Au travail, un ami geek me parle de "Martyrs", un film d'horreur français qui a défrayé la chronique l'an dernier, c'est à dire qu'il a sans doute fait la couverture de Mad Movies deux fois d'affilée. Il me dit avoir été profondément éprouvé émotionnellement par ce film et me le recommande.
C'est le lendemain de la découverte d'un enfant de 7 ans, séquestré par ses parents dans une chambre depuis plusieurs années à Millau.
Je lui dis que c'est une raison suffisante pour s'épargner ce genre de films.
C'est trois jours avant le massacre de Stuttgart.
Je ne lui dis pas parce que je ne suis pas devin.
C'est le lendemain de la découverte d'un enfant de 7 ans, séquestré par ses parents dans une chambre depuis plusieurs années à Millau.
Je lui dis que c'est une raison suffisante pour s'épargner ce genre de films.
C'est trois jours avant le massacre de Stuttgart.
Je ne lui dis pas parce que je ne suis pas devin.
Une photo du film suffit à se dire "on s'y croirait".
Et de fait, au cinéma, quand on s'y croit, c'est qu'on y est.
Renseignement pris, uh-uh, je n'ai pas cru si bien dire, le film de mon copain c'est l'histoire épouvantable d'une enfant séquestrée qui se fait plus tard justice toute seule..."Sur vague fond de secte vouée au sado-masochisme, un déferlement de violence, de tortures, de manipulations. Plus écoeurant encore qu'effrayant." dit une critique aisée, alors que l'art est difficile. Et de fait, au cinéma, quand on s'y croit, c'est qu'on y est.
"Le problème n'est pas que certaines scènes soient insupportables de violence et de cruauté. Après tout, c'est ce que l'on demande à un film gore. Ce qui est impardonnable, c'est l'ineptie d'un scénario prétentieux aux relents misogyno-religieux." dit une autre dont on se peut se demander ce qu'elle a retenu du catéchisme.
"Un postulat d'une navrante bêtise, prétexte à peine voilé pour se rincer l'oeil et assouvir au passage quelques fantasmes sadiques." enchaîne une troisième, peu réceptive au cinéma de genre.
C'est bien, Allociné, à condition de commencer par les critiques du bas de page, celles qui ont le moins d'étoiles, on gagne un temps précieux quand on voulait sortir.
Bon, sans avoir vu le film, je vois le genre, la dégradation progressive du substrat psychologique des films d'horreur, allant du grand-guignol pour ados qui s'ennuient (Halloween) vers l'escalade actuelle, l'acharnement à montrer l'inmontrable, pour qui aucune atrocité ne peut sembler irréaliste au vu de l'actualité des faits de société, fournit des films de malades pour un public captif.
On se soigne de la dégueulasserie du monde en lui opposant une fiction encore plus abjecte.
Je pense à Irréversible, de Gaspard Noé, à Calvaire, d'un de ses disciples... les films qu'on peut regretter d'avoir vu, sauf si on surcompense le dépit par le récit de l'expérience "trouble et dérangeante" que ça a constitué.
Des films qui nous créent des sensations : leur disparition est un de ces foutus problèmes de riches qu'on a souvent sous nos latitudes.
Tiens, le producteur de Martyrs est le même que celui de Noé, c'est une petite bande de joyeux lurons... Pascal Laugier, le réalisateur : "Je voulais que chaque coup soit douloureux, non par quelque discours moral sur la représentation de cette violence, mais parce que c'est le sujet même du film : au bout, tout au bout de la violence, est-ce qu'il y a quelque chose ? Je crois qu'au fond, c'est le genre de questions que posent tous les films d'horreur que j'aime; en quoi et pourquoi la condition humaine est-elle aussi atroce ?"
Tous ces mecs, ils devraient se pencher sur le bouddhisme, qui répond de façon moins hésitante que la philosophie occidentale sur la question du Mal.
Mais bon, va tourner des films d'horreur bouddhiste après...
