jeudi 16 février 2006

Souffrir dans la Joie



On désigne sous le terme de "littérature AA" l’ensemble des livres, revues et brochures qui circulent dans le mouvement et transmettent à qui veut bien les lire l’esprit du programme de rétablissement qui nous est suggéré. Bien qu’elle n’ait rien de littéraire à proprement parler et semble souvent traduite de l’amerloque par des serbo-croates, qu’elle charrie son lot d’opinions indémontrables, contradictoires et vieillottes, de foi pléonastiquement aveugle et d’optimisme béat, sans oublier sa lourde dette au protestantisme, la littérature AA, du fait même de l’agacement qu’elle suscite chez le nombrillidé rationaliste et sevré ou en sevrage d’alcool, lui permet d’éprouver les limites de son ouverture d’esprit et de sa soif de changement; de plus, elle fournit une mitraille quasi-inépuisable de thèmes de réunion au modérateur déserté par l’inspiration.
"Attentes ou Exigences ?
Les attentes constituent un sujet fréquemment discuté dans les réunions. Il est normal de s’attendre à progresser, à recevoir de bonnes choses de la vie, à être bien traité par les autres. Par contre, ces attentes tournent mal quand elles deviennent des exigences. Il se peut que je ne sois pas à la hauteur de ce que je souhaite être, que les évènements prennent une tournure que je n’aime pas, que les autres me laissent tomber. Dans ces moments-là, que puis-je faire ? Pleurer de rage ou m’apitoyer sur mon sort ? Me venger et envenimer la situation ? Ou m’en remettre à la puissance de Dieu tel que je le conçois et le prier de combler de sa grâce le pétrin dans lequel je me retrouve ? Lui demander de m’indiquer ce que je dois apprendre ? Est-ce que je continue de bien faire ce que j’ai appris à faire, peu importe les circonstances ? Est-ce que je prends le temps de partager avec d’autres ma foi et les bienfaits que j’en retire ?"
in "Réflexions de quelques membres à l’intention de tous."

Le soir où j’ai fait cette lecture en préambule à la réunion, les quarante visages qui me faisaient face ont tous apporté qui leur pierre, qui leur gravillon, qui leur plume, qui leurs boules, qui leurs coeurs, qui leurs trouilles, qui leurs pleurs, à cette communion de 90 minutes au cours de laquelle les récits de vies se succèdent, se répondent et s’entrechoquent.
"La tendance à exiger des autres ce qu’on n’arrive pas à obtenir de soi-même n’est pas propre aux alcooliques…mais c’est vrai que nous, dans ce domaine on a quand même bien chargé la mule.
-Maintenant que je suis rétabli, j’essaye d’apprendre à attendre sans exiger, mais c’est dur…
-Si je lâche la peur, je ne peux entrer que dans l’amour…
-Ben moi je n’attends plus rien, et ça va beaucoup mieux…
-Ce serait manquer d’honnèteté que de prétendre que je n’attends pas de récompense à mes efforts, même si l’exigence serait une crispation et une promesse de déception : les attentes que je nourris sont peu nourrissantes…
-Moi quand je suis arrivé ici j’exigeais d’être sauvé de moi-même, en fait ça n’a pas vraiment marché comme ça.
-Quand mon attente est déçue, je dois faire l’inventaire : sur quoi était-elle fondée ? la dépression est fille de la déconvenue, mais mes exigences n’étaient-elles pas déraisonnables ?"

Dans l’assemblée, il y a des chevaliers à la triste figure, mais aussi des naïfs, des rancis, des recuits rouge brique qui savent qu’ils vont crever s’ils n’entendent pas ce soir la parole qui les convaincra de renoncer au feu liquide, de vieilles pommes ridées au fond des orbites desquelles brûle une espièglerie retrouvée, des sages d’occasion, des fous devenus étrangers à eux-mêmes, des rechuteurs qui n’y croient plus mais qui reviennent quand même, bref "tout ce que la ville produit de sportif et de sain" chantait Lavilliers en parlant d’autre chose. Le produit est partout, ils apprennent que leur salut réside dans le fait de s’enfermer à l’extérieur. Ma voisine en sort une qui m’éclate : "je suis nulle, cette semaine j’ai encore pas réussi à maîtriser le lâcher prise…" elle ne peut aligner deux phrases sans y glisser ses mots-fétiches : culpabilité, honte, orgueil, colère, minable…comme des tics de langage qu’elle psalmodierait pour épuiser la veine. Elle souffre, c’est évident, mais comment lui faire entendre que c’est inutilement ? Il y avait un swâmi qui disait ça, "pourquoi souffrez-vous inutilement ?" Elle parle pour s’entendre parler, pour reprendre pied dans l’existence. Acharnée de l’auto-flagellation, il faudra qu’elle brûle toute son essence dans ce domaine. Après la réunion, je la prends à part, pour ne pas risquer de la blesser devant les autres, avec sa sensibilité de serpillère mal rincée (j’ai la même, mais c’est tellement facile de voir chez elle les traits saillants et à peine caricaturés de mon propre théatre intérieur, et puis elle dit n’avoir pas d’humour mais j’arrive toujours à la faire rigoler de ses malheurs, ça dure ce que ça dure mais pendant ce temps elle est pas à remâcher son ressassement) elle a peine à croire qu’elle ait pu dire ça, "maîtriser le lâcher prise" ça lui paraît énorme. Dans la semaine on s’appelle plusieurs fois, elle se retartine de culpa, je lui explique que ça ne marche pas comme ça, et que c’est juste une habitude à déconstruire, qu’elle veut briller dans le noir puisqu’elle est fâchée avec la lumière, mais qu’il s’agit toujours de se distinguer des autres, et que c’est un rêve d’une grande banane alitée. Avec elle, je n’ai ni attentes ni exigences, et j’ai l’impression de servir à quelque chose, ça me fait des vacances.

samedi 11 février 2006

La vérité toute crue (alors faut bien mâcher)


Je ne suis pas réductible à la somme de mes manques.

