qu'une omelette aux champignons rigolos. Comme c'est quelqu'un à qui j'ai transmis le message des groupes en 12 étapes il y a quelques années, ça me vexe un peu de me faire ainsi rabrouer.
Je veux bien croire que les cactus et les champis n'induisent aucune dépendance, ce que j'en ai lu chez les auteurs "sérieux" (Huxley, Michaux, Rustica, Pollan) accrédite cette idée, même si toute l'oeuvre chantée de Castaneda est un canular gigantesque dont seule la portée philosophique surnage par moments dans le potage New Age,

https://www.donjuanito.fr/2019/02/la-vie-secrete-de-carlos-castaneda.html

https://www.donjuanito.fr/2009/11/lethnologie-fiction-de-castaneda.html


Je me souviens très bien vers quels caniveaux ma soif du Divin Perçu à Travers les Modifications de la Conscience Apportées par les Substances m’a fait dériver. J'ai une structure de personnalité addictive, et si je veux tâter de l'ordalie fongique (ni un légume, ni un fruit, le champignon n'est pas une plante non plus, car il ne fait pas de photosynthèse) ou me piquer de cactus, il va me falloir une ascèse, et ne pas m'asseoir dessus. Parce que je sais bien que l'ascèse, comme le bécarre, "c'est une chaise / Qui a un air penché et pas de pieds derrière; /Alors, très peu pour moi, / Autant m'asseoir par terre" me rappelle mon bon maitre Boby Lapointe, qui touchait sa bille question addiction et sevrage.
Sinon, c'est la Highway garantie pour le mauvais trip, ça c'est sûr madame chaussure ! Ma fascination pour les plantes enthéogènes ne date pas d'hier. Comme elle a très peu été déniaisée par une pratique, peut-être que je me prépare simplement une grosse déception, à l'instar de Roland Jaccard quand il disait : " J’ai beaucoup aimé les Japonaises, jusqu’à ce que j’en rencontre une."


avec ou sans substances, un peu de déconstruction ne nuit pas,
de temps en temps. Le poison est dans la dose.

Dès lors, à quoi bon s'épuiser à rechercher des produits dangereux pour le psychisme et/ou l'organisme qui l'abrite, et aux effets bien hasardeux, alors qu’on peut se torcher à pas cher à la Valstar, la bière des stars ?
- en dehors des périodes où il est amoureux, et donc mû par des forces qui excèdent son égo, le toxicomane, comme l’individu lambda, est gouverné par la loi du moindre effort, et animé par le besoin d'obtenir un gain énergétique maximum pour une action minimale. Même en adhérant aux thèses de Sébastien Bohler, pour qui le premier coupable à incriminer n’est pas l'insatiabilité humaine mais un petit organe appelé striatum qui régit depuis l’apparition de l’espèce nos comportements, et qui réclame toujours plus de récompenses pour son action, c'est une bien maigre consolation.
Alors, que faire de nos envies de se droguer quand elles reviennent nous hanter ?
Y a-t'il moyen de négocier une petite excursion de temps en temps vers les sphères supérieures de l'esprit, s'approcher au bord du trou pour aller voir ce qu'il y a à voir, et puis en revenir plein d'usage et raison / vivre entre ses parents le reste de son âge, sans craindre des effets pervers ou le retour à des stratégies perdant / perdant ?


