dimanche 4 juin 2017

Chronomachine lente

Cette semaine, il ne m'est rien arrivé de racontable ici. Contrairement à David Lynch avec Twin Peaks saison 3, je ne suis pas parvenu à faire du neuf avec du vieux. C'est un peu normal, pour faire du neuf avec du vieux, il faut commencer par lâcher un peu de vieux, et mettre un peu de neuf à la place. A part ça, ça fait quelques semaines que j'essaye de convertir la fascinante nouvelle "Chronomachine lente" de Ian Watson en fichier texte avec un logiciel de reconnaissance de caractères, mais j'ai du souci avec l'annulation des tabulations de fin de ligne; c'est fastidieux. Alors je poste les .jpg extraits du .cbr trouvé au marché aux voleurs, tant pis.
Elle correspond assez bien à mon état d'esprit actuel, métaphoriquement s'entend.
Ce blog devient vraiment une Machine à Voyager Très Lentement Dans Le Temps. 
Il me regarde de travers. C'est son droit le plus strict.
Difficile en descendant, facile en montant, comme il est expliqué dans la nouvelle, raisonnablement blasphémante.
Je t'en foutrai, moi, de la science-fiction.



 [EDIT]

 Au printemps 2021, soit 4 ans dans le futur de cet article, dans un flux temporel inversé par rapport au notre, je tombe sur une version ePuB du recueil, ce qui me permet de le substituer à cette interminable enfilade de jpgs jaunis.
------------

LA MACHINE À VOYAGER TRÈS LENTEMENT DANS LE TEMPS


(1990) La machine à voyager très lentement dans le temps – pour plus de commodité la MVTLT(8) fit sa première apparition à midi exactement, le 1er décembre 1985, dans un espace inoccupé au Laboratoire National de Physique. Elle signala son arrivée par une détonation violente, et la rafale de vent provoquée par l’air déplacé. Le Docteur Kelvin, qui se trouvait regarder dans sa direction, rapporta que la MVTLT ne s’était pas exactement matérialisée de façon instantanée, mais s’était plutôt déployée très rapidement à partir d’une source ponctuelle, ce qui explique sans doute l’absence d’une explosion plus dévastatrice au moment où la MVTLT comprimait l’air déjà présent dans la pièce. Plus tard Kelvin déclara que ce qu’il avait vu en réalité était l’implosion de la MVTLT. Le violent appel d’air avait fermé les portes, il ne les avait pas ouvertes ! Ce fut cependant un moment d’extrême confusion – et la confusion persista, puisque l’occupant de la MVTLT (qui seul pouvait en éclairer la nature) se trouvait être non seulement dans un flux temporel inverse du nôtre, mais encore dans la démence la plus totale.

Ce qui est exaspérant, c’est que l’occupant devient visiblement de plus en plus sain d’esprit et de plus en plus présentable (à sa façon inversée) à mesure que le temps passe. Nous avons le sentiment que toute la peine et la réflexion consacrées à l’énigme de la MVTLT ne sont qu’énergie déversée dans l’égout entropique – parce que la réponse viendra de lui, de l’intérieur, et non de nous. Ainsi, tout ce que nous avons fait peut bien n’être en fin de compte que de la temporisation, en attendant que son état s’améliore (ou, de son point de vue, commence à se détériorer). Et entre temps, son arrivée a dénaturé et perverti le cours d’une recherche capitale pour notre laboratoire sans donner quoi que ce soit de tangible en retour.

La MVTLT avait la taille d’une petite camionnette ; mais elle avait la forme d’un énorme cristal de sulfure de plomb, ou galène. Ce qui représente, en jargon de cristallographe, une formation d’octaèdres-et-cubes, huit grandes facettes hexagonales, et six facettes carrées plus petites dans les intervalles. Elle était perchée de façon précaire, mais inébranlable, sur le carré de base, les quatre hexagones intérieurs s’enflant vers la circonférence médiane où quatre autres carrés (obliques et verticaux) étaient reliés à l’hémisphère supérieur, exactement identique, une image au miroir, jusqu’à l’extrémité carrée de son Pôle Nord. Elle ressemblait en effet à une sorte de mappemonde réduite à des plans horizontaux par des coupes successives. Et elle est bel et bien restée jusqu’à ce jour un monde séparé du nôtre, un espace privé, elle, et son passager.

Chaque facette était faite d’un métal sans interruption, sauf un carré de la zone équatoriale qui faisait face au Sud, en direction du corps principal du laboratoire. Ce carré était une fenêtre – avec un verre aussi épais que celui d’une cloche à plongeur destinée aux abîmes océaniques. Et elle pouvait apparemment être ouverte de l’intérieur – seulement de l’intérieur.

À l’intérieur, le passager semblait en loques, comme un vagabond, aussi dément, aussi sale, aussi abattu et aussi hirsute que n’importe quel fou dans une antique cellule de Bedlam. Il semblait très âgé ; ou du moins un long confinement solitaire dans cette cellule lui avait-il donné cette apparence. Le teint blafard, le dos voûté, il n’avait que la peau sur les os, et ses dents étaient gâtées. Il tempêtait ou marmonnait, inaudible, en direction de nos projecteurs. Ou peut-être ne faisait-il que simuler en silence mots furieux ou murmures, puisque nous ne pouvions absolument rien entendre à travers l’épaisseur du verre. Les bons offices d’une personne capable de lire sur les lèvres nous apprirent deux jours plus tard que le vieillard fou semblait ne grimacer que des absurdités, un mélange aléatoire de sons.

Ou était-ce autre chose ? De toute évidence, on ne pouvait demander à personne de lire à l’envers sur les lèvres ; déjà, d’après les actes et les gestes de l’homme, le Dr Yang avait suggéré qu’il vivait dans un flux temporel inverse du nôtre. On enregistra donc sur vidéo les grimaces de l’occupant, et on fit passer les bandes à l’envers pour le spécialiste de la lecture sur les lèvres. Mais en fait c’était encore du non-sens. À l’envers, ou dans le bon sens, l’infortuné passager était visiblement devenu fou. En vérité, une des preuves de sa démence était bel et bien sa tentative pour nous parler, à ce stade ultime de son voyage, au lieu de communiquer par messages écrits – comme il avait commencé à présent de le faire (mais nous parlerons ultérieurement plus en détail de ces messages ; ils commencent seulement – ou, de son point de vue à lui, cessent – alors qu’il plonge plus avant dans la folie, à l’été de 1989).

Abandonnant tout espoir d’un éclaircissement venant de lui, nous nous engageâmes sur la voie des explications scientifiques. (Sans résultat. Ruinant notre autre travail plus important. Mettant sens dessus dessous les divers projets de notre laboratoire – et toute la physique avec.)