Alors on se spécialise plutôt dans le genre « survival », explorant soi-disant la nature humaine, alors qu'il ne met en scène que la bestialité larvée en chacun de nous. Qui ne demande parfois qu'à sortir, car comme le dit mon voisin quand il me voit scarifier à la main la mousse de ma pelouse, "il faut bien que tout le monde vive." et tout ce qui vit potentiellement aspire à se déployer, ça c'est sûr, madame Chaussure.
Dans ce cinéma bis du survival dont Délivrance est revendiqué comme l'ancêtre inspiré, Calvaire, Saw, The Descent et autres semblent revendiquer une filiation, je ne tiens qu'un quart d'heure.
"Partageant l'opinion commune selon laquelle le cinéma a été inventé pour photographier en gros plan la mort de jolies femmes", il me semble que tout cela a été traité dans le film de Michael Powell "Le voyeur" en 1959.
J'intuite que mon copain, ce qui lui a plu, dans ce film, c'est d'être l'otage consentant du sadisme du réalisateur. Ce genre de pulsions, ça marche mieux en tandem.
Un qui montre l'immontrable, et l'autre qui dégueule. Etre plongé dans l'intimité d'une barbarie que rien n'excuse, d'ailleurs le jour où la barbarie a besoin d'excuses, vous m'appelez, dans un enfer moral en sachant qu'il prendra fin après 90 minutes, permet de participer émotionnellement à des expériences extrêmes sans se sentir impliqué moralement.
C'est Nietzsche qui disait "Si tu plonges longuement ton regard dans l’abîme, l'abîme te regarde aussi, et n'oublie pas de ramener du pain".
Et Borges a dit la même chose de façon un peu différente : "On finit toujours par ressembler à ses ennemis".
L'hypocrisie consiste à broder dessus un baratin sur la transgression en prétendant vivre une expérience émotionnelle, sensorielle et spirituelle intense, baroque, crépusculaire,... comme j'ai pu le lire dans les réactions des internautes qui masque plus ou moins habilement nos ruses d'egos à nous nourrir de l'adrénaline exsudée par ce genre de films.
J'aimais bien Cronenberg, mais je peux pas voir un film de Haneke.
Suis-je pour autant un vieux con, et si oui, qui en a quoi que ce soit à fichtre ?
Tout pareil que toi, Eckhart Tolle disait que ce genre de film était fait par et pour des pain-body (des corps énergétiques qui se nourrissent du malaise quoi). On peut bien avoir tout le discours qu'on veut pour valider cette violence, ce qui se met en branle à l'intérieur ne se gère pas avec la tête et fait du dégat au final. Sauf si tu maîtrises les tantras je suppose.
RépondreSupprimerLe film d'horreur bouddhiste ce serait le survival qui te ferait ressentir de la compassion pour l'humain derrière son côté vicié, Soleil Vert fait ça d'une certaine façon.
Pareil dans un autre genre, en voyant Cloverfield (le film de monstre filmé en caméra subjective), j'étais tout plein d'empathie pour les héros.
Tiens pendant que j'y suis je remets mon commentaire disparu sur le billet du 23/02: Un éditorialiste israélien disait que tout le problème venait de l'impossibilité de chacun des camps d'accepter un scénario contradictoire (competing narrative), du coup le billet de Jean Daniel est vachement bien. D'ailleurs je me dis depuis longtemps que dans un débat, un très bon exercice pour juger du degré de bonne ou mauvaise foi des 2 parties consisterait pour le journaliste à leur demander (vraiment, sans accepter de réponse en bois) quelle part du discours de leur adversaire leur paraît valable, intéressante.
En tous cas la BA fait pas envie... Du coup je me demande en quoi Vendredi 13 est mieux (surtout Jason X), c'est sûrement parce que c'est drôle. Car contre quand on voit les interviews de l'acteur, c'est sûr que ça n'a pas arrangé sa santé mentale, on l'imagine assez bien séquestrer qqn dans sa cave...