Commentaires

  1. Bonjour john, je suis desolée de te deranger, ms je cherche de l’aide, peut etre pourras tu me donner quelques conseils… Je suis avec mon copain depuis bientot 2ans. j’ai decouvert vers le debut de notre relation qu’il regardait des films X et comme cela me mettait mal a l’aise je lui ai demandé de bien vouloir arreter. Apres discussions, il m’a fait la promesse de tout stopper. Or qq mois plus tard j’ai vu qu’il avait trahi ma confiance. je lui en ai parlé et ai decidé de lui laisser une nouvelle chance. Ms il y a qq jours il m’a avoué qu’il avait recommencé. Des amis m’ont parlé de dependance pornographique, j’ai fait des recheches et je suis tombée sur le site de orroz puis un lien vers ton blog. j’ai discuté de dependance a mon copain ms il n’a pas l’air de le prendre tres au serieux. comment faire pour lui faire accepter son probleme afin qu’il decide lui meme de se soigner? et moi, quel comportement dois je adopter pour le soutenir et faire en sorte qu’il guerisse et ne rechute pas?
    Je t’en prie, donne moi qq conseils pour que je puisse sortir mon couple de cette situation…
    Je te remercie d’avance et te souhaite bon courage pour la suite.
    Cristelle

  2. le problème c’est que tant qu’il se considèrera comme usager récréatif, il ne verra pas en quoi le fait de se tirer sur la nouille devant des cybercréatures devrait être néfaste, en quoi ce serait une maladie ou un problème nécessitant un soin ou un effort particulier de sa part. Et s’il est réellement dépendant, ça le terrifie sans doute assez pour qu’il soit dans le déni - vis-à-vis de toi mais d’abord de lui : “même pas accro, même pas mal, et d’ailleurs tous les mecs font ça” (c’est faux mais ça rassure.)
    tu trouveras une mine de conseils pour les dépendants et leurs conjoints sur le forum d’orroz, qui a été “gelé en l’état” en janvier mais bourré de pépites en consultation libre : http://orroz.forumactif.com/
    bon courage.

jeudi 9 février 2006

Rédemption de l’objet fascinatoire II

Ce matin au volant de ma voiture j’ai croisé la trajectoire de la publicité Calvin Klein, et j’ai immédiatement saisi pourquoi il est si difficile d’obtenir la rédemption de l’objet fascinatoire (qui consiste à voir de quelle manière on peut retrouver Dieu à travers lui.) Pourtant l’espace d’un instant je suis bien remonté de la créature au Créateur, en me disant au passage "bien joué, Dieu, c’est vraiment du beau boulot" mais ce fut très passager; l’instant d’après j’aurais bien félicité le Père dans l’espoir de lui soutirer l’adresse de sa Fille. Bref, quelque chose de vorace et de très rapide est remonté à la surface et s’est accaparé ce qui s’annonçait comme un moment de pure perception. J’ai alors tenté de m’arracher au regard de cette beauté surréelle qui semblait maintenant m’interpeller sur la façon dont moi, pauvre mortel, je pouvais refléter la divinité, qui à coup sûr m’habite au moins autant qu’elle, pour peu que Dieu soit collectiviste. Il était temps que je me reprenne, j’ai failli emplafonner une vieille dame sans doute peu sensible à l’émanation délétère empreinte de spiritualité diffuse (renforcée à grands coups de Photoshop, mais quand même) de cette créature qui semblait vouloir m’attirer dans son vortex lolitesque pour s’y asperger ensemble de bidons d’eau de toilette. Moi qui trouve les Barbies fadasses, là j’étais touché. Pourtant, d’évidence, tout est fabriqué dans cette image (je laisse Dado/Basilus nous démontrer que grâce au filtre "placage de motif", on peut prouver que ce photomontage dissimule et recèle nonobstat un photogramme de Staline au chevet de sa vieille mère en 1942, qui sera d’ailleurs détourné plus tard par Dali) et on serait tenté de barbie-fier l’opiniâtre auditoire sur les sempiternelles ficelles (plutôt des câbles) de l’imaginaire sexuel que titillent les publicitaires pour nous attirer dans leurs filets. "Euphoria est un parfum oriental envoûtant où l’orchidée rehaussée de notes fruitées exotiques, fait écho au sillage riche et crémeux. Une promesse sensuelle qui révèle la beauté mystérieuse de la femme." A part la promesse sensuelle d’amour inconditionnel (à condition qu’on achète le parfum, quand même), qui ne nous avait pas échappé, sur ce coup-là le texte est quand même le parent pauvre de l’image. Et si ça se trouve en plus ça sent bon, ce truc.
Rien que pour récupérer l’image, je suis tombé sur un forum de malades idôlatres des publicités de parfum qui se les échangent comme des images pieuses.
Heu…certes, je suis mal placé pour leur jeter l’Abbé Pierre. Ensuite j’ai songé à mes camarades, ceux qui errent en liberté préventive du pornobezness comme ceux qui purgent leur peine en l’alourdissant encore devant la maîtresse à tête carrée : Si Dieu se manifeste à toi sous la forme de l’Image de La Femme, où puiseras-tu la force d’éviter la crucifixion de son regard ?
Et pourtant, comme le disait Flo, il est clair qu’ici plus qu’ailleurs, on absolutise les créatures (fascination), on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle. Adorer l’apparence à la place de l’absolu est une erreur, mais croire que l’absolu réside en-dehors de l’apparence est aussi une erreur.

Commentaires
  1. >> Je laisse Dado/Basilus nous démontrer que grâce au filtre “placage de motif”, on peut prouver que ce photomontage dissimule et recèle nonobstant un photogramme de Staline au chevet de sa vieille mère…

    Chouette, je vais me coller tout de suite à la résolution de ce problème! :) ))

    >> on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle.