Pour donner une idée de la façon dont nous avons perdu notre temps, je peux rapporter que le premier « indice » vint de la forme de la MVTLT, laquelle, comme je l’ai dit, était celle d’un cristal de sulfure de plomb, ou galène. Yang souligna le fait que la galène est utilisée comme semi-conducteur dans les rectificateurs cristallins de courant ; ce sont des moyens de transformer le courant alternatif en courant direct. Ils opposent au courant électrique une plus grande résistance dans un sens que dans l’autre. Y avait-il là une analogie avec le flux temporel ? La géométrie de la MVTLT – ou la géométrie des énergies circulant dans les parois de métal, certainement bourrées de circuits imprimés – pouvait-elle effectivement empêcher l’écoulement du temps, et l’inverser ? Nous n’avions aucun moyen de pénétrer dans la MVTLT. Les tentatives d’effraction se révélèrent tout à fait inefficaces, et on les abandonna bientôt ; et les examens aux rayons X furent ratés, sans doute à cause de la présence d’alliages de plomb dans les parois. Un examen sonique fournit des images approximatives des formes internes, mais rien d’aussi complexe que des circuits électriques ; aussi fut-on obligé de compter seulement sur ce qu’on pouvait voir de la forme extérieure, ou par la fenêtre – et sur la pure théorie.

Yang fit aussi remarquer que les rectificateurs à base de galène fonctionnent de la même façon que les valves à diode. Outre la transformation du flux électrique, ils peuvent également démoduler. Ils séparent les informations contenues dans une onde porteuse modulée, comme un poste radio, ou TV. Contemplions-nous, en la MVTLT, une machine à trier « l’information » – le véhicule lui-même, et son passager – d’une onde porteuse s’étirant dans le temps ? La MVTLT était-elle l’analogie solide, tangible, d’une image TV tridimensionnelle, passée à l’envers ?

Nous construisîmes de nombreux modèles de la MVTLT d’après ces idées, essayant de les envoyer dans le passé, le futur – n’importe où, enfin ! – Ils restèrent tous au laboratoire, dans un monotone présent, obstinément rivés à notre espace et à notre temps.

Kelvin, se rappelant son impression d’avoir vu la MVTLT se déployer à partir d’un point, remarqua que c’était ainsi que des êtres tri-dimensionnels, comme nous, pourraient percevoir le premier empiétement sur notre espace d’un objet quadri-dimensionnel. Ainsi, une sphère 4 D apparaîtrait comme un point, se dilaterait en une sphère complète, puis se contracterait de nouveau en un point. Mais un octaèdres-et-cubes 4 D ? Selon nos mathématiciens, cette forme ne pouvait avoir d’analogue régulier dans l’espace à quatre dimensions, seul un octaèdre simple le pouvait. De plus, quelle aurait été l’utilité d’une machine temporelle à quatre dimensions qui deviendrait ponctuelle au moment précis où son passager y entrerait ? Non, la MVTLT n’était pas un véritable corps quadri-dimensionnel ; mais nous perdîmes de nombreuses semaines à essayer sur ordinateur des programmes la décrivant comme telle, arguant que son passager était un homme issu d’un espace 3 D normal, emprisonné dans une structure spatiale 4 D ; le décalage d’une dimension entre lui et son véhicule l’isolait du reste de l’univers de façon à lui permettre de voyager en arrière dans le temps. Il voyageait bel et bien vers le passé, c’était à présent absolument évident d’après son comportement alimentaire (c.à.d. : il régurgitait) bien que son extrême dissimulation quant aux fonctions corporelles, en sus de la saleté, fît qu’il nous fallut plusieurs mois avant d’en être certains, dans ces conditions.

Tout ceci suscita alors un autre problème impossible à résoudre : si la MVTLT voyageait vraiment en arrière dans le temps, où disparaissait-elle donc exactement, en cet instant de son arrivée, le 1er décembre 1985 ? Le passager ne devait pas être parti pour une expédition archéologique, sinon il aurait essayé de sortir de là.

Enfin, au milieu de l’été 1989, notre passager brandit une note écrite en majuscules sur une grande ardoise de plastique auto-effaçante :

DIFFICILE EN DESCENDANT,
FACILE EN MONTANT !

Il la tint pendant dix minutes contre la fenêtre ; les lettres étaient de maigres pattes de mouche mal fichues, aussi mal fichues que lui.

C’était peut-être bien son dernier moment de lucidité avant la plongée finale dans la folie, une manifestation de son désespoir devant l’inanité de ses efforts pour communiquer avec nous. Ensuite, ce sera en descendant, tout du long, interprétâmes-nous. Nous voyant avec nos visages toujours pleins d’ardeur, et toujours déconcertés, il ne put à partir de ce moment que baragouiner de façon incohérente, comme un singe furieux, devant notre totale stupidité.

Il ne fit aucune autre communication pendant les trois mois qui s’écoulèrent ensuite.

Quand il brandit son message suivant (c’est-à-dire son avant-dernier message) il semblait légèrement en meilleur état, un peu moins fou – relativement, si on considère sa saleté finale et ses marmonnements insensés.


LA SOLITUDE ! MAIS LAISSEZ-MOI TRANQUILLE !
IGNOREZ-MOI JUSQUEN 1995 !


Nous présentâmes nos propres pancartes (auxquelles, nous le réalisâmes bientôt, son message répondait.)

VOYAGEZ-VOUS EN ARRIÈRE DANS LE TEMPS ? COMMENT ? POURQUOI ?

Nous aurions bien aimé aussi demander : DISPARAISSEZ-VOUS LE 1ER DÉCEMBRE 1985 ? Mais nous estimions déraisonnable de poser cette question, la plus pertinente pourtant dans le cas où cette disparition constituait quelque catastrophe, et où nous lui aurions en fait appris d’avance sa condamnation, accélérant sa désagrégation mentale. Le Dr Franklin protesta que c’était une absurdité : le passager était devenu fou de toute façon. Cependant, si nous avions transmis ce message, quels remords n’aurions-nous pas ressentis. Car nous aurions pu avoir causé sa folie et ruiné quelque magnifique entreprise… Nous étions certains que ce devait être une entreprise magnifique, pour entraîner un tel sacrifice personnel, une telle abnégation, une telle séparation d’avec le reste de la race humaine. C’était à peu près notre seule certitude.


(1995) Aucun progrès avec notre énigme. Toutes nos recherches sont consacrées à sa résolution, mais à l’insu du passager. Tandis que par roulement des étudiants de Maîtrise l’observent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nos meilleurs cerveaux s’occupent de la véritable recherche, dans une autre partie du bâtiment. Lui, il est assis dans son véhicule, moins sale à présent, moins fripé, mais d’une monumentale taciturnité : un moine Trappiste ayant fait vœu de silence. Il passe le plus clair de son temps à relire les mêmes livres écornés, qui sont tombés en pièces dans notre passé : le Journal de l’année de la peste, et Robinson Crusoë, de Defoe, et, de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre. Et à écouter ce qui est vraisemblablement de la musique enregistrée – dont il a arraché les bandes, vidant les cassettes, en 1989, lançant des serpentins dans ses minuscules quartiers d’habitation, en une brève et folle fiesta (que bien sûr nous voyons alors comme une soudaine frénésie de démêlage et de rembobinage, à une vitesse et avec une minutie maniaques, de bandes qui se trouvaient répandues à terre et piétinées depuis des années).

En apparence, nous l’avons ignoré (et lui nous) jusqu’en 1995 : dans l’hypothèse que son dernier message avait quelque signification. N’étant parvenus à aucun résultat par nous-mêmes, nous espérons quelque chose de lui, à présent. Dans la mesure où il est plus propre, plus ordonné, et en meilleure santé mentale maintenant, en cette année 1995 (et par surcroît dix ans plus jeune), nous avons une meilleure idée de son âge réel ; et ainsi quelque indice de l’époque où il a pu commencer son voyage.