Chez moi, si je creuse un peu le terrain, il y a d’une part la vieille frustration de ne pouvoir plus tenter grand chose en termes de transgression - à part recommencer à lécher la vitre de mon iMac 27 pouces après avoir téléchargé des photos de muqueuses, mais maintenant je me lasse assez vite - mais surtout, je me rappelle que j’ai commencé à goûter l'épicerie exotique pour étudier les modifications de la conscience, me semblant éprouver pour celle-ci une curiosité légitime, même si je me suis perdu en route.
...les masques sociaux qui se délitent, et les conditionnements qui révèlent leur vraie nature trompeuse après le premier tarpé, c’est quand même magique, se dit-il quarante ans après avoir foutu ses études en l’air grâce au chichon.
Mais comme dans toutes les aventures trop frénétiques avec les produits, la magie lève vite le camp, et ça ne dure pas; néanmoins, le désir d'accéder à une conscience élargie perdure, mais c'est aussi parce qu’elle est la façade respectable, du moins présentable, de l’envie de se défoncer. Quels produits, pour ouvrir quelles portes ? au risque de ne plus pouvoir les refermer, ou de ne jamais revenir ?
Se défoncer, c’est devenir autre que ce qu’on est, ou qu’on se croit qu’on est, ce qui revient au même, surtout quand on est défoncé.
En Inde, il y a des sadhus qui carburent à l’herbe. 
So what the phoque ?

“Your head's like mine, like all our heads; big enough to contain every god and devil there ever was. Big enough to hold the weight of oceans and the turning stars. Whole universes fit in there! But what do we choose to keep in this miraculous cabinet? Little broken things, sad trinkets that we play with over and over. The world turns our key and we play the same little tune again and again and we think that tune's all we are.”

- Grant Morrison, The Invisibles, Volume 1: Say You Want a Revolution

Je ne me souviens pas d'avoir lu ça dans les Invisibles, mais c'est une bédé dont la confusion est un peu trop savamment orchestrée pour qu'on en garde un souvenir précis.
une vérité qui fout autant la gerbe qu'un trip à l'ayahuesca sans suivi médical

Dans la durée, le plus dur, pour les dépendants, qui se sont agrippés à des produits qui n'étaient pas faits pour ça, c’est de voir à travers le « monde de merde » de la normalité et des 35 heures, qu’est-ce qui peut valoir d’avoir renoncé à la défonce, et qui vaille surtout d’être vécu sobre. Et dans l’humilité. Parce que si c'est pour se la péter parce qu'on a la plus grosse abstinence continue du tiéquar, pitié, os court. 
En acceptant que c'est ce foutu désir d'évasion qui a mené tout droit à la prison de l'addiction, étant entendu que le problème n'est pas le produit ou l'objet, mais le comportement. En soi, l'alcool, le sexe, la bouffe, le cannabis (abstraction faite des aspects légaux), le tabac ne sont ni mauvais ni bons. C'est la relation ou l'utilisation que nous développons avec l'objet qui peut devenir une addiction. De ce point de vue, même la bouffe peut alors devenir toxique.
Être addicté ce n'est pas faire quelque chose de particulier mais faire quelque chose de façon particulière, i.e. la quantité et le niveau d'investissement dans l'activité, lorsque cela entraîne des conséquences dommageables pour la personne ou pour ceux qui l'entourent. C'est lorsqu'on devient esclave de l'objet. A ce tarif-là, c'est bien mon désir de cactus qui est l'épine, et peut-être bien que sans elle, c'est-à-dire sans lui, tout irait bien. En Chine, on dit, la nénergie, en principe, c'est bon. Mais comment lâcher prise ? Taraudé, hésitant, bientôt obnubilé par ces sushis, j'en viens à oublier mon mot de passe sur Zamnésia, le site multi-chnouffe en ligne. Elle est pas rigolote, celle-là ? Comme ils disent aux experiencers, Assurez-vous qu’il y ait une personne sobre dans votre entourage qui puisse s’occuper de vous.
En 2012 j'étais shooté au Seroplex®, qui a failli me faire rater le virage maniaque, en 2021 je me suis pris 6 mois de corticoïdes, pour pallier les effets secondaires de mon traitement anti-cancer; effets secondaires du prednisone® : gonflement du visage ; agitation, insomnies ; début d'hypertension. Je me suis laissé faire par la médecine, même si j'avais l'impression d'être rendu plus malade par le traitement que par le crabe. Alors ça va bien, hein, maintenant, c'est à moi de jouer, je reprends la main. Je ne nie pas le côté farce de la pharmacologie post-moderne, mais bon...
dans Voyage aux confins de l’esprit, je tombe en arrêt sur ce passage :