    Je ne sais pas comment tu dégottes ces citations de Flo, mais quand je les lis sur ton blog, je ne reconnais plus le style de Flo, j’ai l’impression que c’est un photogramme de Saint Jean de la Croix au chevet de Sainte Thérèse d’Avila. Tu les retouches sous Photoshop ? O_o

  2. et bien je suis arrivé au hasard sur ton blog. je venais juste de taper “publicité euphoria créateur calvin klein”
    et oui lol je cherchais le créateur de cette pub (que je n ai toujours pas trouver lol)
    enfin bon j a lu ton article et tu ma bien aider.
    je te raconte ma vie mais bon faut que je la raconte a quelqu un… on nous a demander de faire un série de 15 croquis sur des pub et donc voila j ai troette pub qui ma bien boté et grace a toi et a un autre blog jai mon analyse presque fini… merci bcp!!!!!
    kiss

mercredi 8 février 2006

4 mois demain



Je croyais que le sevrage recelait une certaine grandeur, et me shootais à l’égo pour faire décolérer ma viande; mais me prenant pour un minable le reste du temps, je ne puis aujourd’hui que me détourner avec raison de l’idée même de grandeur ! elle m’acculerait au désastre. comme j’ai dit à ma psy, et elle n’a pas manqué de me rentrer dedans derechef, "j’ai très peu de chances de m’en sortir". C’est cette idée à priori défiante qui me permet de reconduire la vigilance.
D’ailleurs c’est pas le sevrage qui est grand, c’est la dépendance qui est affreuse.
Comme le dit Roujsend, Le monde est une merveille, le simple fait d’exister est une chose fabuleuse. Le trou entre cette intuition et mes perceptions actuelles me donne idée du chemin à parcourir. Comme le disait ce paysan inspiré :
Seigneur, ayez pitié de moi, écrasez tous les autres !
Travail en cours avec les phosphènes.
La simple idée d’écrire une ânerie de trop sur ce blog me fait chauffer le moteur. Et pourtant c’est pas l’envie qui m’en manque, entre le pape, les arabes et charlie hebdo. Comme par hasard, l’adsl et le téléphone déconnent à mort en ce moment. Qu’ils soient bénis.
Je reviendrai quand je serai calmé.


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Quelque soit la profondeur du trou à franchir, aucun seigneur ne te prendra en pitié… Tiens moi au courant de ton travail avec les phosphènes

jeudi 2 février 2006

un peu de violence gratuite




Avant, il y avait Happy Tree Friends, et on se disait que c’est Walt Disney lui-même qui avait semé la graine de la violence et de la débilité cartoonesque, avec ses mièvres paradis animaliers, son obsession d’une nature utopiale et bien pensante, et que ceux-là poussaient juste le bouchon un peu plus loin que les années 50 ne le permettaient à Tex Avery. Et depuis que l’esprit ricanant du Harakiri 70’s avait été ébarbé-recyclé par les pubards 90’s, on s’inquiétait pour le devenir de la dérision transgressive, menacée à tout moment de s’effondrer en transgression dérisoire, et d’y perdre sa causticité et son acuité, dépossédée de ses attributs par les aigrefins de la parodie, et vidée au passage de toute validité philosophique par les professionnels de la profession : toute violence critique qui s’installe dans la durée finit par s’asseoir sur un strapontin du pouvoir. Les guignols de l’info sont aujourd’hui une institution qui n’effraie plus personne, quelle que soit encore leur virulence.
Puis vint "Ferraille Illustré", magazine de BD post-moderne dont les choix éditoriaux semblent être basés sur une volonté sans cesse réaffirmée de provoquer l’effondrement du lectorat et sa désaffection durable. Parution erratique et confidentielle, (on en est à environ un numéro par an), dessinateurs débutants et/ou maladroits visiblement promis à nul avenir dans la filière aujourd’hui très sectorisée de la narration graphique, scénaristes cultivant l’absconnerie et l’hermétisme. Les parties non illustrées du magazine s’épuisent en un obscur galimatias satirique dont on peine à distinguer l’objet, emprutant à divers courants graphiques et littéraires du début du XXème siècle : ni des situationnistes (trop jeunes) ni des branleurs (trop cultivés). Et alors ?
Récemment, ils ont créé un site internet. Le Supermarché Ferraille est une déclinaison de l’épouvante sur le mode du détournement ludique, mais sa visite engendre un malaise persistant : on ne peut plus après avoir erré dans ses rayons continuer à collecter d’un oeil indifférent les prospectus publicitaires pour les quinzaines promotionnelles dont les grandes enseignes de la distribution agro-alimentaire abreuvent nos boites aux lettres provinciales au kilo, et que nous enfournons distraitement dans la poubelle "papier" en songeant à autre chose : l’obscénité nous assaille enfin sous une forme mainstream.
De la même façon que l’intelligence et l’humilité peuvent marcher main dans la main, à condition que l’humilité soit devant, la méchanceté et la bètise peuvent bien chevaucher de concert, mais il vaut mieux que ce soit la méchanceté qui dirige.
Ils sont albigeois, hérétiques, et leur cruauté ne peut donc être imputée à l’impossible réparation du préjudice subi quotidiennement par l’exiguïté de leurs appartements parisiens.
Alors, dans quel but ? Vers quel destin ?
Cette dernière question reste souvent sans réponse, et c’est pas ce soir que je vais m’y colleter.

Commentaires

  1. C’est génial, il y en a un à Colomiers, juste à coté de chez moi ! J’y cours de suite acheter des pizzas en conserve !

    Euh… si vous entendez plus parler de Dado, c’est que j’ai fini en foie gras de chômeur. :(

  2. Un nouveau signe des temps qui me colle des frissons…

vendredi 27 janvier 2006

Rédemption de l’objet fascinatoire (vieil os à ronger)