Il doit avoir environ cinquante ans – quoiqu’il ait terriblement vieilli dans les dix dernières années, paraissant plutôt soixante-dix ou quatre-vingts ans, quand il a atteint 1985. En présumant que le futur n’a pas en réserve des drogues de longévité (auquel cas il peut avoir un siècle, ou plus !) il doit être entré dans la MVTLT quelque part entre 2010 et 2025. Cette dernière date, qui lui donne alors à peine la vingtaine, sinon moins, suggère assez un « volontaire-suicide », qui est seulement un passager du véhicule. L’autre date suggère un chercheur plus mûr, qui a joué un rôle important dans la mise au point de la MVTLT, et qui était prêt à la tester uniquement sur lui-même. Assurément, maintenant que sa folie s’est calmée, devenant une posture immobile, méditative, et concentrée, accompagnée d’activités normales comme la lecture, nous avons tendance à le voir comme un homme pourvu d’une envergure morale certaine, plutôt que comme un kamikaze temporel. Aussi avons-nous placé la date de commencement de son voyage entre 2010 et 2015 (dans seulement quinze ou vingt ans), quand il aura la trentaine.

Outre la physique théorique, les sciences spatiales élémentaires ont été considérablement détournées de leur cours normal par la présence du voyageur.

Le principal espoir, pour envoyer l’homme dans les étoiles, résidait dans la mise au point de quelque système d’hibernation, ou de cryogénisation. De toute évidence rien de tel n’existe vers 2015, ou notre passager l’utiliserait. Seul un fou accepterait de s’asseoir dans un petit compartiment pour des dizaines d’années d’affilée, en subissant la pourriture du vieillissement, s’il pouvait passer le temps à dormir, et s’éveiller aussi jeune que le jour de son départ. D’un autre côté, les systèmes qui entretiennent son existence paraissent si impeccables qu’il peut vivre pendant des décennies dans les limites étroites de ce véhicule, en utilisant de l’air, de l’eau et des matières solides recyclées avec une efficacité de 100 %. Ceci représente une mise de fond non-négligeable dans la recherche et la mise au point, et elle doit avoir été empruntée à un autre champ scientifique, évidemment les sciences spatiales. Les astronautes des environs de 2015 ont donc besoin de systèmes de survie capables de les maintenir bien réveillés pendant des années, des décennies. Dans quelle sorte de voyage spatial doivent-ils donc être impliqués pour avoir besoin de tels systèmes ? Eh bien, ils ne peuvent qu’aller vers les étoiles – lentement ; quoique pas très lentement. Pas pendant des centaines d’années ; mais des décennies. Des hommes d’un immense dévouement à leur tâche doivent passer de nombreuses années coincés dans un vaisseau spatial minuscule et solidaire, pour atteindre Alpha Centauri, Tau Ceti, Epsilon Eridani, ou quoi encore… Si leur environnement est si restreint, c’est que le coût de tout fret supplémentaire est prohibitif. Maintenant, qui envisagerait de faire un tel voyage par simple curiosité ? Personne. C’est une idée ridicule. À moins que ces héros n’emportent vers leur point d’arrivée quelque chose qui le reliera définitivement et instantanément à la Terre. Un décodeur tachyonique, c’est la seule explication. Ils emportent avec eux l’élément récepteur d’un système de transmission tachyonique destiné à envoyer des objets, et même des êtres humains, dans les étoiles !

Aussi, pendant qu’une moitié de la physique se collète aujourd’hui avec le problème des flux temporels inversés, l’autre moitié, subventionnée par la plus grande partie du budget destiné à l’espace, et prenant le pas sur le programme spatial pré-existant, essaie de mettre au point des façons de maîtriser et de moduler les tachyons. Ces particules plus rapides que la lumière semblent assurément exister. Nous en sommes à peu près certains, à présent. Le principal problème, c’est qu’on a d’abord besoin de la technologie pour les contrôler afin de prouver qu’elles existent vraiment, et ainsi pouvoir trouver comment les contrôler.

Tout ce redéploiement de la science – à cause de lui, de cet homme assis dans son énigmatique véhicule, et qui s’est délibérément séparé de nous, cet homme plongé dans sa lecture de Robinson Crusoë, avec une expression tendue, à mesure qu’il se rapproche peu à peu, dans son propre temps, de son effondrement mental.


(1996) Si vous étiez enfermé dans une MVTLT pendant dix années, voudriez-vous avoir constamment un calendrier sous les yeux – ou non ? Serait-ce une consolation, ou une irritation ? De toute évidence, ses instruments sont réglés, à moins qu’il n’ait été tout à fait fortuit que son voyage se terminât le 1er décembre 1985 à midi précisément ? Mais peut-il voir les indications de ses instruments ? Ou préfèrerait-il être surpris tout à coup par la fin du voyage, plutôt que de contempler le lent déroulement grinçant des années ? Vous comprenez, nous essayons d’expliquer pourquoi il n’a pas communiqué avec nous en 1995. Les condamnés à l’isolement total conservent leur santé mentale en gravant avec leurs ongles des groupes de jours rayés par cinq sur les murs, comme des grilles ; sentir passer le temps les aide à conserver le moral. Mais d’un autre côté, les tests de perception temporelle faits par des volontaires dans des souterrains, pendant des mois d’affilée, montrent que l’horloge interne retarde considérablement – jusqu’à deux semaines sur une période de trois mois. Notre passager de la MVTLT peut gagner un sursis d’un an – ou cinq ans – sur la durée subjective totale de son voyage, en ignorant le passage du temps. Les volontaires, dans leur trou, n’avaient rien pour savoir si c’était le jour ou la nuit ; mais après tout, lui non plus ! Depuis son arrivée, les lampes ont été constamment allumées dans le laboratoire ; il a été continuellement sous observation…

Ce n’est pas un condamné, sinon il protesterait sûrement, il supplierait qu’on le laisse sortir, il s’abandonnerait à notre merci, il nous donnerait un indice sur la nature de son problème. Est-il porteur de quelque maladie fatale – une maladie si incroyablement contagieuse qu’elle affecterait toute la race humaine s’il n’était pas isolé ? Qui ne peut être isolée que dans une capsule temporelle étanche ? Que même l’isolement sur la Lune ou sur Mars n’empêcherait pas de contaminer la race humaine ? Il n’en a vraiment pas l’air… Supposez qu’il doive être isolé pour une excellente raison, et supposez qu’il soit d’accord et participe à son propre isolement (ce qu’il fait visiblement, assis là à relire Defoë pour la énième fois) qu’est-ce qui exige donc la séparation chirurgicale d’un homme et de tout le continuum de la vie humaine, de son propre temps, et de sa propre espèce ? La médecine, la psychiatrie, la sociologie, toutes les sciences humaines sont attirées au cœur du problème dans le sillage de la physique et des sciences spatiales. Assis là, sans rien faire, cet homme est devenu une sorte d’entonnoir, un trou noir humain où s’engouffre une énorme quantité d’énergie, pour une augmentation très minime du rayon de notre compréhension. Cet unique individu a accumulé autant de potentiel explosif qu’un atome unique accéléré jusqu’à la vitesse de la lumière – et nécessitant toute l’énergie disponible dans l’Univers pour le maintenir dans cet état intolérable.