RépondreSupprimerJe pense que ce qui manque dans Martyrs sans l'avoir vu c'est une figure archétypale. Dès qu'un film d'horreur en contient une, je trouve qu'il devient bon. Comme Resident Evil, surtout le 2, où il y a 2 figures archétypales + des bestioles qui font trop peur. C'est aussi le succès des Dracula, d'Hannibal et cie... il faut qu'il y en ait un qui sorte du lot, que ça soit du bon ou du mauvais côté, sinon on s'emmerde.
K., je pense qu'en fait, plein de films peuvent être vus comme "films d'horreur bouddhiste", surtout ceux dont ce n'était pas l'intention des auteurs. Flopinette nous faisait dans le temps des exégèses hallucinantes sur ce que je voyais comme des nanards de série Z.
RépondreSupprimerc'est gentil de ne pas m'accuser d'avoir fait disparaitre ton commentaire du 23/02, je ne l'ai pas vu passer, et depuis j'ai mis les commentaires en libre service. Ca serait ballot d'en accuser le complot judéo maçonnique (tareum).
Flo, il me semble avoir vu récemment un film de chtrouille assez réussi sur le plan des archétypes c'est the Mist, d'après Stephen King.
a ne pas confondre avec Myst, le jeu des frères Miller.
A ne pas confondre avec les frères Coen.
J'ai aussi vu The Mist, mais c'était tellement nul en comparaison de la nouvelle. Ce brouillard ce qu'il avait de bien, c'est qu'on pouvait imaginer plein de trucs dedans, mais une fois qu'on les voit, ça n'est plus intéressant du tout.
RépondreSupprimerah oui tiens c'est comme la différence entre le fantasme et les pornos. Les deux adjectifs favoris de Lovecraft étaient l'indicible et l'innomable, au cinéma c'est difficile à réussir. Par définition, plus on en voit, moins on a peur.
RépondreSupprimerAh tiens monsieur warsen regarde tout de même quelques films dis de genre comme the mist???
RépondreSupprimerJe pensais qu'il avait passé l'âge...
Il est un point commun fortement interressant entre martyr, cloverfield, the mist, the host...
se sont des films de fin de siècle, de fin du monde nihilistes au possible, on touche du doigt la fin du monde ou la fin de vie sans jamais avoir de reponse derriere, cette peur de la mort a déjà été très présente à differents siècles, souvent lié à une peur de l'avenir.
Alors peut on critiquer le fait que certains films traitent de cette peur? de cet inconnu? de l'après? le probleme pour martyr ou haneke est ailleurs, il se trouve dans le filmage dans la réalisation froide de ces films, touchant presque au quotidien très loin d'une mise en image hollywoodienne à la lumière trop léchée ( ni voyez rien de sexuel dans ces termes hein...), nous renvoyants un mirroir de la noirceur de l'âme humaine, et ainsi toucher un masochiste certe mais aussi des emotions reflectives internes, et celà n'est il pas le propre du cinéma?
Probleme, doit on passer par une ultra violence pour celà, effectivement pas sur et c'est certainement le gros soucis de martyr de tomber dans un gore malsain ( mais jamais gratuit contrairement aux saw))d'autant que la realité devient de plus en plus proche de la fiction, en effet le lendemain du visionage de martyr on decouvrait un enfant enfermé depuis des annees dans une petite pièce avec pour seul meuble un matelas imbibé des rejets naturels du cycle de la vie humaine...l'horreur réel cette fois.
Je passerais vite fais sur le fait que ce débat est ancestral, en effet le cinéma depuis qu'il existe c'est évertué de montrer du sang de la chique et des mollards, depuis "la sorcellerie à travers les ages " montrant divers tortures, à " la dérobade" et ces passages à tabacs pour rendre dociles les victimes afin de les mettre sur le trottoir, jusqu'aux grand guignolesque (divertissements basés sur un spectacle d'horreurs macabres et sanguinolentes) saw et autres suites.
L'essentiel dans tout delà étant de prendre le recul nécessaire afin de comprendre ce que l'on voit et de voir ce que l'on ne comprends pas.
Aller moi je file retourner voir "hilga la louve ss" et "la comtesse perverse"