Aujourd’hui, une rediffusion en léger différé (5 ans, si j’ai bien compté, mais la loi de la gravité et ses effets sont restés les mêmes dans la galaxie) d’un texte de Flo qui m’interpelle au niveau du vécu et qui rentre tout à fait dans la gamme des antibiotiques à large spectre que ce blog tente de diffuser. Que son auteur ainsi que ses innocents et/ou avertis lecteurs veuillent bien m’excuser cet emprunt, et qu’ils se consolent en songeant que ç’eût pu être pire, car j’eus pu ici publier ma carte de voeux, et là, vous l’eussiez regretté.
"Lequel d’entre nous n’a jamais eu de réflexion assassine vis-à-vis d’un tiers, ayant pour seul objectif de le mettre à mal ? Lequel d’entre nous n’a pas le besoin vital de se sentir supérieur à son prochain ? Il suffit de voir à ce sujet les attitudes des différentes religions. Les meilleurs des chrétiens orthodoxes (excluons les saints) veulent bien admettre que les autres religions ne sont pas fausses et que Dieu s’y fait connaître aussi, mais quand même, c’est le christianisme qui a hérité de la révélation la plus complète. Les meilleurs des bouddhistes veulent bien admettre que les chrétiens ne sont pas complètement idiots, mais quand même, il n’y a que les bouddhistes qui ont atteint le vrai absolu. Et même entre bouddhistes : le Vajrayana déclare que les autres voies sont bonnes mais que seules leurs pratiques conduisent à un éveil complet. Le Dzogchen prétend quant à lui que la nature de l’esprit qui est atteinte n’est pas aussi pure dans les autres voies que dans le dzogchen. Et les disciples ne le répéteraient pas si les maîtres ne l’affirmaient pas.
Il est évident que les grands saints de toutes les religions atteignent le même degré de réalisation, qui est celui que permet la nature humaine : l’état christique. Celui qui dit que sa religion est supérieure aux autres n’énonce pas un fait objectif mais ne fait que manifester son besoin de se croire supérieur aux autres, personnellement ou par procuration : « Ma voiture est plus belle que la tienne. Mon papa est plus fort que le tien ». La religion a tort d’ignorer les données de la psychologie, de même que le psychologie a tort d’ignorer les données de la religion. Là aussi, chacun croit détenir la vérité.(…) Ce qui est compris, de mon point de vue, doit être appliqué. Par exemple, si l’on comprend que l’ouverture du coeur est le seul chemin possible en spiritualité, alors on fera tout son possible pour aller dans cette direction, puisqu’il n’y en a pas d’autre. Ou alors on refuse Dieu et on choisit le chemin de Salieri dans Amadeus. Sinon, c’est que la compréhension n’a pas eu lieu, qu’elle est purement livresque.
Qui a compris ce genre de choses ne peut que faire l’effarante découverte que règnent en lui des forces qu’il ne maîtrise pas. La colère, l’orgueil etc ne sont pas les conséquences de la bêtise ou de quoi que ce soit d’autres, elles sont un feu qui s’élève. Je ne sais plus qui disait que le Mal a des apparences trompeuses. Ce feu semble nous remplir mais quand il retombe, il nous laisse plus vide. On notera le rapport avec la sexualité où beaucoup d’hommes se retrouvent vides après le rapport, ce qui indiquent qu’ils étaient dominés pendant l’acte par la colère et non par l’amour. Il ne s’agit pas forcément d’une colère consciente mais d’une énergie qui est exactement la même que celle qui s’élève quand on est en colère. Celle de l’amour se présente aussi comme un feu, mais dont les effets ne sont étrangement pas les mêmes. Cependant il est compréhensible qu’on puisse aisément les confondre, bien qu’elles ne fassent pas naître tout à fait les mêmes pensées - ce qui devrait être un signe. La différence, c’est que l’une est générée par la chose en soi (Dieu) et l’autre par son symbole (les créatures). On absolutise les créatures (fascination), on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle. Adorer l’apparence à la place de l’absolu est une erreur, mais croire que l’absolu réside en-dehors de l’apparence est aussi une erreur.
Je crois que la rédemption de l’objet fascinatoire consiste à voir de quelle manière on peut retrouver Dieu à travers lui. Si on ne le peut pas et s’il y a un refus de se tourner vers Dieu, une préférence pour l’objet, on à une idée du gouffre dans lequel on est tombé, et on peut déjà prévoir que l’événement sera énergétiquement néfaste. Par exemple, certains objets me collent à eux et me font oublier Dieu, d’autres ont l’effet inverse. Par exemple, si je regarde mon fond d’écran actuel, orné du chimpanzé maudit, impossible de m’en décoller. Heureusement, à quelques mètres, j’ai mes perroquets qui me ramènent dans le droit chemin. Sur le moment, il est très difficile de différencier les effets, comme je le signalais plus haut, sauf que l’un remplit, et l’autre vide, mais on ne s’en aperçoit qu’au final.
L’autre jour, JP disait un truc génial : on n’a pas le droit de juger le Mal, mais on n’a pas droit non plus à la moindre complaisance envers lui. Il parlait bien sûr du mal en nous, des choses horribles que nous trouvons en explorant l’esprit. On se souviendra de Jung qui un jour a failli devenir fou en faisant un rêve éveillé où il rencontrait un nain dans un sous-sol, et où il y avait du sang partout. Le rêve avait l’air assez horrible à lire, et on comprenait que ça l’ait secoué, cependant il y a bien pire, et JP me l’a confimé : « sans l’aide de Dieu il est impossible de s’en sortir. C’est pour ça que 4 des disciples de Freud sont devenus fous. » Je pense qu’il y a un moment où le psy doit arrêter sa propre introspection, car le Mal semble n’avoir aucune limite quand on commence à vouloir le regarder en face. Nous avons tous en nous les pires choses qui aient jamais été faites. JP prétend avoir passé des milliers d’heures dans des enfers à côté duquel les pires films d’horreur ne sont que d’aimables divertissements. Maintenant je commence à le croire, et quand on en arrive à observer en soi de semblables choses, il est vrai qu’on n’a pas tendance à pousser ses amis dans un tel chemin, pour autant qu’ils ne semblent pas avoir Dieu chevillé à l’âme. A part JP je n’ai rencontré personne qui soit allé à ce degré d’approfondissement des choses, ou peut-être en ai-je rencontré parmi ceux qui m’ont dit avoir fait un séjour à l’asile, mais ceux là n’ont pas décrit leur expérience. Mais parmi les sains d’esprits, ils se sont tous arrêtés avant : raisonnablement bons, médiocres ou malveillants, d’après leur propre jugement. Mais le Mal, le pire, était à l’extérieur.
Saint Augustin, par exemple, l’a bien diagnostiqué, mais qui s’accuserait d’abriter le Démon en son âme parce qu’il a voulu voler une poire ? En fait, la moindre pensée non-charitable se nourrit à cette source empoisonnée qui est la même qui fait les serial-killers. Souhaiter que la tondeuse du voisin tombe en panne parce qu’elle nous empêche de dormir est une pensée de même nature que de vouloir étrangler ledit voisin. S’émotionner de l’injustice est également une pensée de même origine : la colère. Il faut revenir à la source. Si je suis scandalisée parce qu’une mère frappe son enfant, cette émotion est le commencement de ma fin. Ce que je devrais ressentir, c’est de la compassion pour l’enfant, qui souffre, et pour la mère, qui souffre aussi. Sinon, elle m’aura simplement rendue semblable à elle. Le Christ a dit « aime ton ennemi ». Il n’a pas dit « deviens comme lui ».