Cependant, les laboratoires orbitaux qui travaillent sur les tachyons rapportent qu’ils sont juste sur le point d’unifier la mécanique quantique, la théorie de la gravitation et la relativité. De là, ils vont enfin faire « sauter » les premiers paquets de particules à haute énergie de l’autre côté de la barrière luminique – pour aller au-delà de la vitesse de la lumière, et revenir dans notre espace. – Mais ils ont déjà dit cela l’an dernier, et leurs paquets de particules leur ont ressauté dans le nez sous forme d’antimatière, annihilant pour cinq milliards de dollars d’équipement – et faisant trente morts. Ils n’avaient nullement sauté dans le mode tachyonique, ils s’étaient plutôt « moebiussés » à travers des trous dans le tissu spatio-temporel.

Néanmoins, prisonnier par conscience (de sa propre conscience, sûrement !) ou quoi qu’il soit, le passager de notre MVTLT acquiert chaque année plus de noblesse à nos yeux. À mesure que nous nous éloignons de sa démence finale, ce qui nous frappe de plus en plus c’est son abnégation, son sacrifice personnel (pour une cause qui échappe encore à notre compréhension), sa spiritualité Wittgensteinienne. « Considérez-le en tout et pour tout, c’est un Homme. Nous ne verrons pas son pareil… » Une autre fois ? Nous verrons son pareil. Nous le verrons, lui-même, de plus en plus grand chaque année ! C’est ce qui est merveilleux. C’est comme si le Christ, parfaitement authentifié comme Fils de Dieu, était décrucifié, comme si sa vie tout entière se rejouait devant nos yeux tandis que nous connaîtrions pleinement son véritable rôle. (Sauf que… le rôle de cet homme-ci – c’est le silence.)


(1997) Sans aucun doute, c’est un saint, qui souffrira une crucifixion spirituelle pour l’amour de quelque grandiose projet humain. En ce moment, il relit L’année de la peste, de Defoe, ce classique de l’incarcération collective, de la résistance de l’esprit humain, de la capacité humaine à l’organisation. Assurément, l’allusion à la « peste » dans le titre n’a rien à voir. C’est la pure force de l’esprit, victorieuse de la Grande Peste de Londres, qui est la véritable tonalité dominante du livre.

Notre passager est l’objet de cultes populaires, à présent – et un foyer de concentration pour des émotions plus subtiles. Ainsi, sa seule présence a rapproché les peuples du monde, en promouvant le respect et la dignité, en nous écartant d’une guerre imminente, en libérant de leurs camps de concentration des milliers d’êtres humains. Ces cultes vont de manifestations simplement liées à la mode – des T-shirts imprimés avec son visage, à présent bien rasé, avec une barbe à la Vandyke ; des anneaux et des chapelets faits de cristaux de galène – en passant par l’architecture (des modules de méditation en forme d’octaèdres-et-cubes) jusqu’à des styles de vie : dans le genre Zen, « Être assis tranquillement sans rien faire ».

Il est tout à la fois, pour notre monde, le Penseur de Rodin, l’Apollon du Belvédère et le David de Michel-Ange ; et le millénaire approche de sa fin. Jamais il n’y a eu autant de rééditions des deux livres de Defoe et de Jules Verne. Les gens les apprennent par cœur comme exercices de méditation et les récitent comme les mantras parfaitement lucides et rationnelles de l’Occident.

Le Laboratoire National de Physique est devenu un lieu de pèlerinage ; notre pelouse et nos terrains sont un vaste camping-Woodstock et Avalon(9), Rome et Arlington(10) tout à la fois. Des derniers jours du voyageur et de leur dégradation totale et loqueteuse, on parle moins – quoiqu’ils aient aussi leurs adhérents, leurs anachorètes de la fin vingtième, leurs St Antoines perchés sur des colonnes, ou emmurés dans des caves en plein désert urbain, ramenant une austère spiritualité dans un monde qui semblait avoir perdu son âme. Mais c’est un phénomène marginal ; la tonalité dominante en est une de noblesse, de maîtrise de soi, de calme respect d’autrui.

Et voilà qu’il brandit un message sur son ardoise :

JE NE VEUX RIEN DIRE, NE FAITES PAS ATTENTION À MA PRÉSENCE OCCUPEZ-VOUS DE VOS AFFAIRES, JE VOUS EN PRIE. JE NE PEUX RIEN EXPLIQUER AVANT 2000.

Il tient ce message pendant toute une journée, avec une expression qui n’en est pas exactement une de colère, mais de légère tristesse. Le monde entier, en entendant la nouvelle, soupire de joie devant cette manifestation de modestie, de maîtrise de soi, de réserve, d’humilité. Ce doit être le message promis pour 1995, en retard de deux ans (ou en avance, de toute évidence, le passager de la MVTLT a encore beaucoup de chemin à faire). À présent l’homme est un Oracle ; il est le Millénaire. Cet endroit est Delphes.

Les laboratoires orbitaux rencontrent davantage de difficultés dans leur recherche sur les tachyons ; mais les subventions continuent de pleuvoir, les donations privées aussi, à une échelle sans précédent. Le monde se libère de ses surplus de richesses pour dépouiller la matière et l’envoyer au-delà de l’interface qui sépare les vitesses infraluminiques des vitesses transluminiques.

En ce qui concerne les modules à recyclage total pour ceux qui transporteront les récepteurs tachyoniques jusqu’aux étoiles, la mise au point se porte bien ; un fait qui soulève naturellement une question sur le paradoxe : la présence du voyageur a-t-elle effectivement stimulé le développement de la technologie qui lui permet précisément de survivre ? Nous, au Laboratoire National de Physique et dans tous les autres du même type dans le monde entier, nous sommes convaincus de faire bientôt un pas décisif dans la compréhension de l’inversion temporelle – laquelle, nous le sentons intuitivement, doit être reliée à cette autre interface universelle dans le domaine de la matière, l’interface entre notre monde et celui des tachyons. Et nous sentons aussi, de façon paradoxale, que notre recherche actuelle doit sûrement conduire à la mise au point de la MVTLT, qui deviendra alors d’une si opportune nécessité pour nous, pour des raisons encore inconnues. Personne n’a l’impression de perdre son temps. Le voyageur est le Futur. Sa présence parmi nous justifie chacun de nos efforts – même la plus sans issue des voies sans issues.

Quelle sorte de Messie doit-il être au moment où il pénètre dans la MVTLT ? Quel charisme – respect, émerveillement – n’a-t-il pas dû accumuler une fois arrivé à son point de départ ? Mais c’est le monde entier qui va l’envoyer ! Il sera le foyer d’un tel espoir collectif, d’une telle adoration que nous commençons même à examiner sérieusement les phénomènes Psi, le concept d’une pulsion mentale collective comme hypothèse expliquant son mode de déplacement – comme s’il ne se trouvait pas sur un vecteur traversant le temps de l’espace quadri-dimensionnel, mais à l’extrémité d’une onde-guide constituée par la puissance de la volonté et du désir humain.


(2001) Le millénaire arrive et s’en va sans aucune révélation. Bien sûr, c’est prévisible ; le voyageur est décalé d’un an, ou de dix-huit mois (de toute évidence il ne peut pas voir ce qu’indiquent ses instruments – c’était son choix, sa façon de rester sain d’esprit tout le long du long chemin).

Mais enfin, aujourd’hui, en l’automne de 2001, il montre un message, avec une certaine jubilation tranquille :

QUITTERAI-JE 1985
EN BON ÉTAT PHYSIQUE

Une jubilation tranquille parce que nous avons déjà (de son point de vue à lui) brandi la réponse :

OUI ! OUI !