Psychiatre spécialiste de l’addiction à l’hôpital Bellevue, à New York, Stephen Ross a dirigé une série d’études pour la Faculté de médecine de NYU et observé les effets de la psilocybine sur le traitement des angoisses de mort chez les patients atteints de cancer – sujet sur lequel je reviendrai plus loin. Il s’est ensuite intéressé au traitement de l’alcoolisme par les psychédéliques, lequel a sans doute constitué l’un des domaines de recherche clinique les plus prometteurs des années 1950. Il y a quelques années, un collègue de NYU lui a appris que le LSD avait été utilisé pour traiter des milliers d’alcooliques au Canada et aux États-Unis (et que Bill Wilson, le cofondateur des Alcoholics Anonymous [Alcooliques anonymes, AA], avait essayé d’introduire la thérapie par le LSD dans son programme dès les années 1950). 

Ross, qui avait alors la trentaine, a mené quelques recherches et a été «sidéré», en tant que spécialiste de l’alcoolisme, par la somme de connaissances dont il ignorait l’existence et dont personne ne lui avait jamais parlé. Il a découvert que son champ d’expertise possédait une histoire secrète.

«Je me sentais un peu comme un archéologue découvrant des trésors de connaissances oubliées, m’a-t-il dit. Au début des années 1950, les psychédéliques ont été utilisés dans le traitement de toute une série de pathologies», parmi lesquelles l’addiction, la dépression, les troubles obsessionnels-compulsifs, la schizophrénie, l’autisme et la détresse existentielle de fin de vie. «Quarante mille personnes ont pris part à ces essais, et il existe plus d’un millier de rapports cliniques! L’Association américaine de psychiatrie a organisé des séminaires entièrement consacrés au LSD, qui passait alors pour un traitement miracle.» Les psychédéliques ont en effet fait l’objet de six congrès scientifiques internationaux entre 1950 et 1965. «Certains des meilleurs spécialistes en psychiatrie ont très sérieusement étudié ces substances afin de mettre au point des modèles thérapeutiques, le tout financé par l’État.» Et c’est au milieu des années 1960, à la suite du rejet des psychédéliques par l’establishment psychiatrique et la culture dominante, que ces recherches ont été abandonnées, purement et simplement, comme si elles n’avaient jamais existé. 

Si les Doors de la perception avaient été montées de traviole, 
on aurait plus de mal à les ouvrir.
Et on n'arriverait guère à les refermer.

By jove ! si je comprends bien, et si Timothy Leary n'était pas venu foutre sa zone, à un poil près, on bouffait un acide à chaque réunion AA ! trop ballot ! heureusement que je n'appartiens pas à la fraternité Narcotiques Anonymes, que je suis juste aux AA, que je n’ai pas juré de m’abstenir de produits modifiant le comportement. Je n'ai à priori aucune promesse à parjurer. Le problème de prendre du peyotl, c’est d’abord :
- comment savoir si ce que j’achète ça en est,
- comment le faire pousser ?
- avec qui en prendre, et pour quoi en faire ?
puisque ce sont des drogues sacramentelles, à l'usage ritualisé.
Ce qui me stupéfie par avance, et m'émerveille en direct, bien que je n'en sois encore nulle part entre mon désir et ses épines, c'est que grâce au réchauffement climatique et à la mondialisation, je peux potentiellement acheter et faire pousser sur mon balcon des cactées jadis réservées aux indiens Huichols du Nord du Mexique dans leurs pratiques spirituelles incluant la consommation de plantes enthéogènes. 
Est-ce un progrès, ou une déchéance ? Pour eux ? et pour moi ?
Finalement, pour ne pas mettre tous mes yeux dans le même pavé, entre deux ruptures de stock chez Zamnesia, je commande peyotl + torche péruvienne + San Pedro, réputées riches en mescaline, à faire pousser chez soi, sur ce site hollandais hybride irrésistible de capitalisme tardif et de prosélytisme hallucinogène.

menus travaux de jardinage, mai 2022.