Commentaires

  1. J’arrive pas à y croire ! J’ouvre la page, je me dis “tiens voilà un gros post de JW, ça va me faire de la lecture”, et au bout de 10 lignes, qu’est-ce que je trouve ?
  2. Désolé. Je comprends ton incapacité ontologique à te regazéifier avec ton propre gaz. Pas d’inspiration en ce moment, et puis ça a au moins servi à roujsend. T’as qu’à pas écrire des trucs qui font vibrer mon neurone. Si t’es vraiment en manque, je t’autorise à commenter “l’impossibilité existentielle d’accéder au plaisir (qui) induit la recherche délinquante de braconner celui de l’autre” dans le post précédent. Je suis sûr que ça t’inspirera autant que je le suis quand il s’agit de recopier les tiens d’une main tremblante, pour ne rien dire de ce que fait l’autre.

dimanche 22 janvier 2006

phallucinations

Aussi abscons ou insignifiants qu’ils nous paraissent, les songes nous renseignent sans artifice sur nos préoccupations et sur les flux qui nous traversent. 
L’autre nuit, j’ai révé que j’étais tout seul à la maison et que je retrouvais une cassette porno dans l’armoire. Au lieu de la jeter comme tout bon hard-sevreur, je me faisais la réflexion qu’après, j’allais encore être frustré, et que comme personne n’en saurait rien, je pouvais m’en envoyer une petite giclée derrière la cravate. 
Au sein du rêve, l’objet de plastique noir contenait réellement dans son volume de 3 x 8 x 15 cm la réalisation potentielle des promesses de la sexualité, je le savais en faisant courir mon doigt sur son arète tiède. 
Objet de pouvoir. 
Fichtre. 
Il eut été intéressant que je rechute en rêve, ou que ma conscience onirique s’élargisse sur les présupposés d’une telle attente, mais ça s’est arrété là : je ne puis réver de contenus liés à la pornattitude sans que l’impossibilité de la jouissance s’y manifeste. 
Evidence onirique de la vérité du mensonge.
Quelques jours plus tard, j’étais occupé à nettoyer pour une chaine de télévision locale un concert filmé de Philippe Katherine, le Houellebecq sonique, qui ne suscite chez moi qu’un ennui réactionnaire et des inquiétudes subséquentes sur ma sénilité musicale puisqu’il semble qu’il plaise aux jeunes, et pour repousser la torpeur je vais frapper à la porte de la cabine du mixeur, un mien ami. 
Nous discutons le coup, puis il sort de la pièce pour répondre à un coup de fil. Je me retrouve seul dans son studio son, et avise un paquet de tabac Ajja 17 qui traine sur sa console. Ni une ni deuze, je me retrouve sans transition la clope au bec. Après-coup, et sans dramatiser, vu que ça a été très agréable, se remet en branle une fantasmatique du désir tabagique : l’Ajja 17 c’est pas terrible, mais parlez-moi d’une cibiche de Old Holborn, de Pall Mall à rouler… bref je me remets à réver que c’est bon de fumer. Je laisse passer quelques jours mais je donne sans doute prise à ces fantasmes au lieu de les laisser glisser, puisque le piège se referme à nouveau sur moi, à la faveur d’un environnement fumigène, la bonne excuse navrante standard.

Si je mets en rapport ces deux évènements, c’est que la fraction de seconde pendant laquelle je me suis retrouvé seul avec le paquet de tabac dans la cabine de mix a été déterminante et présente une identité de nature avec les conditions du rève susmentionné : des concepts tels que subtiliser, en cachette et jouissance se sont très nettement agrégés au sein de ma conscience diurne qui s’en est retrouvée brusquement onirisée. Il y a quelque part en moi l’idée que l’impossibilité existentielle d’accéder au plaisir induit la recherche délinquante de braconner celui de l’autre. 
C’est fâcheux, mais c’est surtout une vue erronée.
Pour pratiquer le rêve lucide, on suggère d’essayer de voir ses mains en rêve, et pour cela il est utile de les observer au cours de la veille. A chaque fois que je le fais, je ressens combien ma conscience de veille est elle-même altérée, incomplète.

vendredi 20 janvier 2006

Are you aDicKted to aDicKtion ?





Malheurs et bonheurs sont sans doute équiprobables, mais la loi de la gravité entraine les tartines à chuter plus souvent du côté de la confiture. D’où nos préférences pour le pessimisme, système de valeurs jugé plus réaliste dans le sens opératoire du terme. Toutes choses épouseraient cette sombre simplicité finalement réconfortante si la mort nous permettait de débarrasser réellement le plancher. D’après les tibétains, qui se penchent quand même depuis quelques siècles sur la question quitte à faire l’impasse sur le reste, il semble n’en être rien. Est-ce que c’est pire de songer que le décès et le passage dans les bardos ne provoqueront qu’une amnésie partielle sans effacement de l’addition karmique, et que nous serons à nouveau lâchés dans ce monde en croyant que c’est la première fois alors que nous serons grosso modo embobinés par les mêmes tropismes ? à mon niveau de pratique, qui est de décrypter le blog de Flo aussi halluciné que si c’était de la pornographie spirituelle (pour la beauté gratuite et coûteuse de l’oximoron mais aussi parce que je me sens incapable de faire ce que je la vois faire), oui.
A ce titre, le mensonge de l’intoxication est frère jumeau de celui de la libération, et la toxicomanie n’est qu’une occasion particulière de prendre conscience que nous nous accrochons à tout ce qui nous tombe sous la main, et préférons la souffrance connue à toute éventualité d’expérimenter quelque chose d’autre. Et comme la dépendance consiste à effacer la douleur par ce qui la provoque, on est peinards : d’ici qu’on ait compris à quel endroit précis on se prend les pieds dans le tapis, on sera déjà morts d’autre chose, ce qui ramène aux trompeuses cases départ évoquées plus haut.
On ira voir avec un intérèt mâtiné d’inquiétude l’adaptation du roman de Dick "A scanner darkly" (paru en français sous le titre Substance Mort) qui sortira en juin 2006; le roman originel évoquait de façon assez définitive les boucles mentales de la dope, de la schizophrénie et de la cybermodernité, sous la forme d’un diamant noir qui a carbonisé la cervelle de ses lecteurs depuis 1976 et se situe entre ses grands romans de SF et la trilogie mystoïdo-chrétienne qui finira par l’achever, et ses lecteurs avec.
Ca peut pas être pire que Total Rigoll ou Blade Runner qui, dans le genre trahison, se posaient quand même là. C’est même plutôt flatteur : un prophète de la stature de Dick ne peut que susciter la trahison admirative de zélés Judas.




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  1. J’ai beaucoup les BD de Goossens et cette scène est une de mes préférées ! J’aime beaucoup P.K. Dick aussi et je me demande bien ce que “Substance Mort” peut donner adapté au cinéma… C’est sans doute plus facile d’adapter du Goossens…
  2. dans la série “les comparaisons débiles”, pour moi Goossens est devenu prisonnier de son système à partir de l’encyclopédie des bébés, et a cessé d’innover par la suite tandis que dick n’a jamais cessé d’étonner ses lecteurs.
    Goossens transposé en film, ça passerait très mal, ça deviendrait très gras, car il utilise la bédé pour plastiquer les codes narratifs de la littérature et cinéma, ceux-ci en profiteraient pour se venger bassement.
    d’ailleurs je me demande pourquoi il est d’usage de se lamenter de l’infidélité des adaptations : quel contrat moral liant un créateur à ses illustrateurs serait-il dénoncé par ses fans ?
    à part l’affaire des versets sataniques, qui a fait rigoler tout le monde sauf les fondamentalistes et salman rushdie, d’ailleurs je crois qu’une adaptation cinéma est en cours.

mercredi 11 janvier 2006

de l’impossibilité d’alerter les bébés comme c’était initialement prévu



C’est le matin. Le cerveau reprend sa configuration de veille, beaucoup moins souple. J’ai révé que mon père faisait la couverture de Charlie Hebdo, c’était une couverture "filmée", on y voyait papa descendre une colline pierreuse en dérapant un peu de temps en temps, il était plus jeune que maintenant, mais sinon, c’était encore moins spectaculaire que le mercerisme, cette religion imaginée par Dick dans Do Androïds dream of electric sheeps ?… où l’on apprenait l’empathie à coups de cailloux dans la tronche. Il est bien temps de publier mon père dans Charlie Hebdo, mais ça c’est une réflexion après-coup… Réveillez-vous avec France Inter et foutez en l’air votre rappel de rêves. Elle refuse France Musique, prétend que ça la rendort sur le champ. Je sens son corps tiède à mes côtés. Elle sommeille sur le ventre, avec mon rival matinal Stéphane Paoli qui lui susurre des cochonneries libidineuses sur un règlement possible du conflit au Proche-Orient. Il est sept heures. Dans quelques instants il faudra se laver, aller faire le café, réveiller les enfants… Pour l’instant je m’allonge sur elle et je pèse de tout mon poids. J’ai envie de la pénétrer. Comme ça, par derrière. A la sauvage. C’est manifestement un délire, puisque d’habitude, je la respecte, dans ses désirs comme dans leur absence. Elle commence à râler que je l’ai tripotée toute la nuit, ce dont je n’ai aucun souvenir. D’un seul coup je me rends compte qu’en agissant ainsi, je la considère comme un objet sexuel et menaçe de foutre en l’air son timing du matin pour un câlin dont je sais pertinemment qu’il est logistiquement impossible dans le temps imparti. Zabotache. Ca m’excite, et ça m’en fout un coup, enfin je trouve ça nigaud, quoi. Je descends donc de ma monture encore ensommeillée, je vais faire du café. Le film est passé. Je ne me suis pas laissé embarquer. Je l’ai vu. Mieux, je l’ai regardé. Pas de terreur rétrospective : l’épouvante est la prémisse de la récidive. Je la fais chier le matin, et je l’embête beaucoup moins le soir. Je pense qu c’est pour qu’elle m’envoie me faire foutre, et pouvoir ainsi m’autoriser par la Grâce de la Sainte Frustration de recommencer à reluquer d’improbables africaines, ou d’aller voir ailleurs. On en parle tous les deux, d’ailleurs, et on est d’accord : ça ne marchera pas. Des clous. La stratégie est trop visible. Comme me l’écrit un pote qui a passé le week-end à la maison "Je vais encore me répèter mais vous allez pas si mal ensemble. Bien sûr vous ferez jamais dans la dentelle, mais bon…."
La saisie, et donc l’erreur fondamentale, c’est de croire que ce qui se passe en nous est à nous. Finalement elle est plus repérable sur les choses désagréables, mais après c’est juste une question d’entrainement.
Ces jours-ci, trois mois sans porno (précédés de quatre) et deux mois sans clope. Aucun sentiment, et encore moins de triomphe. Juste les vieux machins qui s’accrochent, avec leur familiarité que Michaux qualifiait de désarmante mais qui ne l’est que pour ceux que le désarmement arrange.

Commentaires

  1. Trois mois, et bientôt quatre pour mettre enfin ton nom parmi les “libérés du culpourlecul” en tête de la page http://www.orroz.net/forum.htm
    Super ! Continue comme ça, John.
    Orroz, de passage sur les blogs des anciens
  2. p’tain je savais pas que y’aurait interro surprise, j’ai bien fait de réviser. Merci pour le site, merci d’avoir ouvert le forum, merci de l’avoir fermé (j’arrive pas à devenir accro à l’autre) et merci d’être un thérapeute “hors paire” ;-)
  3. C cool continue comme ça John … “merci de l’avoir fermé (j’arrive pas à devenir accro à l’autre)” moi itou :-)

jeudi 5 janvier 2006

mini-mir


Il faudra que je trouve une façon intelligente de demander à ma thérapeute de m’aider à comprendre pourquoi je voulais absolument être aimé d’une femme noire, et pourquoi ça ne m’est pas vraiment passé. L’idée que la couleur de leur peau s’accorde mieux à celle de mon âme est amusante sur le plan esthétique, mais irréaliste. A moins que la réponse ne soit la même que celle que m’envoie Luc, qui est retourné se faire secouer la paillasse en Afrique pour Noël et qui m’écrit : "Pas la moindre ombre Godlivienne dans ce périple africain… je ne sais si je dois en rire ou en pleurer… finalement, y’a qu’à rouler en gardant cette mythologie fantasmatique comme un leurre pour m’attirer toujours plus loin…" au moins chez lui c’est clair il carbure à la nénergie de son propre mental et les blackettes ne lui servent que de zip-barbecue intérieur.
Faut dire qu’il n’a jamais prétendu aimer quiconque, lui, au moins, et encore moins être aimé.
Faudra que je raconte ici comment je me suis jamais remis d’être sorti avec la plus belle femme du monde, et surtout qu’elle soit partie avec mon meilleur pote, il y a plus de 20 ans, si tant est qu’un blog puisse aider à faire la lessive plutôt qu’à exhiber d’un doigt tremblant d’émotion la crasse figée dans le noeud du torchon. Mais tout cela est nettement moins intéressant que de voir la colère s’élever, et le désir, et des émotions dont je me demande bien où elles étaient passées revenir frapper à la porte après avoir fait le tour du pâté de maisons. Le peu de vipassana que je fais m’aide à ne pas suffoquer devant le retour du refoulé pas défoulé.

illustration : "ne jamais pêter dans une combinaison de plongée"
© abrutis.com


Commentaires

  1. Moi je ne vois aucun problème à vouloir être aimé d’une noire. Elles sont souvent si belles. Comme ton âme, d’ailleurs, qui n’est pas noire mais lumineuse (c’est probablement elle qui augmente la luminosité lorsque tu parcours tes kilomètres qotidiens)…

    Ce qui est noir, c’est la croûte de crasse qui la recouvre. Ou plutôt qui recouvre tes yeux.

    Et en te lisant je me dit qu’avec autant de lucidité de ta part, j’entrevois de très mauvais jours pour la dépendance. Comment survivrait-elle à tant de lumière?

    Poursuis ce chemin plein de succès. Ca m’inspire.

  2. Si tu me trouves lucide les yeux pleins de crasse, je t’invite à te relire avant de me complimenter. Ou alors ceci explique cela : c’est la crasse que j’ai dans les yeux qui me les fait voir si belles alors qu’il fait tout simplement si sombre… dans ce cas tu m’incites en fait à me débarbouiller… et à racheter du mini-mir, bien que je sache qu’on ne chôme pas question lessive sur ton blog en ce moment.
    En ce qui concerne la question de l’âme, je préfère ne pas en avoir en ce moment, c’est à dire faire comme si… car comme le note Flo, “je” ne peut pas lâcher “je”, de même que personne ne peut s’envoler en tirant sur ses lacets. C’est pour cette raison que le bouddhisme a éradiqué cela en disant “il n’y a pas d’âme”. Bien sûr il y en a une, mais ils savent trop bien que tout le monde va vouloir rester coincé dedans.
    Et comme je suis déjà coincé ailleurs, je n’ai pas envie de rajouter une dépendance sur une autre.

  3. Les blackettes c’est comme les blacks. Il y a chez eux un côté spontané que les blancs ont complètement perdu. De ce fait, ils ont plus d’énergie. Je parle des africains, pas des antillais qui apparemment se débattent avec plein de problèmes d’identité - j’ai vu pas mal d’antillais se prendre pour des blancs sans s’en rendre compte.

  4. Vipassana,

    Peu ont le courage d’affronter, même progressivement, la grande solitude désolée qui s’étend en-dehors d’eux-mêmes, et qui y demeurera tant qu’ils s’attacheront à la personne qu’ils représentent, le « Moi » qui est pour eux le centre du monde, la cause de toute vie. Dans leur désir ardent d’un Dieu, ils trouvent la raison qui en justifie l’existence ; dans leur désir d’un corps de sensations, et d’un monde pour y goûter le plaisir, réside pour eux la cause de l’univers. Ces croyances peuvent être cachées très profondément sous la surface et s’y trouver en fait, à peine accessibles, mais dans le fait même qu’elles existent gît la raison pour laquelle l’homme se tient debout. Pour lui-même, l’homme est lui-même l’infini et le Dieu ; il tient l’océan dans une coupe. Dans cette illusion, il nourrit l’égoïsme qui fait de la vie un plaisir et rend la douleur agréable. Dans cet égoïsme profond résident la cause même et la source de l’existence du plaisir et de la souffrance. Car, si l’homme n’oscillait pas entre les deux, et ne se rappelait pas sans cesse par la sensation qu’il existe, il l’oublierait. Et dans ce fait se trouve la réponse à la question : « Pourquoi l’homme crée-t-il la souffrance pour son propre malheur ? »

    Il reste encore à expliquer ce fait étrange et mystérieux que l’homme, en s’illusionnant ainsi, ne fait qu’interpréter la Nature à l’envers et à traduire en termes de mort la signification de la vie. C’est une vérité incontestable que l’homme détient vraiment l’infini en lui-même, et que l’océan est réellement contenu dans la coupe ; mais s’il en est ainsi, c’est tout simplement parce que la coupe est absolument inexistante. Elle n’est qu’une expérience de l’infini, qui n’a aucune permanence et qui est susceptible d’être réduite à néant à tout moment. En prétendant que les quatre murs de sa personnalité sont réels et permanents, l’homme commet la vaste erreur qui l’emprisonne dans une suite prolongée d’incidents malheureux, et intensifie continuellement l’existence de ses formes favorites de sensation. Le plaisir et la douleur deviennent pour lui plus réels que le grand océan dont il est un fragment et où se trouve sa demeure ; sans relâche, il se heurte douloureusement contre ces murs où il ressent la sensation, et son soi minuscule oscille dans la prison qu’il s’est choisie.

    La souffrance et le plaisir se tiennent distincts et séparés, comme les deux sexes ; et c’est dans la fusion, l’union des deux en un seul, que s’obtiennent la joie, la sensation et la paix profondes. Là où il n’y a ni mâle ni femelle, ni souffrance ni plaisir, là le « dieu » dans l’homme prédomine et c’est alors que la vie est réelle.

  5. kiki, c’est joli ce que tu écris mais on dirait que tu cites quelqu’un. Que veux-tu dire ou suggérer, et quel rapport avec vipassana ?
    flo, merci de pointer les tendances revendicatrices et victimisantes spécificiques de la pathologie culturelle des antillais : “nous sommes descendants d’esclaves et nous exigeons reconnaissance, et réparation…” moi quand je vois un noir, c’est pas la première pensée qui me vienne à l’esprit, mais à force de me tanner ils finiraient par me convaincre.”les rôles offerts aux noirs sont peu nombreux, on ne nous appelle que pour jouer les noirs” : disait un antillais. va lui répondre que quand un acteur joue bien on en oublie qu’il est noir, il va le prendre super-mal, mais ce qui m’est venu comme une boutade au cours d’une conversation sur denzel washington peut être énoncé différemment : quand un acteur joue bien, on s’en moque de sa couleur.
    sinon, je réfléchis, mais pas trop, sur le fait que jalouser cette spontanéité et énergie perdues, désirer la posséder, la bousiller si on ne peut l’obtenir, se rendre malade de son absence, en disent long sur ma culture. Hi ! Rien de tout cela ne s’achète ni ne se vend.

mercredi 4 janvier 2006

2470



Finalement, le fait d’être addict à mes addictions plutôt qu’à un produit spécifique me dévoile à moi-même en tant que "attaché à tout et surtout à la trouille de se libérer", et y’a même pas de quoi se la mordre, bien au contraire. J’aurais pu m’en douter tout seul, mais franchement c’est bien plus facile maintenant que ce blog constitue le combustible ultime de l’onanisme. Il m’est pénible, puisque je n’ai rien à y dire, mais instructif, puisque je ne puis me résoudre à y mettre un terme. J’ai dit sur l’addiction au porno tout ce que je pouvais dire dessus, sans me géner d’ailleurs pour repomper des bouts de Flo qui n’éclairaient sans doute que moi, dans les 400 messages qui sont vitrifiés dans le plastic 2000 du forum, pour ceux qui se rappellent cette résine translucide dans laquelle on pouvait inclure de petits objets et qui formait un cadeau de noel épatant pour apprentis chimistes dans les années 70. Mais l’addiction au porno n’était que le symptôme d’une croyance animiste dans les pouvoirs de la consomption émotionnelle dont il me reste à traiter les racines. La semaine dernière j’avais tenu à faire expertiser ma relation à mes parents par ma thérapeute avant noel puisqu’ils avaient trouvé moyen de s’inviter pendant les fêtes. Bien m’en a pris : en ayant dépiauté les ressentiments et les attentes en cours, l’inamovible mélancolie ayant été écartée comme alchimie désastreuse, il ne me restait plus qu’à me mettre en écoute, ce qui nous a valu de bons moments. A table, il s’agissait de suivre les conversations sans se laisser emporter, comme quand on sait qu’on rêve et qu’on ne veut pas perdre cette lucidité onirique qui permet une semi-liberté par rapport au contenu du songe. Cette technique que je n’arrive toujours pas à appliquer pendant mon sommeil me permet néanmoins d’enrichir ma vie diurne : grâce à elle j’ai repéré mais surtout je dissous instantanément ces états intérieurs de somnolence dont j’ai le secret. C’est comme quand je regarde mes mains quand je cours (40 km par semaine) : il y a augmentation immédiate de la luminosité ambiante et la pensée perceptive en est facilitée.

A part ça, je ne regrette pas d’avoir vécu assez longtemps pour entendre mon père faire l’éloge du bouddhisme au cours d’une mini-conférence sur les avantages comparés des religions. Sa dépression lui a vraiment fait beaucoup de bien, comme on peut voir sur la photo. Papa, si un jour tu lis ce blog, n’aie crainte, tu n’es aucunement responsable de ce que je considère comme un gâchis dont je ne suis même pas foutu de faire de l’honorable littérature. J’ai eu des soucis au stade du "garnement", comme tu dis, et je conserve une assez mauvaise mémoire et une attention fluctuante, c’est tout. T’étais pas beaucoup là, et j’ai pas eu beaucoup d’encouragements à des moments cruciaux, mais vu comment on t’avait éduqué à focaliser à mort sur le matériel et que tu avais hérité du bagage familial en matière spirituelle, fallait pas non plus s’attendre à un miracle…
Résolutions désopoilantes du début d’année : poursuivre mes sevrages - qui - n’ont - rien - d’instructif - mais - sans - lesquels - rien - n’est - possible, décrocher du téléchargement et du blog de Flo. En ce moment j’ai l’impression qu’elle n’écrit que pour moi, ce qui est inquiétant, et j’ai peur de comprendre tout ce quelle écrit, ce qui l’est encore plus, car je pense qu’elle n’écrit que pour elle et pour ceux qui se donnent l’effort de la lire.
Comme le dit Bruno59, moins on est nombreux sur un forum pour combattre la cyber dépendance, mieux c’est.
Trouver du boulot.
Cesser de fuir.
Dans mon état, toute résistance est inutile, voire contre-productive.