Nous l’encourageons tous avec passion. Ce n’est pas vraiment un mensonge que nous lui transmettons. Il est parti en relativement bon état physique. C’était son esprit qui était en ruine… Peut-être est-ce inessentiel, non-pertinent, ou sinon il n’aurait pas posé sa question de façon à n’évoquer que son corps.

Il doit approcher du moment de son départ. Il a un léger accès de cafard après dix ans, l’anxiété de la première décennie, des doutes personnels – que nous dissipons pour lui…

Pourquoi ne sait-il pas dans quel état il est arrivé ? Assurément ce doit être indiqué dans les rapports qui étaient à sa disposition avant son départ… NON ! Le temps ne peut être invariable, déterminé. Pas même le Passé. Le Temps est probabiliste. Le passager s’est bien gardé de faire des commentaires, pendant toutes ces années, afin de ne pas défaire les fils du temps passé et de ne pas les retisser de façon différente en un dessin non souhaité. Un pilier de force, il a été ! Ein feste burg ist unser Seitgänger ! Enfin, retournons à notre tableau et aux équations probabilistes pour a) la diffusion des tachyons en espace normal b) l’inversion temporelle.

Quelques semaines plus tard, il montre un nouveau message qui doit être la révélation Delphique promise.

JE SUIS LA MATRICE DE L’HOMME

Bien sûr ! Bien sûr ! C’est ce qu’il a fait de lui-même au cours des années. Quoi d’autre ?

Une matrice est un moule à former une pièce. Et en vérité, à partir de lui, des formes ont été moulées, en nombre sans cesse croissant depuis la fin des années 1990, telle a été son influence !

A-t-il été envoyé en arrière dans le temps pour sauver le monde du suicide en lui présentant un paradigme parfait – lequel s’est effrangé puis réduit en lambeaux seulement dans les années 80, alors que ça n’avait plus/pas encore d’importance, alors qu’il avait déjà réussi ?

Mais une matrice, c’est aussi un ensemble de composantes permettant la traduction d’un code dans un autre. Et voici qu’on revient à l’hypothèse de Yang sur la démodulation de l’information, couplée maintenant à l’idée que la MVTLT est peut-être une matrice pour transmettre dans le temps et l’espace « l’information » contenue dans un homme (et les expérimentateurs des transmetteurs, en orbite, redoublent d’efforts) ; avec le corollaire (qui ne peut cependant guère être présenté au reste du monde, plongé dans son ravissement) : le passager n’était peut-être pas là du tout, en aucun sens réel du mot ; et il ne l’a jamais été ; nous assistions peut-être simplement à une expérience sur la possibilité de transmettre un homme à travers la galaxie, expérience faite sur une Terre future par une science future, pour tester le facteur de dégradation, l’altération de l’information – transposée de l’espace au temps de façon à pouvoir être observée par nous, leurs prédécesseurs ! Ainsi le déclenchement de la folie chez notre passager (c’est-à-dire la dégradation de l’information) mesurée en années à partir de son point de départ, pourrait fixer une limite physique en années-lumière à la distance à laquelle on pourrait envoyer un homme (tachyoniquement) ? Et cette hypothèse a été à la fois une terrible gifle pour les sciences spatiales – et un grand encouragement. Une gifle, parce que cela suggérait que le voyage physique à travers l’espace interstellaire doit être impossible, peut-être à cause de la fragilité humaine face au bombardement des rayons cosmiques ; et ainsi toute la mise au point des modules à recyclage total pour les astronautes solitaires doit-elle être considérée comme non-pertinente. Et pourtant, c’était un grand encouragement aussi, puisque la possibilité d’un transmetteur sans récepteur devenait plus vraisemblable. Yang, maintenant plus âgé, suggéra que le 1er décembre 1985 était en fait le moment du décollage vers les étoiles. L’endroit où notre passager s’est alors rendu, lui et sa folie, était un point de l’espace distant de trente à quarante années-lumière. La MVTLT constituait donc le test destructif d’un système futur destiné à transmettre un homme par faisceaux d’ondes, et les futurs modèles de série fonctionneraient uniquement dans des limites spatiales (temporelles) de l’ordre de sept ou huit années. (C’est pourquoi aucune autre MVTLT n’avait jusqu’ici implosé dans notre espace-temps.)


(2010) Je suis las du travail sans résultat de toute une vie. Pourtant la race humaine en général est à la fois pleine d’un amour tranquille et d’un espoir frénétique. Car nous devons approcher de notre but. Notre passager a la trentaine à présent (un individu bien vivant, ou seulement la manifestation épiphénoménale d’un système destiné à transmettre l’information contenue dans un être humain : littéralement « le fantôme dans la machine »). Cela constitue une limite. Une limite. Il n’a pas pu partir en possédant une telle force spirituelle avant d’avoir vingt ans, ou (j’espère sincèrement que non) peu avant. Quoique cet âge soit en effet la meilleure période pour les vœux de chasteté, l’entrée dans les monastères, la consécration d’une vie tout entière à une cause…


(2013) Arraché à ma solitude par l’euphorie générale, j’ai réussi à faire retarder ma mise à la retraite pour quatre ans. Notre passager a environ vingt-cinq ans à présent, et il s’effectue une inversion étrange de son « culte », qui correspond (je pense) à un courant profond d’anxiété aussi bien que de joie. La joie, de toute évidence, parce qu’arrive le moment où il fait son choix et entre dans la MVTLT, comme le Christ a abandonné la menuiserie pour quitter Nazareth. L’anxiété, pourtant, devant la possibilité de lui voir dépasser ce point critique et glisser vers l’enfance ; aussi ridicule que cela paraisse ! Il sait lire ; il n’a pas pu apprendre tout seul. Et il ne peut pas non plus s’être appris à parler in vitro – or il nous a délivré des messages lucides, quoique mystérieux, de temps à autre. La chanson à succès dans le monde entier cette année, néanmoins, c’est Le Voyageur Mental, de William Blake, avec arrangement pour citar, gongs et glockenspeil…


Car pendant qu’il boit et mange

Il rajeunit d’heure en heure

Et dans le désert sauvage tous deux voyagent

Pleins d’épouvante et de terreur…


La crainte muette exprimée par cette chanson, c’est qu’il peut encore nous échapper ; qu’il peut glisser vers l’enfance, et qu’au moment de sa naissance (quels que soient les systèmes qui seraient alors apparus pour le maintenir en vie jusque-là !) la MVTLT implosera et retournera là d’où elle est venue : la mauvaise plaisanterie de quelque superconscience extra-terrestre, intervenant dans les affaires humaines avec un « miracle » scientifique visant à rendre tous les efforts humains absurdes et sans portée. Peu de gens expriment ouvertement ces sentiments. Ce n’est pas une opinion populaire. On pourrait se faire mettre en pièces si on y souscrivait en public. L’esprit humain ne l’acceptera jamais – et exorcise cette crainte en un long chant de joie qui à la fois tourne en dérision et imite et adore les mystères de la MVTLT.