Je me dis que les cactus mexicains, ça ne pousse pas comme ça, surtout sous nos climats, j'ai le temps d'affiner mon approche, de tester l'ablation du lithium, d'éteindre l'ordi et de refaire de la méditation pour me préparer en amont, comme Marcel.
Tout cela dans une semi-clandestinité de façade, puisque je m'ouvre quand même de mes projets à long terme au psychiatre qui me suit depuis plus d'une décennie, ainsi qu'à ma femme à qui j'impose mes cactées sur la fenêtre du salon orientée sud.
Ils râlent de concert, mais me laissent faire. 
A quoi bon s'opposer à ce rêve imbécile et tardif, qui s'effondrera sur lui-même, de lui-même, en lui-même, comme un bon vieux trou noir des familles dysfonctionnelles ?
Malgré l'été exceptionnellement chaud de 2022, les monstruosités gavées d'alcaloïdes ne prennent que quelques centimètres au garrot. Par contre, pendant ce temps les chambres des enfants se lézardent grave, du fait que la maison est bâtie sur une couche argileuse, que la sécheresse fait un peu bouger et s'émouvoir, au mépris du confort de ses résidents. Anxiété indicible. Elle aurait été bâtie sur un ancien cimetière indien, ça serait pas pire.

mes plafonds ravagés préfigurent-ils le délabrement prochain de mon psychisme,
si je le livre aux hallucinogènes, même microdosés ? 

Après un moment d'épouvante, je sors de l'apathie, prends conseil, contacte un bureau d'étude gros oeuvre, fais réaliser un diagnostic, me vois préconiser des solutions, commence à les mettre en oeuvre. Agir, c'est assez radical contre les angoisses, en fait. A condition d'avoir un peu réfléchi avant, et si possible dans le bon sens.
En parallèle, j'ai convaincu un ami de longue date de lire le très Saint Livre de Michael Pollan répandant la Bonne Nouvelle du Retour en Grâce des Psychédéliques. Contre toute attente, celui que je nomme parfois le Sage du Sud-Est, sans me moquer, et qui me traite parfois de Pas Sage du Nord Ouest, en se moquant mais gentiment, s'enthousiasme à son tour pour le récit du journaliste, et décide d’expérimenter, tout d'abord le micro-dosage de psilocybine, car nous sommes déjà bien avancés en âge, et on n'a pas que ça à fiche de s'exciter sur des mots qui parlent de choses, mais qui ne sont pas la chose, car nous jouons désormais au mieux le dernier tiers du temps imparti, et pas franchement le meilleur, au dire des Anciens qui nous ont précédés dans la soixantaine et au-delà.

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==> pour ceux que ça intéresse, le microdosage est une pratique qui consiste à prendre des doses extrêmement légères d’un médicament ou d’une substance. Elle est couramment utilisée pour profiter des bienfaits potentiels de substances psychédéliques telles que les champignons/truffes magiques et le LSD tout en minimisant les effets plus intenses et potentiellement indésirables de ces substances.
La quantité exacte d’une substance qui constitue une microdose varie selon votre poids et la substance consommée en particulier. Cependant, pour le microdosage, la règle générale est de prendre à une fréquence régulière (par exemple tous les trois jours) une dose entre 1/10 et 1/20 de la force d’une dose récréative.

Quand mon peyotl aura poussé de 10 cm, vers 2035 d'après leur vitesse de croissance actuelle, je te reparlerai de ce besoin de clean intégral, que je ressens comme préliminaire à un trip à la mescaline ou à la psilo; d’ici là, j'éteins mon ordinateur, sauf pour l'administratif, j'instaure enfin un vrai moratoire sur le cyber, et je passe tout l'automne 2022 à observer mes pensées, une heure par jour sur mon petit banc de méditation. J'ai une vue imprenable sur mes égouts, et fin décembre je me casse le pied sur le port, ce qui met brusquement fin au séminaire.

(à suivre...)