Les hommes ont mis cet homme suprême dans la machine. Même ainsi, la Madone à l’Enfant hante l’esprit du monde… et une féminité tendre s’impose – des jupes pour les hommes, c’est la nouvelle mode vestimentaire occidentale, souple, douce et gracieuse. Pourtant, il a une telle noblesse, à présent, une telle prestance, dans sa jeunesse, il irradie une telle force ; c’est un tel Zarathustra qui est enfermé là dans cette machine…


(2018) Il ne peut avoir que vingt et un ou vingt-deux ans. Le monde l’adore, le monde est sa mère, par-delà l’infranchissable gouffre de l’inversion temporelle. Aucun progrès dans le système solaire, moins encore sur le front interstellaire. Pourquoi devrions-nous voyager au loin, même jusqu’à Mars, encore moins Pluton, quand tous les secrets seront révélés sur la Terre ? Aucun progrès non plus sur le front des tachyons ou celui du temps négatif. Du voyageur, plus aucun message ; sa seule présence suffit à exprimer l’Humanité : courage, sainteté, détermination.


(2019) On me rappelle de ma retraite, car il montre de nouveau des pancartes : l’athlète brandissant la flamme Olympique.

Il les tient pendant une demi-heure d’affilée – comme si nous n’étions pas là les yeux écarquillés, en train de filmer chaque instant au cas où nous manquerions quelque chose, n’importe quoi.

Quand j’arrive, les messages qu’il a déjà présentés ont annoncé :


(Première pancarte) : CECI EST UNE MACHINE À VOYAGER TRÈS LENTEMENT DANS LE TEMPS. (Et je corrige en conséquence, barrant toutes les autres appellations successives que nous avons utilisées au cours des années. Pendant quelques secondes je me demande s’il désigne réellement la machine – une définition – ou s’il s’en plaint ! Comme si, pour en devenir le passager, il avait été induit en erreur par la supposition qu’une machine à voyager dans le temps doit instantanément arriver à destination, plutôt qu’à une vitesse d’escargot. Mais non. Il lui donnait un nom.) POUR ALLER DANS LE FUTUR, ON DOIT DABORD ALLER DANS LE PASSÉ, EN ACCUMULANT UN RÉTROPOTENTIEL. (CEST CELA QUI EST « DIFFICILE EN DESCENDANT ».)


(Deuxième pancarte) : DÈS QUON A ACCUMULÉ UN QUANTUM IMPORTANT DE TEMPS, ON SAUTE VERS LAVANT, DE LA MÊME DISTANCE TEMPORELLE, AU-DELÀ DE SON POINT DE DÉPART. (CEST CELA, « FACILE EN MONTANT ».)


(Troisième pancarte) : LE VOYAGE DANS LE FUTUR PREND AUTANT DE TEMPS QUIL EN FAUDRAIT POUR VIVRE CES ANNÉES EN TEMPS RÉEL, MAIS ON SAUTE AUSSI LES ANNÉES INTERMÉDIAIRES, PARCE QUON ARRIVE INSTANTANÉMENT. (PRINCIPE DE CONSERVATION DU TEMPS.)


(Quatrième pancarte) : CEST POURQUOI POUR FRANCHIR LE FOSSÉ DUN BOND ON DOIT DABORD RAMPER DANS LAUTRE SENS.


(Cinquième pancarte) : LE TEMPS SE DIVISE EN QUANTA ÉLÉMENTAIRES. AUCUNE RÈGLE À MESURER NE PEUT ÊTRE PLUS PETITE QUE LÉLECTRON ÉLÉMENTAIRE, INDIVISIBLE : CEST UNE « LONGUEUR ÉLÉMENTAIRE » (LE). LE TEMPS MIS PAR LA LUMIÈRE POUR PARCOURIR UNE (LE) EST LE « TEMPS ÉLÉMENTAIRE » (TE) : C.A.D. 10+23 SECONDES : CEST UN QUANTUM ÉLÉMENTAIRE DE TEMPS. LE TEMPS SAUTE CONSTAMMENT DANS UNE DIRECTION, CHAQUE PARTICULE AYANT SES MINUSCULES QUANTA. MAIS NÉTANT PAS SYNCHRONISÉES, ELLES FORMENT UN OCÉAN TEMPOREL CONTINU PLUTÔT QUE DES « INSTANTS » DISCRETS SUCCESSIFS, SINON NOUS NAURIONS PAS UN UNIVERS COHÉRENT.


(Sixième pancarte) : LINVERSION TEMPORELLE PREND NORMALEMENT PLACE PARMI LES INTERACTIONS NUCLÉAIRES FORTES, C.À.D. DANS DES ÉVÉNEMENTS DE LORDRE DE 10+23 SECONDES. CECI REPRÉSENTE LE « FANTÔME » DU PREMIER INSTANT DE LUNIVERS, QUAND LA « FLÈCHE DU TEMPS » A ÉTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DÉTERMINÉE DE FAÇON STOCHASTIQUE.


(Septième pancarte) : (Et c’est le moment où je suis arrivé, et où on m’a montré des photos Polaroïds des sept premiers messages. De façon tout à fait remarquable, il tient chaque pancarte de façon à ce qu’elles constituent une séquence linéaire de notre point de vue ; un exploit considérable de préparation et de mémorisation, bien que nous n’en attendions pas moins de lui.) PRÉSENTEMENT, ELLE EST INVARIABLE ET FIGÉE ; POURTANT LUNIVERS VIEILLIT. LÉTIREMENT DE LESPACE-TEMPS, DÛ À SON EXPANSION, PROPAGE DES « VAGUES », PORTANT UNE ÉNERGIE TEMPORELLE DE PÉRIODE (X) PROPORTIONNELLE À LA VITESSE DEXPANSION, ET AU RAPPORT TEMPS ÉCOULÉ/ TEMPS TOTAL DISPONIBLE DANS LE COSMOS À PARTIR DES CONTRAINTES INITIALES. LES ÉQUATIONS POUR (X) DONNENT ACTUELLEMENT UNE PÉRIODE DE 35 ANS COMME DURÉE DU MACRO-TEMPS À LINTÉRIEUR DE LAQUELLE UNE INVERSION TEMPORELLE MACROSCOPIQUE DEVIENT POSSIBLE.


(Huitième pancarte) : CONSTRUISEZ UNE « COQUE ÉLECTRONIQUE » EN SYNCHRONISANT LINVERSION DES ÉLECTRONS. LE SYSTÈME LOCAL FORMERA ALORS UN MINICOSMOS TEMPORELLEMENT INVERSÉ QUI ÉVOLUERA RÉTROACTIVEMENT JUSQUÀ CE QUE (X) SOIT ÉCOULÉ. LA LOI DE CONSERVATION DU TEMPS TIRERA ALORS LE MINI-COSMOS (DE LA MVTLT) EN AVANT POUR LE RÉAJUSTER AU RESTE DE LUNIVERS DE 35 ANS PLUS 35.


« Mais comment ? » nous écrions-nous. « Comment synchronise-t-on une telle infinité d’électrons ? Nous n’en avons pas la moindre idée ! »

Mais au moins savons-nous maintenant quand il est parti : 35 ans après 1985. L’année prochaine. Nous sommes censés savoir tout cela pour l’année prochaine ! Pourquoi a-t-il attendu si longtemps pour nous donner les indices nécessaires ? Et il se rend en l’année 2055. Qu’y a-t-il en l’an 2055 qui soit si important ?


(Neuvième pancarte) : JE NE VOUS DONNE PAS CETTE INFORMATION POUR AMENER À CONSTRUIRE LA MVTLT. CEST TOUT À FAIT LINVERSE. LE TEMPS EST PROBALISTE, COMME CERTAINS DENTRE VOUS PEUVENT SEN DOUTER. JE COMPRENDS QUE JE VAIS SANS DOUTE PERVERTIR LE COURS DE LHISTOIRE ET DE LA SCIENCE PAR MON ARRIVÉE DANS VOTRE PASSÉ (LE MOMENT DE MON DÉPART POUR LE FUTUR). IL EST IMPORTANT QUE VOUS NE CONNAISSIEZ PAS VOTRE SORT TROP TÔT, SINON VOS EFFORTS FRÉNÉTIQUES POUR LÉVITER SUSCITERAIENT UNE LIGNE TEMPORELLE QUI VOUS EMPÊCHERAIT DÊTRE PRÊTS POUR MON DÉPART. ET IL EST IMPORTANT QUE CETTE LIGNE-CI DEMEURE. CAR JE SUIS LA MATRICE DE LHOMME. JE SUIS LÉGION. JE CONTIENDRAI DES MULTITUDES.

MA RÉTICENCE VISE UNIQUEMENT À MAINTENIR LE MONDE SUR DES RAILS DUNE STABILITÉ SATISFAISANTE, DE FAÇON À ME PERMETTRE LE VOYAGE DE RETOUR. JE VOUS DIS CELA PAR COMPASSION, ET POUR PRÉPARER VOS ESPRITS À LARRIVÉE DE DIEU SUR LA TERRE.


« Il est fou. Il l’a été depuis le départ. »

« — Il a été isolé là-dedans pour une excellente raison. Démence contagieuse, oui. »

« — Supposez qu’un fou puisse projeter sa folie… »

« — Il l’a déjà fait, depuis des décennies ! »

« — … non, je veux dire vraiment la projeter, dans la conscience du monde entier. Un fou possédant une telle force mentale qu’il agit comme un gabarit, oui, une matrice pour tous les autres esprits, et qu’il les a tous transformés en simulacres, en répliques de lui-même. Et seuls quelques êtres humains, immunisés, ont pu bâtir la MVTLT pour l’isoler… »

« — Mais nous n’avons plus de temps pour faire la recherche là-dessus ! »

« — À quoi bon éviter le problème pour encore 35 ans ? Cet homme ne ferait que réapparaître… »

« — Sans sa force. Dépouillé. Sénile. Brisé. Affamé par son manque de connexions avec la race humaine. Desséché. Une sangsue mentale. Oh, il a essayé de conserver ses forces. Assis bien tranquillement. La lecture, l’attente. Mais il a cédé ! Dieu merci. Il est vital pour le futur qu’il soit parti complètement fou. »

« — Ridicule ! Pour entrer dans la machine l’an prochain, il faut qu’il soit déjà vivant. Il doit être quelque part dans le monde, à projeter son hypothétique folie. Mais ce n’est pas le cas. Nous sommes tous des individus autonomes, sains d’esprit, libres de penser ce que nous voulons. »

« — Vraiment ? Le monde entier n’a pas cessé d’être de plus en plus obsédé par cet homme, ces vingt dernières années. Des engouements, des religions, des modes de vie : il a mis le monde entier sens dessus dessous depuis qu’il est né ! Il a dû naître il y a une vingtaine d’années, vers 1995. Jusque-là, il y a eu une quantité de recherches faites sur lui. La chasse au tachyon. Tout ça. Mais il n’a commencé à obséder le monde comme figure spirituelle qu’après. Aux alentours de 1995 ou 96. Quand il est né, quand il était bébé. Seulement, nous n’avons pas concentré nos esprits sur ses pulsions infantiles parce que nous l’avions là sous forme adulte pour nous obséder. »

« — Pourquoi devrait-il être né avec des pulsions infantiles ? S’il est si extraordinaire, pourquoi ne serait-il pas né en suçant déjà l’esprit collectif ? Déjà conscient, expérimentant déjà consciemment ce qui l’entourait ? »

« — Oui, mais le phénomène de charisme a réellement commencé à ce moment-là ! Toute cette intoxication émotionnelle, à cause de lui. »

« — Tout le maternage. Toute la peur et l’adoration mêlées de sa possible enfance. Toute l’hystérie style Bethléem. De plus en plus, à mesure qu’il grandissait, et que sa force de projection augmentait. Nous avons été aussi obsédés avec Bethléem qu’avec Nazareth, n’est-ce pas ? Les deux allaient main dans la main. »


(Dixième pancarte) : JE SUIS DIEU, ET JE DOIS VOUS LIBÉRER. JE DOIS ME SÉPARER DE MON PEUPLE. ME JETER DANS CET ENFER DISOLEMENT. JE SUIS VENU TROP TÔT. VOUS NÉTIEZ PAS PRÊTS POUR MOI.


Nous commençons à nous sentir glacés. Et pourtant nous ne pouvons percevoir le froid. Quelque chose nous en empêche, une sorte de tranquillité maligne et contagieuse.

Tout cela sonne tellement juste. Cela s’adapte si exactement dans nos têtes, comme la pièce manquante d’un puzzle pour laquelle le trou a été découpé, et qu’il attend : nous savons qu’il dit la vérité ; qu’il grandit quelque part dans notre monde béni, obsédé, n’attendant que le moment de venir à nous.


(Onzième pancarte) : (Même si l’ordre des pancartes était inversé dans le temps, de son point de vue, il y avait l’impression d’un réel dialogue entre lui et nous, comme si nous étions synchronisés. Pourtant, ce n’était pas parce que le passé était rigide, et il ne faisait que jouer un rôle qu’il connaissait grâce à « l’histoire ». Il était en fait aussi loin de nous qu’il l’avait toujours été. C’était sa présence floue, quelque part dans le monde réel, qui jetait son ombre sur nous, modelant nos pensées et adaptant nos questions à ses réponses. Et nous le réalisons, à présent, comme si des écailles nous tombaient des yeux. Nous ne faisions plus des hypothèses, nous n’étions plus à pêcher dans le noir ; une présence écrasante nous dictait tout, une présence dont nous étions tous conscients et qui n’était pas enfermée dans la MVTLT. La MVTLT était Nazareth, le point de départ ; et pourtant le monde entier était aussi Bethléem, la matrice du Dieu embryonnaire. Bas-âge, enfance, adolescence, combinés en une seule séquence synchrone par son omniscience, avec l’accent sur sa naissance merveilleuse qui se diffusait dans la conscience humaine, la saturait davantage à chaque instant.) MON AUTRE MOI A ACCÈS À TOUTES LES SPÉCULATIONS SCIENTIFIQUES QUE JAI SUSCITÉES ! ET JAI DÉJÀ LA SOLUTION DES ÉQUATIONS TEMPORELLES. JARRIVERAI BIENTÔT, VOUS CONSTRUIREZ MA MVTLT, ET JY ENTRERAI. VOUS LA CONSTRUIREZ À LINTÉRIEUR DUNE RÉPLIQUE EXACTE DE CE LABORATOIRE, DU CÔTÉ SUD. (En effet, il avait été prévu d’agrandir de ce côté le Laboratoire National de Physique, mais les plans n’avaient jamais été repris à cause du détournement général des recherches causé par la MVTLT.) QUAND JATTEINDRAI LE MOMENT DE MON DÉPART, QUAND LE TEMPS SINVERSERA, LA PROBABILITÉ DE CE LABORATOIRE-CI SÉVANOUIRA, ET LAUTRE LABORATOIRE AURA TOUJOURS ÉTÉ LE SEUL VRAI LABORATOIRE OÙ JE ME SERAI TROUVÉ, À LINTÉRIEUR DE CETTE MVTLT. LE TERRAIN VAGUE OÙ VOUS BÂTIREZ SERA ALORS ICI. VOUS POURREZ ASSISTER À LINVERSION. CE SERA MON PREMIER MIRACLE PROBABILISTE. IL Y A DES RAISONS HYPER-DIMENSIONNELLES À LINVERSION DES PROBABILITÉS, AU MOMENT OÙ AURA LIEU LINVERSION TEMPORELLE. NE SOYEZ PAS DANS CE LABORATOIRE-CI QUAND JE PARTIRAI, QUAND JE CHANGERAI DE VOIE TEMPORELLE, CAR CE SEGMENT DE RÉALITÉ CHANGERA AUSSI DE VOIE, IL DEVIENDRA IMPROBABLE, IL SERA ANNIHILÉ.


(Douzième pancarte) : JE SUIS NÉ POUR VOUS INTÉGRER EN MON SEIN ; POUR VOUS UNIFIER EN UN ESPRIT COLLECTIF, DANS LA PHASE SPATIALE DIVINE. POURTANT, VOS ÂMES INDIVIDUELLES CONTINUENT À EXISTER À LINTÉRIEUR DE CETTE FUSION. MAIS VOUS NÊTES PAS PRÊTS. VOUS DEVEZ DEVENIR PRÊTS EN 35 ANS, EN FAISANT LES EXERCICES MENTAUX QUE JE VOUS DONNERAI, MES MÉDITATIONS. SI JE RESTAIS AVEC VOUS, PRÉSENTEMENT, COMME MA FORCE AUGMENTE, VOUS PERDRIEZ VOS ÂMES. ELLES SERAIENT ASPIRÉES EN MOI, INCOHÉRENTES. MAIS SI VOUS PRENEZ DES FORCES, JE PEUX VOUS INTÉGRER SANS VOUS PERDRE. JE VOUS AIME TOUS, VOUS MÊTES PRÉCIEUX, CEST POURQUOI JE PARS EN EXIL. QUAND JE REVIENDRAI EN 2055, JE SURGIRAI DE LA TOMBE DU TEMPS, SANS AVOIR À MOISSONNER INUTILEMENT DES LIMBES QUI NE TIENNENT AUCUNE ÂME PRISONNIÈRE, PUISQUE VOUS ÊTES TOUS ICI, SUR LA TERRE.


C’était la dernière pancarte. Il est assis, il lit de nouveau, il écoute de la musique enregistrée. Il est radieux ; glorieux. Nous aspirons de toutes nos forces à tomber en lui, à être en lui.

Nous le haïssons aussi, nous le craignons ; mais l’Amour submerge la Haine, la rejetant dans les profondeurs.

Il rassemble ses forces, là, quelque part ; à Wichita ou Washington, ou Woodstock. Il viendra dans quelques semaines se révéler à nous. Nous le savons tous à présent. Et alors ? Pourrions-nous le tuer ? Notre esprit arrêterait notre main. Dans l’état actuel des choses, nous savons que sentir cette perte, ce pur et simple arrachement, quand il partira en avant dans le temps, va presque détruire nos âmes. Et pourtant… JE REVIENDRAI EN 2055, a-t-il promis. Nous intégrer, nous unir, en tant qu’âmes conscientes autonomes. Si nous pratiquons toutes ses méditations ; ou alors il nous aspirera en tant que simulacres, des robots, si nous ne nous préparons pas. Et que se passera-t-il alors, quand Dieu surgira de la tombe du temps, un Dieu dément ?

Sûrement, il sait qu’il finira son voyage dans la folie ! Qu’il nous intégrera tous, des êtres humains conscients, dans la matrice de sa propre démence !?

C’est un fait historique qu’il est arrivé en 1985 en loques, baragouinant des mots incompréhensibles, complètement fou – torturé au-delà de toute endurance parce qu’il était privé de nous.

Et pourtant, en 1997, il a demandé confirmation de sa bonne arrivée, joyeusement, et nous lui avons menti, nous lui avons dit OUI ! OUI ! Et il doit nous avoir cru. (Était-il déjà rendu fou par le manque ?)

Si le bâtiment du laboratoire peut basculer dans la probabilité du même bâtiment auto-adjacent, si le temps est probabiliste (ce que nous ne pouvons ni prouver ni infirmer concrètement avec un instrument de mesure quelconque, car nous ne pouvons jamais voir ce qui na pas été, toutes les alternatives possibles, bien qu’elles aient pu être), nous sommes obligés d’espérer que ce que nous savons être la vérité n’est pas la vérité. Nous ne pouvons qu’avoir foi en un autre miracle probabiliste qui aura lieu, au-delà de l’inversion promise des laboratoires, dont il nous a parlé, foi en son arrivée de 1985, où il sera effectivement calme, propre, radieusement sain d’esprit, tranquille. Et qu’est cet espoir, sinon une plongée dans la folie pour des êtres rationnels tels que nous ? Nous devons perpétrer un acte dément ; nous devons croire que le monde est autre qu’il n’a été – de façon à accueillir parmi nous un Dieu Sain d’Esprit, Béni, Aimant, en 2055. Belle préparation pour l’arrivée d’un Dieu dément ! Car si nous nous rendons fous, à croire passionnément une vérité qui n’a pas été, ne l’infecterons-nous pas de notre folie, de sorte qu’il doit être/ sera/ et a toujours été fou également ?

Credo quia impossibilis ; nous devons croire, parce que c’est impossible. L’alternative est trop abominable. Bientôt. Il va venir. Bientôt. Quelques jours, quelques dizaines d’heures. Nous le sentons tous. Nous sommes accablés de béatitude.

Et alors, nous devons le mettre dans une cellule, et le perdre, et le rendre fou de privation, dans l’espoir sûr et certain d’une résurrection dans la raison et l’amour à trente ans d’ici – pour qu’il ne libère pas les âmes de l’Enfer et ne les ramène pas avec Lui sur la Terre.



1 Jeu de mots intraduisibles sur W.A.S.P. : White Anglo-Saxon Protestant, la classe dominante du monde anglo-saxon. (N.d.T.)

2 Assassin professionnel Hindou, adorateur de la déesse de la Mort, Kali. (N.d.T.)

3 Manuel de divination. (N.d.T.)

4 Terme d’échec : aucun des deux adversaires ne peut bouger sous peine d’être mat. (N.d.T.)

5 En français dans le texte. (N.d.T.)

6 Silhouettes géantes gravées dans la craie aux temps préhistoriques et modernes, nombreuses dans tout le Royaume-Uni. (N.d.T.)

7 L’auteur emploie « Fairy », – « fée », qui est indifféremment mâle ou femelle en anglais. (N.d.T.)

8 Le terme MVTLT est introduit de façon rétrospective, eu égard à notre compréhension ultérieure du problème (2019).

9 Avalon : Île des Bienheureux, dans les mythologies Celtes. (N.d.T.)

10 Arlington : cimetière national Américain. (N.d.T.)


----------

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire